Les Yeux bleus
Tes yeux bleus comme deux bluets
Me suivaient dans l’herbe fanée
Et près du lac aux joncs fluets
Où la brise désordonnée
Venait danser des menuets.
Chère Ange, tu diminuais
Les ombres de ma destinée,
Lorsque vers moi tu remuais
Tes yeux bleus.
Mes spleens, tu les atténuais,
Et ma vie était moins damnée
À cette époque fortunée
Où dans l’âme, à frissons muets,
Tendrement tu m’insinuais
Tes yeux bleus !
poésie de Maurice Rollinat
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La Délivrance
Plus d’obsessions vipérines !
Plus de chuchotements pervers !
L’azur des grands cieux découverts
Sourit à mes humeurs chagrines.
De grosses perles purpurines
Scintillent dans les rameaux verts.
Plus d’obsessions vipérines !
Plus de chuchotements pervers !
Le zéphyr, doux à mes narines,
Souffle des parfums dans les airs
Et baise les étangs déserts,
Transparents comme des vitrines
Plus d’obsessions vipérines !
poésie de Maurice Rollinat
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Le Bruit de l'eau
Chanson neuve et toujours la même
Que la rivière dit au vent,
À l’objet inerte et mouvant,
Au soir brun comme au matin blême.
Pour moi, tu n’es pas un emblème
Du bruit humain si décevant,
Chanson neuve et toujours la même
Que la rivière dit au vent.
Dans la solitude que j’aime
Tu berces mon esprit rêvant,
Et tu m’apaises bien souvent
Quand je grince ou quand je blasphème,
Chanson neuve et toujours la même.
poésie de Maurice Rollinat
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Le Silence
Le silence est l’âme des choses
Qui veulent garder leur secret.
Il s’en va quand le jour paraît,
Et revient dans les couchants roses.
Il guérit des longues névroses,
De la rancune et du regret.
Le silence est l’âme des choses
Qui veulent garder leur secret.
À tous les parterres de roses
Il préfère un coin de forêt
Où la lune au rayon discret
Frémit dans les arbres moroses :
Le silence est l’âme des choses.
poésie de Maurice Rollinat
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L'Épitaphe
Quand on aura fermé ma bière
Comme ma bouche et ma paupière,
Que l’on inscrive sur ma pierre :
― « Ci-gît le roi du mauvais sort.
Ce fou dont le cadavre dort
L’affreux sommeil de la matière,
Frémit pendant sa vie entière
Et ne songea qu’au cimetière.
Jour et nuit, par toute la terre,
Il traîna son cœur solitaire
Dans l’épouvante et le mystère,
Dans l’angoisse et le remords.
Vive la mort ! Vive la mort !
poésie de Maurice Rollinat
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Le Pâtre
Que ce pâtre à jambe de bois
Est donc vieux malgré son jeune âge !
— Il chante, comme c’est l’usage.
Mais quelle épouvantable voix !
Jamais sourire plus narquois
N’a ridé plus hideux visage.
Que ce pâtre à jambe de bois
Est donc vieux malgré son jeune âge !
Voici que ma chienne aux abois
Flaire un calamiteux présage ;
Quant à moi, dans le paysage,
Je ne regarde et je ne vois
Que ce pâtre à jambe de bois.
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Retour de foire
Dans le crépuscule d’automne
Ils reviennent, les petits veaux.
Porcs, génisses, bœufs et chevaux
Suivent la route monotone.
De pauvres ânes qu’on bâtonne
Hi-hannent par monts et par vaux.
Dans le crépuscule d’automne
Ils reviennent les petits veaux.
Un troupeau bêlant qui s’étonne
D’aller par des chemins nouveaux
Creux et noirs comme des caveaux,
Se rassemble et se pelotonne,
Dans le crépuscule d’automne !
poésie de Maurice Rollinat
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Tranquillité
Mon sentiment s’écroule et tombe,
L’indifférence me remplit,
Car ma haine s’ensevelit
Pendant que ma pitié succombe.
La femme couleuvre et colombe
N’est pour moi qu’un fait accompli
Mon sentiment s’écroule et tombe,
L’indifférence me remplit.
Sous la rafale, sous la trombe,
Mon calme inerte et sans un pli
Dort les longs sommeils de l’oubli
En attendant ceux de la tombe :
Mon sentiment s’écroule et tombe.
poésie de Maurice Rollinat
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La Sieste
En regardant sauter les geais
Sur les hautes branches d’un chêne,
Délivré du spleen qui m’enchaîne.
Béatement je m’allongeais.
Oh ! comme alors je me plongeais
Dans la quiétude sereine,
En regardant sauter les geais
Sur les hautes branches d’un chêne !
Et, sans traiter un des sujets
Dont j’avais la cervelle pleine,
J’attendais que la nuit d’ébène
Eût effacé tous les objets,
En regardant sauter les geais.
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Les Conseillers municipaux
Les conseillers municipaux
Sont tous attablés à l’auberge.
Ils n’ont pas figure de cierge
Sous les grands bords de leurs chapeaux.
Elle a mis tous ses oripeaux,
La servante robuste et vierge :
Les conseillers municipaux
Sont tous attablés à l’auberge.
Léchant les plats, vidant les pots,
Chacun s’empiffre et se goberge :
Monsieur le maire les héberge !
— Ils ont assez parlé d’impôts,
Les conseillers municipaux,
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