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Ballade de l'arc-en-ciel

La végétation, les marais et le sol
Ont fini d’éponger les larmes de la pluie ;
L’insecte reparaît, l’oiseau reprend son vol
Vers l’arbre échevelé que le zéphyr essuie,
Et l’horizon lointain perd sa couleur de suie.
Lors, voici qu’enjambant tout le coteau rouillé,
Irisant l’étang morne et le roc ennuyé,
S’arrondit au milieu d’un clair-obscur étrange
Le grand fer à cheval du firmament mouillé,
Bleu, rouge, indigo, vert, violet, jaune, orange.

Les champignons pointus gonflent leur parasol
Qui semble regretter l’averse évanouie ;
Le grillon chante en ut et la rainette en sol ;
Et mêlant à leur voix sa stupeur inouïe,
Le soir laisse rêver la terre épanouie.
Puis, sous l’arche de pont du ciel émerveillé
Un troupeau de brouillards passe tout effrayé ;
Le donjon se recule et de vapeur se frange,
Et le soleil vaincu meurt lentement noyé,
Bleu, rouge, indigo, vert, violet, jaune, orange.

Tandis que dans l’air pur grisant comme l’alcool
Montent l’âcre fraîcheur de la mare bleuie
Et les hennissements des poulains sans licol,
Le suprême sanglot de la lumière enfuie
Va s’exhaler au fond de la nue éblouie ;
Et sur l’eau que le saule a l’air de supplier,
Du cerisier sanglant à l’ocreux peuplier,
Dans une paix mystique et que rien ne dérange,
On voit s’effacer l’arc impossible à plier
Bleu, rouge, indigo, vert, violet, jaune, orange.

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Les Genêts

Ce frais matin tout à fait sobre
De vent froid, de nuage errant,
Est le sourire le plus franc
De ce mélancolique octobre.

Lumineusement, l’herbe fume
Vers la cime des châtaigniers
Qui se pâment — désenfrognés
Par le soleil qui les rallume.

Les collines de la bruyère,
Claires, se montrent de plus près
Leurs dégringolantes forêts
Semblant descendre à la rivière.

Celle-ci bombe, se balance
Et huileusement fait son bruit
Qui s’en va, revient, se renfuit,
Comme un bercement du silence.

Le vert-noir de l’eau se confronte
Avec le bleu lacté du ciel
À travers la douceur de miel
D’un air pur où le parfum monte :

Un arome sensible à peine,
Celui de la plante qui meurt
Exhalant sa vie et son cœur
En soufflant sa dernière haleine.

Or, dans ces fonde où l’on commence
À voir, des buissons aux rochers,
Des fils de la Vierge accrochés,
Rêve un clos de genêts immense.

Ils épandent là, — si touffue,
En si compacte quantité !
— Leur couleur évoquant l’été,
Qu’ils cachent le sol à la vue.

Ils ont tout couvert — fougeraies,
Ronce, ajonc, l’herbe, le chiendent.
Sans un vide, ils vont s’étendant
Des quatre cotés jusqu’aux haies.

A-t-il fallu qu’elle soit grande
La solitude de ce val,
Pour que ce petit végétal
Ait englouti toute une brande !

Promenoir gênant, mais bon gîte,
Abri sûr, labyrinthe épais
Du vieux reptile aimant la paix
Et du lièvre qu’une ombre agite !

Leur masse est encore imprégnée
Des pleurs de l’aube : ces balais
Montrent des petits carrelets
En fine toile d’araignée.

Parmi ces teintes déjà rousses
Du grand feuillage décrépit
Ils sont d’un beau vert, en dépit
Du noir desséché de leurs gousses.

Leur verdoiement est le contraire
De celui du triste cyprès :
Il n’évoque pour les regrets
Aucune image funéraire ;

Et pourtant, que jaune-immortelle
Leur floraison éclate ! Alors,
Tout bas, ils parleront des morts
Aux yeux du souvenir fidèle.

Ayant picoté les aumônes
Du bon hasard, dans les guérets,
Les pinsons, les chardonnerets
S’y mêlent rougeâtres et jaunes ;

Et souvent, aux plus hautes pointes,
Dans un nimbe de papillons,
On voit ces menus oisillons
Perchés roides, les pattes jointes.

Mais le soleil qui se rapproche
Perd sa tiédeur et son éclat.
Déjà, tel arbre apparaît plat
Sur le recul de telle roche ;

Toute leur surface embrumée
De marécageuse vapeur,
Les genêts dorment la stupeur
De leur extase inanimée.

Monstrueux de hauteur, de nombre,
Dans ce paysage de roc,
Ils sont là figés, tout d’un bloc,
D’air plus monotone et plus sombre.

En leur vague entour léthargique
Ils prennent, sous l’azur dormant,
Un mystère d’enchantement,
Une solennité magique.

Voici qu’avec le jour plus pâle
À droite, à gauche, on ne sait où,
Sur les bords, au milieu, partout,
On entend le chant bref du râle :

Et c’est d’une horreur infinie
Ce cri qui souterrainement
Contrefait le respirement
D’un être humain à l’agonie !

Puis le ciel baisse à l’improviste,
Devient noir, presque ténébreux.
Les genêts s’éteignent. — Sur eux
La pluie avorte froide et triste.

Et le vent gémissant lugubre,
Au soir mauvais d’un jour si beau,
Emporte dans l’air et sur l’eau
Leur odeur amère et salubre.

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Les Petits Cailloux

Roulés par d’antiques déluges
Ou par des torrents disparus,
Sur tant de chemins parcourus
Ils ont rencontré des refuges.

Ils gisent au hasard du temps,
À la merci brusque de l’homme,
Dormant leur immobile somme,
Mornes, gais, obscurs, miroitants.

Il vous en apparaît, parfois,
Un tas tout blanc sous des aigrettes
D’herbes folles et de fleurettes
Dans la clairière d’un grand bois.

Certains, au pied d’un très vieil arbre,
Semblent au fond d'un ravin gris,
Sur une mousse vert-de-gris,
De beaux petits morceaux de marbre.

La chenille qu’humide ou sec
Un coup de vent jette ou remporte
Bien collée à sa feuille morte ;
L’aiguisage d’un petit bec ;

Fourmis au repos comme à l’œuvre ;
La rampade, le repliement
Tassé, le désenroulement
Brusque ou dormi de la couleuvre ;

Les divers grincés du grillon
Selon qu’il s’arrête ou qu’il flâne ;
La caresse d’un mufle d’âne ;
Le flottement d’un papillon :

Tout cela, léger, taciturne,
Ou d’un murmure si discret,
Ils l'ont ! et savent le secret
De plus d’une bête nocturne.


II

Ils ornent le recoin seulet,
Émaillent le sentier sauvage,
Le fossé, le mignon rivage
De la source et du ruisselet.

L’averse vient quand il lui plaît
Leur donner fraîcheur et breuvage ;
Le soleil, après ce lavage,
Les essuie avec un reflet.

Ovales, ronds, plats ou bombés,
Polis, blancs, jaunes, violâtres,
Ils attachent les yeux du pâtre
Aux longs regards inoccupés,

Comme ils frappent le solitaire
Qui, lassé du visage humain,
Trouve toujours sur son chemin
De quoi se pencher vers la terre,

Et leur aspect, même au temps froid,
Charme encor le plus triste endroit,
Car on sait que chacun recèle

Cet éclair soudain, rouge et bleu,
Cette âme furtive du feu :
La prestigieuse étincelle !


III

Là, frôlés de ces glisseurs doux :
Le lézard, le ver et l’insecte,
Au bord d’une eau qui les humecte,
Ils rêvent les petits cailloux.

Au milieu des clartés éteintes
Le soleil, retardant sa mort,
Ajoute comme un glacis d’or,
Comme un frisson rose à leurs teintes.

Et, quand d’un invisible vol
Dans l’air, au chant du rossignol,
Vont les brises capricieuses...

L’astre sorcier qui les revêt
De son ombre magique, en fait
D’étranges pierres précieuses.

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La Mare aux grenouilles

Cette mare, l’hiver, devient inquiétante,
Elle s’étale au loin sous le ciel bas et gris,
Sorte de poix aqueuse, horrible et clapotante,
Où trempent les cheveux des saules rabougris.

La lande tout autour fourmille de crevasses,
L’herbe rare y languit dans des terrains mouvants,
D’étranges végétaux s’y convulsent, vivaces,
Sous le fouet invisible et féroce des vents ;

Les animaux transis, que la rafale assiège,
Y râlent sur des lits de fange et de verglas,
Et les corbeaux — milliers de points noirs sur la neige
Les effleurent du bec en croassant leur glas.

Mais la lande, l’été, comme une tôle ardente,
Rutile en ondoyant sous un tel brasier bleu,
Que l’arbre, la bergère et la bête rôdante
Aspirent dans l’air lourd des effluves de feu.

Pourtant, jamais la mare aux ajoncs fantastiques
Ne tarit. Vert miroir tout encadré de fleurs
Et d’un fourmillement de plantes aquatiques,
Elle est rasée alors par les merles siffleurs.

Aux saules, aux gazons que la chaleur tourmente,
Elle offre l’éventail de son humidité,
Et, riant à l’azur, — limpidité dormante,
Elle s’épanouit comme un lac enchanté.

Or, plus que les brebis, vaguant toutes fluettes
Dans la profondeur chaude et claire du lointain,
Plus que les papillons, fleurs aux ailes muettes,
Qui s’envolent dans l’air au lever du matin,

Plus que l’Eve des champs, fileuse de quenouilles,
Ce qui m’attire alors sur le vallon joyeux,
C’est que la grande mare est pleine de grenouilles,
— Bon petit peuple vert qui réjouit mes yeux.

Les unes : père, mère, enfant mâle et femelle,
Lasses de l’eau vaseuse à force de plongeons,
Par sauts précipités, grouillantes, pêle-mêle,
Friandes de soleil, s’élancent hors des joncs ;

Elles s’en vont au loin s’accroupir sur les pierres,
Sur les champignons plats, sur les bosses des troncs,
Et clignotent bientôt leurs petites paupières
Dans un nimbe endormeur et bleu de moucherons.

Émeraude vivante au sein des herbes rousses,
Chacune luit en paix sous le midi brûlant ;
Leur respiration a des lenteurs si douces
Qu’à peine on voit bouger leur petit goitre blanc.

Elles sont là, sans bruit rêvassant par centaines,
S’enivrant au soleil de leur sécurité ;
Un scarabée errant du bout de ses antennes
Fait tressaillir parfois leur immobilité.

La vipère et l’enfant — deux venins ! — sont pour elles
Un plus mortel danger que le pied lourd des bœufs :
A leur approche, avec des bonds de sauterelles,
Je les vois se ruer à leurs gîtes bourbeux ;

Les autres que sur l’herbe un bruit laisse éperdues,
Ou qui préfèrent l’onde au sol poudreux et dur,
A la surface, aux bords, les pattes étendues,
Inertes hument l’air, le soleil et l’azur.

Ces reptiles mignons qui sont, malgré leur forme,
Poissons dans les marais, et sur la terre oiseaux,
Sautillent à mes pieds, que j’erre ou que je dorme,
Sur le bord de l’étang troué par leurs museaux.

Je suis le familier de ces bêtes peureuses
A ce point que, sur l’herbe et dans l’eau, sans émoi,
Dans la saison du frai qui les rend langoureuses,
Elles viennent s’unir et s’aimer devant moi.

Et près d’elles, toujours, le mal qui me torture,
L’ennui, — sombre veilleur, — dans la mare s’endort ;
Et, ravi, je savoure une ode à la nature
Dans l’humble fixité de leurs yeux cerclés d’or.

Et tout rit : ce n’est plus le corbeau qui croasse
Son hymne sépulcral aux charognes d’hiver :
Sur la lande aujourd’hui la grenouille coasse,
— Bruit monotone et gai claquant sous le ciel clair.

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Parapente

Chaque matin, on se jette dans le vide.
Cours vers l’abîme, comme un civilisé.
Comme un aphoriste au lectorat défunt.
La terre tourne, encore plus folle.
Ce monde m’échappe, décidément.
Évohé, Icare, tu réussis enfin !
Dans cette plongée, ivre des profondeurs de l’air.
Comment ne pas devenir léger ?

*

Aujourd’hui, tu te jettes dans le ciel.
Porté par les vibrations ascendantes d’une vie.
Évite de regarder de haut cet aigle.
— Restons camarades, frère choucas.
L’air bruisse et ne se froisse jamais.
On tire une drisse, et le soleil vire.
L’autre, une cîme se penche.
La neige est tombée, là-bas sous la lumière.

*

La forêt, cette mousse émeraude ?
Je suis enfin redevenu un nain allègre.
À l’école des oiseaux, comme jadis.
Pourquoi ces maisons reprendraient-elles leur taille ?
Le ciel, les monts, la mer ont semblé des jouets.
Écoute la finesse de l’air, sur les rémiges.
Fin stratège, comme un freux.
La cascade vole au ciel.

*

L’herbe accueille.
— Comme elle seule sait le faire.
Au milieu de ses fleurs altières, anonymes, inoubliables.
Tout ce ciel rouge ou vert à remballer, avec soin, dans un sac.
Le monde, suspendu à un anneau de dural,
violine ou vert pomme.

*

Un recueil d’aphorismes n’est pas un univers, mais la boîte de
couleurs qui les contient tous.

Le narrateur a-t-il déjà touché terre ?

« Je suis devenu ce point, là-bas, sous la voilure
soyeuse de l’interrogation. »

天神 — Encore un dernier vœu au dieu du ciel et de la
littérature.

poésie de François VaucluseSignalez un problèmeDes citations similaires
Ajouté par Veronica Șerbănoiu
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La Sauterelle

Sa tête a l’air d’être en bois peint,
Malgré ses mandibules moites ;
Elle a l’œil gros comme un pépin.
Pareille aux bêtes en sapin,
Mouton, cheval, bœuf et lapin,
Que les enfants ont dans des boîtes,
Sa tête a l’air d’être en bois peint,
Malgré ses mandibules moites.

Grise, elle a les ailes doublées
De rouge antique ou de bleu clair
Qu’on entrevoit dans ses volées
Brusques, ronflantes et tremblées.
Verte, ses jambes endiablées
Sont aussi promptes que l’éclair ;
Grise, elle a les ailes doublées
De rouge antique ou de bleu clair.

Elle saute sans nul effort
Les ruisselets et les ornières ;
Et son coup de cuisse est si fort
Qu’elle semble avoir un ressort.
Puis, quand elle a pris son essor
Autour des trous et des marnières,
Elle saute sans nul effort
Les ruisselets et les ornières.

La toute petite grenouille
La regarde et croit voir sa sœur,
Au bord du pacage qui grouille
De fougères couleur de rouille.
Dans sa rigole où l’eau gargouille,
Sur son brin de jonc caresseur,
La toute petite grenouille
La regarde et croit voir sa sœur.

Elle habite loin des marais,
Sous la feuillée, au pied du chêne ;
Dans les clairières des forêts,
Sur le chaume et dans les guérets.
Aux champs, elle frétille auprès
Du vieil âne tirant sa chaîne ;
Elle habite loin des marais,
Sous la feuillée auprès du chêne.

Nids de taupes et fourmilières,
Champignon rouge et caillou blanc,
Le chardon, la mousse et les lierres
Sont ses rencontres familières.
Sur les brandes hospitalières,
Elle vagabonde en frôlant
Nids de taupes et fourmilières,
Champignon rouge et caillou blanc.

Quand le soleil a des rayons
Qui sont des rires de lumière,
Elle se mêle aux papillons
Et cliquette avec les grillons ;
Elle abandonne les sillons
Et les abords de la chaumière,
Quand le soleil a des rayons
Qui sont des rires de lumière.

Cheminant, sautant, l’aile ouverte
Elle va par monts et par vaux,
Et voyage à la découverte
De quelque pelouse bien verte :
En vain, elle a plus d’une alerte
Parmi tant de pays nouveaux,
Cheminant, sautant, l’aile ouverte,
Elle va par monts et par vaux.

Son chant aigre est délicieux
Pour l’oreille des buissons mornes.
C’est l’acrobate gracieux
Des grands vallons silencieux.
Les liserons sont tout joyeux
En sentant ses petites cornes ;
Son chant aigre est délicieux
Pour l’oreille des buissons mornes.

Cauchemar de l’agriculteur,
Tu plairas toujours au poète,
Au doux poète fureteur,
Mélancolique observateur.
Beau petit insecte sauteur,
Je t’aime des pieds à la tête :
Cauchemar de l’agriculteur,
Tu plairas toujours au poète !

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Les Meules de foin

Tout le sol tondu ras des solitudes plates
Dans un indéfini recul, toujours plus loin,
S’étale montueux de ses meules de foin
Où saigne le soleil croulé qui se dilate.

Solennelle, pompeuse, avec la nuit qui poind,
D’un morne extasié, leur masse rouge éclate,
Puis, blêmissant, devient l’horizon spectre, et joint
La ligne des cieux blancs de sa cime écarlate.

Stagnant dans l’air croupi, ces meules en sommeil,
Lentement, goutte à goutte, ont tari le soleil
De ses pourpres de sang dont la dernière est bue.

Maintenant, la hideuse et moite obscurité
Comble, débosse, fond, brouille l’immensité
Qui bâille l’ombre informe où s’engloutit la vue.

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Les meules de foin

Tout le sol tondu ras des solitudes plates
Dans un indéfini recul, toujours plus loin,
S'étale montueux de ses meules de foin
Où saigne le soleil croulé qui se dilate.

Solennelle, pompeuse, avec la nuit qui poind,
D'un morne extasié, leur masse rouge éclate,
Puis, blêmissant, devient l'horizon spectre, et joint
La ligne des cieux blancs de sa cime écarlate.

Stagnant dans l'air croupi, ces meules en sommeil,
Lentement, goutte à goutte, ont tari le soleil
De ses pourpres de sang dont la dernière est bue.

Maintenant, la hideuse et moite obscurité
Comble, débosse, fond, brouille l'immensité
Qui bâille l'ombre informe où s'engloutit la vue.

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Le Remords

Plus de brise folle
Sur les talus :
La frivole
Ne vole
Plus !
L’âpre soleil rissole
Les grands fumiers mamelus.

Plus d’oiseau loustic.
Sur le roc rouge
Très à pic
L’aspic
Bouge.
L’homme dévale au bouge,
L’insecte fait son tic tic.

Le bois gigantesque
A la stupeur
D’une fresque.
J’ai presque
Peur !
L’étang par sa torpeur
Est d’un affreux pittoresque.

Et je souffre, hélas !
Jusqu’à la fibre :
Et mon pas
N’est pas
Libre.
Plus une aile qui vibre
Dans l’air où j’entends un glas !

D’êtres nul vestige.
Dans mon linceul
De vertige
Lourd, suis-je
Seul ?
Plus courbé qu’un aïeul,
le marche; — L’étang se fige.

Mon cœur repentant
Dont tu te moques,
O Satan!
Est en
Loques.
Oh ! les noirs soliloques
Que je marmotte en boitant !

Le soleil s’élève
Comme un drap d’or.
L’eau qui rêve
Sans trêve
Dort,
Pendant que le remord
Me taillade avec son glaive.

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Le Pacage

Couleuvre gigantesque il s’allonge et se tord,
Tatoué de marais, hérissé de viornes,
Entre deux grands taillis mystérieux et mornes
Qui semblent revêtus d’un feuillage de mort.

L’eau de source entretient dans ce pré sans rigole
Une herbe où les crapauds sont emparadisés.
Vert précipice, il a des abords malaisés
Tels, que l’on y descend moins qu’on n’y dégringole.

Ses buissons où rôde un éternel chuchoteur
Semblent faits pour les yeux des noirs visionnaires ;
Chaque marais croupit sous des joncs centenaires
Presque surnaturels à force de hauteur.

A gauche, tout en haut des rocs du voisinage,
Sous un ciel toujours bas et presque jamais bleu,
Au fond de l’horizon si voilé quand il pleut,
Gisent les vieux débris d’un château moyen âge.

Le donjon sépulcral est seul resté debout,
Et, comme enveloppé d’un réseau de bruines,
Sort fantastiquement de l’amas des ruines
Que hantent le corbeau, l’orfraie et le hibou.

A droite, çà et là, sur des rocs, sur des buttes,
Qui surplombent aussi le bois inquiétant,
Au diable, par delà les landes et l’étang,
S’éparpille un hameau de quinze ou vingt cahutes.

Et ce hameau hideux sur la cote isolé,
Les ténébreux taillis, la tour noire et farouche,
A toute heure et surtout quand le soleil se couche,
Font à ce pré sinistre un cadre désolé.

Aussi l’œil du poète halluciné sans trêve
En boit avidement l’austère étrangeté.
Pour ce pâle voyant ce pacage est brouté
Par un bétail magique et tout chargé de rêve.

Je ne sais quelle horreur se dégage pour eux
De l’herbe où çà et là leurs pelages font taches,
Mais tous, bœufs et taureaux, les juments et les vaches,
Ont un air effaré sous les saules affreux.

Tout enfant je rôdais sous la bise et l’averse
Aux jours de canicule et par les plus grands froids,
Et ce n’était jamais sans de vagues effrois
Que je m’engageais dans un chemin de traverse.

Loin de la cour de ferme où gambadaient les veaux.
Loin du petit hangar où séchaient des bourrées,
J’arpentais à grands pas les terres labourées,
Les vignes et les bois, seul, par monts et par vaux.

En automne surtout, à l’heure déjà froide,
Où l’horizon décroît sous le ciel assombri,
Alors qu’en voletant l’oiseau cherche un abri,
Et que les bœufs s’en vont l’œil fixe et le coup roide ;

J’aimais à me trouver dans ce grand pré, tout seul,
Fauve et mystérieux comme un loup dans son antre,
Et je marchais, ayant de l’herbe jusqu’au ventre,
Cependant que la nuit déroulait son linceul.

Alors au fatidique hou-hou-hou des chouettes,
Aux coax révélant d’invisibles marais,
La croissante pénombre où je m’aventurais
Fourmillait vaguement d’horribles silhouettes.

Puis aux lointains sanglots d’un sinistre aboyeur
Les taureaux se ruaient comme un troupeau de buffles,
Et parfois je frôlais des fanons, et des mufles
Dont le souffle brûlant me glaçait de frayeur.

Et le morne donjon s’en allait en ténèbres,
La haie obscurcissait encor son fouillis,
Et sur les coteaux noirs la cime des taillis
Craquait sous la rafale avec des bruits funèbres !

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Une résurrection

Autrefois, un pauvre arbre, au coin d'une prairie,
M'avait toujours frappé les yeux
Par son dénudé soucieux
Et par l'air écrasé de sa sommeillerie.

Or, après bien des ans, ce soir, je le retrouve.
Et, c'est un ébahissement
Tout mêlé d'attendrissement.
Comme un trouble ravi qu'à son aspect j'éprouve.

Car, maintenant, pour l'oeil, le serpent de la sève
Qui tette les rameaux, les étouffe et s'y tord,
Le gui, lui rend la vie en aggravant sa mort !

Et l'arbre repommé, débrouillassé d'ennuis,
Gaillardement vert jaune, orgueilleux se relève,
Semblant tout revêtu d'un feuillage de buis.

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Une résurrection

Autrefois, un pauvre arbre, au coin d’une prairie,
M’avait toujours frappé les yeux
Par son dénudé soucieux
Et par l’air écrasé de sa sommeillerie.

Or, après bien des ans, ce soir, je le retrouve.
Et, c’est un ébahissement
Tout mêlé d’attendrissement.
Comme un trouble ravi qu’à son aspect j’éprouve.

Car, maintenant, pour l’œil, le serpent de la sève
Qui tette les rameaux, les étouffe et s’y tord,
Le gui, lui rend la vie en aggravant sa mort !

Et l’arbre repommé, débrouillassé d’ennuis,
Gaillardement vert jaune, orgueilleux se relève,
Semblant tout revêtu d’un feuillage de buis.

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Ballade du cadavre

Dès qu’au clocher voisin l’âme a volé tout droit
Et dit au vieux bourdon : « Glas ! il faut que tu tintes !
Le cadavre plombé dont la chaleur décroît,
Nez réduit, bouche ouverte et prunelles éteintes,
Se roidit en prenant la plus blême des teintes.
Puis, l’Ange noir chuchote à ce morceau de chair :
« Qu’on te regrette ou non, cercueil cher ou pas cher,
« Avec où sans honneurs, tout nu comme en toilette,
« À six pieds dans le sol tu subiras, mon cher,
« La pourriture lente et l’ennui du squelette ! »

Après la mise en bière, on procède au convoi :
Or, si peu de pleurs vrais et tant de larmes feintes
Gonflent l’œil des suiveurs, que le Mort qui les voit,
Trouve encor sur son masque où les stupeurs sont peintes
La grimace du cri, du reproche et des plaintes.
L’orgue désespéré gronde comme la mer,
Le plain-chant caverneux traîne un sanglot amer
Et l’encensoir vacille avec sa cassolette ;
Mais tout cela, pour lui, chante sur le même air
La pourriture lente et l’ennui du squelette.

Durant l’affreux trajet, il songe avec effroi
Qu’on va le perdre au fond d’éternels labyrinthes ;
Sur ses mains, sur ses pieds, sur tout son corps si froid
La mort de plus en plus incruste ses empreintes,
Et le linceul collant resserre ses étreintes.
Il tombe dans la fosse, et bientôt recouvert
D’argile et de cailloux mêlés de gazon vert,
Le malheureux défunt, dans une nuit complète,
S’entend signifier par la bouche du ver
La pourriture lente et l’ennui du squelette.


ENVOI.

Oh ! qu’il te soit donné, Flamme, sœur de l’éclair,
À toi, Démon si pur qui fais claquer dans l’air
Ta langue aux sept couleurs, élastique et follette,
D’épargner au cadavre, avec ton baiser clair,
La pourriture lente et l’ennui du squelette.

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Les Gardeuses de boucs

Près d’un champ de folles avoines
Où, plus rouges que des pivoines,
Ondulent au zéphyr de grands coquelicots,
Elles gardent leurs boucs barbus comme des moines,
Et noirs comme des moricauds.

L’une tricote et l’autre file.
Là-bas, le rocher se profile
Noirâtre et gigantesque entre les vieux donjons,
Et la mare vitreuse où nage l’hydrophile
Reluit dans un cadre de joncs.

Plus loin dort, sous le ciel d’automne,
Un paysage monotone :
Damier sempiternel aux cases de vert cru,
Que parfois un long train fuligineux qui tonne
Traverse, aussitôt disparu.

Les boucs ne songent pas aux chèvres,
Car ils broutent comme des lièvres
Le serpolet des rocs et le thym des fossés ;
Seuls, deux petits chevreaux sautent mutins et mièvres
Par les cheminets crevassés.

Les fillettes sont un peu rousses,
Mais quelles charmantes frimousses,
Et comme la croix d’or sied bien à leurs cous blancs !
Elles ont l’air étrange, et leurs prunelles douces
Décochent des regards troublants.

Pendant que chacune babille,
Un grand chien jaune dont l’œil brille,
L’oreille familière à leur joli patois,
Les caresse, va, vient, s’assied, court et frétille,
Aussi bonhomme que matois.

Et les deux petites gardeuses
S’en vont, lentes et bavardeuses,
Enjambant un ruisseau, débouchant un pertuis,
Et rôdent sans songer aux vipères hideuses
Entre les ronces et les buis.

Or l’odeur des boucs est si forte
Que je m’éloigne ! mais j’emporte
L’agreste souvenir des filles aux yeux verts ;
Et, ce soir, quand j’aurai barricadé ma porte,
Je les chanterai dans mes vers.

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Non autrement qu'on voit la pluvieuse nue

Non autrement qu'on voit la pluvieuse nue
Des vapeurs de la terre en l'air se soulever,
Puis se courbant en arc, afin de s'abreuver,
Se plonger dans le sein de Téthys la chenue,

Et montant derechef d'où elle était venue,
Sous un grand ventre obscur tout le monde couver,
Tant que finablement on la voit se crever,
Or en pluie, or en neige, or en grêle menue :

Cette ville qui fut l'ouvrage d'un pasteur,
S'élevant peu à peu, crut en telle hauteur
Que reine elle se vit de la terre et de l'onde :

Tant que ne pouvant plus si grand faix soutenir,
Son pouvoir dissipé s'écarta par le monde,
Montrant que tout en rien doit un jour devenir.

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Extase du soir

Droits et longs, par les prés, de beaux fils de la Vierge
Horizontalement tremblent aux arbrisseaux.
La lumière et le vent vernissent les ruisseaux.
Et du sol, çà et là, la violette émerge.

Comme le ciel sans tache, incendiant d’azur
Les grands lointains des bois et des hauteurs farouches,
La rivière, au frisson de ses petites mouches,
A dormi, tout le jour, son miroitement pur.

Dans l’espace, à présent voilé sans être sombre,
Des morceaux lumineux joignent des places d’ombre,
Du ciel frais tombe un soir bleuâtre, extasiant.

Et, tandis que, pâmé, le peuplier s’allonge,
Le soleil bas, dans l’eau, fait un trou flamboyant
Où le regard brûlé s’abîme avec le songe.

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Extase du soir

Droits et longs, par les prés, de beaux fils de la Vierge
Horizontalement tremblent aux arbrisseaux.
La lumière et le vent vernissent les ruisseaux.
Et du sol, çà et là, la violette émerge.

Comme le ciel sans tache, incendiant d'azur
Les grands lointains des bois et des hauteurs farouches,
La rivière, au frisson de ses petites mouches,
A dormi, tout le jour, son miroitement pur.

Dans l'espace, à présent voilé sans être sombre,
Des morceaux lumineux joignent des places d'ombre,
Du ciel frais tombe un soir bleuâtre, extasiant.

Et, tandis que, pâmé, le peuplier s'allonge,
Le soleil bas, dans l'eau, fait un trou flamboyant
Où le regard brûlé s'abîme avec le songe.

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L'ÃŽle verte

Des ruisseaux un déluge a fait de lourds torrents
Qui roulent, pêle-mêle, écumeux, dévorant
L’étendue, au travers des landes, des pacages,
Et changeant en lacs fous les stagnants marécages.

Mais l’eau dort plate autour d’un grand tertre escarpé,
Tout hérissé de bois. Lent, le soir est tombé.
Dans l’air mort, où s’ébauche un soupçon de tonnerre,
Rôde, vitreux, magique, un jour de luminaire.

Et, lorsqu’au plus épais d’une torpeur d’extase
Un crapaud, goutte à goutte, épand son fin solo,
C’est du rêve de voir à cette unique phrase

Surgir une île verte en des profondeurs brunes,
Entre le blanc du ciel et le jaune de l’eau,
Sous le diamanté rose et bleu de la lune !

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L'île verte

Des ruisseaux un déluge a fait de lourds torrents
Qui roulent, pêle-mêle, écumeux, dévorant
L'étendue, au travers des landes, des pacages,
Et changeant en lacs fous les stagnants marécages.

Mais l'eau dort plate autour d'un grand tertre escarpé,
Tout hérissé de bois. Lent, le soir est tombé.
Dans l'air mort, où s'ébauche un soupçon de tonnerre,
Rôde, vitreux, magique, un jour de luminaire.

Et, lorsqu'au plus épais d'une torpeur d'extase
Un crapaud, goutte à goutte, épand son fin solo,
C'est du rêve de voir à cette unique phrase

Surgir une île verte en des profondeurs brunes,
Entre le blanc du ciel et le jaune de l'eau,
Sous le diamanté rose et bleu de la lune !

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Les Prunelles

Ces prunelles bleu violet,
Dans le buisson plein de murmures,
N’ont qu’un terne et laiteux reflet
Auprès du noir luisant des mûres ;
Pas de guêpe au long corselet.

Mais voici que maint oiselet
S’éveille et descend des ramures
Pour picorer, tant qu’il lui plaît,
Ces prunelles.

Comme des grains de chapelet,
Elles sortent rondes et pures
D’un fouillis de vertes guipures ;
Les prés sentent le serpolet,
Et l’aube ouvre dans l’air follet
Ses prunelles.

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La roue de moulin

Les nuages traînant leurs blocs
Autour du soleil qui les troue,
On voit reflamboyer la roue
Du moulin bâti dans les rocs.

Et la chose monstre qui tourne
Noire, en son clair rutilement,
Bat des mousses de diamant
Dans la ruelle où l'eau s'enfourne.

Puis, à mesure qu'il s'éteint,
Des tons de l'astre elle se teint.
Un rosâtre glacis carmine son ébène.

Voici que, grandie à présent,
Rouge, elle tourne dans du sang,
Ayant l'air de brasser une hécatombe humaine !

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