
Si jamais il m’advient
Si jamais il m’advient de te voir le matin,
Je verrai un tilleul en reve, c’est certain.
Mais si c’est un tilleul que je vois en chemin,
Tes yeux toute la nuit brilleront dans les miens.
poésie de Mihai Eminescu, traduction par Jean-Louis Courriol
Ajouté par Simona Enache
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Lors même qu'on n'est pas le chêne ou le tilleul, ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul!
Edmond Rostand dans Cyrano de Bergerac
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Adieu!
Adieu! je crois qu'en cette vie
Je ne te reverrai jamais.
Dieu passe, il t'appelle et m'oublie;
En te perdant je sens que je t'aimais.
Pas de pleurs, pas de plainte vaine.
Je sais respecter l'avenir.
Vienne la voile qui t'emmène,
En souriant je la verrai partir.
Tu t'en vas pleine d'espérance,
Avec orgueil tu reviendras;
Mais ceux qui vont souffrir de ton absence,
Tu ne les reconnaîtras pas.
Adieu! tu vas faire un beau rêve
Et t'enivrer d'un plaisir dangereux;
Sur ton chemin l'étoile qui se lève
Longtemps encor éblouira tes yeux.
Un jour tu sentiras peut-être
Le prix d'un coeur qui nous comprend,
Le bien qu'on trouve à le connaître,
Et ce qu'on souffre en le perdant.
poésie de Alfred de Musset
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Finalement sur le point que Morphée
Finalement sur le point que Morphée
Plus véritable apparaît à nos yeux,
Fâché de voir l'inconstance des cieux,
Je vois venir la soeur du grand Typhée :
Qui bravement d'un morion coiffée
En majesté semblait égale aux dieux,
Et sur le bord d'un fleuve audacieux
De tout le monde érigeait un trophée.
Cent rois vaincus gémissaient à ses pieds,
Les bras aux dos honteusement liés :
Lors effrayé de voir telle merveille;
Le ciel encor je lui vois guerroyer,
Puis tout à coup je la vois foudroyer,
Et du grand bruit en sursaut je m'éveille.
poésie de Joachim du Bellay
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Les Lèvres
Depuis que tu m’as quitté,
Je suis hanté par tes lèvres,
Inoubliable beauté !
Dans mes spleens et dans mes fièvres,
À toute heure, je les vois
Avec leurs sourires mièvres ;
Et j’entends encor la voix
Qui s’en échappait si pure
En disant des mots grivois.
Sur l’oreiller de guipure
J’évoque ton incarnat,
Délicieuse coupure !
Ô muqueuses de grenat,
Depuis que l’autre vous baise,
Je rêve d’assassinat !
Cœur jaloux que rien n’apaise,
Je voudrais le poignarder :
Son existence me pèse !
Oh ! que n’ai-je pu garder
Ces lèvres qui dans les larmes
Savaient encor mignarder !
Aujourd’hui, je n’ai plus d’armes
Contre le mauvais destin,
Puisque j’ai perdu leurs charmes !
Quelle ivresse et quel festin
Quand mes lèvres sur les siennes
Buvaient l’amour clandestin !
Où sont tes langueurs anciennes,
Dans ce boudoir qu’embrumait
L’ombre verte des persiennes !
Alors ta bouche humait
En succions convulsives
Ton amant qui se pâmait !
Ô mes caresses lascives
Sur ses lèvres, sur ses dents
Et jusque sur ses gencives !
Jamais las, toujours ardents,
Nous avions des baisers fauves
Tour à tour mous et mordants.
Souviens-toi de nos alcôves
Au fond des bois, dans les prés,
Sur la mousse et sur les mauves,
Quand des oiseaux diaprés
Volaient à la nuit tombante
Dans les arbres empourprés !
Mon âme est toute flambante
En songeant à nos amours :
C’est ma pensée absorbante !
Et j’en souffrirai toujours :
Car ces lèvres qui me raillent,
Hélas ! dans tous mes séjours,
Je les vois qui s’entre-bâillent !
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
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Tu ne me vois jamais, Pierre, que tu ne die
Tu ne me vois jamais, Pierre, que tu ne die
Que j'étudie trop, que je fasse l'amour,
Et que d'avoir toujours ces livres à l'entour
Rend les yeux éblouis et la tête alourdie.
Mais tu ne l'entends pas : car cette maladie
Ne me vient du trop lire ou du trop long séjour,
Ainsi de voir le bureau, qui se tient chacun jour :
C'est, Pierre mon ami, le livre où j'étudie.
Ne m'en parle donc plus, autant que tu as cher
De me donner plaisir et de ne me fâcher :
Mais bien en cependant que d'une main habile
Tu me laves la barbe et me tonds les cheveux,
Pour me désennuyer, conte-moi, si tu veux,
Des nouvelles du pape et du bruit de la ville.
poésie de Joachim du Bellay
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Les Étoiles bleues
Au creux de mon abîme où se perd toute sonde,
Maintenant, jour et nuit, je vois luire deux yeux,
Amoureux élixirs de la flamme et de l'onde,
Reflets changeants du spleen et de l’azur des cieux.
Ils sont trop singuliers pour être de ce monde,
Et pourtant ces yeux fiers, tristes et nébuleux,
Sans cesse en me dardant leur lumière profonde
Exhalent des regards qui sont des baisers bleus.
Rien ne vaut pour mon cœur ces yeux pleins de tendresse
Uniquement chargés d’abreuver mes ennuis :
Lampes de ma douleur, phares de ma détresse,
Les yeux qui sont pour moi l’étoile au fond d’un puits,
Adorables falots mystiques et funèbres
Zébrant d’éclairs divins la poix de mes ténèbres.
poésie de Maurice Rollinat
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Le Mauvais Å’il
Le mauvais œil me persécute :
Un œil où le blâme reluit,
Où la haine se répercute,
Fixe et vitreux comme celui
Du condamné qu’on exécute.
Sans que jamais il se rebute,
Il me précède ou me poursuit,
Où que j’aille, où que mon pied bute,
Le mauvais Å“il !
Et je suis tellement en butte
À cet œil jaune qui me nuit
Que je le vois même la nuit ;
Et dompteur dont je suis la brute,
Dans l’ombre il me vrille et me scrute,
Le mauvais Å“il !
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
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La Vie en Rose
Des yeux qui font baiser les miens,
Un rire qui se perd sur sa bouche,
Voila le portrait sans retouche
De l'homme auquel j'appartiens
Quand il me prend dans ses bras
Il me parle tout bas,
Je vois la vie en rose.
Il me dit des mots d'amour,
Des mots de tous les jours,
Et ca me fait quelque chose.
Il est entre dans mon coeur
Une part de bonheur
Dont je connais la cause.
C'est lui pour moi. Moi pour lui
Dans la vie,
Il me l'a dit, l'a jure pour la vie.
Et des que je l'apercois
Alors je sens en moi
Mon coeur qui bat
Des nuits d'amour a ne plus en finir
Un grand bonheur qui prend sa place
Des enuis des chagrins, des phases
Heureux, heureux a en mourir.
Quand il me prend dans ses bras
Il me parle tout bas,
Je vois la vie en rose.
Il me dit des mots d'amour,
Des mots de tous les jours,
Et ca me fait quelque chose.
Il est entre dans mon coeur
Une part de bonheur
Dont je connais la cause.
C'est toi pour moi. Moi pour toi
Dans la vie,
Il me l'a dit, l'a jure pour la vie.
Et des que je l'apercois
Alors je sens en moi
Mon coeur qui bat
chanson interprété par Edith Piaf
Ajouté par Simona Enache
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Colloque sentimental
Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux formes ont tout à l'heure passé.
Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
Et l'on entend à peine leurs paroles.
Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux spectres ont évoqué le passé.
- Te souvient-il de notre extase ancienne?
- Pourquoi voulez-vous donc qu'il m'en souvienne?
- Ton coeur bat-il toujours à mon seul nom?
Toujours vois-tu mon âme en rêve? - Non.
Ah ! les beaux jours de bonheur indicible
Où nous joignions nos bouches ! - C'est possible.
- Qu'il était bleu, le ciel, et grand, l'espoir !
- L'espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.
Tels ils marchaient dans les avoines folles,
Et la nuit seule entendit leurs paroles.
poésie de Paul Verlaine de Fêtes galantes (1869)
Ajouté par Dan Costinaş
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Le vieux pêcheur
Au fil de l'eau coulant sans bruit,
Triste et beau comme un vieux monarque,
Perche en main, débout dans sa barque,
Le pêcheur aspirait la nuit.
Son extase mal contenue
Rivait, pleins de larmes, ses yeux
Au grand miroir mystérieux
Où tremblait l'ombre de la nue.
L'astre pur, Ã frissons follets,
Jetait prodigue ses reflets
A cette transparence brune ;
J'entendis l'homme chuchoter :
' C'te nuit ! fait-i' bon d'exister !
Pour voir l'eau s'ens'mencer d'la lune. '
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
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La valse des saisons m'enivre et m'étourdit. Chaque jour que découvrent mes yeux, qu'il soit bleu, qu'il soit gris, est un pas de plus sur le chemin de mon histoire. Sa fin n'est pas écrite, il me reste tant à voir.
citation de Hervé Desbois
Ajouté par Micheleflowerbomb
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La Dame en cire
Je regardais tourner le mannequin,
Et j’admirais sa taille, sa poitrine,
Ses cheveux d’or et son minois taquin,
Lorsque j’ai vu palpiter sa narine
Et son cou mince à forme vipérine.
— « Elle vit donc ! » me dis-je, épouvanté :
Et depuis lors, à toute heure hanté
Par un amour que rien ne peut occire,
J’ai la peur et la curiosité
De voir entrer chez moi la dame en cire.
Par tous les temps, sous un ciel africain,
Et sous la nue inquiète ou chagrine,
Comme un nageur que poursuit un requin,
Sans pouvoir fuir je reste à sa vitrine,
Et là j’entends mon cœur qui tambourine.
J’ai beau me dire : « Horreur ! Insanité ! »
Il est des nuits d’affreuse obscurité,
— Tant je l’évoque et tant je la désire !
Où je conçois la possibilité
De voir entrer chez moi la dame en cire !
Telle qu’elle est en robe de nankin,
Avec ses yeux couleur d’aigue-marine
Et son sourire attirant et coquin,
La pivoteuse à bouche purpurine
Dans mon cerveau s’installe et se burine
Je m’hallucine avec avidité,
Et je m’enfonce, ivre d’étrangeté,
Dans un brouillard que ma raison déchire,
Car c’est mon rêve ardemment souhaité
De voir entrer chez moi la dame en cire.
ENVOI
Ô toi qui m’as si souvent visité,
Satan ! vieux roi de la perversité,
Fais-moi la grâce, ô sulfureux Messire,
Par un minuit lugubrement tinté,
De voir entrer chez moi la dame en cire !
poésie de Maurice Rollinat
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Le Vieux Chaland
Voyez ! j’vis seul dans c’grand moulin
Dont plus jamais l’tic tac résonne ;
J’m’en occup’ plus, n’ayant personne...
Mais c’est l’sort : jamais je n’m’ai plaint.
C’t’existenc’ déserte et si r’cluse
Ent’ la montagne et la forêt
Plaît à mon goût q’aim’ le secret,
Puis, j’ai mon copain sur l’écluse !
Le v’là ! c’est l’grand chaland d’famille.
À présent, ses flancs et sa quille
Sont usés ; l’malheureux bateau,
Malgré que j’le soigne, i’ prend d’l’eau,
Tout ainsi q’moi j’prends d’la faiblesse.
Ah dam’ ! c’est q’d’âg’ nous nous suivons,
Et q’sans r’mèd’ tous deux nous avons
L’mêm’ vilain mal q’est la vieillesse.
Des vrais madriers q’ses traverses !
Et qui n’sont pas prêts d’êt’ rompus.
C’est bâti comme on n’bâtit plus !
Trop bien assis pour que ça verse.
En a-t-i’ employé du chêne
Aussi droit q’long, et pas du m’nu !
C’bateau plat q’j’ai toujou’ connu
Avec sa même énorm’ grand’ chaîne !
Pour nous, maint’nant, le r’pos et l’songe
C’est plus guèr’ que du croupiss’ment.
À séjourner là , fixement,
Lui, l’eau, moi, l’ennui, — ça nous ronge.
Mais, n’ya plus d’force absolument.
Faut s’ménager pour qu’on s’prolonge !
Si j’disais non ! ça s’rait mensonge.
J’somm’ trop vieux pour le navig’ment.
Sûr que non ! c’est pas comme aut’fois,
Du temps q’yavait tant d’truit’ et d’perches,
« Au bateau ! » m’criaient tout’ les voix...
Les pêcheurs étaient à ma r’cherche ;
À tous les instants mes gros doigts
Se r’courbaient, noués sur ma perche.
Malheur ! quel bon chaland c’était !
Vous parlez que c’lui-là flottait
Sans jamais broncher sous la charge !
Toujours ferme à tous les assauts
Des plus grands vents, des plus grand’s eaux,
I’ filait en long comme en large.
Et la nuit, sous la lun’ qui glisse,
Quand, prom’nant mes yeux d’loup-cervier,
J’pêchais tout seul à l’épervier,
Oh ! qu’il était donc bon complice !
Comme i’ manœuvrait son coul’ment,
En douceur d’huil’, silencieus’ment,
Aussi mort que l’onde était lisse !
I’ savait mes façons, c’que c’est !
On aurait dit qu’i’ m’connaissait.
Qu’il avait une âm’ dans sa masse.
À mes souhaits, tout son gros bois
Voguait comm’ s’il avait pas d’poids,
Ou ben rampait comme un’ limace.
Oui ! dans c’temps-là , j’étions solides.
Il avait pas d’mouss’ — moi, pas d’rides.
J’aimions les aventur’ chacun ;
Et tous deux pour le goût d’la nage
Nous étions d’si près voisinage
Q’toujours ensemble on n’faisait qu’un.
Sur l’écluse i’ s’en allait crâne,
J’crois qu’on aurait pu, l’bon Dieu m’damne !
Y fair’ porter toute un’ maison.
En a-t-i’ passé des foisons
D’bœufs, d’chevaux, d’cochons, d’ouaill’ et d’ânes !
I’ charriait pomm’ de terr’, bett’raves,
D’quoi vous en remplir toute un’ cave,
Du blé, du vin, ben d’autr’ encor,
Des madriers, des pierr’, des cosses,
Et puis des baptêm’ et des noces,
Sans compter qu’i’ passait des morts.
Oh ! C’est ben pour ça qu’en moi-même
Autant je l’respecte et je l’aime
Mon pauv’ vieux chaland vermoulu ;
C’est qu’un à un sur la rivière
Il a passé pour le cim’tière
Tous mes gens que je n’verrai plus.
J’ai fait promettre à la commune
À qui j’lég’rai ma petit’ fortune
Q’jusqu’à temps qu’i’ coule au fond d’l’eau,
On l’laiss’ra tranquill’ sous c’bouleau,
Dans sa moisissure et sa rouille.
J’mourrai content pac’que l’lend’main,
Pendant un tout p’tit bout d’chemin,
C’est lui qui port’ra ma dépouille.
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La Mariée
La mariée est toute pâle,
Aussi pâle que son bouquet,
Lorsque la danse et le banquet
Ont cessé dans la grande salle.
Le père sourit d’un air mâle,
Et la mère a l’œil inquiet.
La mariée est toute pâle,
Aussi pâle que son bouquet.
— Plainte exquise, harmonieux râle,
Interminable et doux hoquet !
Aussi, quand le matin coquet
Montre sa rose et son opale,
La mariée est toute pâle.
poésie de Maurice Rollinat
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L'Étoile d'un fou
À force de songer, je suis au bout du songe ;
Mon pas n’avance plus pour le voyage humain,
Aujourd’hui comme hier, hier comme demain,
Rengaine de tourment, d’horreur et de mensonge !
Il me faut voir sans cesse, où que mon regard plonge,
En tous lieux, se dresser la Peur sur mon chemin ;
Satan fausse mes yeux, l’ennui rouille ma main,
Et l’ombre de la Mort devant moi se prolonge.
Reviens donc, bonne étoile, à mon triste horizon.
Unique espoir d’un fou qui pleure sa raison,
Laisse couler sur moi ta lumière placide ;
Luis encore ! et surtout, cher Astre médecin,
Accours me protéger, si jamais dans mon sein
Serpentait l’éclair rouge et noir du Suicide.
poésie de Maurice Rollinat
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Où vais-je?
Sur les petits chênes trapus
Voici qu’enfin las et repus
Les piverts sont interrompus
Par les orfraies.
A cette heure, visqueux troupeaux,
Les limaces et les crapauds
Rampent allègres et dispos
Le long des haies !
Enfin l’ombre ! le jour a fui.
Je vais promener mon ennui
Dans la profondeur de la nuit
Veuves d’étoiles !
Un vent noir se met à souffler,
Serpent de l’air, il va siffler,
Et mes poumons vont se gonfler
Comme des voiles.
Au fond des grands chemins herbeux,
Çà et là troués et bourbeux,
J’entends les taureaux et les bœufs
Qui se lamentent,
Et je vais, savourant l’horreur
De ces beuglements de terreur,
Sous les rafales en fureur
Qui me tourmentent !
Sur des sols mobiles et mous,
Espèces de fangueux remous,
Je marche avec les gestes fous
Des maniaques !
Où sont les arbres ? je ne vois
Que les yeux rouges des convois
Dont les sifflements sont des voix
Démoniaques.
Hélas ! mon pas de forcené
Aura sans doute assassiné
Plus d’un crapaud pelotonné
Sur sa femelle !
Oh ! oui, j’ai dû marcher sur eux,
Car dans ce marais ténébreux
J’ai sentis des frissons affreux
Sous ma semelle.
Et je marche ! Or, sans qu’il ait plu,
Tout ce terrain n’est qu’une glu ;
Mais le vertige a toujours plu
Au cœur qui souffre !
Et je m’empêtre dans les joncs.
Me cramponnant aux sauvageons
Et labourant de mes plongeons
L’ignoble gouffre !
Sous le ciel noir comme un cachot,
Crinière humide et crâne chaud,
Je m’avance en parlant si haut
Que je m’enroue.
Suis-je entré dans un cul-de-sac ?
Mais non ! après de longs flic-flac
Je finis par franchir ce lac
D’herbe et de boue
Les chiens ont comme les taureaux
Des ululements gutturaux !
Pas une lueur aux carreaux
Des maisons proches !
N’importe ! je vais m’enfournant
Dans la nuit d’un chemin tournant
Et je clopine maintenant
Parmi des roches.
Où vais-je ? comment le savoir ?
Car c’est en vain que pour y voir
Je ferme et j’ouvre dans le noir
Mes deux paupières !
Terre et Cieux, coteau, plaine et bois
Sont ensevelis dans la poix,
Et je heurte de tout mon poids
De grandes pierres !
Les buissons sont si rapprochés
Qu’à chaque pas sur les rochers
Mes vêtements sont accrochés
Par une ronce.
Derrière, devant, de travers,
Le vent me cravache ! oh ! quels vers
J’ébauche dans ces trous pervers,
Où je m’enfonce !
La rocaille devient verglas,
Tenaille, scie, et coutelas !
Je glisse, et le mince échalas
Que j’ai pour canne
Craque et va se casser en deux…
Mais toujours mon pied hasardeux
Rampe, et je dois être hideux
Tant je ricane !
Et je tombe, et je retombe ! oh !
Ce chemin sera mon tombeau !
Un abominable corbeau
Me le croasse !
Sur mon épaule, ce coup sec
Vient-il d’une branche ou d’un bec ?
Et dois-je aussi lutter avec
L’oiseau vorace ?
Bah ! je marche toujours ! bravant
Les pierres, la nuit et le vent !
J’affrontais bien auparavant
La vase infecte !
Où que j’aventure mon pied
Je trébuche à m’estropier…
Mais dans ce rocailleux guêpier
Je me délecte !
Rafales, ruez-vous sans mors !
Ronce, égratigne ; caillou, mords !
Nuit noire comme un drap des morts,
Sois plus épaisse !
Je ris de votre acharnement,
Car l’horreur est un aliment
Dont il faut qu’effroyablement
Je me repaisse !…
poésie de Maurice Rollinat
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Doulcin, quand quelquefois je vois ces pauvres filles
Doulcin, quand quelquefois je vois ces pauvres filles
Qui ont le diable au corps, ou le semblent avoir,
D'une horrible façon corps et tête mouvoir,
Et faire ce qu'on dit de ces vieilles Sibylles :
Quand je vois les plus forts se retrouver débiles,
Voulant forcer en vain leur forcené pouvoir :
Et quand même j'y vois perdre tout leur savoir
Ceux qui sont en votre art tenus des plus habiles :
Quand effroyablement écrier je les oy,
Et quand le blanc des yeux renverser je leur voy,
Tout le poil me hérisse, et ne sais plus que dire.
Mais quand je vois un moine avecques son latin
Leur tâter haut et bas le ventre et le tétin,
Cette frayeur se passe, et suis contraint de rire.
poésie de Joachim du Bellay
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Le Corbeau
"Une fois, sur le minuit lugubre, pendant que je méditais, faible et fatigué, sur maint précieux et curieux volume d'une doctrine oubliée, pendant que je donnais de la tête, presque assoupi, soudain il se fit un tapotement, comme de quelqu'un frappant doucement, frappant à la porte de ma chambre. "C'est quelque visiteur, — murmurai-je, — qui frappe à la porte de ma chambre; ce n'est que cela, et rien de plus."
Ah! distinctement je me souviens que c'était dans le glacial décembre, et chaque tison brodait à son tour le plancher du reflet de son agonie. Ardemment je désirais le matin; en vain m'étais-je efforcé de tirer de mes livres un sursis à ma tristesse, ma tristesse pour ma Lénore perdue, pour la précieuse et rayonnante fille que les anges nomment Lénore, — et qu'ici on ne nommera jamais plus.
Et le soyeux, triste et vague bruissement des rideaux pourprés me pénétrait, me remplissait de terreurs fantastiques, inconnues pour moi jusqu'à ce jour; si bien qu'enfin, pour apaiser le battement de mon cœur, je me dressai, répétant: "C'est quelque visiteur qui sollicite l'entrée à la porte de ma chambre, quelque visiteur attardé sollicitant l'entrée à la porte de ma chambre; — c'est cela même, et rien de plus."
Mon âme en ce moment se sentit plus forte. N'hésitant donc pas plus longtemps: "Monsieur, — dis-je, — ou madame, en vérité j'implore votre pardon; mais le fait est que je sommeillais, et vous êtes venu frapper si doucement, si faiblement vous êtes venu taper à la porte de ma chambre, qu'à peine étais-je certain de vous avoir entendu." Et alors j'ouvris la porte toute grande; — les ténèbres, et rien de plus!
Scrutant profondément ces ténèbres, je me tins longtemps plein d'étonnement, de crainte, de doute, rêvant des rêves qu'aucun mortel n'a jamais osé rêver; mais le silence ne fut pas troublé, et l'immobilité ne donna aucun signe, et le seul mot proféré fut un nom chuchoté: "Lénore!" — C'était moi qui le chuchotais, et un écho à son tour murmura ce mot: "Lénore!" — Purement cela, et rien de plus.
Rentrant dans ma chambre, et sentant en moi toute mon âme incendiée, j'entendis bientôt un coup un peu plus fort que le premier. "Sûrement, — dis-je, — sûrement, il y a quelque chose aux jalousies de ma fenêtre; voyons donc ce que c'est, et explorons ce mystère. Laissons mon cœur se calmer un instant, et explorons ce mystère; — c'est le vent, et rien de plus."
Je poussai alors le volet, et, avec un tumultueux battement d'ailes, entra un majestueux corbeau digne des anciens jours. Il ne fit pas la moindre révérence, il ne s'arrêta pas, il n'hésita pas une minute; mais, avec la mine d'un lord ou d'une lady, il se percha au-dessus de la porte de ma chambre; il se percha sur un buste de Pallas juste au-dessus de la porte de ma chambre; — il se percha, s'installa, et rien de plus.
Alors cet oiseau d'ébène, par la gravité de son maintien et la sévérité de sa physionomie, induisant ma triste imagination à sourire: "Bien que ta tête, — lui dis-je, — soit sans huppe et sans cimier, tu n'es certes pas un poltron, lugubre et ancien corbeau, voyageur parti des rivages de la nuit. Dis-moi quel est ton nom seigneurial aux rivages de la Nuit plutonienne!" Le corbeau dit: "Jamais plus!"
Je fus émerveillé que ce disgracieux volatile entendît si facilement la parole, bien que sa réponse n'eût pas un bien grand sens et ne me fût pas d'un grand secours; car nous devons convenir que jamais il ne fut donné à un homme vivant de voir un oiseau au-dessus de la porte de sa chambre, un oiseau ou une bête sur un buste sculpté au-dessus de la porte de sa chambre, se nommant d'un nom tel que Jamais plus!
Mais le corbeau, perché solitairement sur le buste placide, ne proféra que ce mot unique, comme si dans ce mot unique il répandait toute son âme. Il ne prononça rien de plus; il ne remua pas une plume, — jusqu'à ce que je me prisse à murmurer faiblement: "D'autres amis se sont déjà envolés loin de moi; vers le matin, lui aussi, il me quittera comme mes anciennes espérances déjà envolées." L'oiseau dit alors: "Jamais plus!"
Tressaillant au bruit de cette réponse jetée avec tant d'à -propos: "Sans doute, — dis-je, — ce qu'il prononce est tout son bagage de savoir, qu'il a pris chez quelque maître infortuné que le Malheur impitoyable a poursuivi ardemment, sans répit, jusqu'à ce que ses chansons n'eussent plus qu'un seul refrain, jusqu'à ce que le De profundis de son Espérance eût pris ce mélancolique refrain: Jamais, jamais plus!
Mais, le corbeau induisant encore toute ma triste âme à sourire, je roulai tout de suite un siège à coussins en face de l'oiseau et du buste et de la porte; alors, m'enfonçant dans le velours, je m'appliquai à enchaîner les idées aux idées, cherchant ce que cet augural oiseau des anciens jours, ce que ce triste, disgracieux, sinistre, maigre et augural oiseau des anciens jours voulait faire entendre en croassant son Jamais plus!
Je me tenais ainsi, rêvant, conjecturant, mais n'adressant plus une syllabe à l'oiseau, dont les yeux ardents me brûlaient maintenant jusqu'au fond du cœur; je cherchais à deviner cela, et plus encore, ma tête reposant à l'aise sur le velours du coussin que caressait la lumière de la lampe, ce velours violet caressé par la lumière de la lampe que sa tête, à Elle, ne pressera plus, — ah! jamais plus!
Alors il me sembla que l'air s'épaississait, parfumé par un encensoir invisible que balançaient des séraphins dont les pas frôlaient le tapis de la chambre. "Infortuné! — m'écriai-je, — ton Dieu t'a donné par ses anges, il t'a envoyé du répit, du répit et du népenthès dans tes ressouvenirs de Lénore! Bois, oh! bois ce bon népenthès, et oublie cette Lénore perdue!" Le corbeau dit: "Jamais plus!"
"Prophète! — dis-je, — être de malheur! oiseau ou démon, mais toujours prophète! que tu sois un envoyé du Tentateur, ou que la tempête t'ait simplement échoué, naufragé, mais encore intrépide, sur cette terre déserte, ensorcelée, dans ce logis par l'Horreur hanté, — dis-moi sincèrement, je t'en supplie, existe-t-il, existe-t-il ici un baume de Judée? Dis, dis, je t'en supplie!" Le corbeau dit: "Jamais plus!"
"Prophète! — dis-je, — être de malheur! oiseau ou démon! toujours prophète! par ce Ciel tendu sur nos têtes, par ce Dieu que tous deux nous adorons, dis à cette âme chargée de douleur si, dans le Paradis lointain, elle pourra embrasser une fille sainte que les anges nomment Lénore, embrasser une précieuse et rayonnante fille que les anges nomment Lénore." Le corbeau dit: "Jamais plus!"
"Que cette parole soit le signal de notre séparation, oiseau ou démon! — hurlai-je en me redressant. — Rentre dans la tempête, retourne au rivage de la Nuit plutonienne; ne laisse pas ici une seule plume noire comme souvenir du mensonge que ton âme a proféré; laisse ma solitude inviolée; quitte ce buste au-dessus de ma porte; arrache ton bec de mon cœur et précipite ton spectre loin de ma porte!" Le corbeau dit: "Jamais plus!"
Et le corbeau, immuable, est toujours installé, toujours installé sur le buste pâle de Pallas, juste au-dessus de la porte de ma chambre; et ses yeux ont toute la semblance des yeux d'un démon qui rêve; et la lumière de la lampe, en ruisselant sur lui, projette son ombre sur le plancher; et mon âme, hors du cercle de cette ombre qui gît flottante sur le plancher, ne pourra plus s'élever, — jamais plus!
poésie de Edgar Allan Poe (1845), traduction par Charles Baudelaire
Ajouté par Dan Costinaş
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La Morte
Je viens d’enterrer ma maîtresse,
Et je rentre, au déclin du jour,
Dans ce gîte où la mort traîtresse
A fauché mon dernier amour.
En m’en allant au cimetière
Je sanglotais par les chemins,
Et la nature tout entière
Se cachait le front dans les mains.
Oh ! oui ! la nature était triste
Dans ses bruits et dans sa couleur ;
Pour un jour, la grande Égoïste
Se conformait à ma douleur.
La prairie était toute pleine
De corneilles et de corbeaux,
Et le vent hurlait dans la plaine
Sous des nuages en lambeaux :
Roulant des pleurs sous ses paupières
Un mouton bêlait dans l’air froid,
Et de la branche au tas de pierres
L’oiseau volait avec effroi.
L’herbe avait un frisson d’alarme,
Et, le long de la haie en deuil
Où tremblotait plus d’une larme,
Mon chien aboyait au cercueil.
Et, comme moi, soleil, fleur, guêpe,
Tout ce qui vole, embaume, ou luit.
Tout semblait se voiler d’un crêpe,
Et le jour était plein de nuit.
Donc, j’ai vu sa bière à la porte
Tandis que l’on sonnait son glas!…
Et maintenant, la pauvre morte
Est dans la terre ! hélas ! hélas !
En vain, j’évoque la magie
D’un être qui m’était si cher,
Et mon corps à la nostalgie
Épouvantable de sa chair ;
Ce n’est qu’en rêve que je touche
Et que j’entends et que je vois
Ses yeux, son front, ses seins, sa bouche
Et la musique de sa voix !
Matins bleus, jours gais, nuits d’extase,
Colloque à l’ombre du buisson
Où le baiser coupait la phrase
Et qui mourait dans un frisson,
Tout cela, chimères et leurre,
Dans la mort s’est évaporé !
Et je me lamente et je pleure
A jamais farouche et navré.
Je crois voir sa tête sans joue !
Horreur ! son ventre s’est ouvert :
Oh ! dans quelques jours qu’elle boue
Que ce pauvre cadavre vert !
Sur ses doigts et sur son cou roides
Pleins de bagues et de colliers,
Des bêtes gluantes et froides
Rampent et grouillent par milliers.
Oui, ce corps, jalousie atroce !
Aliment de mes transports fous,
C’est maintenant le ver féroce
Qui le mange de baisers mous.
Sa robe, son coussin de ouate,
Ses fleurs, ses cheveux, son linceul
Moisiront dans l’horrible boîte.
Son squelette sera tout seul.
Hélas! le squelette lui-même
A la fin se consumera,
Et de celle que mon cœur aime
Un peu de terre restera.
Quel drame que la pourriture
Fermentant comme un vin qui bout !…
Pièce à pièce, la créature
Se liquéfie et se dissout.
Mes illusions ? renversées !
Mon avenir ? anéanti !
Entre quatre planches vissées
Tout mon bonheur s’est englouti.
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
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Les Yeux morts
De ses grands yeux chastes et fous
Il ne reste pas un vestige :
Ces yeux qui donnaient le vertige
Sont allés où nous irons tous.
En vain, ils étaient frais et doux
Comme deux bluets sur leur tige ;
De ses grands yeux chastes et fous
Il ne reste pas un vestige.
Quelquefois, par les minuits roux
Pleins de mystère et de prestige,
La morte autour de moi voltige,
Mais je ne vois plus que les trous
De ses grands yeux chastes et fous !
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
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