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La Vieille Échelle

Gisant à plat dans la pierraille,
Veuve à jamais du pied humain,
L’échelle, aux tons de parchemin,
Pourrit au bas de la muraille.

Jadis, beaux gars et belles filles,
Poulettes, coqs, chats tigrés
Montaient, obliques, ses degrés,
La ronce à présent s’y tortille.

Mais, une margot sur le puits
Se perche... une autre encore ! et puis,
Toutes deux quittant la margelle

Pour danser sur ses échelons,
Leurs petits sauts, tout de son long,
Ressuscitent la pauvre échelle.

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La vieille échelle

Gisant à plat dans la pierraille,
Veuve à jamais du pied humain,
L'échelle, aux tons de parchemin,
Pourrit au bas de la muraille.

Jadis, beaux gars et belles filles,
Poulettes, coqs, chats tigrés
Montaient, obliques, ses degrés,
La ronce à présent s'y tortille.

Mais, une margot sur le puits
Se perche... une autre encore ! et puis,
Toutes deux quittant la margelle

Pour danser sur ses échelons,
Leurs petits sauts, tout de son long,
Ressuscitent la pauvre échelle.

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La Ruine maudite

De tous côtés, la ronce, effroyable broussaille,
Grimpe férocement au long de la muraille.
Sur un long banc de pierre, affreux comme un tombeau,
Mélancoliquement médite un vieux corbeau.
Un grand saule, courbé comme un homme qui souffre,
Baigne ses cheveux verts dans un horrible gouffre
Qui dort plein de mystère et de lents grouillements.
L’eau clapote, et l’on voit de moments en moments
Une forme d’aspic, qui vaguement s’efface,

Parfois entre les joncs bouger à la surface.
Des champignons hideux, suppurant le poison,
Poussent lugubrement aux coins de la maison,
Et le reptile meurt à côté de leur tige.
Un puits, dont l’aspect seul donnerait le vertige,
Ouvre sa large gueule au milieu de la cour.
Un énorme lézard sur la margelle court
Et cherche sous la brume, affolé, presque roide,
Un rayon de soleil pour chauffer sa peau froide.

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La Baigneuse

Au fond d’une baignoire elle admire ses hanches
Dans le miroir mouvant d’un cristal enchanté,
Et les mollets croisés, elle étend ses mains blanches
Sur les bords du bassin qui hume sa beauté.

Les robinets de cuivre à figure de cygne
Ont l’air de lui sourire et de se pavaner,
Et leurs gouttes parfois semblent lui faire un signe
Comme pour la prier de les faire tourner.

Sur un siège, ses bas près de ses jarretières
Conservent la rondeur de leur vivant trésor ;
Ses bottines de soie aux cambrures altières
N’attendent que son pied pour frétiller encor.

Sa robe de satin pendue à la patère
A les reflets furtifs d’une peau de serpent
Et semble avoir gardé la grâce et le mystère
De celle dont l’arôme en ses plis se répand.

Sur la table où l'on voit bouffer sa collerette,
Telle qu’on la portait au temps de Henri Trois,
Ses gants paille, malgré leur allure distraite,
Obéissent encore au moule de ses doigts.

Sa toque est provocante avec son long panache,
Et son corset qui bâille achève d’énerver.
Colliers et bracelets, tout ce qui la harnache
Luit dans l’ombre et paraît magiquement rêver.

Et tandis qu’un éclair dans ses yeux étincelle
En voyant que son corps fait un si beau dessin,
Le liège qui vacille au bout de la ficelle
Chatouille en tapinois la fraise de son sein.

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La meunière

La meunière, une forte et rougeaude jeunesse,
Chantait dans sa charrette en piquant son bardeau ;
Tout à coup, l'animal quittant son pas lourdaud,
Partit brusque ! il venait de sentir une ânesse.

Celle-ci, l'ayant vu du fond du brouillard pâle,
D'un long cri de désir hélait le bourriquot
Lequel hâtait sa course en ébranlant l'écho
D'un grand hi-han tout plein de sa vigueur de mâle.

Jointe, ce fut l'éclair ! Entre ses pieds roidis
Il lui serra les flancs et l'eut toute ! Et, tandis
Qu'allaient se consommant ces amours bucoliques,

Renversée en arrière, avec un oeil fripon,
La meunière, à deux mains rabattant son jupon,
Riait, jambes en l'air sur les limons obliques.

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La Meunière

La meunière, une forte et rougeaude jeunesse,
Chantait dans sa charrette en piquant son bardeau ;
Tout à coup, l’animal quittant son pas lourdaud,
Partit brusque ! il venait de sentir une ânesse.

Celle-ci, l’ayant vu du fond du brouillard pâle,
D’un long cri de désir hélait le bourriquot
Lequel hâtait sa course en ébranlant l’écho
D’un grand hi-han tout plein de sa vigueur de mâle.

Jointe, ce fut l’éclair ! Entre ses pieds roidis
Il lui serra les flancs et l’eut toute ! Et, tandis
Qu’allaient se consommant ces amours bucoliques,

Renversée en arrière, avec un œil fripon,
La meunière, à deux mains rabattant son jupon,
Riait, jambes en l’air sur les limons obliques.

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Charles Baudelaire

Bohémiens en voyage

La tribu prophétique aux prunelles ardentes
Hier s'est mise en route, emportant ses petits
Sur son dos, ou livrant à leurs fiers appétits
Le trésor toujours prêt des mamelles pendantes.

Les hommes vont à pied sous leurs armes luisantes
Le long des chariots où les leurs sont blottis,
Promenant sur le ciel des yeux appesantis
Par le morne regret des chimères absentes.

Du fond de son réduit sablonneux, le grillon,
Les regardant passer, redouble sa chanson;
Cybèle, qui les aime, augmente ses verdures,

Fait couler le rocher et fleurir le désert
Devant ces voyageurs, pour lesquels est ouvert
L'empire familier des ténèbres futures.

poésie de Charles Baudelaire de Les Fleurs du malSignalez un problèmeDes citations similaires
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Le Minet

Il tète avec avidité
Et se cogne au sein qu’il enlace ;
Puis, lorsque sa nourrice est lasse,
Il dort sur son ventre ouaté.

Pour le minet doux et futé
C’est un lit que rien ne remplace !
Il tète avec avidité
Et se cogne au sein qu’il enlace.

Quand il s’est bien lissé, gratté,
Pris la queue et vu dans la glace,
Après ses tournements sur place
Et ses petits sauts de côté,
Il tète avec avidité.

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Celle qui de son chef les étoiles passait,

Celle qui de son chef les étoiles passait,
Et d'un pied sur Thétis, l'autre dessous l'Aurore,
D'une main sur le Scythe, et l'autre sur le More,
De la terre et du ciel la rondeur compassait :

Jupiter ayant peur, si plus elle croissait,
Que l'orgueil des Géants se relevât encore,
L'accabla sous ces monts, ces sept monts qui sont ore
Tombeaux de la grandeur qui le ciel menaçait.

Il lui mit sur le chef la croupe Saturnale,
Puis dessus l'estomac assit la Quirinale,
Sur le ventre il planta l'antique Palatin,

Mit sur la dextre main la hauteur Célienne,
Sur la senestre assit l'échine Exquilienne,
Viminal sur un pied, sur l'autre l'Aventin

poésie de Joachim du BellaySignalez un problèmeDes citations similaires
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De voir mignon du roi un courtisan honnête,

De voir mignon du roi un courtisan honnête,
Voir un pauvre cadet l'ordre au col soutenir,
Un petit compagnon aux états parvenir,
Ce n'est chose, Morel, digne d'en faire fête.

Mais voir un estafier, un enfant, une bête,
Un forfant, un poltron cardinal devenir,
Et pour avoir bien su un singe entretenir
Un Ganymède avoir le rouge sur la tête :

S'être vu par les mains d'un soldat espagnol
Bien haut sur une échelle avoir la corde au col
Celui que par le nom de Saint-Père l'on nomme :

Un bélître en trois jours aux princes s'égaler,
Et puis le voir de là en trois jours dévaler :
Ces miracles, Morel, ne se font point, qu'à Rome.

poésie de Joachim du BellaySignalez un problèmeDes citations similaires
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L'église abandonnée

Au soleil bas, l'église a saigné derechef ;
Puis, sa clarté se perd, se rencogne, s'élague,
Et l'ombre, par degrés, de ses rampantes vagues,
Envahit voûte, murs, pavés, le choeur, la nef.
Le jour des coins, des trous ? les ténèbres le draguent
Le mystère et la mort triomphent dans leur fief.
Mais, au vitrail fendu, 1à-bas, en forme d'F,
La lune luit, soudain, ronde comme une bague ;
On revoit, morne, aux pieds du Christ penchant son chef,
Tout percé par les clous, par la lance et la dague,
La Madone exhalant son chagrin qui divague ;
Puis, plus loin, renfrogné, sous un grand bas-relief,
Juste dans le tremblant de la lueur qui vague,
Un maigre saint Bruno ruminant un grief,
Et, dans sa niche, en face, un bon vieux saint Joseph
Qui joint ses longues mains et sourit d'un air vague.

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La Petite SÅ“ur

En gardant ses douze cochons
Ainsi que leur mère qui grogne,
Et du groin laboure, cogne,
Derrière ses fils folichons,

La sœurette, bonne d’enfant,
Porte à deux bras son petit frère
Qu’elle s’ingénie à distraire,
Tendre, avec un soin émouvant.

C’est l’automne : le ciel reluit.
Au long des marais de la brande
Elle va, pas beaucoup plus grande,
Ni guère plus grosse que lui.

Ne s’arrêtant pas de baiser
La petite tête chenue,
Sa bouche grimace, menue,
Rit à l’enfant pour l’amuser.

Elle lui montre le bouleau ;
Et lui dit : « Tiens ! la belle glace ! »
Et le tenant bien, le déplace
Pour le pencher un peu sur l’eau.

Et puis, par elle sont épiés
Tous les désirs de ses menottes ;
Elle chatouille ses quenottes,
Elle palpe ses petits pieds.

Sa chevelure jaune blé
Gazant son œil bleu qui l’étoile,
Contre le soleil fait un voile,
Au baby frais et potelé.

Ils sont là, parmi les roseaux,
Dans la Nature verte et rousse,
Au même titre que la mousse,
Les insectes et les oiseaux :

Aussi poétiques à l’œil,
Vénérables à la pensée !
Double âme autant qu’eux dispensée
De l’ennui, du mal et du deuil !

Par instants, un petit cochon,
Sous son poil dur et blanc qui brille,
Tout rosâtre, la queue en vrille,
Vient vers eux d’un air drôlichon.

Il s’en approche, curieux,
Les lorgne comme deux merveilles,
Et repart, ses longues oreilles
Tapotant sur ses petits yeux.

Et puis, c’est un lézard glissant,
Ou leur chienne désaccroupie,
Éternuant, tout ébaubie,
Pendant son grattage plaisant.

Alors la sœur dit au petiot
Dont l’œil suivait un vol de mouche :
« Regarde-la donc qui se mouche
« Et qui s’épuce — la Margot ! »

Au souffle du vent caresseur
Chacun fait son bruit monotone :
Ce qu’elle dit — ce qu’il chantonne :
Même vague et même douceur !

Entre des vols de papillons
Leur murmure plein d’indolence
S’harmonise dans le silence
Avec la chanson des grillons.

Mais le marmot que le besoin
Gouverne encore à son caprice
Crie et réclame sa nourrice
En agitant son petit poing.

Ses pleurs sont à peine séchés
Qu’il en reperle sur sa joue...
La sœurette lutine et joue
Avec ces chagrins si légers.

À mesure qu’il geint plus fort,
Que davantage il se désole,
Sa patience le console
Avec plus de sourire encor.

Le tourment de l’enfant navré
A grossi les larmes qu’il verse...
Elle le berce — elle le berce,
Le pauvre tout petit sevré !

Elle l’appelle « son Jésus ! »
Le berce encore et lui reparle,
Tant qu’elle endort le petit Charle,
Mais l’âge reprend le dessus.

Elle est fatiguée, elle a faim.
Elle va comme une machine,
Renversant un peu son échine
Sous ce poids trop lourd à la fin.

L’enfant recommence à crier :
Sa sœur met sa force dernière
À le porter — taille en arrière
Que toujours plus on voit plier.

C’est temps qu’il ne dise plus rien !
Sur sa capote elle le pose,
Et pendant qu’il sommeille, rose,
Elle mange auprès, va, revient,

D’un pied mutin, vif et danseur.
Et quand le petiot se réveille,
Il retrouve toujours pareille
La Maternité de sa sœur.

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Paysage d'octobre

Le torrent a franchi ses bords
Et gagné la pierraille ocreuse ;
Le meunier longe avec efforts
L’ornière humide qui se creuse.
Déjà le lézard engourdi
Devient plus frileux d’heure en heure ;
Et le soleil du plein midi
Est voilé comme un œil qui pleure.

Les nuages sont revenus,
Et la treille qu’on a saignée
Tord ses longs bras maigres et nus
Sur la muraille renfrognée.
La brume a terni les blancheurs
Et cassé les fils de la Vierge,
Et le vol des martin-pêcheurs
Ne frissonne plus sur la berge.

Les arbres se sont rabougris ;
La chaumière ferme sa porte,
Et le petit papillon gris
A fait place à la feuille morte.
Plus de nénuphars sur l’étang ;
L’herbe languit, l’insecte râle,
Et l’hirondelle en sanglotant
Disparaît à l’horizon pâle.

Près de la rivière aux gardons
Qui clapote sous les vieux aulnes,
Le baudet cherche les chardons
Que rognaient si bien ses dents jaunes.
Mais comme le bluet des blé,
Comme la mousse et la fougère,
Les grands chardons s’en sont allés
Avec la brise et la bergère.

Tout pelotonné sur le toit
Que l’atmosphère mouille et plombe,
Le pigeon transi par le froid
Grelotte auprès de la colombe ;
Et, tous deux, sans se becqueter,
Trop chagrins pour faire la roue,
Ils regardent pirouetter
La girouette qui s’enroue.

Au-dessus des vallons déserts
Où les mares se sont accrues,
À tire-d’aile, dans les airs
Passe le triangle des grues ;
Et la vieille, au bord du lavoir,
Avec des yeux qui se désolent,
Les regarde fuir et croit voir
Les derniers beaux jours qui s’envolent.

Dans les taillis voisins des rocs
La bécasse fait sa rentrée ;
Les corneilles autour des socs
Piétinent la terre éventrée,
Et, décharné comme un fagot,
Le peuplier morne et funèbre
Arbore son nid de margot
Sur le ciel blanc qui s’enténèbre.

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Charles Baudelaire

À une Mendiante rousse

Blanche fille aux cheveux roux,
Dont la robe par ses trous
Laisse voir la pauvreté
Et la beauté,

Pour moi, poète chétif,
Ton jeune corps maladif,
Plein de taches de rousseur,
À sa douceur.

Tu portes plus galamment
Qu'une reine de roman
Ses cothurnes de velours
Tes sabots lourds.

Au lieu d'un haillon trop court,
Qu'un superbe habit de cour
Traîne à plis bruyants et longs
Sur tes talons;

En place de bas troués
Que pour les yeux des roués
Sur ta jambe un poignard d'or
Reluise encor;

Que des noeuds mal attachés
Dévoilent pour nos péchés
Tes deux beaux seins, radieux
Comme des yeux;

Que pour te déshabiller
Tes bras se fassent prier
Et chassent à coups mutins
Les doigts lutins,

Perles de la plus belle eau,
Sonnets de maître Belleau
Par tes galants mis aux fers
Sans cesse offerts,

Valetaille de rimeurs
Te dédiant leurs primeurs
Et contemplant ton soulier
Sous l'escalier,

Maint page épris du hasard,
Maint seigneur et maint Ronsard
Epieraient pour le déduit
Ton frais réduit!

Tu compterais dans tes lits
Plus de baisers que de lis
Et rangerais sous tes lois
Plus d'un Valois!

— Cependant tu vas gueusant
Quelque vieux débris gisant
Au seuil de quelque Véfour
De carrefour;

Tu vas lorgnant en dessous
Des bijoux de vingt-neuf sous
Dont je ne puis, oh! Pardon!
Te faire don.

Va donc, sans autre ornement,
Parfum, perles, diamant,
Que ta maigre nudité,
Ô ma beauté!

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Un déjeuner champêtre

La Justice tardant à faire la levée
Du cadavre lardé de coups,
Les gendarmes, là-bas, mangent sur leurs genoux,
En attendant son arrivée.

L’énorme assassiné que la vermine mange
Repose encore assez loin d’eux.
Il dort au fond du val son gisement hideux
Entre quatre grands murs de grange.

Pourtant, de leur côté, passe claquante et lourde
Une brise d’orage où poind
La puanteur subtile et de moins en moins sourde
Que le corps souffle de son coin.

Puis, le miasme épaissit, substituant son goût
À celui de leurs victuailles :
Ils mangent du cadavre exhalant coup sur coup
Tout le poison de ses entrailles.

« Ma foi ! moi j’n’y tiens plus ! dit le grand au petit :
Qui diable aurait jamais cru qu’à pareill’ distance
Ça s’rait v’nu jusque-là nous couper l’appétit ? »
L’autre répond : « Pour moi ça n’a pas d’importance !

C’est vrai que l’vent, complic’ du mort,
Pour l’instant promène un peu fort
Le désagrément d’son haleine,

Mais, on s’y habitue à la fin…
Et, ma foi, tant pis ! j’ai si faim
Que j’mang’rai ma part et la tienne ! »

Le voiturier qui vient, un grave et vieux barbon,
Conclut : « Ell’ s’en fout la nature,
Q’ça sent’ mauvais ou q’ça sent’ bon !
La terr’ donn’ des fleurs et r’çoit d’la pourriture.

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L'Étang

Plein de très vieux poissons frappés de cécité,
L'étang, sous un ciel bas roulant de sourds tonnerres,
Étale entre ses joncs plusieurs fois centenaires
La clapotante horreur de son opacité.

Là-bas, des farfadets servent de luminaires
À plus d’un marais noir, sinistre et redouté ;
Mais lui ne se révèle en ce lieu déserté
Que par ses bruits affreux de crapauds poitrinaires.

Or, la lune qui point tout juste en ce moment,
Semble s’y regarder si fantastiquement,
Que l'on dirait, à voir sa spectrale figure,

Son nez plat et le vague étrange de ses dents,
Une tête de mort éclairée en dedans
Qui viendrait se mirer dans une glace obscure.

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Les Petits Fauteuils

Assis le long du mur dans leurs petits fauteuils,
Les deux babys chaussés de bottinettes bleues,
Regardent moutonner des bois de plusieurs lieues
Où l’automne a déjà tendu ses demi-deuils.

Auprès du minet grave et doux comme un apôtre,
Côte à côte ils sont là, les jumeaux ébaubis,
Tous deux si ressemblants de visage et d’habits
Que leur mère s’y trompe et les prend l’un pour l’autre.

Aussi, sur le chemin, la bergère en sabots
S’arrête pour mieux voir leurs ivresses gentilles
Qu’un barrage exigu, fixé par deux chevilles,
Emprisonne si peu dans ces fauteuils nabots.

Avec l’humidité de la fleur qu’on arrose,
Leur bouche de vingt mois montre ses dents de lait,
Ou se ferme en traçant sur leur minois follet
Un accent circonflexe adorablement rose.

Leurs cheveux frisottés où la lumière dort
Ont la suavité vaporeuse des nimbes,
Et, sur leurs fronts bénis par les anges des limbes,
S’emmêlent, tortillés en menus crochets d’or.

Parfois, en tapotant de leurs frêles menottes
La planchette à rebords où dorment leurs pantins,
Ils poussent des cris vifs, triomphants et mutins,
Avec l’inconscience exquise des linottes.

Tout ravis quand leurs yeux rencontrent par hasard
La mouche qui bourdonne et qui fait la navette,
On les voit se pâmer, rire, et sur leur bavette
Saliver de bonheur à l’aspect d’un lézard.

En inclinant vers eux ses clochettes jaspées,
Le liseron grimpeur du vieux mur sans enduit
Forme un cadre odorant qui bouge et qui bruit
Autour de ces lutins en robes de poupées.

Et tandis que venu des horizons chagrins,
Le zéphyr lèche à nu leurs coudes à fossettes,
L’un s’amuse à pincer ses petites chaussettes,
Et l’autre, son collier d’ivoire aux larges grains.

La poule, sans jeter un gloussement d’alarme,
Regarde ses poussins se risquer autour d’eux,
Et le chien accroupi les surveille tous deux
D’un œil mélancolique où tremblote une larme.

La campagne qui meurt paraît vouloir mêler
Son râle d’agonie à leurs frais babillages ;
Maint oiselet pour eux retarde ses voyages,
Et dans un gazouillis semble les appeler.

Le feuillage muet qui perd ses découpures,
En les voyant, se croit à la saison des nids ;
Et la flore des bois et des étangs jaunis
Souffle son dernier baume à leurs narines pures.

Mais voilà que chacun, penchant son joli cou,
Ferme à demi ses yeux dont la paupière tremble ;
Une même langueur les fait bâiller ensemble
Et tous deux à la fois s’endorment tout à coup :

Cependant qu’au-dessus de la terre anxieuse
Le soleil se dérobe au fond des cieux plombés
Et que le crépuscule, embrumant les bébés,
Verse à leur doux sommeil sa paix silencieuse.

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Guillaume Apollinaire

La Loreley

A Bacharach il y avait une sorcière blonde
Qui laissait mourir d'amour tous les hommes à la ronde

Devant son tribunal l'évêque la fit citer
D'avance il l'absolvit à cause de sa beauté

Ô belle Loreley aux yeux pleins de pierreries
De quel magicien tiens-tu ta sorcellerie

Je suis lasse de vivre et mes yeux sont maudits
Ceux qui m'ont regardée évêque en ont péri

Mes yeux ce sont des flammes et non des pierreries
Jetez jetez aux flammes cette sorcellerie

Je flambe dans ces flammes Ô belle Loreley
Qu'un autre te condamne tu m'as ensorcelé

Évêque vous riez Priez plutôt pour moi la Vierge
Faites-moi donc mourir et que Dieu vous protège

Mon amant est parti pour un pays lointain
Faites-moi donc mourir puisque je n'aime rien

Mon coeur me fait si mal il faut bien que je meure
Si je me regardais il faudrait que j'en meure

Mon coeur me fait si mal depuis qu'il n'est plus là
Mon coeur me fit si mal du jour où il s'en alla

L'évêque fit venir trois chevaliers avec leurs lances
Menez jusqu'au couvent cette femme en démence

Va-t'en Lore en folie va Lore aux yeux tremblants
Tu seras une nonne vêtue de noir et blanc

Puis ils s'en allèrent sur la route tous les quatre
La Loreley les implorait et ses yeux brillaient comme des astres

Chevaliers laissez-moi monter sur ce rocher si haut
Pour voir une fois encore mon beau château

Pour me mirer une fois encore dans le fleuve
Puis j'irai au couvent des vierges et des veuves

Là-haut le vent tordait ses cheveux déroulés
Les chevaliers criaient Loreley Loreley

Tout là-bas sur le Rhin s'en vient une nacelle
Et mon amant s'y tient il m'a vue il m'appelle

Mon coeur devient si doux c'est mon amant qui vient
Elle se penche alors et tombe dans le Rhin

Pour avoir vu dans l'eau la belle Loreley
Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

poésie de Guillaume Apollinaire de Alcools (1913)Signalez un problèmeDes citations similaires
Ajouté par George Budoi
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La Lune

La lune a de lointains regards
Pour les maisons et les hangars
Qui tordent sous les vents hagards
Leurs girouettes ;
Mais sa lueur fait des plongeons
Dans les marais peuplés d’ajoncs
Et flotte sur les vieux donjons
Pleins de chouettes !

Elle fait miroiter les socs
Dans les champs, et nacre les rocs
Qui hérissent les monts, par blocs
Infranchissables ;
Et ses chatoiements délicats
Près des gaves aux sourds fracas
Font luire de petits micas
Parmi les sables !

Avec ses lumineux frissons
Elle a de si douces façons
De se pencher sur les buissons
Et les clairières !
Son rayon blême et vaporeux
Tremblote au fond des chemins creux
Et rôde sur les flancs ocreux
Des fondrières.

Elle promène son falot
Sur la forêt et sur le flot
Que pétrit parfois le galop
Des vents funèbres ;
Elle éclaire aussi les taillis
Où, cachés sous les verts fouillis,
Les ruisseaux font des gazouillis
Dans les ténèbres.

Elle argente sur les talus
Les vieux troncs d’arbres vermoulus
Et rend les saules chevelus
Si fantastiques,
Qu’à ses rayons ensorceleurs,
Ils ont l’air de femmes en pleurs
Qui penchent au vent des douleurs
Leurs fronts mystiques.

En doux reflets elle se fond
Parmi les nénuphars qui font
Sur l’étang sinistre et profond
De vertes plaques ;
Sur la côte elle donne aux buis
Des baisers d’émeraude, et puis
Elle se mire dans les puits
Et dans les flaques !

Et, comme sur les vieux manoirs,
Les ravins et les entonnoirs,
Comme sur les champs de blés noirs
Où dort la caille,
Elle s’éparpille ou s’épand,
Onduleuse comme un serpent,
Sur le sentier qui va grimpant
Dans la rocaille !

Oh ! quand, tout baigné de sueur,
Je fuis le cauchemar tueur,
Tu blanchis avec ta lueur
Mon âme brune ;
Si donc, la nuit, comme un hibou,
Je vais rôdant je ne sais où,
C’est que je t’aime comme un fou ;
O bonne Lune !

Car, l’été, sur l’herbe, tu rends
Les amoureux plus soupirants,
Et tu guides les pas errants
Des vieux bohèmes ;
Et c’est encore ta clarté,
O reine de l’obscurité,
Qui fait fleurir l’étrangeté
Dans mes poèmes !

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La rieuse

Ses rires grands ouverts qui si crânement mordent
Sur le fond taciturne et murmurant des prés,
Sont métalliques, frais, liquides, susurrés,
Aux pépiements d'oiseaux ressemblent et s'accordent.

Excités par la danse, ils se gonflent, débordent
En cascades de cris tumultueux, serrés,
De hoquets glougloutants, fous et démesurés,
Qui la virent, la plient, la soulèvent, la tordent.

On la surnomme la Rieuse.
La santé la fait si joyeuse
Qu'elle vit sa pensée en ses beaux yeux ardents ;

Son âme chante tout entière
Dans sa musique coutumière,
Sur le robuste émail de ses trente-deux dents.

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Le Val des marguerites

C’est au fond d’un ravin fantastique et superbe
Où maint rocher lépreux penche et dresse le front :
Une espèce de puits gigantesquement rond
Dont l’eau n’aurait servi qu’à faire pousser l’herbe.

Là, le mystère ému déployant ses deux ailes
Fantomatise l’air, les pas et les reflets :
Il semble, à cet endroit, que des lutins follets
Accrochent leurs zigzags à ceux des demoiselles.

L’horreur des alentours en ferme les approches ;
L’écho n’y porte pas le sifflet des convois ;
Ses murmures voilés ont le filet de voix
Des gouttelettes d’eau qui filtrent sous les roches.

C’est si mort et si frais, il y flotte, il y vague
Tant de silence neuf, de bruit inentendu,
Que l’on pressent toujours en ce vallon perdu
Quelque apparition indéfiniment vague !

Il n’a jamais connu ni moutons, ni chevrettes,
Ni bergère qui chante en tenant ses tricots ;
Les tiges de bluets et de coquelicots
N’y font jamais hocher leurs petites aigrettes :

Mais, entre ses grands houx droits comme des guérites,
Ce val, si loin des champs, des prés et des manoirs,
Cache, tous les étés, ses gazons drus et noirs
Sous un fourmillement de hautes marguerites.

Chœur vibrant et muet, innocent et paisible,
Où chaque pâquerette, à côté de sa sœur,
A des mouvements blancs d’une extrême douceur,
Dans la foule compacte et cependant flexible.

L’oiseau, pour les frôler, quitte l’orme et l’érable ;
Et le papillon gris, dans un mol unisson,
Y confond sa couleur, sa grâce et son frisson
Quand il vient y poser son corps impondérable.

Le Gnome en phaéton voit dans chacune d’elles
Une petite roue au moyeu d’or bombé,
Et le Sylphe y glissant pense qu’il est tombé
Sur un nuage ami de ses battements d’ailes.

La Nature contemple avec sollicitude
Ce petit peuple frêle, onduleux et tremblant
Qu’elle a fait tout exprès pour mettre un manteau blanc
À la virginité de cette solitude.

On dirait que le vent qui jamais ne les froisse
Veut épargner ici les fleurs des grands chemins,
Qui plaisent aux yeux purs, tentent les tristes mains,
Et que l’Amour peureux consulte en son angoisse.

Nul arôme ne sort de leur corolle blême ;
Mais au lieu d’un parfum mortel ou corrupteur,
Elles soufflent aux cieux la mystique senteur
De la simplicité dont elles sont l’emblème.

Et toutes, chuchotant d’imperceptibles phrases,
Semblent remercier l’azur qui, tant de fois,
Malgré le mur des rocs et le rideau des bois,
Leur verse de si près ses lointaines extases.

Avant que le matin, avec ses doigts d’opale,
N’ait encore essuyé leurs larmes de la nuit,
Elles feraient songer aux vierges de l’ennui
Qui s’éveillent en pleurs, et la face plus pâle.

Le soleil les bénit de ses yeux sans paupières,
Et, fraternellement, ce Gouffre-Paradis
Reçoit, comme un baiser des alentours maudits,
L’âme des végétaux et le soupir des pierres.

Puis, la chère tribu, quand le soir se termine,
Sous la lune d’argent qui se joue au travers,
Devient, entre ses houx lumineusement verts,
Une vapeur de lait, de cristal et d’hermine.

Et c’est alors qu’on voit des formes long-voilées,
Deux spectres du silence et de l’isolement,
Se mouvoir côte à côte, harmonieusement,
Sur ce lac endormi de blancheurs étoilées.

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