Citations sur Le ton fait la chanson, page 21
Gordes, que Du Bellay aime plus que ses yeux,
Gordes, que Du Bellay aime plus que ses yeux,
Vois comme la nature, ainsi que du visage,
Nous a faits différents de moeurs et de courage,
Et ce qui plaît à l'un, à l'autre est odieux.
Tu dis : je ne puis voir un sot audacieux
Qui un moindre que lui brave à son avantage,
Qui s'écoute parler, qui farde son langage,
Et fait croire de lui qu'il est mignon des dieux.
Je suis tout au contraire, et ma raison est telle :
Celui dont la douleur courtoisement m'appelle,
Me fait outre mon gré courtisan devenir :
Mais de tel entretien le brave me dispense :
Car n'étant obligé vers lui de récompense,
Je le laisse tout seul lui-même entretenir.
poésie de Joachim du Bellay
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Il fait bon voir, Paschal, un conclave serré
Il fait bon voir, Paschal, un conclave serré,
Et l'une chambre à l'autre également voisine
D'antichambre servir, de salle et de cuisine,
En un petit recoin de dix pieds en carré :
Il fait bon voir autour le palais emmuré,
Et briguer là-dedans cette troupe divine,
L'un par ambition, l'autre par bonne mine,
Et par dépit de l'un être l'autre adoré :
Il fait bon voir dehors toute la ville en armes
Crier : le Pape est fait, donner de faux alarmes,
Saccager un palais : mais plus que tout cela
Fait bon voir, qui de l'un, qui de l'autre se vante,
Qui met pour celui-ci, qui met pour celui-là,
Et pour moins d'un écu dix cardinaux en vente.
poésie de Joachim du Bellay
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Je ne veux feuilleter les exemplaires Grecs
Je ne veux feuilleter les exemplaires Grecs,
Je ne veux retracer les beaux traits d'un Horace,
Et moins veux-je imiter d'un Pétrarque la grâce,
Ou la voix d'un Ronsard, pour chanter mes Regrets.
Ceux qui sont de Phoebus vrais poètes sacrés
Animeront leurs vers d'une plus grande audace :
Moi, qui suis agité d'une fureur plus basse,
Je n'entre si avant en si profonds secrets.
Je me contenterai de simplement écrire
Ce que la passion seulement me fait dire,
Sans rechercher ailleurs plus graves arguments.
Aussi n'ai-je entrepris d'imiter en ce livre
Ceux qui par leurs écrits se vantent de revivre
Et se tirer tout vifs dehors des monuments.
poésie de Joachim du Bellay
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Le Breton est savant et sait fort bien écrire
Le Breton est savant et sait fort bien écrire
En français et toscan, en grec et en romain,
Il est en son parler plaisant et fort humain,
Il est bon compagnon et dit le mot pour rire.
Il a bon jugement et sait fort bien élire
Le blanc d'avec le noir : il est bon écrivain,
Et pour bien compasser une lettre à la main,
Il y est excellent autant qu'on saurait dire.
Mais il est paresseux et craint tant son métier
Que s'il devait jeûner, ce crois-je, un mois entier,
Il ne travaillerait seulement un quart d'heure.
Bref il est si poltron, pour bien le deviser,
Que depuis quatre mois qu'en ma chambre il demeure,
Son ombre seulement me fait poltronniser.
poésie de Joachim du Bellay
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Maudit soit mille fois le Borgne de Libye,
Maudit soit mille fois le Borgne de Libye,
Qui, le coeur des rochers perçant de part en part,
Des Alpes renversa le naturel rempart,
Pour ouvrir le chemin de France en Italie.
Mars n'eût empoisonné d'une éternelle envie
Le coeur de l'Espagnol et du Français soudard,
Et tant de gens de bien ne seraient en hasard
De venir perdre ici et l'honneur et la vie.
Le Français corrompu par le vice étranger
Sa langue et son habit n'eût appris à changer,
Il n'eût changé ses moeurs en une autre nature.
Il n'eût point éprouvé le mal qui fait peler,
Il n'eût fait de son nom la vérole appeler,
Et n'eût fait si souvent d'un buffle sa monture.
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Quand je te dis adieu, pour m'en venir ici
Quand je te dis adieu, pour m'en venir ici,
Tu me dis, mon La Haye, il m'en souvient encore :
Souvienne-toi, Bellay, de ce que tu es ore,
Et comme tu t'en vas, retourne-t'en ainsi.
Et tel comme je vins, je m'en retourne aussi :
Hormis un repentir qui le coeur me dévore,
Qui me ride le front, qui mon chef décolore,
Et qui me fait plus bas enfoncer le sourcil.
Ce triste repentir, qui me ronge et me lime,
Ne vient (car j'en suis net) pour sentir quelque crime,
Mais pour m'être trois ans à ce bord arrêté :
Et pour m'être abusé d'une ingrate espérance,
Qui pour venir ici trouver la pauvreté,
M'a fait (sot que je suis) abandonner la France
poésie de Joachim du Bellay
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Que dirons-nous, Melin, de cette cour romaine
Que dirons-nous, Melin, de cette cour romaine,
Où nous voyons chacun divers chemins tenir,
Et aux plus hauts honneurs les moindres parvenir,
Par vice, par vertu, par travail, et sans peine ?
L'un fait pour s'avancer une dépense vaine,
L'autre par ce moyen se voit grand devenir,
L'un par sévérité se sait entretenir,
L'autre gagne les coeurs par sa douceur humaine :
L'un pour ne s'avancer se voit être avancé,
L'autre pour s'avancer se voit désavancé,
Et ce qui nuit à l'un, à l'autre est profitable :
Qui dit que le savoir est le chemin d'honneur,
Qui dit que l'ignorance attire le bonheur :
Lequel des deux, Melin, est le plus véritable ?
poésie de Joachim du Bellay
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Quiconque, mon Bailleul, fait longuement séjour
Quiconque, mon Bailleul, fait longuement séjour
Sous un ciel inconnu, et quiconques endure
D'aller de port en port cherchant son aventure,
Et peut vivre étranger dessous un autre jour :
Qui peut mettre en oubli de ses parents l'amour,
L'amour de sa maîtresse, et l'amour que nature
Nous fait porter au lieu de notre nourriture,
Et voyage toujours sans penser au retour :
Il est fils d'un rocher ou d'une ourse cruelle,
Et digne qui jadis ait sucé la mamelle
D'une tigre inhumaine : encor ne voit-on point
Que les fiers animaux en leurs forts ne retournent,
Et ceux qui parmi nous domestiques séjournent,
Toujours de la maison le doux désir les point.
poésie de Joachim du Bellay
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Si les larmes servaient de remède au malheur
Si les larmes servaient de remède au malheur,
Et le pleurer pouvait la tristesse arrêter,
On devrait, Seigneur mien, les larmes acheter,
Et ne se trouverait rien si cher que le pleur.
Mais les pleurs en effet sont de nulle valeur :
Car soit qu'on ne se veuille en pleurant tourmenter,
Ou soit que nuit et jour on veuille lamenter,
On ne peut divertir le cours de la douleur.
Le coeur fait au cerveau cette humeur exhaler,
Et le cerveau la fait par les yeux dévaler,
Mais le mal par les yeux ne s'alambique pas.
De quoi donques nous sert ce fâcheux larmoyer?
De jeter, comme on dit, l'huile sur le foyer,
Et perdre sans profit le repos et repas.
poésie de Joachim du Bellay
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Sur la rive d'un fleuve une nymphe éplorée,
ur la rive d'un fleuve une nymphe éplorée,
Croisant les bras au ciel avec mille sanglots,
Accordait cette plainte au murmure des flots,
Outrageant son beau teint et sa tresse dorée :
Las, où est maintenant cette face honorée,
Où est cette grandeur et cet antique los,
Où tout l'heur et l'honneur du monde fut enclos,
Quand des hommes j'étais et des dieux adorée ?
N'était-ce pas assez que le discord mutin
M'eût fait de tout le monde un publique butin,
Si cet hydre nouveau, digne de cent Hercules,
Foisonnant en sept chefs de vices monstrueux
Ne m'engendrait encore à ces bords tortueux
Tant de cruels Nérons et tant de Caligules ?
poésie de Joachim du Bellay
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