Les Deux Serpents
Fuis la femme, crains la vipère,
En tous lieux, en toute saison,
Et prends garde à leur trahison,
Même à l’heure où ton âme espère !
Ces deux serpents-là font la paire :
L’Amour est jumeau du Poison.
Fuis la femme, crains la vipère,
En tous lieux, en toute saison !
Avec le soupçon pour compère,
Avec la Mort pour horizon,
Cours la Vie ! et que la Raison
Soit toujours ton point de repère !
Fuis la femme, crains la vipère !
poésie de Maurice Rollinat
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La Fontaine
La fontaine du val profond
Luit au bas des vieilles tourelles
Dont les toitures se défont
Et dont les girouettes grêles
Vont et viennent, viennent et vont.
Jamais la mousse de savon
N’a troublé ses plissements frêles :
Elle est limpide jusqu’au fond,
La fontaine.
Sur ses bords les saules me font
Des éventails et des ombrelles ;
Et là , parmi les sauterelles,
J’arrête mon pas vagabond
Pour lire Virgile et le bon
La Fontaine.
poésie de Maurice Rollinat
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Le Moulin
Tic tac, tic tac ! Le moulin sonne,
Enfariné par tous les bouts,
Près du donjon plein de hiboux,
Dans la verdure qui frisonne.
Au bord du torrent qui façonne
Les joncs hauts comme des bambous,
Tic tac, tic tac ! le moulin sonne,
Enfariné par tous les bouts.
L’âne qu’un rien caparaçonne,
Suit dans l’herbe et le long des trous
Le meunier si blême et si roux
Qu’on dirait Pierrot en personne :
Tic tac, tic tac ! le moulin sonne.
poésie de Maurice Rollinat
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Le Ver luisant
Le petit ver luisant dans l’herbe
S’allume cette fois encor
A la même place ! Le cor
Pleure au loin ; la nuit est superbe.
Au doux âge où l’on est imberbe,
Je l’admirais comme un trésor.
— Le petit ver luisant dans l’herbe
S’allume cette fois encor.
Mais, dira le penseur acerbe :
« Tout ce qui reluit n’est pas or ! »
Moi, je réponds à ce butor,
Que j’aime, en dépit du proverbe,
Le petit ver luisant dans l’herbe.
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Journée de printemps
Ici, le rocher, l'arbre et l'eau
Font pour mon oeil ce qu'il convoite.
Tout ce qui luit, tremble ou miroite,
Forme un miraculeux tableau.
Sur le murmure qui se ouate
Le rossignol file un solo :
L'écorce blanche du bouleau
Met du mystique dans l'air moite.
A la fois légère et touffue
La lumière danse à ma vue
Derrière l'écran du zéphyr ;
Je m'attarde, et le soir achève
Avec de l'ombre et du soupir
La félicité de mon rêve.
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Le Facteur rural
Par la traverse et par la route,
Il abat kilomètre et lieue ;
Et, quand il rentre à sa banlieue,
Il est si tard qu’il n’y voit goutte.
— Dans les prés, un troupeau qui broute ;
Sur les buissons, un hoche-queue.
Par la traverse et par la route,
Il abat kilomètre et lieue.
A son aspect, le chien veloute
Sa langue, en remuant la queue ;
Et les richards en blouse bleue
Lui font casser plus d’une croûte
Par la traverse et par la route.
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Le Pêcheur à la ligne
Mon liège fait plus d’un plongeon
Dans l’onde au lit de sable fin.
Ça mord à tout coup ; mais enfin
Je n’ai pas pris un seul goujon.
Et je tiens ma perche de jonc,
Patient comme un séraphin.
Mon liège fait plus d’un plongeon
Dans l’onde au lit de sable fin ;
Derrière moi, le vieux donjon ;
Devant, un horizon sans fin.
Un brochet dort comme un dauphin
A fleur d’eau, près d’un sauvageon.
Mon liège fait plus d’un plongeon.
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Le Rondeau du guillotiné
Flac ! le rasoir au dos de plomb
Vient de crouler comme une masse !
Il est tombé net et d’aplomb :
La tête sautille et grimace,
Et le corps gît tout de son long.
Sur le signe d’un monsieur blond,
Le décapité qu’on ramasse
Est coffré, chargé : c’est pas long !
Flac !
Le char va comme l’aquilon,
Et dans un coin où l’eau s’amasse
Et que visite la limace,
Un trou jaune, argileux, oblong
Reçoit la boîte à violon :
Flac !
poésie de Maurice Rollinat
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La Mort des fougères
L’âme des fougères s’envole :
Plus de lézards entre les buis !
Et sur l’étang froid comme un puits
Plus de libellule frivole !
La feuille tourne et devient folle,
L’herbe songe aux bluets enfuis.
L’âme des fougères s’envole :
Plus de lézards entre les buis !
Les oiseaux perdent la parole,
Et par les jours et par les nuits,
Sur l’aile du vent plein d’ennuis,
Dans l’espace qui se désole
L’âme des fougères s’envole.
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Le Lièvre
Le lièvre, le long du fossé,
S’en revenait d’un pied qui boite,
Et son allure maladroite
Révélait qu’il était blessé.
Tout fumant, le poil hérissé,
La bouche en sang, l’oreille droite,
Le lièvre, le long du fossé,
S’en revenait d’un pied qui boite.
— « Ah ! s’il pouvait être pansé !
Mais la pauvre bête est bien coite. »
Et quand j’arrivai le front moite,
Hélas ! il avait trépassé,
Le lièvre, le long du fossé.
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