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Charles Baudelaire

Moesta et errabunda

Dis-moi ton coeur parfois s'envole-t-il, Agathe,
Loin du noir océan de l'immonde cité
Vers un autre océan où la splendeur éclate,
Bleu, clair, profond, ainsi que la virginité?
Dis-moi, ton coeur parfois s'envole-t-il, Agathe?

La mer la vaste mer, console nos labeurs!
Quel démon a doté la mer, rauque chanteuse
Qu'accompagne l'immense orgue des vents grondeurs,
De cette fonction sublime de berceuse?
La mer, la vaste mer, console nos labeurs!

Emporte-moi wagon! enlève-moi, frégate!
Loin! loin! ici la boue est faite de nos pleurs!
— Est-il vrai que parfois le triste coeur d'Agathe
Dise: Loin des remords, des crimes, des douleurs,
Emporte-moi, wagon, enlève-moi, frégate?

Comme vous êtes loin, paradis parfumé,
Où sous un clair azur tout n'est qu'amour et joie,
Où tout ce que l'on aime est digne d'être aimé,
Où dans la volupté pure le coeur se noie!
Comme vous êtes loin, paradis parfumé!

Mais le vert paradis des amours enfantines,
Les courses, les chansons, les baisers, les bouquets,
Les violons vibrant derrière les collines,
Avec les brocs de vin, le soir, dans les bosquets,
— Mais le vert paradis des amours enfantines,

L'innocent paradis, plein de plaisirs furtifs,
Est-il déjà plus loin que l'Inde et que la Chine?
Peut-on le rappeler avec des cris plaintifs,
Et l'animer encor d'une voix argentine,
L'innocent paradis plein de plaisirs furtifs?

poésie de Charles Baudelaire de Les Fleurs du malSignalez un problèmeDes citations similaires
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Charles Baudelaire

L'Homme et la mer

Homme libre, toujours tu chériras la mer!
La mer est ton miroir; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame,
Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer.

Tu te plais à plonger au sein de ton image;
Tu l'embrasses des yeux et des bras, et ton coeur
Se distrait quelquefois de sa propre rumeur
Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage.

Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets:
Homme, nul n'a sondé le fond de tes abîmes;
Ô mer, nul ne connaît tes richesses intimes,
Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets!

Et cependant voilà des siècles innombrables
Que vous vous combattez sans pitié ni remords,
Tellement vous aimez le carnage et la mort,
Ô lutteurs éternels, ô frères implacables!

poésie de Charles Baudelaire de Les Fleurs du malSignalez un problèmeDes citations similaires
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Iulia Hașdeu

Au bord de la mer

Bonsoir, amis, bonsoir, au pâle clair de lune,
Aux cris plaintifs du vent parmi la forêt brune,
Aux soupirs de la brise inclinant les roseaux,
Aux sourds mugissements du flot qui bat la grève,
Bonsoir! Le voyageur qui s’arrête et qui rêve
En écoutant la voix des eaux,

Seul, nocturne pêcheur, debout sur le roc sombre,
Regarde vers le ciel plein d’étoiles sans nombre;
Et tandis que ses yeux plongent au firmament,
Il peut se demander quelle est cette romance
Que la mer chante au ciel, achève et recommence,
Recommence éternellement!

Avez-vous entendu, quand la nuit est sans voiles,
La vaste mer chanter sa chanson aux étoiles?
Quelle musique, amis! Dieu parle en cette voix.
Sublime créateur de l’infini – son monde –
Dieu prête à l’océan cette basse profonde
Et l’océan chante ses lois.

Bonsoir, amis! Ce Dieu, par qui le flot murmure,
Par qui tout prend naissance et vit dans la nature,
Qui fit ce qu’on ne peut ni comprendre, ni voir,
Comme les flots des mers, comme les choeurs des anges,
Bénissez-le sans cesse et chantez ses louanges.
Au clair de lune, amis, bonsoir!

poésie de Iulia Hașdeu de ConfidencesSignalez un problèmeDes citations similaires
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Quand je t'aime

Quand je t'aime
J'ai l'impression d'être un roi
Un chevalier d'autrefois
Le seul homme sur la terre
Quand je t'aime
J'ai l'impression d'être à toi
Comme la rivière au delta
Prisonnier volontaire

Refrain:

Quand je t'aime
Tous mes gestes me ramènent
A tes lèvres ou à tes bras
A l'amour avec toi

Quand je t'aime
Il est minuit ou midi
En enfer au paradis
N'importe où mais ensemble
Quand je t'aime
Je ne sais plus si je suis
Un mendiant ou un messie
Mais nos rêves se ressemblent

Au refrain:

Quand je t'aime
J'ai des fleurs au bout des doigts
Et le ciel que je te dois
Est un ciel sans étoile
Quand je t'aime
J'ai la fièvre dans le sang
Et ce plaisir innocent
Me fait peur, me fait mal

Au refrain:

Quand je t'aime
J'ai l'impression d'être un roi
Un chevalier d'autrefois
Le seul homme sur la terre
Quand je t'aime
J'ai l'impression d'être à toi
Comme la rivière au delta
Prisonnier volontaire
Quand je t'aime
Il est minuit ou midi
En enfer au paradis
N'importe où mais ensemble
Quand je t'aime
Je ne sais plus si je suis
Un mendiant ou un messie
Mais nos rêves se ressemblent
Quand je t'aime.

chanson interprété par Demis RoussosSignalez un problèmeDes citations similaires
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De la même à la même

Le souvenir d'un rêve à chaque instant m'arrive
Comme un remords subtil à la fois âcre et cher,
Et pour me soulager il faut que je t'écrive
Le redoutable aveu qui fait frémir ma chair :

Sur les bords d'un lac pur où se baignaient des Anges,
Dans un paradis vert plein d'arbres qui chantaient
Des airs mystérieux sur des rythmes étranges,
Je regardais le ciel où mes soupirs montaient.

Les aromes des fleurs s'exhalant par bouffées,
Le mutisme du lac et les voix étouffées
Des sylphides nageant prés des séraphins nus,

Tout me criait : 'L'amour à la fin t'a conquise !'
Soudain, mon coeur sentit des frissons inconnus,
Et tout mon corps s'emplit d'une douleur exquise !

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
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Comme le marinier, que le cruel orage

Comme le marinier, que le cruel orage
A longtemps agité dessus la haute mer,
Ayant finalement à force de ramer
Garanti son vaisseau du danger du naufrage,

Regarde sur le port, sans plus craindre la rage
Des vagues ni des vents, les ondes écumer ;
Et quelqu'autre bien loin, au danger d'abîmer,
En vain tendre les mains vers le front du rivage :

Ainsi, mon cher Morel, sur le port arrêté,
Tu regardes la mer, et vois en sûreté
De mille tourbillons son onde renversée :

Tu la vois jusqu'au ciel s'élever bien souvent,
Et vois ton Du Bellay à la merci du vent
Assis au gouvernail dans une nef percée,

poésie de Joachim du BellaySignalez un problèmeDes citations similaires
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Charles Baudelaire

À une Madone

Ex-voto dans le goût espagnol

Je veux bâtir pour toi, Madone, ma maîtresse,
Un autel souterrain au fond de ma détresse,
Et creuser dans le coin le plus noir de mon coeur,
Loin du désir mondain et du regard moqueur,
Une niche, d'azur et d'or tout émaillée,
Où tu te dresseras, Statue émerveillée.
Avec mes Vers polis, treillis d'un pur métal
Savamment constellé de rimes de cristal
Je ferai pour ta tête une énorme Couronne;
Et dans ma Jalousie, ô mortelle Madone
Je saurai te tailler un Manteau, de façon
Barbare, roide et lourd, et doublé de soupçon,
Qui, comme une guérite, enfermera tes charmes,
Non de Perles brodé, mais de toutes mes Larmes!
Ta Robe, ce sera mon Désir, frémissant,
Onduleux, mon Désir qui monte et qui descend,
Aux pointes se balance, aux vallons se repose,
Et revêt d'un baiser tout ton corps blanc et rose.
Je te ferai de mon Respect de beaux Souliers
De satin, par tes pieds divins humiliés,
Qui, les emprisonnant dans une molle étreinte
Comme un moule fidèle en garderont l'empreinte.
Si je ne puis, malgré tout mon art diligent
Pour Marchepied tailler une Lune d'argent
Je mettrai le Serpent qui me mord les entrailles
Sous tes talons, afin que tu foules et railles
Reine victorieuse et féconde en rachats
Ce monstre tout gonflé de haine et de crachats.
Tu verras mes Pensers, rangés comme les Cierges
Devant l'autel fleuri de la Reine des Vierges
Etoilant de reflets le plafond peint en bleu,
Te regarder toujours avec des yeux de feu;
Et comme tout en moi te chérit et t'admire,
Tout se fera Benjoin, Encens, Oliban, Myrrhe,
Et sans cesse vers toi, sommet blanc et neigeux,
En Vapeurs montera mon Esprit orageux.

Enfin, pour compléter ton rôle de Marie,
Et pour mêler l'amour avec la barbarie,
Volupté noire! des sept Péchés capitaux,
Bourreau plein de remords, je ferai sept Couteaux
Bien affilés, et comme un jongleur insensible,
Prenant le plus profond de ton amour pour cible,
Je les planterai tous dans ton Coeur pantelant,
Dans ton Coeur sanglotant, dans ton Coeur ruisselant!

poésie de Charles Baudelaire de Les Fleurs du malSignalez un problèmeDes citations similaires
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Charles Baudelaire

Élévation

u-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,

Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde,
Tu sillonnes gaiement l'immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.

Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides ;
Va te purifier dans l'air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.

Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lumineux et sereins ;

Celui dont les pensers, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
- Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes !

poésie de Charles Baudelaire de Les Fleurs du mal (1857)Signalez un problèmeDes citations similaires
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Victor Hugo

Au bord de la mer

Vois, ce spectacle est beau. - Ce paysage immense
Qui toujours devant nous finit et recommence ;
Ces blés, ces eaux, ces prés, ce bois charmant aux yeux ;
Ce chaume où l'on entend rire un groupe joyeux ;
L'océan qui s'ajoute à la plaine où nous sommes ;
Ce golfe, fait par Dieu, puis refait par les hommes,
Montrant la double main empreinte en ses contours,
Et des amas de rocs sous des monceaux de tours ;
Ces landes, ces forêts, ces crêtes déchirées ;
Ces antres à fleur d'eau qui boivent les marées ;
Cette montagne, au front de nuages couvert,
Qui dans un de ses plis porte un beau vallon vert,
Comme un enfant des fleurs dans un pan de sa robe ;
La ville que la brume à demi nous dérobe,
Avec ses mille toits bourdonnants et pressés ;
Ce bruit de pas sans nombre et de rameaux froissés,
De voix et de chansons qui par moments s'élève ;
Ces lames que la mer amincit sur la grève,
Où les longs cheveux verts des sombres goëmons
Tremblent dans l'eau moirée avec l'ombre des monts ;
Cet oiseau qui voyage et cet oiseau qui joue ;
Ici cette charrue, et là-bas cette proue,
Traçant en même temps chacune leur sillon ;
Ces arbres et ces mâts, jouets de l'aquilon ;
Et là-bas, par-delà les collines lointaines,
Ces horizons remplis de formes incertaines ;
Tout ce que nous voyons, brumeux ou transparent,
Flottant dans les clartés, dans les ombres errant,
Fuyant, debout, penché, fourmillant, solitaire,
Vagues, rochers, gazons, - regarde, c'est la terre !

Et là-haut, sur ton front, ces nuages si beaux
Où pend et se déchire une pourpre en lambeaux ;
Cet azur, qui ce soir sera l'ombre infinie ;
Cet espace qu'emplit l'éternelle harmonie ;
Ce merveilleux soleil, ce soleil radieux
Si puissant à changer toute forme à nos yeux
Que parfois, transformant en métaux les bruines,
On ne voit plus dans l'air que splendides ruines,
Entassements confus, amas étincelants
De cuivres et d'airains l'un sur l'autre croulants,
Cuirasses, boucliers, armures dénouées,
Et caparaçons d'or aux croupes des nuées ;
L'éther, cet océan si liquide et si bleu,
Sans rivage et sans fond, sans borne et sans milieu,
Que l'oscillation de toute haleine agite,
Où tout ce qui respire, ou remue, ou gravite,
A sa vague et son flot, à d'autres flots uni,
Où passent à la fois, mêlés dans l'infini,
Air tiède et vents glacés, aubes et crépuscules,
Bises d'hiver, ardeur des chaudes canicules,
Les parfums de la fleur et ceux de l'encensoir,
Les astres scintillant sur la robe du soir,
Et les brumes de gaze, et la douteuse étoile,
Paillette qui se perd dans les plis noirs du voile,
La clameur des soldats qu'enivre le tambour,
Le froissement du nid qui tressaille d'amour,
Les souffles, les échos, les brouillards, les fumées,
Mille choses que l'homme encor n'a pas nommées,
Les flots de la lumière et les ondes du bruit,
Tout ce qu'on voit le jour, tout ce qu'on sent la nuit ;
Eh bien ! nuage, azur, espace, éther, abîmes,
Ce fluide océan, ces régions sublimes
Toutes pleines de feux, de lueurs, de rayons,
Où l'âme emporte l'homme, où tous deux nous fuyons,
Où volent sur nos fronts, selon des lois profondes,
Près de nous les oiseaux et loin de nous les mondes,
Cet ensemble ineffable, immense, universel,
Formidable et charmant, - contemple, c'est le ciel !

Oh oui ! la terre est belle et le ciel est superbe ;
Mais quand ton sein palpite et quand ton oeil reluit,
Quand ton pas gracieux court si léger sur l'herbe
Que le bruit d'une lyre est moins doux que son bruit ;

Lorsque ton frais sourire, aurore de ton âme,
Se lève rayonnant sur moi qu'il rajeunit,
Et de ta bouche rose, où naît sa douce flamme,
Monte jusqu'à ton front comme l'aube au zénith ;

Quand, parfois, sans te voir, ta jeune voix m'arrive,
Disant des mots confus qui m'échappent souvent,
Bruit d'une eau qui se perd sous l'ombre de sa rive
Chanson d'oiseau caché qu'on écoute en rêvant ;

Lorsque ma poésie, insultée et proscrite,
Sur ta tête un moment se repose en chemin ;
Quand ma pensée en deuil sous la tienne s'abrite,
Comme un flambeau de nuit sous une blanche main ;

Quand nous nous asseyons tous deux dans la vallée ;
Quand ton âme, soudain apparue en tes yeux,
Contemple avec les pleurs d'une soeur exilée,
Quelque vertu sur terre ou quelque étoile aux cieux ;

Quand brille sous tes cils, comme un feu sous les branches,
Ton beau regard, terni par de longues douleurs ;
Quand sous les maux passés tout à coup tu te penches,
Que tu veux me sourire et qu'il te vient des pleurs ;

Quand mon corps et ma vie à ton souffle résonnent,
Comme un tremblant clavier qui vibre à tout moment ;
Quand tes doigts, se posant sur mes doigts qui frissonnent,
Font chanter dans mon coeur un céleste instrument ;

Lorsque je te contemple, ô mon charme suprême !
Quand ta noble nature, épanouie aux yeux,
Comme l'ardent buisson qui contenait Dieu même,
Ouvre toutes ses fleurs et jette tous ses feux ;

Ce qui sort à la fois de tant de douces choses,
Ce qui de ta beauté s'exhale nuit et jour,
Comme un parfum formé du souffle de cent roses,
C'est bien plus que la terre et le ciel, - c'est l'amour !

poésie de Victor HugoSignalez un problèmeDes citations similaires
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Le Champ de chardons

Le champ fourmille de chardons :
Quel paradis pour le vieil âne !
Adieu bât, sangles et bridons !
Le champ fourmille de chardons.
La brise mêle ses fredons
A ceux de la petite Jeanne !
Le champ fourmille de chardons :
Quel paradis pour le vieil âne !

En chantant au bord du fossé
La petite Jeanne tricote.
Elle songe à son fiancé
En chantant au bord du fossé ;
Son petit sabot retroussé
Dépasse le bout de sa cotte.
En chantant au bord du fossé
La petite Jeanne tricote.

Les brebis vaguent en broutant
Et s’éparpillent sur les pentes
Que longe un tortueux étang.
Les brebis vaguent en broutant.
Le bon vieil âne est si content
Qu’il retrouve des dents coupantes.
Les brebis vaguent en broutant
Et s’éparpillent sur les pentes.

Près de Jeanne, au pied d’un sureau,
La chienne jaune est accroupie.
La chèvre allaite son chevreau
Près de Jeanne, au pied d’un sureau.
La vache rêve ; un grand taureau
Regarde sauter une pie ;
Près de Jeanne, au pied d’un sureau,
La chienne jaune est accroupie.

Le taon fait son bruit de ronfleur,
Et le chardonneret son trille ;
On entend le merle siffleur ;
Le taon fait son bruit de ronfleur.
Parfois, en croquant tige ou fleur,
L’âne, au tronc d’un arbre, s’étrille ;
Le taon fait son bruit de ronfleur,
Et le chardonneret son trille.

J’aperçois les petits cochons
Avec leur joli groin rose
Et leur queue en tire-bouchons.
J’aperçois les petits cochons !
Ils frétillent si folichons
Qu’ils amusent mon œil morose.
J’aperçois les petits cochons
Avec leur joli groin rose !

Le baudet plein de nonchaloir
Savoure l’âpre friandise ;
Il est réjouissant à voir
Le baudet plein de nonchaloir !
Sa prunelle de velours noir
Étincelle de gourmandise.
Le baudet plein de nonchaloir
Savoure l’âpre friandise.

Le soleil dort dans les cieux gris
Au monotone tintamarre
Des grenouilles et des cris-cris.
Le soleil dort dans les cieux gris.
Les petits saules rabougris
Écoutent coasser la mare ;
Le soleil dort dans les cieux gris
Au monotone tintamarre.

Au loin, sur le chemin de fer,
Un train passe, gueule enflammée :
On dirait les chars de l’enfer
Au loin, sur le chemin de fer :
La locomotive, dans l’air,
Tord son panache de fumée !
Au loin, sur le chemin de fer
Un train passe, gueule enflammée.

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
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De la même à la même

Le souvenir d’un rêve à chaque instant m’arrive
Comme un remords subtil à la fois âcre et cher,
Et pour me soulager il faut que je t’écrive
Le redoutable aveu qui fait frémir ma chair :

Sur les bords d’un lac pur où se baignaient des Anges,
Dans un paradis vert plein d’arbres qui chantaient
Des airs mystérieux sur des rythmes étranges,
Je regardais le ciel où mes soupirs montaient.

Les arômes des fleurs s’exhalant par bouffées,
Le mutisme du lac et les voix étouffées
Des sylphides nageant prés des séraphins nus,

Tout me criait : « L’amour à la fin t’a conquise ! »
Soudain, mon cœur sentit des frissons inconnus,
Et tout mon corps s’emplit d’une douleur exquise !

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Je Vais T'aimer

A faire pâlir tous les Marquis de Sade
A faire rougir les putains de la rade
A faire crier grâce à tous les échos
A faire trembler les murs de Jéricho
Je vais t'aimer

A faire flamber des enfers dans tes yeux
A faire jurer tous les tonnerres de Dieu
A faire dresser tes seins et tous les Saints
A faire prier et supplier nos mains
Je vais t'aimer

Je vais t'aimer
Comme on ne t'a jamais aimée
Je vais t'aimer
Plus loin que tes rêves ont imaginé
Je vais t'aimer je vais t'aimer

Je vais t'aimer
Comme personne n'a osé t'aimer
Je vais t'aimer
Comme j'aurais tellement aimé être aimé
Je vais t'aimer je vais t'aimer

A faire vieillir à faire blanchir la nuit
A faire brûler la lumière jusqu'au jour
A la passion et jusqu'a la folie
Je vais t'aimer je vais t'aimer d'amour

A faire cerner à faire fermer nos yeux
A faire souffrir à faire mourir nos corps
A faire voler nos âmes aux septièmes cieux
A se croire morts et faire l'amour encore
Je vais t'aimer

Je vais t'aimer
Comme on ne t'a jamais aimée
Je vais t'aimer
Plus loin que tes rêves ont imaginé
Je vais t'aimer je vais t'aimer

Je vais t'aimer
Comme personne n'a osé t'aimer
Je vais t'aimer
Comme j'aurais tellement aimé être aimé
Je vais t'aimer je vais t'aimer.

chanson interprété par Michel SardouSignalez un problèmeDes citations similaires
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Les Mouettes

En tas, poussant de longs cris aboyeurs
Aussi plaintifs que des cris de chouettes,
Autour des ports, sur les gouffres noyeurs,
Dans l’air salé s’ébattent les mouettes,
Promptes au vol comme des alouettes.
D’un duvet mauve et marqueté de roux,
Sur l’eau baveuse où le vent fait des trous,
On peut les voir se tailler des besognes
Et se risquer sous le ciel en courroux,
Pour nettoyer la mer de ses charognes.

Flairant les flots, sinistres charroyeurs,
Et les écueils noirs dont les silhouettes
Font aux marins de si grandes frayeurs,
Elles s’en vont avec des pirouettes
De-ci, de-là, comme des girouettes.
Dans les vapeurs vitreuses des temps mous
Où notre œil suit les effacements doux
Des mâts penchant avec des airs d’ivrognes,
Ces grands oiseaux rôdent sur les remous,
Pour nettoyer la mer de ses charognes.

Et quand les flots devenus chatoyeurs
Dorment bercés par les brises fluettes,
On les revoit, avides côtoyeurs,
Éparpillant leurs troupes inquiètes
Aux environs des falaises muettes.
En vain tout rit, le brouillard s’est dissous ;
Ces carnassiers qui ne sont jamais soûls
Ouvrent encor leurs ailes de cigognes
Sur les galets polis comme des sous,
Pour nettoyer la mer de ses charognes.


ENVOI

Vautour blafard, fouilleur des casse-cous,
Toi dont le bec donne de si grands coups
Dans les lambeaux pourris où tu te cognes,
Viens là ! Tes sœurs t’y donnent rendez-vous,
Pour nettoyer la mer de ses charognes.

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Les Seins

J’ai fait ces vers subtils, polis comme des bagues,
Pour immortaliser la gloire de tes seins
Que mon houleux désir bat toujours de ses vagues.

Qu’ils y fleurissent donc éternellement sains,
Et que dans la roideur fière des pics de glace
Ils narguent à jamais les siècles assassins !

Sur ta chemise, enfant, mon œil baise la place
Qu’use le frottement de leurs boutons rosés,
Et voilà que déjà le vertige m’enlace.

Si j’osais ! Tu souris, semblant me dire : « Osez !
Mes seins voluptueux sont friands de vos lèvres
Et de larmes d’amour veulent être arrosés. »

Et pour m’indemniser des nuits où tu m’en sèvres,
Tu ne les caches plus que sous tes noirs cheveux
Drus comme les buissons que mordillent les chèvres.

Ivresse ! Ils sont alors à moi tant que je veux :
Car mes doigts chatouilleurs ont des caresses lentes
S’entrecoupant d’arrêts et de frissons nerveux.

Et quand vibrent sur vous mes lèvres harcelantes,
Libellules d’amour dont vous êtes les fleurs,
Votre incarnat rougit, pointes ensorcelantes !

Rubis des seins, vous en rehaussez les pâleurs
Et vous vous aiguisez, jusqu’à piquer ma joue
Comme le bec lutin des oiselets siffleurs.

Et tu frémis avec une adorable moue
Tandis qu’au cliquetis de tes bracelets d’or
Ta main dans ma crinière indomptable se joue !

En vain la bise hurle au fond du corridor,
Tu souris de langueur sur le sopha d’ébène
Devant l’âtre paisible où la flamme s’endort.

Moi, je brûle affolé, je me contiens à peine ;
Et pourtant mon désir qui rampe à tes genoux
Sait que sa patience a toujours bonne aubaine.

Mais tu laisses tomber ton provocant burnous,
Et, moderne houri des paradis arabes,
Tu bondis toute nue en criant : « Aimons-nous ! »

Oh ! comme nous râlons ces magiques syllabes,
Dans la chère seconde où, pour mieux s’enlacer,
Nos jambes et nos bras sont des pinces de crabes !

Ma convoitise enfin peut donc se harasser !
Pas un coin de ton corps où mes lèvres ne paissent
Tu me bois, je t’aspire ! et, pour me délasser,

J’admire tes beaux seins qui s’enflent et s’abaissent.

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Charles Baudelaire

La Musique

La musique souvent me prend comme une mer!
Vers ma pâle étoile,
Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther,
Je mets à la voile;

La poitrine en avant et les poumons gonflés
Comme de la toile
J'escalade le dos des flots amoncelés
Que la nuit me voile;

Je sens vibrer en moi toutes les passions
D'un vaisseau qui souffre;
Le bon vent, la tempête et ses convulsions

Sur l'immense gouffre
Me bercent. D'autres fois, calme plat, grand miroir
De mon désespoir!

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Sandro Penna

La mer, bleu absolu

La mer, bleu absolu.
La mer, calme absolu.
Dans mon coeur presque un cri
de joie. Et tout est calme.

poésie de Sandro Penna (1939)Signalez un problèmeDes citations similaires
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Ballade des barques peintes

Elles meurent de spleen, à l’ombre des maisons,
Les chaloupes de mer qui vacillent sans trêve,
Et qui voudraient tenter aux plus creux horizons,
Loin des miasmes chauds et stagnants de la grève,
Le gouffre qui les tord, les happe et les enlève.
Aussi quand le pêcheur prend les avirons lourds,
Chacune en toute hâte arborant ses atours
Fuit le port engourdi plein de buveurs de pintes,
Et la brise ballonne et fait sur les flots sourds
Frémir la voile blanche au mât des barques peintes.

Elles ne songent guère aux noires trahisons
De l’Océan qui dort et de l’autan qui rêve.
Oh ! quand elles n’ont plus la chaîne des prisons,
Comme l’air est exquis, l’eau verte et l’heure brève
Pourtant, il faut déjà rentrer : le jour s’achève.
Mais un brusque ouragan qui briserait des tours,
Plus fou qu’un tourbillon de cent mille vautours,
Se rabat sur la côte avec d’horribles plaintes,
Et la mouette en vain écoute aux alentours
Frémir la voile blanche au mât des barques peintes.

Hélas ! leurs flancs menus, leurs fragiles cloisons
Craquent sous le nuage orageux qui se crève.
Comme un tas de serpents qui bavent leurs poisons,
Contre elles, chaque vague arrive et se soulève
Avec le bond du tigre et le tranchant du glaive.
Et tandis qu’au milieu des éclairs drus et courts
La nuit met sur la mer son masque de velours,
Le grand phare inquiet dans les clartés éteintes
Regarde, et ne voit pas, à l’heure des retours,
Frémir la voile blanche au mât des barques peintes.


ENVOI

Dame la Vierge ! Ô vous, qui dans les mauvais jours
Donnez si promptement assistance et secours
À ceux que le danger cerne de ses étreintes,
Commandez que le vent guide et laisse toujours
Frémir la voile blanche au mât des barques peintes !

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Le Chemin aux merles

Voici que la rosée éparpille ses perles
Qui tremblent sous la brise aux feuilles des buissons.
— Vague du spleen, en vain contre moi tu déferles !
Car, dans les chemins creux où sifflotent les merles,
Et le long des ruisseaux qui baignent les cressons,
La fraîcheur du matin m’emplit de gais frissons.

Mystérieuse, avec de tout petits frissons,
La rainette aux yeux noirs et ronds comme des perles,
S’éveille dans la flaque, et franchit les cressons,
Pour aller se blottir aux creux des verts buissons,
Et mêler son chant rauque au sifflement des merles.
— Vague du spleen, en vain contre moi tu déferles !

— Vague du spleen, en vain contre moi tu déferles
Sous l’arceau de verdure où passent des frissons,
J’ai pour me divertir le bruit que font les merles,
Avec leur voix aiguë égreneuse de perles !
Et de même qu’ils sont les rires des buissons,
La petite grenouille est l’âme des cressons.

La libellule vibre aux pointes des cressons.
— Vague du spleen, en vain contre moi tu déferles !
Le soleil par degrés attiédit les buissons,
Déjà sur les talus l’herbe a de chauds frissons,
Et les petits cailloux luisent comme des perles ;
La feuillée est alors toute noire de merles !

C’est à qui sifflera le plus parmi les merles !
L’un d’eux, s’aventurant au milieu des cressons,
Bat de l’aile sur l’eau qui s’en égoutte en perles ;
— Vague du spleen, en vain contre moi tu déferles !
Et le petit baigneur fait courir des frissons
Dans la flaque endormie à l’ombre des buissons.

Mais un lent crépuscule embrume les buissons ;
Avec le soir qui vient, le sifflement des merles
Agonise dans l’air plein d’étranges frissons ;
Un souffle humide sort de la mare aux cressons :
O spleen, voici qu’à flots dans mon cœur tu déferles !
Toi, nuit ! tu n’ouvres pas ton vaste écrin de perles !

Pas de perles au ciel ! le long des hauts buissons,
Tu déferles, noyant d’obscurité les merles
Et les cressons ! — Je rentre avec de noirs frissons !

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Les Plaintes

Venus des quatre coins de l’horizon farouche,
De la cime des pics et du fond des remous,
Les aquilons rageurs sont d’invisibles fous
Qui fouettent sans lanière et qui hurlent sans bouche.

Les ruisseaux n’ont jamais que des bruits susurreurs
Dans leur tout petit lit qui serpente et qui vague,
Et l’on n’entend sortir qu’un murmure très vague
Des étangs recueillis sous les saules pleureurs.

Mais la mer qui gémit comme une âme qui souffre,
Tord sous les cieux muets ses éternels sanglots
Où viennent se mêler dans l’écume des flots
Les suffocations des noyés qu’elle engouffre.

Quand s’exhalent, après que l’orage a cessé,
Les souffles de la nuit plus légers que des bulles,
La plainte en la mineur des crapauds noctambules
Fait gémir le sillon, l’ornière et le fossé.

Jérémie aux cent bras sur qui le vent halète,
L’arbre a tous les sanglots dans ses bruissements,
Et l’écho des forêts redit les grincements
Du loup, trotteur affreux que la faim rend squelette.

Quand je passe, le soir, dans un val écarté,
Je frissonne au cri rauque et strident de l’orfraie,
Car, pour moi, cette plainte errante qui m’effraie,
C’est le gémissement de la fatalité.

Sous l’archet sensitif où passent nos alarmes
L’âme des violons sanglote, et sous nos doigts,
La harpe, avec un bruit de source dans les bois,
Égrène, à sons mouillés, la musique des larmes.

Le soupir clandestin des vierges de beauté
Semble remercier l’amour qui les effleure,
Mais la plainte amoureuse est un regret qui pleure
Le plaisir déjà mort avant d’avoir été.

En vain l’on se défend, en vain l’on fait mystère
Des maux que la clarté du jour semble assoupir,
Tout l’homme intérieur, dans un affreux soupir,
Raconte son angoisse à la nuit solitaire.

Et le tas vagabond des parias craintifs,
Noirs pèlerins geigneurs, sans gourde, ni sandales,
Partout, sur les planchers, les cailloux et les dalles,
Passent comme un troupeau de fantômes plaintifs.

Dans la forêt des croix, tombes vieilles et neuves,
Combien vous entendez de femmes à genoux
Gémir avec des sons plus tristes et plus doux
Que les roucoulements des tourterelles veuves !

Tandis que, dans un cri forcené qui le tord,
L’enfant paraît déjà se plaindre de la vie,
L’aïeul qui le regarde avec un œil d’envie
Grommelle d’épouvante en songeant à la mort.

L’agonisant croasse un lamento qui navre ;
Et quand les morts sont clos dans leur coffre obsédant,
Le hoquet gargouilleur qu’ils ont en se vidant
Filtre comme la plainte infecte du cadavre.

— Elles ont des échos vibrant comme des glas
Et s’enfonçant avec une horrible vitesse
Dans mon funèbre cœur plein d’ombre et de tristesse
Où se sont installés les hiboux des Hélas ;

Oui ! dans le grondement formidable des nues
Mon âme entend parfois l’Infini sangloter,
Mon âme ! où vont s’unir et se répercuter
Tous les frissons épars des douleurs inconnues !

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Charles Baudelaire

Le Balcon

Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses,
Ô toi, tous mes plaisirs! ô toi, tous mes devoirs!
Tu te rappelleras la beauté des caresses,
La douceur du foyer et le charme des soirs,
Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses!

Les soirs illuminés par l'ardeur du charbon,
Et les soirs au balcon, voilés de vapeurs roses.
Que ton sein m'était doux! que ton coeur m'était bon!
Nous avons dit souvent d'impérissables choses
Les soirs illuminés par l'ardeur du charbon.

Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées!
Que l'espace est profond! que le coeur est puissant!
En me penchant vers toi, reine des adorées,
Je croyais respirer le parfum de ton sang.
Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées!

La nuit s'épaississait ainsi qu'une cloison,
Et mes yeux dans le noir devinaient tes prunelles,
Et je buvais ton souffle, ô douceur! ô poison!
Et tes pieds s'endormaient dans mes mains fraternelles.
La nuit s'épaississait ainsi qu'une cloison.

Je sais l'art d'évoquer les minutes heureuses,
Et revis mon passé blotti dans tes genoux.
Car à quoi bon chercher tes beautés langoureuses
Ailleurs qu'en ton cher corps et qu'en ton coeur si doux?
Je sais l'art d'évoquer les minutes heureuses!

Ces serments, ces parfums, ces baisers infinis,
Renaîtront-ils d'un gouffre interdit à nos sondes,
Comme montent au ciel les soleils rajeunis
Après s'être lavés au fond des mers profondes?
— Ô serments! ô parfums! ô baisers infinis!

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Le Crapaud

O vivante et visqueuse extase
Accroupie au bord des marais,
Pèlerin morne de la vase,
Des vignes et des bruns guérets,

Paria, dont la vue inspire
De l’horreur aux pestiférés,
Crapaud, inconscient vampire
Des vaches sommeillant aux prés ;

Infime roi des culs-de-jatte
Écrasé par ta pesanteur,
Sombre forçat tirant la patte
Avec une affreuse lenteur,

A toi que Dieu semble maudire,
A toi, doux martyr des enfants,
Le cœur ému, je viens te dire
Que je te plains et te défends.

Ton pauvre corps, lorsque tu bouges,
Est inquiet et tourmenté,
Et ce qui sort de tes yeux rouges,
C’est une immense humilité.

Je t’aime, monstre épouvantable.
Que j’ai vu grimpant l’autre soir,
Avec un effort lamentable,
Dans l’épaisseur du buisson noir.

Loin de l’homme et de la vipère,
Loin de tout ce qui frappe et mord,
Je te souhaite un bon repaire,
Obscur et froid comme la mort.

Fuis vers une mare chargée
De brume opaque et de sommeil,
Et que n’auront jamais figée
Les yeux calcinants du soleil.

Qu’un ciel à teintes orageuses,
Toujours plein de morosité,
Sur tes landes marécageuses
Éternise l’humidité ;

Pour que toi, le rôdeur des flaques,
Tu puisses faire tes plongeons
Dans de délicieux cloaques
Frais, sous le fouillis vert des joncs.

Dans la grande paix sépulcrale
De la nuit qui tombe des cieux,
Lorsque le vent n’est plus qu’un râle
Dans les arbres silencieux,

Unis-toi sous la froide lune,
Qui t’enverra son regard blanc,
A la femelle molle et brune
Bavant de plaisir à ton flanc !

Dans les nénuphars, jamais traîtres,
Humez l’amour, l’amour béni,
Qui donne aux plus horribles êtres
Les ivresses de l’infini.

Et puis, chemine, lent touriste,
De la mare au creux du sapin,
En chuchotant ton cri plus triste
Que tous les mineurs de Chopin.

Rampe à l’aise, deviens superbe
De laideur grasse et de repos,
Dans la sécurité d’une herbe
Où ne vivront que des crapauds !

De l’hiver à la canicule
Puisses-tu savourer longtemps
L’ombre vague du crépuscule
Près des solitaires étangs !

Puisse ta vie être un long rêve
D’amour et de sérénité !
Sois la hideur ravie, et crève
De vieillesse ou de volupté !

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