Les Marnières
Les marnières mornes et creuses
Sont les gouffres jaunes des champs.
Jamais de reptiles méchants
Dans ces caves si peu pierreuses !
Mais pour les grenouilles peureuses
Quels marécages alléchants !
Les marnières mornes et creuses
Sont les gouffres jaunes des champs.
L’aube y met ses clartés heureuses,
Ses voix, ses rires et ses chants ;
Et par les beaux soleils couchants,
Elles ont des rougeurs ocreuses,
Les marnières mornes et creuses.
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

La forêt magique
La forêt songe, bleue et pâle,
Dans un féerique demi-jour.
Tout s'y voit spectral, d'aspect sourd,
Par cette nuit d'ambre et d'opale.
Là, c'est un cerf blessé qui râle...
Ici, d'autres, pâmés d'amour...
La forêt songe, bleue et pâle,
Dans un féerique demi-jour.
Ailleurs, une laie et son mâle
Et leurs marcassins tout autour !...
Et, tandis qu'un frais zéphyr court,
Venant la reposer du hâle,
La forêt songe, bleue et pâle.
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

Coucher de soleil
Le soleil sur les monts s’écroule,
S’empourpre, et, graduellement,
Rétrécit son rayonnement,
Toujours plus se ramasse en boule.
Sa grande âme presque exhalée,
De ses derniers soupirs de feu
Rougit la côte et le milieu
De la solitaire vallée.
Et quand il s’éteint, descendu
Sur un roc lierreux et fendu,
Taché de noir comme les marbres,
Il figure, brûlant les yeux,
Un saint sacrement monstrueux
Qui saigne parmi des troncs d’arbres.
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

La Chanson des amoureuses
Nos soupirs s’en vont dans la tombe
Comme des souffles dans la nuit,
Et nos plaintes sont un vain bruit
Comme celles de la colombe.
Tout prend son vol et tout retombe,
Tout s’enracine et tout s’enfuit !
Nos soupirs s’en vont dans la tombe
Comme des souffles dans la nuit.
C’est toujours la mort qui surplombe
Le nouvel amour qui séduit,
Et pas à pas, elle nous suit
Dans la volupté qui nous plombe.
Nos soupirs s’en vont dans la tombe.
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

La Tricoteuse
Tu tricotais ton bas de laine,
Toute rose et toute mignarde,
O ma friponne campagnarde,
Quand je t’abordai hors d’haleine.
— Suis-je encore loin de la plaine ?
— Oui, monsieur, fis-tu goguenarde,
Tu tricotais ton bas de laine,
Toute rosé et toute mignarde.
Or, j’avais bu comme Silène,
Et j’étais d’humeur si gaillarde,
Que je dis : « Tant pis ! je m’attarde ! »
Et quand je partis à grand’peine,
Tu tricotais ton bas de laine.
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

Le Convoi funèbre
Le mort s’en va dans le brouillard
Avec sa limousine en planches.
Pour chevaux noirs deux vaches blanches,
Un chariot pour corbillard.
Hélas ! c’était un beau gaillard
Aux yeux bleus comme les pervenches !
Le mort s’en va dans le brouillard
Avec sa limousine en planches.
Pas de cortège babillard.
Chacun en blouse des dimanches,
Suit morne et muet sous les branches.
Et, pleuré par un grand vieillard,
Le mort s’en va dans le brouillard.
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

Le Lézard
Sur le vieux mur qui se lézarde,
Que de lézards gris ! ça fourmille !
Quand je m’en vais dans la charmille,
Toutes les fois je les regarde.
L’un d’eux sur ma main se hasarde,
Car moi, je suis de la famille.
Sur le vieux mur qui se lézarde
Que de lézards gris ! ça fourmille !
Je n’ai point la mine hagarde
Pour la bestiole gentille,
Et c’est en paix qu’elle frétille,
Se sachant bien en bonne garde
Sur le vieux mur qui se lézarde.
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

La voix du vent
Les nuits d'hiver quand le vent pleure,
Se plaint, hurle, siffle et vagit,
On ne sait quel drame surgit
Dans l'homme ainsi qu'en la demeure.
Sa grande musique mineure
Qui, tour à tour, grince et mugit,
Sur toute la pensée agit
Comme une voix intérieure.
Ces cris, cette clameur immense,
Chantent la rage, la démence,
La peur, le crime, le remord...
Et, voluptueux et funèbres,
Accompagnent dans les ténèbres
Les râles d'amour et de mort.
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

Aquarelle
Adorablement naturiste,
Ma mignonne peint dans les bois,
Aux sons de harpe et de hautbois
Roucoulés par un ruisseau triste.
Ingénu, curieux, artiste,
Et nuit et jour prompt aux effrois,
Son œil maudit les serpents froids
Et rit aux bluets d’améthyste.
Rougeoîment des feuilles de buis,
Usure verte des vieux puits,
Lueurs d’étoiles presque éteintes,
Lichens gris du ravin profond
Attirent ses regards qui vont
Se pâmer dans les demi-teintes.
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

Journée de printemps
Ici, le rocher, l’arbre et l’eau
Font pour mon œil ce qu’il convoite.
Tout ce qui luit, tremble ou miroite,
Forme un miraculeux tableau.
Sur le murmure qui se ouate
Le rossignol file un solo :
L’écorce blanche du bouleau
Met du mystique dans l’air moite.
À la fois légère et touffue
La lumière danse à ma vue
Derrière l’écran du zéphyr ;
Je m’attarde, et le soir achève
Avec de l’ombre et du soupir
La félicité de mon rêve.
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!
