Citations sur Douce nuit, page 19
Le Cœur guéri
Celle que j’aime est une enchanteresse
Au front pudique, aux longs cheveux châtains ;
Compagne et sœur, ma muse et ma maîtresse,
Elle ravit mes soirs et mes matins.
Svelte beauté, sensitive jolie,
Elle a l’œil tendre et la taille qui plie ;
Moi, le suiveur des funèbres convois,
J’ai frémi d’aise au doux son de sa voix,
Et maintenant que l’amour m’électrise,
Toujours, partout, je l’entends, je la vois ;
Mon pauvre cœur enfin se cicatrise.
Geste pensif et qui vous intéresse,
Bouche d’enfant sans rires enfantins,
Étrangeté jusque dans la caresse,
Regards profonds, veloutés et lointains,
Joue inquiète et quelquefois pâlie
Par la souffrance et la mélancolie,
Tête française avec un air suédois,
Pied de gazelle, et jolis petits doigts
[...] Read more
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!


Le Corbeau
"Une fois, sur le minuit lugubre, pendant que je méditais, faible et fatigué, sur maint précieux et curieux volume d'une doctrine oubliée, pendant que je donnais de la tête, presque assoupi, soudain il se fit un tapotement, comme de quelqu'un frappant doucement, frappant à la porte de ma chambre. "C'est quelque visiteur, — murmurai-je, — qui frappe à la porte de ma chambre; ce n'est que cela, et rien de plus."
Ah! distinctement je me souviens que c'était dans le glacial décembre, et chaque tison brodait à son tour le plancher du reflet de son agonie. Ardemment je désirais le matin; en vain m'étais-je efforcé de tirer de mes livres un sursis à ma tristesse, ma tristesse pour ma Lénore perdue, pour la précieuse et rayonnante fille que les anges nomment Lénore, — et qu'ici on ne nommera jamais plus.
Et le soyeux, triste et vague bruissement des rideaux pourprés me pénétrait, me remplissait de terreurs fantastiques, inconnues pour moi jusqu'à ce jour; si bien qu'enfin, pour apaiser le battement de mon cœur, je me dressai, répétant: "C'est quelque visiteur qui sollicite l'entrée à la porte de ma chambre, quelque visiteur attardé sollicitant l'entrée à la porte de ma chambre; — c'est cela même, et rien de plus."
Mon âme en ce moment se sentit plus forte. N'hésitant donc pas plus longtemps: "Monsieur, — dis-je, — ou madame, en vérité j'implore votre pardon; mais le fait est que je sommeillais, et vous êtes venu frapper si doucement, si faiblement vous êtes venu taper à la porte de ma chambre, qu'à peine étais-je certain de vous avoir entendu." Et alors j'ouvris la porte toute grande; — les ténèbres, et rien de plus!
Scrutant profondément ces ténèbres, je me tins longtemps plein d'étonnement, de crainte, de doute, rêvant des rêves qu'aucun mortel n'a jamais osé rêver; mais le silence ne fut pas troublé, et l'immobilité ne donna aucun signe, et le seul mot proféré fut un nom chuchoté: "Lénore!" — C'était moi qui le chuchotais, et un écho à son tour murmura ce mot: "Lénore!" — Purement cela, et rien de plus.
Rentrant dans ma chambre, et sentant en moi toute mon âme incendiée, j'entendis bientôt un coup un peu plus fort que le premier. "Sûrement, — dis-je, — sûrement, il y a quelque chose aux jalousies de ma fenêtre; voyons donc ce que c'est, et explorons ce mystère. Laissons mon cœur se calmer un instant, et explorons ce mystère; — c'est le vent, et rien de plus."
Je poussai alors le volet, et, avec un tumultueux battement d'ailes, entra un majestueux corbeau digne des anciens jours. Il ne fit pas la moindre révérence, il ne s'arrêta pas, il n'hésita pas une minute; mais, avec la mine d'un lord ou d'une lady, il se percha au-dessus de la porte de ma chambre; il se percha sur un buste de Pallas juste au-dessus de la porte de ma chambre; — il se percha, s'installa, et rien de plus.
Alors cet oiseau d'ébène, par la gravité de son maintien et la sévérité de sa physionomie, induisant ma triste imagination à sourire: "Bien que ta tête, — lui dis-je, — soit sans huppe et sans cimier, tu n'es certes pas un poltron, lugubre et ancien corbeau, voyageur parti des rivages de la nuit. Dis-moi quel est ton nom seigneurial aux rivages de la Nuit plutonienne!" Le corbeau dit: "Jamais plus!"
Je fus émerveillé que ce disgracieux volatile entendît si facilement la parole, bien que sa réponse n'eût pas un bien grand sens et ne me fût pas d'un grand secours; car nous devons convenir que jamais il ne fut donné à un homme vivant de voir un oiseau au-dessus de la porte de sa chambre, un oiseau ou une bête sur un buste sculpté au-dessus de la porte de sa chambre, se nommant d'un nom tel que Jamais plus!
Mais le corbeau, perché solitairement sur le buste placide, ne proféra que ce mot unique, comme si dans ce mot unique il répandait toute son âme. Il ne prononça rien de plus; il ne remua pas une plume, — jusqu'à ce que je me prisse à murmurer faiblement: "D'autres amis se sont déjà envolés loin de moi; vers le matin, lui aussi, il me quittera comme mes anciennes espérances déjà envolées." L'oiseau dit alors: "Jamais plus!"
[...] Read more
poésie de Edgar Allan Poe (1845), traduction par Charles Baudelaire
Ajouté par Dan Costinaş
Commentez! | Vote! | Copie!

La Morte embaumée
Pour arracher la morte aussi belle qu’un ange
Aux atroces baisers du ver,
Je la fis embaumer dans un boîte étrange.
C’était par une nuit d’hiver :
On sortit de ce corps glacé, roide et livide,
Ses pauvres organes défunts,
Et dans ce ventre ouvert aussi saignant que vide
On versa d’onctueux parfums,
Du chlore, du goudron et de la chaux en poudre ;
Et quand il en fut tout rempli,
Une aiguille d’argent réussit à le coudre
Sans que la peau fit un seul pli.
On remplaça ses yeux où la grande nature
Avait mis l’azur de ses ciels
Et qu’aurait dévorés l’infecte pourriture,
Par des yeux bleus artificiels.
[...] Read more
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

Le Crapaud
O vivante et visqueuse extase
Accroupie au bord des marais,
Pèlerin morne de la vase,
Des vignes et des bruns guérets,
Paria, dont la vue inspire
De l’horreur aux pestiférés,
Crapaud, inconscient vampire
Des vaches sommeillant aux prés ;
Infime roi des culs-de-jatte
Écrasé par ta pesanteur,
Sombre forçat tirant la patte
Avec une affreuse lenteur,
A toi que Dieu semble maudire,
A toi, doux martyr des enfants,
Le cœur ému, je viens te dire
Que je te plains et te défends.
[...] Read more
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

Les Pouliches
Frissonnantes, ridant leur peau gris-pommelé
Au moindre frôlement des zéphyrs et des mouches,
Les pouliches, non loin des grands taureaux farouches,
Trottinent sur les bords du pacage isolé.
Dans ce vallon tranquille où les ronces végètent
Et qu’embrume l’horreur des joncs appesantis,
La sauterelle joint son aigre cliquetis
Aux hennissements courts et stridents qu’elles jettent.
Dressant leurs jarrets fins et leur cou chevelu,
Elles tremblent de peur au bruit du train qui passe,
Et leurs yeux inquiets interrogent l'espace
Depuis l’arbre lépreux jusqu’au rocher velu.
Et tandis qu’on entend prononcer des syllabes
Aux échos du ravin plein d’ombre et de fracas,
Elles enflent au vent leurs naseaux délicats,
Fiers comme ceux du zèbre et des juments arabes.
[...] Read more
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

Le Pêcheur d'écrevisses
Nez plat, grosse bouche en fer d’âne,
Et, sous les pommettes deux creux
Dans un long visage cireux,
Tout en menton et tout en crâne ;
Glabre, sec et la peau ridée ;
Un petit œil vif et louchon ;
Une jambe en tire-bouchon,
L’autre racornie et coudée ;
Boitant, mais de telle manière
Que, d’un côté marchant plus bas,
Il avait l’air, à chaque pas,
D’entrer un pied dans une ornière.
Les bras tombant à la rotule
Avec une très courte main :
Tel était le pauvre Romain,
Mon visiteur du crépuscule.
[...] Read more
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!


Un Fantôme
I Les Ténèbres
Dans les caveaux d'insondable tristesse
Où le Destin m'a déjà relégué;
Où jamais n'entre un rayon rose et gai;
Où, seul avec la Nuit, maussade hôtesse,
Je suis comme un peintre qu'un Dieu moqueur
Condamne à peindre, hélas! sur les ténèbres;
Où, cuisinier aux appétits funèbres,
Je fais bouillir et je mange mon coeur,
Par instants brille, et s'allonge, et s'étale
Un spectre fait de grâce et de splendeur.
À sa rêveuse allure orientale,
Quand il atteint sa totale grandeur,
Je reconnais ma belle visiteuse:
C'est Elle! noire et pourtant lumineuse.
[...] Read more
poésie de Charles Baudelaire de Les Fleurs du mal
Ajouté par Simona Enache
Commentez! | Vote! | Copie!

Les Yeux
Partout je les évoque et partout je les vois,
Ces yeux ensorceleurs si mortellement tristes.
Oh ! comme ils défiaient tout l’art des coloristes,
Eux qui mimaient sans geste et qui parlaient sans voix !
Yeux lascifs, et pourtant si noyés dans l’extase,
Si friands de lointain, si fous d’obscurité !
Ils s’ouvraient lentement, et, pleins d’étrangeté,
Brillaient comme à travers une invisible gaze.
Confident familier de leurs moindres regards,
J’y lisais des refus, des vœux et des demandes ;
Bleus comme des saphirs, longs comme des amandes,
Ils devenaient parfois horriblement hagards.
Tantôt se reculant d’un million de lieues,
Tantôt se rapprochant jusqu’à rôder sur vous,
Ils étaient tour à tour inquiétants et doux :
Et moi, je suis hanté par ces prunelles bleues !
[...] Read more
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

A celle qui est restée en France
I
Mets-toi sur ton séant, lève tes yeux, dérange
Ce drap glacé qui fait des plis sur ton front d'ange,
Ouvre tes mains, et prends ce livre : il est à toi.
Ce livre où vit mon âme, espoir, deuil, rêve, effroi,
Ce livre qui contient le spectre de ma vie,
Mes angoisses, mon aube, hélas ! de pleurs suivie,
L'ombre et son ouragan, la rose et son pistil,
Ce livre azuré, triste, orageux, d'où sort-il ?
D'où sort le blême éclair qui déchire la brume ?
Depuis quatre ans, j'habite un tourbillon d'écume ;
Ce livre en a jailli. Dieu dictait, j'écrivais ;
Car je suis paille au vent. Va ! dit l'esprit. Je vais.
Et, quand j'eus terminé ces pages, quand ce livre
Se mit à palpiter, à respirer, à vivre,
Une église des champs, que le lierre verdit,
Dont la tour sonne l'heure à mon néant, m'a dit :
Ton cantique est fini ; donne-le-moi, poëte.
[...] Read more
poésie de de auteur inconnu/anonyme
Ajouté par Lucian Velea
Commentez! | Vote! | Copie!

La Fille amoureuse
La belle fille blanche et rousse,
De la sorte, au long du buisson,
Entretient la mère Lison
À voix mélancolique et douce :
« Moi cont’ laquell’ sont à médire
Les fill’ encor ben plus q’ les gars,
J’ tiens à vous esposer mon cas,
Et c’est sans hont’ que j’ vas vous l’ dire,
Pac’ que vous avez l’humeur ronde,
Et, q’ rapportant sans v’nin ni fiel
Tout’ les affair’ au naturel,
Vous les jugez au r’bours du monde.
Tout’ petit’, j’étais amoureuse,
J’étais déjà foll’ d’embrasser...
Et, mes seize ans v’naient d’ commencer,
Que j’ m’ai senti d’êtr’ langoureuse,
[...] Read more
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!
