Epigramme
Je t'apporte, ô sommeil, du vin de quatre années
Du lait, des pavots noirs aux têtes couronnées;
Veuille tes ailerons en ce lieu déployer,
Tant qu'Alison, la vieille accroupie au foyer,
Qui d'un pouce retors et d'une dent mouillée,
Sa quenouille chargée a quasi dépouillée,
Laisse choir le fuseau, cesse de babiller,
Et de toute la nuit ne se puisse éveiller;
Afin qu'à mon plaisir j'embrasse ma rebelle,
L'amoureuse Isabeau qui soupire auprès d'elle.
poésie de Philippe Desportes
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Autour des corps, qu'une mort avancée
Autour des corps, qu'une mort avancée
Par violance a privez d'un beau jour,
Les ombres vont, et font maint et maint tour,
Aimans encor leur dépoüille laissée.
Au lieu cruel, où j'eu l'ame blessée
Et fu meurtri par les flèches d'Amour,
J'erre, je tourne et retourne à l'entour,
Ombre maudite, errante et dechassée.
Legers esprits, plus que moy fortunez,
Comme il vous plaist vous allez et venez
Au lieu qui clost vostre depouille aimée.
Vous la voyez, vous la pouvez toucher,
Où, las! je crains seulement d'approcher
L'endroit qui tient ma richesse enfermée.
poésie de Philippe Desportes
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A pas lents et tardifs tout seul je me promène
A pas lents et tardifs tout seul je me promène
Et mesure en rêvant les plus sauvages lieux;
Et pour n'être aperçu, je choisis de mes yeux
Les endroits non frayés d'aucune trace humaine.
Je n'ai que ce rempart pour défendre ma peine,
Et cacher mon désir aux esprits curieux
Qui, voyant par dehors mes soupirs furieux,
Jugent combien dedans ma flamme est inhumaine.
Il n'y a désormais ni rivière ni bois,
Plaine, mont ou rocher, qui n'ait su par ma voix,
La trempe de ma vie à toute autre célée.
Mais j'ai beau me cacher je ne puis me sauver
En désert si sauvage ou si basse vallée
Qu'amour ne me découvre et me vienne trouver.
poésie de Philippe Desportes
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Celui que l'Amour range à son commandement
Celui que l'Amour range à son commandement
Change de jour en jour de façon différente.
Hélas! j'en ai bien fait mainte preuve apparente,
Ayant été par lui changé diversement.
Je me suis vu muer, pour le commencement,
En cerf qui porte au flanc une flèche sanglante,
Depuis je devins cygne, et d'une voix dolente
Je présageais ma mort, me plaignant doucement.
Après je devins fleur, languissante et penchée,
Fuis je fus fait fontaine aussi soudain séchée,
Epuisant par mes yeux toute l'eau que j'avais.
Or je suis salamandre et vis dedans la flamme,
Mais j'espère bientôt me voir changer en voix,
Pour dire incessamment les beautés de Madame.
poésie de Philippe Desportes
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Amour en même instant m'aiguillonne et m'arrête
Amour en même instant m'aiguillonne et m'arrête,
M'assure et me fait peur, m'ard et me va glaçant,
Me pourchasse et me fuit, me rend faible et puissant,
Me fait victorieux et marche sur ma tête.
Ores bas, ores haut, jouet de la tempête,
Il va comme il lui plait mon navire élançant:
Je pense être échappé quand je suis périssant,
Et quand j'ai tout perdu, je chante ma conquête.
De ce qui plus me plait, je reçois déplaisir;
Voulant trouver mon coeur, j'égare mon désir;
J'adore une beauté qui m'est toute contraire;
Je m'empêtre aux filets dont je me veux garder:
Et voyant en mon mal ce qui me peut aider,
Las! je l'approuve assez, mais je ne le puis faire.
poésie de Philippe Desportes
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Arrête un peu, mon Coeur, où vas-tu si courant?
Arrête un peu, mon Coeur, où vas-tu si courant?
- Je vais trouver les yeux qui sain me peuvent rendre.
- Je te prie, attends-moi. - Je ne te puis attendre,
Je suis pressé du feu qui me va dévorant.
- Il faut bien, ô mon coeur! que tu sois ignorant,
De ne pouvoir encor ta misère comprendre:
Ces yeux d'un seul regard te réduiront en cendre:
Ce sont tes ennemis, t'iront-ils secourant?
- Envers ses ennemis, si doucement on n'use;
Ces yeux ne sont point tels. - Ah! c'est ce qui t'abuse:
Le fin berger surprend l'oiseau par des appâts.
- Tu t'abuses toi-même, ou tu brûles d'envie,
Car l'oiseau malheureux s'envole à son trépas,
Moi, je vole à des yeux qui me donnent la vie.
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Chanson
Un doux trait de vos yeux, ô ma fiere deesse!
Beaux yeux, mon seul confort,
Peut me remettre en vie et m'oster la tristesse
Qui me tient à la mort.
Tournez ces clairs soleils, et par leur vive flame
Retardez mon trespas:
Un regard me suffit: le voulez-vous, madame?
Non, vous ne voulez pas.
Un mot de vostre bouche à mon dam trop aimable,
Mais qu'il soit sans courroux,
Peut changer le destin d'un amant miserable,
Qui n'adore que vous.
Il ne faut qu'un ouy, meslé d'un doux sou-rire
Plein d'amours et d'appas:
Mon Dieu ! que de longueurs, le voulez-vous point dire?
Non, vous ne voulez pas.
Roche sourde à mes cris, de glaçons toute plaine,
Ame sans amitié,
Quand j'estoy moins brûlant, tu m'estois plus humaine
Et plus prompte à pitié.
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poésie de Philippe Desportes
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