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C'était alors que le présent des dieux

C'était alors que le présent des dieux
Plus doucement s'écoule aux yeux de l'homme,
Faisant noyer dedans l'oubli du somme
Tout le souci du jour laborieux;

Quand un démon apparut à mes yeux
Dessus le bord du grand fleuve de Rome,
Qui, m'appelant du nom dont je me nomme,
Me commanda regarder vers les cieux :

Puis m'écria : Vois, dit-il, et contemple
Tout ce qui est compris sous ce grand temple,
Vois comme tout n'est rien que vanité.

Lors, connaissant la mondaine inconstance,
Puisque Dieu seul au temps fait résistance,
N'espère rien qu'en la divinité.

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Les Antiquités de Rome

Nouveau venu, qui cherches Rome en Rome
Et rien de Rome en Rome n’aperçois,
Ces vieux palais, ces vieux arcs que tu vois
Et ces vieux murs, c’est ce que Rome on nomme.

Vois quel orgueil, quelle ruine et comme
Celle qui mit le monde sous ses lois
Pour dompter tout, se dompta quelquefois
Et devint proie au temps, qui tout consomme.

Rome de Rome est le seul monument,
Et Rome Rome a vaincu seulement.
Le Tibre seul, qui vers la mer s’enfuit,

Reste de Rome. O mondaine inconstance !
Ce qui est ferme est par le temps détruit
Et ce qui fuit, au temps fait résistance.

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Finalement sur le point que Morphée

Finalement sur le point que Morphée
Plus véritable apparaît à nos yeux,
Fâché de voir l'inconstance des cieux,
Je vois venir la soeur du grand Typhée :

Qui bravement d'un morion coiffée
En majesté semblait égale aux dieux,
Et sur le bord d'un fleuve audacieux
De tout le monde érigeait un trophée.

Cent rois vaincus gémissaient à ses pieds,
Les bras aux dos honteusement liés :
Lors effrayé de voir telle merveille;

Le ciel encor je lui vois guerroyer,
Puis tout à coup je la vois foudroyer,
Et du grand bruit en sursaut je m'éveille.

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Sire, celui qui est a formé toute essence

Sire, celui qui est a formé toute essence
De ce qui n'était rien. C'est l'oeuvre du Seigneur :
Aussi tout honneur doit fléchir à son honneur,
Et tout autre pouvoir céder à sa puissance.

On voit beaucoup de rois, qui sont grands d'apparence :
Mais nul, tant soit-il grand, n'aura jamais tant d'heur
De pouvoir à la vôtre égaler sa grandeur :
Car rien n'est après Dieu si grand qu'un roi de France.

Puis donc que Dieu peut tout, et ne se trouve lieu
Lequel ne soit enclos sous le pouvoir de Dieu,
Vous, de qui la grandeur de Dieu seul est enclose,

Elargissez encor sur moi votre pouvoir,
Sur moi, qui ne suis rien : afin de faire voir
Que de rien un grand roi peut faire quelque chose.

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Ces grands monceaux pierreux, ces vieux murs que tu vois

Ces grands monceaux pierreux, ces vieux murs que tu vois
Furent premièrement le clos d'un lieu champêtre :
Et ces braves palais, dont le temps s'est fait maître,
Cassines de pasteurs ont été quelquefois.

Lors prirent les bergers les ornements des rois,
Et le dur laboureur de fer arma sa dextre :
Puis l'annuel pouvoir le plus grand se vit être,
Et fut encor plus grand le pouvoir de six mois :

Qui, fait perpétuel, crut en telle puissance,
Que l'aigle impérial de lui prit sa naissance :
Mais le Ciel, s'opposant à tel accroissement,

Mit ce pouvoir ès mains du successeur de Pierre,
Qui sous nom de pasteur, fatal à cette terre,
Montre que tout retourne à son commencement.

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Bon frère et bon fils

Le notaire dit : « Jean ! il s’agit d’un partage.
Votre frère, passé pour mort,
Authentiquement vit encor.
Vous êtes maintenant deux pour votre héritage.

— Ça s’rait-il Dieu possibl’ ? ah ben ! grommelle Jean,
Faut partager l’bien et l’argent ?
Moi qui croyais mon frèr’ si poussièr’ dans sa fosse !
Mais p’êt’ ben q’la nouvelle est fausse ?...

— Vous auriez tort d’émettre un doute,
Ricane le tabellion. »

— D’m’êt’ cru seul héritier ? maintenant c’que ça m’en coûte !
On l’disait mort défunt : j’ai pas eu d’ réflexion,
Et, d’ordinair’, c’est pas c’qui m’ manque.
Si j’avais pu m’méfier, d’un’ ressuscitation,
Mon pèr’ m’eût fait d’la main à la main donation
D’ses écus et d’ses billets d’banque ;
Pas seul’ment ça, ben encor mieux !
Comme à volonté je m’nais l’vieux,
Terr’ et prés j’y faisais tout vendre,
Et, faisant argent d’tout, ainsi j’pouvais tout prendre !
C’est fort tout d’mêm’ ! mon frèr’, rien q’pour m’embarrasser,
Qui s’avis’ ben d’ détrépasser !
C’lui q’était notaire avant vous
Il disait : « Faut s’fier à personne :
Les morts vous tromp’ comme les fous. »
Enfin, j’peux pas dir’ que j’m’en fous,
Mais, ça yest... Faut que j’me raisonne !
Pourtant, puisque mon frère est un ch’ti mort qui r’vient
Pour partager c’qui m’appartient,
Alors, i’m’compens’ra, j’espère,
Moitié de c’qu’a coûté mon père
Pour sa bière et son enterr’ment. »
Et puis, tout bonhomiquement,
Il ajoute : « Mon Dieu, six francs ? c’est pas un’ somme !
J’y pay’rai ben tout seul ses quat’ planch’ à c’brave homme.

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
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Gordes, que Du Bellay aime plus que ses yeux,

Gordes, que Du Bellay aime plus que ses yeux,
Vois comme la nature, ainsi que du visage,
Nous a faits différents de moeurs et de courage,
Et ce qui plaît à l'un, à l'autre est odieux.

Tu dis : je ne puis voir un sot audacieux
Qui un moindre que lui brave à son avantage,
Qui s'écoute parler, qui farde son langage,
Et fait croire de lui qu'il est mignon des dieux.

Je suis tout au contraire, et ma raison est telle :
Celui dont la douleur courtoisement m'appelle,
Me fait outre mon gré courtisan devenir :

Mais de tel entretien le brave me dispense :
Car n'étant obligé vers lui de récompense,
Je le laisse tout seul lui-même entretenir.

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La Vie en Rose

Des yeux qui font baiser les miens,
Un rire qui se perd sur sa bouche,
Voila le portrait sans retouche
De l'homme auquel j'appartiens

Quand il me prend dans ses bras
Il me parle tout bas,
Je vois la vie en rose.

Il me dit des mots d'amour,
Des mots de tous les jours,
Et ca me fait quelque chose.

Il est entre dans mon coeur
Une part de bonheur
Dont je connais la cause.

C'est lui pour moi. Moi pour lui
Dans la vie,
Il me l'a dit, l'a jure pour la vie.

Et des que je l'apercois
Alors je sens en moi
Mon coeur qui bat

Des nuits d'amour a ne plus en finir
Un grand bonheur qui prend sa place
Des enuis des chagrins, des phases
Heureux, heureux a en mourir.

Quand il me prend dans ses bras
Il me parle tout bas,
Je vois la vie en rose.

Il me dit des mots d'amour,
Des mots de tous les jours,
Et ca me fait quelque chose.

Il est entre dans mon coeur
Une part de bonheur
Dont je connais la cause.

C'est toi pour moi. Moi pour toi
Dans la vie,
Il me l'a dit, l'a jure pour la vie.

Et des que je l'apercois
Alors je sens en moi
Mon coeur qui bat

chanson interprété par Edith PiafSignalez un problèmeDes citations similaires
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Tout le parfait dont le ciel nous honore

Tout le parfait dont le ciel nous honore,
Tout l'imparfait qui naît dessous les cieux,
Tout ce qui paît nos esprits et nos yeux,
Et tout cela qui nos plaisirs dévore :

Tout le malheur qui notre âge dédore,
Tout le bonheur des siècles les plus vieux,
Rome du temps de ses premiers aïeux
Le tenait clos, ainsi qu'une Pandore.

Mais le destin, débrouillant ce chaos,
Où tout le bien et le mal fut endos,
A fait depuis que les vertus divines

Volant au ciel ont laissé les péchés,
Qui jusqu'ici se sont tenus cachés
Sous les monceaux de ces vieilles ruines.

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Magny, je ne puis voir un prodigue d'honneur,

Magny, je ne puis voir un prodigue d'honneur,
Qui trouve tout bien fait, qui de tout s'émerveille,
Qui mes fautes approuve et me flatte l'oreille,
Comme si j'étais prince ou quelque grand seigneur.

Mais je me fâche aussi d'un fâcheux repreneur,
Qui du bon et mauvais fait censure pareille,
Qui se lit volontiers, et semble qu'il sommeille
En lisant les chansons de quelque autre sonneur.

Celui-là me déçoit d'une fausse louange,
Et gardant qu'aux bons vers les mauvais je ne change,
Fait qu'en me plaisant trop à chacun je déplais :

Celui-ci me dégoûte, et ne pouvant rien faire
Qu'il lui plaise, il me fait également déplaire
Tout ce qu'il fait lui-même et tout ce que je fais.

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Doulcin, quand quelquefois je vois ces pauvres filles

Doulcin, quand quelquefois je vois ces pauvres filles
Qui ont le diable au corps, ou le semblent avoir,
D'une horrible façon corps et tête mouvoir,
Et faire ce qu'on dit de ces vieilles Sibylles :

Quand je vois les plus forts se retrouver débiles,
Voulant forcer en vain leur forcené pouvoir :
Et quand même j'y vois perdre tout leur savoir
Ceux qui sont en votre art tenus des plus habiles :

Quand effroyablement écrier je les oy,
Et quand le blanc des yeux renverser je leur voy,
Tout le poil me hérisse, et ne sais plus que dire.

Mais quand je vois un moine avecques son latin
Leur tâter haut et bas le ventre et le tétin,
Cette frayeur se passe, et suis contraint de rire.

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Je fus jadis Hercule, or Pasquin je me nomme,

Je fus jadis Hercule, or Pasquin je me nomme,
Pasquin fable du peuple, et qui fais toutefois
Le même office encor que j'ai fait autrefois,
Vu qu'ores par mes vers tant de monstres j'assomme.

Aussi mon vrai métier, c'est de n'épargner homme,
Mais les vices chanter d'une publique voix :
Et si ne puis encor, quelque fort que je sois,
Surmonter la fureur de cet Hydre de Rome.

J'ai porté sur mon col le grand palais des dieux,
Pour soulager Atlas, qui sous le faix des cieux
Courbait las et recru sa grande échine large.

Ores au lieu du ciel, je porte sur mon dos,
Un gros moine espagnol, qui me froisse les os,
Et me pèse trop plus que ma première charge.

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Le Temple de l’Inconstance

Je veux bâtir un temple à l’Inconstance.
Tous amoureux y viendront adorer,
Et de leurs vœux jour et nuit l’honorer,
Ayant leur cœur touché de repentance.

De plume molle en sera l’édifice,
En l’air fondé sur les ailes du vent,
L’autel de paille, où je viendrai souvent
Offrir mon cœur par un feint sacrifice.

Tout à l’entour je peindrai mainte image
D’erreur, d’oubli et d’infidélité,
De fol désir, d’espoir, de vanité,
De fiction et de penser volage.

Pour le sacrer, ma légère maîtresse
Invoquera les ondes de la mer,
Les vents, la lune, et nous fera nommer
Moi le templier1, et elle la prêtresse.

Elle séant ainsi qu’une Sibylle
Sur un trépied tout pur de vif argent2
Nous prédira ce qu’elle ira songeant
D’une pensée inconstante et mobile.

Elle écrira sur des feuilles légères
Les vers qu’alors sa fureur chantera,
Puis à son gré le vent emportera
Deçà delà ses chansons mensongères.

Elle enverra jusqu’au Ciel la fumée
Et les odeurs de mille faux serments :
La Déité qu’adorent les amants
De tels encens veut être parfumée.

Et moi gardant du saint temple la porte,
Je chasserai tous ceux-là qui n’auront
En lettre d’or engravé sur le front
Le sacré nom de léger que je porte.

De faux soupirs, de larmes infidèles
J’y nourrirai le muable Prothé [Protée],
Et le Serpent3 qui de vent allaité
Déçoit4 nos yeux de cent couleurs nouvelles.

Fille de l’air, déesse secourable,
De qui le corps est de plumes couvert,
Fais que toujours ton temple soit ouvert
A tout amant comme moi variable.

poésie de Jacques Du PerronSignalez un problèmeDes citations similaires
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Qui voudrait figurer la romaine grandeur

Qui voudrait figurer la romaine grandeur
En ses dimensions, il ne lui faudrait querre
A la ligne et au plomb, au compas, à l'équerre,
Sa longueur et largeur, hautesse et profondeur :

Il lui faudrait cerner d'une égale rondeur
Tout ce que l'océan de ses longs bras enserre,
Soit où l'astre annuel échauffe plus la terre,
Soit où souffle Aquilon sa plus grande froideur.

Rome fut tout le monde, et tout le monde est Rome.
Et si par mêmes noms mêmes choses on nomme,
Comme du nom de Rome on se pourrait passer,

La nommant par le nom de la terre et de l'onde :
Ainsi le monde on peut sur Rome compasser,
Puisque le plan de Rome est la carte du monde.

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Chant du désespéré

La Parque si terrible
A tous les animaux,
Plus ne me semble horrible,
Car le moindre des maux,
Qui m'ont fait si dolent,
Est bien plus violent.
Comme d'une fontaine
Mes yeux sont dégouttants,
Ma face est d'eau si pleine
Que bientôt je m'attends
Mon coeur tant soucieux
Distiller par les yeux.
De mortelles ténèbres
Lis sont déjà noircis,
Mes plaintes sont funèbres,
Et mes membres transis
Mais je ne puis mourir,
Et si ne puis guérir.
La fortune amiable E
st ce pas moins que rien ?
O que tout est muable
En ce val terrien !
Hélas, je le connais
Que rien tel ne craignais.
Langueur me tient en laisse,
Douleur me fuit de près,
Regret point ne me laisse,
Et crainte vient après
Bref, de jour, et de nuit,
Toute chose me nuit.
La verdoyant' campagne,
Le fleuri arbrisseau,
Tombant de la montagne,
Le murmurant ruisseau,
De ces plaisirs jouir
Ne me peut réjouir.
La musique sauvage
Du rossignol au bois
Contriste mon courage,
Et me déplaît la voix
De tous joyeux oiseaux,
Qui sont au bord des eaux.
Le cygne poétique
Lors qu'il est mieux chantant,
Sur la rive aquatique
Va sa mort lamentant.
Las ! tel chant me plaît bien,
Comme semblable au mien.
La voix répercussive
En m'oyant lamenter
De ma plainte excessive
Semble se tourmenter,
Car cela que j'ai dit
Toujours elle redit.
Ainsi la joie et l'aise
Me vient de deuil saisir,
Et n'est qui tant me plaise
Comme le déplaisir.
De la mort en effet
L'espoir vivre me fait.
Dieu tonnant, de ta foudre
Viens ma mort avancer,
Afin que soie en poudre
Premier que de penser
Au plaisir que j'aurai
Quand ma mort je saurai.

poésie de Joachim du BellaySignalez un problèmeDes citations similaires
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L'Hypocondriaque

Enténébrant l’azur, le soleil et les roses,
Tuant tout, poésie, arômes et couleurs,
L’ennui cache à mes yeux la vision des choses
Et me rend insensible à mes propres malheurs.

Sourd aux événements que le destin ramène,
Je sens de plus en plus se monotoniser
Les sons de la nature et de la voix humaine
Et j’ai l’indifférence où tout vient se briser.

Et du jour qui s’allonge à la nuit qui s’attarde,
Automate rôdeur, pâle et gesticulant,
Je passe, inconscient des regards que je darde
Et du bruit saccadé que je fais en parlant.

Rien dont mon noir esprit s’indigne ou s’émerveille !
Mon œil incurieux vieillit la nouveauté ;
Et veillant comme on dort et dormant comme on veille,
Je confonds la lumière avec l’obscurité.

Et démon avec qui la terreur se concerte,
L’inexorable ennui me corrode et me mord,
Ne laissant plus au fond de mon âme déserte
Que la seule pensée horrible de la mort.

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Charles Baudelaire

Châtiment de l'Orgueil

En ces temps merveilleux où la Théologie
Fleurit avec le plus de sève et d'énergie,
On raconte qu'un jour un docteur des plus grands,
— Après avoir forcé les coeurs indifférents;
Les avoir remués dans leurs profondeurs noires;
Après avoir franchi vers les célestes gloires
Des chemins singuliers à lui-même inconnus,
Où les purs Esprits seuls peut-être étaient venus, —
Comme un homme monté trop haut, pris de panique,
S'écria, transporté d'un orgueil satanique:
"Jésus, petit Jésus! je t'ai poussé bien haut!
Mais, si j'avais voulu t'attaquer au défaut
De l'armure, ta honte égalerait ta gloire,
Et tu ne serais plus qu'un foetus dérisoire!"

Immédiatement sa raison s'en alla.
L'éclat de ce soleil d'un crêpe se voila
Tout le chaos roula dans cette intelligence,
Temple autrefois vivant, plein d'ordre et d'opulence,
Sous les plafonds duquel tant de pompe avait lui.
Le silence et la nuit s'installèrent en lui,
Comme dans un caveau dont la clef est perdue.
Dès lors il fut semblable aux bêtes de la rue,
Et, quand il s'en allait sans rien voir, à travers
Les champs, sans distinguer les étés des hivers,
Sale, inutile et laid comme une chose usée,
Il faisait des enfants la joie et la risée.

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Le Solitaire

Le vieux qui, vert encore, approchait des cent ans,
Me dit : « Malgré l’soin d’mes enfants
Et les bontés d’mon voisinage,
J’suis seul, ayant perdu tous ceux qui s’raient d’mon âge.

Vous ? vot’ génération ? Ça s’balanc’ ! mais d’la mienne
Ya plus q’moi qui rest’ dans l’pays.
Ceux que j’croyais qui f’raient des anciens m’ont trahi :
I’ sont morts tout jeun’ à la peine.

Chaq’ maison qui n’boug pas, ell’ ! sous l’temps qui s’écoule,
M’rappelle un q’j’ai connu, laboureur ou berger,
À qui j’parl’ sans répons’, que je r’gard’ sans l’toucher ;
Au cimtièr’, j’les vois tous a la fois, comme un’ foule !

C’est pourquoi, quand j’y fais mon p’tit tour solitaire,
Souvent, j’pense, où que j’pos’ le pied,
Q’les morts sont là, tous à m’épier...

Et j’m’imagine, des instants,
Qu’i m’tir’ par les jamb’ ! mécontents
Que j’les ai pas encor rejoindus sous la terre.

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Les Étoiles bleues

Au creux de mon abîme où se perd toute sonde,
Maintenant, jour et nuit, je vois luire deux yeux,
Amoureux élixirs de la flamme et de l'onde,
Reflets changeants du spleen et de l’azur des cieux.

Ils sont trop singuliers pour être de ce monde,
Et pourtant ces yeux fiers, tristes et nébuleux,
Sans cesse en me dardant leur lumière profonde
Exhalent des regards qui sont des baisers bleus.

Rien ne vaut pour mon cœur ces yeux pleins de tendresse
Uniquement chargés d’abreuver mes ennuis :
Lampes de ma douleur, phares de ma détresse,

Les yeux qui sont pour moi l’étoile au fond d’un puits,
Adorables falots mystiques et funèbres
Zébrant d’éclairs divins la poix de mes ténèbres.

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La Forme noire

C’est le grand silence des nuits
Auquel, seul, le vent s’amalgame.
Pleurant ses amoureux ennuis,
Pas une chouette qui clame !
Rien ! pas même un crapaud n’entame
Ce figement de tous les bruits.
Une forme d’homme ou de femme,
Tout le corps et les traits enfouis
Dans du noir, suit au long des buis
La rivière qui sent le drame.
Ses pas fiévreusement conduits
Disent assez ce qu’elle trame.
Sous les frissons d’ombre et de flamme,
Coulant des cieux épanouis,
Au milieu des joncs éblouis
Une barque est là qui se pâme.
L’inconnu saisit une rame,
Sonde un endroit creux comme un puits,
Se précipite... flac ! — Pauvre âme !
L’eau se referme — plate — et puis
C’est le grand silence des nuits.

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Le Corbeau

Vers le sombre minuit, tandis que fatigué
J’étais à méditer sur maint volume rare
Pour tout autre que moi dans l’oubli relégué,
Pendant que je plongeais dans un rêve bizarre,
Il se fit tout à coup comme un tapotement
De quelqu’un qui viendrait frapper tout doucement
Chez moi. Je dis alors, bâillant, d’une voix morte :
« C’est quelque visiteur – oui – qui frappe à ma porte :
C’est cela seul et rien de plus ! »

Ah ! très distinctement je m’en souviens ! c’était
Par un âpre décembre – au fond du foyer pâle,
Chaque braise à son tour lentement s’émiettait,
En brodant le plancher du reflet de son râle.
Avide du matin, le regard indécis,
J’avais lu, sans que ma tristesse eût un sursis,
Ma tristesse pour l’ange enfui dans le mystère,
Que l’on nomme là-haut Lenore, et que sur terre
On ne nommera jamais plus !

Et les rideaux pourprés sortaient de la torpeur,
Et leur soyeuse voix si triste et si menue
Me faisait tressaillir, m’emplissait d’une peur
Fantastique et pour moi jusqu’alors inconnue :
Si bien que pour calmer enfin le battement
De mon cœur, je redis debout : « Évidemment
C’est quelqu’un attardé qui, par ce noir décembre,
Est venu frapper à la porte de ma chambre ;
C’est cela même et rien de plus. »

Pourtant, je me remis bientôt de mon émoi,
Et sans temporiser : « Monsieur, dis-je, ou madame,
Madame ou bien monsieur, de grâce, excusez-moi
De vous laisser ainsi dehors, mais, sur mon âme,
Je sommeillais, et vous, vous avez tapoté
Si doucement à ma porte, qu’en vérité
À peine était-ce un bruit humain que l’on entende ! »
Et cela dit, j’ouvris la porte toute grande :
Les ténèbres et rien de plus !

Longuement à pleins yeux, je restai là, scrutant
Les ténèbres ! rêvant des rêves qu’aucun homme
N’osa jamais rêver ! stupéfait, hésitant,
Confondu et béant d’angoisse – mais, en somme,
Pas un bruit ne troubla le silence enchanté
Et rien ne frissonna dans l’immobilité ;
Un seul nom fut soufflé par une voix : « Lenore ! »
C’était ma propre voix ! – l’écho, plus bas encore,
Redit ce mot et rien de plus !

Je rentrai dans ma chambre à pas lents, et, tandis
Que mon âme, au milieu d’un flamboyant vertige,
Se sentait défaillir et rouler, – j’entendis
Un second coup plus fort que le premier. – Tiens ! dis-je,
On cogne à mon volet ! Diable ! je vais y voir !
Qu’est-ce que mon volet pourrait donc bien avoir ?
Car il a quelque chose ! allons à la fenêtre
Et sachons, sans trembler, ce que cela peut être !
C’est la rafale et rien de plus !

Lors, j’ouvris la fenêtre et voilà qu’à grand bruit,
Un corbeau de la plus merveilleuse apparence
Entra, majestueux et noir comme la nuit.
Il ne s’arrêta pas, mais plein d’irrévérence
Brusque, d’un air de lord ou de lady, s’en vint
S’abattre et se percher sur le buste divin
De Pallas, sur le buste à couleur pâle, en sorte
Qu’il se jucha tout juste au-dessus de ma porte…
Il s’installa, puis rien de plus !

Et comme il induisait mon pauvre cœur amer
À sourire, l’oiseau de si mauvais augure,
Par l’âpre gravité de sa pose et par l’air
Profondément rigide empreint sur sa figure,
Alors, me décidant à parler le premier :
« Tu n’es pas un poltron, bien que sans nul cimier
Sur la tête, lui dis-je, ô rôdeur des ténèbres,
Comment t’appelle-t-on sur les rives funèbres ? »
L’oiseau répondit : « Jamais plus ! »

J’admirai qu’il comprît la parole aussi bien
Malgré cette réponse à peine intelligible
Et de peu de secours, car mon esprit convient
Que jamais aucun homme existant et tangible
Ne put voir au-dessus de sa porte un corbeau,
Non, jamais ne put voir une bête, un oiseau,
Par un sombre minuit, dans sa chambre, tout juste
Au-dessus de sa porte installé sur un buste,
Se nommant ainsi : « Jamais plus ! »

Mais ce mot fut le seul que l’oiseau proféra
Comme s’il y versait son âme tout entière,
Puis, sans rien ajouter de plus, il demeura
Inertement figé dans sa raideur altière,
Jusqu’à ce que j’en vinsse à murmurer ceci :
– Comme tant d’autres, lui va me quitter aussi,
Comme mes vieux espoirs que je croyais fidèles,
Vers le matin il va s’enfuir à tire-d’ailes !
L’oiseau dit alors : « Jamais plus ! »

Sa réponse jetée avec tant d’à-propos
Me fit tressaillir. « C’est tout ce qu’il doit connaître,
Me dis-je, sans nul doute il recueillit ces mots
Chez quelque infortuné, chez quelque pauvre maître
Que le deuil implacable a poursuivi sans frein,
Jusqu’à ce que ses chants n’eussent plus qu’un refrain,
Jusqu’à ce que sa plainte à jamais désolée
Comme un De profondis de sa joie envolée,
Eût pris ce refrain : « Jamais plus ! »

Ainsi je me parlais, mais le grave corbeau,
Induisant derechef tout mon cœur à sourire,
Je roulai vite un siège en face de l’oiseau,
Me demandant ce que tout cela voulait dire.
J’y réfléchis, et, dans mon fauteuil de velours,
Je cherchai ce que cet oiseau des anciens jours
Ce que ce triste oiseau, sombre, augural et maigre,
Voulait me faire entendre en croassant cet aigre
Et lamentable : « Jamais plus ! »

Et j’étais là, plongé dans un rêve obsédant,
Laissant la conjecture en moi filer sa trame,
Mais n’interrogeant plus l’oiseau dont l’œil ardent
Me brûlait maintenant jusques au fond de l’âme,
Je creusais tout cela comme un mauvais dessein,
Béant, la tête sur le velours du coussin,
Ce velours violet caressé par la lampe,
Et que sa tête, à ma Lenore, que sa tempe
Ne pressera plus, jamais plus !

Alors l’air me sembla lourd, parfumé par un
Invisible encensoir que balançaient des anges,
Dont les pas effleuraient le tapis rouge et brun,
Et glissaient avec des bruissements étranges.
Malheureux ! m’écriai-je, il t’arrive du ciel,
Un peu de népenthès pour adoucir ton fiel,
Prends-le donc ce répit qu’un séraphin t’apporte,
Bois ce bon népenthès, oublie enfin la morte !
Le corbeau grinça : « Jamais plus ! »

Prophète de malheur ! oiseau noir ou démon,
Criai-je, que tu sois un messager du diable,
Ou bien que la tempête, ainsi qu’un goémon
T’ait simplement jeté dans ce lieu pitoyable,
Dans ce logis hanté par l’horreur et l’effroi,
Valeureux naufragé, sincèrement, dis-moi,
S’il est, s’il est sur terre un baume de Judée,
Qui puisse encor guérir mon âme corrodée ?
Le corbeau glapit : « Jamais plus ! »

Prophète de malheur, oiseau noir ou démon,
Par ce grand ciel tendu sur nous, sorcier d’ébène,
Par ce Dieu que bénit notre même limon,
Dis à ce malheureux damné chargé de peine,
Si dans le paradis qui ne doit pas cesser,
Oh ! dis-lui s’il pourra quelque jour embrasser
La précieuse enfant que tout son corps adore,
La sainte enfant que les anges nomment Lenore ?
Le corbeau gémit : « Jamais plus ! »

Alors, séparons-nous ! puisqu’il en est ainsi,
Hurlai-je en me dressant ! rentre aux enfers ! replonge
Dans la tempête affreuse ! Oh ! pars ! ne laisse ici,
Pas une seule plume évoquant ton mensonge !
Monstre ! fuis pour toujours mon gîte inviolé,
Désaccroche ton bec de mon cœur désolé !
Va-t-en ! bête maudite, et que ton spectre sorte
Et soit précipité loin, bien loin de ma porte !
Le corbeau râla : « Jamais plus ! »

Et sur le buste austère et pâle de Pallas,
L’immuable corbeau reste installé sans trêve ;
Au-dessus de ma porte il est toujours, hélas !
Et ses yeux sont en tout ceux d’un démon qui rêve ;
Et l’éclair de la lampe, en ricochant sur lui,
Projette sa grande ombre au parquet chaque nuit ;
Et ma pauvre âme, hors du cercle de cette ombre
Qui gît en vacillant – là – sur le plancher sombre,
Ne montera plus, jamais plus !

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
Ajouté par Poetry Lover
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