Les Pierres
Par monts, par vaux, près des rivières,
Les frimas font à volonté
Des blocs d’ombre et d’humidité
Avec le gisement des pierres.
Sous le vert froid des houx, des lierres,
Sous la ronce maigre, — à côté
Du chardon dévioletté
Cela dort dans les fondrières,
Plein d’horreur et d’hostilité,
Donnant aux brandes familières
Une lugubre étrangeté.
Mais sitôt qu’on voit les chaumières
Refumer bleu dans la clarté,
C’est le soleil ressuscité
Qui refait couleurs et lumières,
De la vie et de la gaieté
Avec le gisement des pierres.
poésie de Maurice Rollinat
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Le Petit Renardeau
Au bord de l’étang, le petit renardeau
Suit à pas de loup sa mère la renarde,
Qui s’en va guettant, sournoise et goguenarde,
Le canard sauvage ou bien la poule d’eau.
— Des nuages bruns couvrent d’un noir bandeau
Le soleil sanglant que l’âpre nuit poignarde.
Au bord de l’étang, le petit renardeau
Suit à pas de loup sa mère la renarde.
Sur un bois flottant qui lui sert de radeau,
Soudain la rôdeuse en tremblant se hasarde ;
Et moi, curieux et ravi, je regarde,
Caché par les joncs comme par un rideau,
Au bord de l’étang le petit renardeau.
poésie de Maurice Rollinat
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Les Mauvais Champignons
Les empoisonneurs et les empoisonneuses
Tireraient parti de ces champignons verts,
Bruns, roux, noirs et bleus qui poussent de travers
Dans l’affreux fouillis des herbes épineuses.
Ces plantes souvent sont si volumineuses
Qu’on dirait, ma foi ! des parasols ouverts !
Les empoisonneurs et les empoisonneuses
Tireraient parti de ces champignons verts.
— Là, dans ce val aux pentes vertigineuses,
Un poète aigu, maniaque et pervers,
Pourrait composer d’abominables vers
Qu’applaudiraient pour leurs rimes vénéneuses
Les empoisonneurs et les empoisonneuses !
poésie de Maurice Rollinat
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Le Rat
Ma chatte avait peur de cet énorme rat
Qui toutes les nuits dévalisait l’armoire,
Rongeait aussi bien le bois que le grimoire
Et fourrait partout son museau scélérat.
Lourd, il trottinait, fouilleur comme un verrat.
Tout y passait : fil, toile, velours et moire !
Ma chatte avait peur de cet énorme rat
Qui toutes les nuits dévalisait l’armoire.
Il mangeait le cuir, le liège, et cætera,
Renversait les pots et traînait l’écumoire ;
Et même une nuit, si j’ai bonne mémoire,
Je sentis sa queue ignoble sous mon drap.
Ma chatte avait peur de cet énorme rat.
poésie de Maurice Rollinat
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La Tache blanche
Dure au mordant soleil, longtemps épanouie
Aux grands effluves lourds et tièdes du vent plat,
La neige, ayant enfin fléchi, perdu l’éclat,
Venait de consommer sa fonte sous la pluie.
L’espace détendu ! le bruit désemmuré !
Et les cieux bleus, enfin ! pour mes regards moroses,
Avides de revoir le vieil aspect des choses,
Tout surgissait nouveau du sol désengouffré.
Soudain, au creux d’un ravin noir,
Un soupçon de neige fit voir
Sa tache pâle, si peureuse
Que je me figurai, songeur,
Un dernier frisson de blancheur
Au fond d’une âme ténébreuse !
poésie de Maurice Rollinat
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Vapeurs de mares
Le soir, la solitude et la neige s'entendent
Pour faire un paysage affreux de cet endroit
Blêmissant au milieu dans un demi-jour froid
Tandis que ses lointains d'obscurité se tendent.
Çà et là, des étangs dont les glaces se fendent
Avec un mauvais bruit qui suscite l'effroi ;
Là-bas, dans une terre où le vague s'accroît,
Des corbeaux qui s'en vont et d'autres qui s'attendent.
Voici qu'une vapeur voilée
Sort d'une mare dégelée
Puis d'une autre et d'une autre encor :
Lugubre hommage, en quelque sorte
Qui, lentement, vers le ciel mort
Monte de la campagne morte.
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Le Cheval poitrinaire
Sa toux qui retentit comme une plainte humaine
Secoue obstinément son grand corps accablé ;
Mufle bas, jarrets mous, sur sa paille de blé,
Il n’a mangé ni bu depuis une semaine.
En vain, à petits pas, un enfant le promène
Et chasse les taons lourds dont il est harcelé,
Sa toux qui retentit comme une plainte humaine
Secoue obstinément son grand corps accablé.
Il attriste l'étable et la cour du domaine
Et le prolongement de l'écho désolé
Répercute au plus creux du manoir isolé
Plein des vagues effrois que le Minuit ramène,
Sa toux qui retentit comme une plainte humaine.
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Le forgeron
Dans sa forge aux murs bas d'où le jour va s'enfuir.
Haut, roide, et sec du cou, des jambes et du buste,
Il tire, mécanique, en tablier de cuir,
La chaîne d'acier clair du grand soufflet robuste.
Il regarde fourcher, rougeoyer et bleuir
Les langues de la flamme en leur fourneau tout fruste,
Et voici que des glas tintent sinistres... juste :
Le crépuscule alors vient de s'évanouir.
Croisant ses maigres bras poilus,
Il songe à celle qui n'est plus.
Dans ses yeux creux des larmes roulent.
Et le brasier dont il reluit,
Sur sa joue osseuse les cuit
A mesure qu'elles y coulent.
poésie de Maurice Rollinat
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L'Idiot
L’idiot vagabond qui charme les vipères
Clopine tout le jour infatigablement,
Au long du ravin noir et du marais dormant,
Là-bas où les aspics vont par troupes impaires.
Quand l’automne a teinté les verdures prospères,
L’œil fixe, avec un triste et doux balancement,
L’idiot vagabond qui charme les vipères
Clopine tout le jour infatigablement.
Les serpents endormis, au bord de leurs repaires,
Se réveillent en chœur à son chantonnement,
Et venant y mêler leur grêle sifflement
Suivent dans les chemins, comme de vieux compères,
L’idiot vagabond qui charme les vipères.
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La Corne
La nuit est noire opaque. Au bas d’une âpre côte
Paissent bœufs et taureaux, masses lentes, qui vont
Chargés d’horreur, avec un beuglement profond,
Dans le silence affreux de l’herbe humide et haute.
Ici rampe un crapaud, une grenouille saute,
Là, miaule un hibou dans un tronc d’arbre. Ils sont
Comme eux secrets, obscurs, invisibles, ils ont
Autour, dessus, dessous, le mystère pour hôte.
Mais voici l’air s’éclaircissant.
Une lune en demi-croissant
A percé les nuages mornes...
Et, vers cette corne des cieux,
Ébahis se lèvent les yeux
De toutes ces bêtes à cornes.
poésie de Maurice Rollinat
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