Citations sur Quel figure, page 5
Encore que l'on eût heureusement compris
Encore que l'on eût heureusement compris
Et la doctrine grecque et la romaine ensemble,
Si est-ce, Gohory, qu'ici, comme il me semble,
On peut apprendre encor, tant soit-on bien appris.
Non pour trouver ici de plus doctes écrits
Que ceux que le français soigneusement assemble,
Mais pour l'air plus subtil, qui doucement nous emble
Ce qui est plus terrestre et lourd en nos esprits.
Je ne sais quel démon de sa flamme divine
Le moins parfait de nous purge, éprouve et affine,
Lime le jugement et le rend plus subtil :
Mais qui trop y demeure, il envoie en fumée
De l'esprit trop purgé la force consumée,
Et pour l'émoudre trop lui fait perdre le fil.
poésie de Joachim du Bellay
Ajouté par Poetry Lover
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Tu ne crains la fureur de ma plume animée
Tu ne crains la fureur de ma plume animée,
Pensant que je n'ai rien à dire contre toi,
Sinon ce que ta rage a vomi contre moi,
Grinçant comme un mâtin la dent envenimée.
Tu crois que je n'en sais que par la renommée,
Et que quand j'aurai dit que tu n'as point de foi,
Que tu es affronteur, que tu es traître au roi,
Que j'aurai contre toi ma force consommée,
Tu penses que je n'ai rien de quoi me venger,
Sinon que tu n'es fait que pour boire et manger :
Mais j'ai bien quelque chose encore plus mordante.
Et quoi ? l'amour d'Orphée ? et que tu ne sus onc
Que c'est de croire en Dieu ? non. Quel vice est-ce donc ?
C'est, pour le faire court, que tu es un pédante.
poésie de Joachim du Bellay
Ajouté par Poetry Lover
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Le Rasoir
Ce rasoir où la rouille a laissé son vestige
Par le seul souvenir arrive à me troubler,
Et sur lui, je ne peux jamais voir sans trembler
L’atmosphère de sang qui plane ou qui voltige.
Oui ! sa vue a pour moi je ne sais quel prestige !
Il m’attire, il me cloue, il me fait reculer,
Et va, quand je m’en sers, jusqu’à m’inoculer
Un dangereux frisson d’horreur et de vertige.
Étant las du présent comme du lendemain,
J’ai grand’peur qu’à la longue il ne tente ma main
Par un genre de mort où mon esprit s’arrête.
C’est pourquoi je m’en vais le jeter dans un trou,
Car avec lui je sens que je deviendrais fou
Et que je finirais par me couper la tête !
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
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Ô marâtre nature
Ô marâtre nature (et marâtre es-tu bien,
De ne m'avoir plus sage ou plus heureux fait naître),
Pourquoi ne m'as-tu fait de moi-même le maître,
Pour suivre ma raison et vivre du tout mien ?
Je vois les deux chemins, et ce mal, et de bien :
Je sais que la vertu m'appelle à la main dextre,
Et toutefois il faut que je tourne à semestre,
Pour suivre un traître espoir, qui m'a fait du tout sien.
Et quel profit en ai-je ? O belle récompense !
Je me suis consumé d'une vaine dépense,
Et n'ai fait autre acquêt que de mal et d'ennui.
L'étranger recueillit le fruit de mon service,
je travaille mon corps d'un indigne exercice,
Et porte sur mon front la vergogne d'autrui.
poésie de Joachim du Bellay
Ajouté par Poetry Lover
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Si la perte des tiens, si les pleurs de ta mère
Si la perte des tiens, si les pleurs de ta mère,
Et si de tes parents les regrets quelquefois,
Combien, cruel Amour, que sans amour tu sois,
T'ont fait sentir le deuil de leur complainte amère :
C'est or qu'il faut montrer ton flambeau sans lumière,
C'est or qu'il faut porter sans flèches ton carquois,
C'est or qu'il faut briser ton petit arc turquois,
Renouvelant le deuil de ta perte première.
Car ce n'est pas ici qu'il te faut regretter
Le père au bel Ascagne : il te faut lamenter
Le bel Ascagne même, Ascagne, ô quel dommage !
Ascagne, que Caraffe aimait plus que ses yeux :
Ascagne, qui passait en beauté de visage
Le beau coupier troyen qui verse à boire aux dieux.
poésie de Joachim du Bellay
Ajouté par Poetry Lover
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A Mademoiselle ***
Oui, femmes, quoi qu'on puisse dire,
Vous avez le fatal pouvoir
De nous jeter par un sourire
Dans l'ivresse ou le désespoir.
Oui, deux mots, le silence même,
Un regard distrait ou moqueur,
Peuvent donner à qui vous aime
Un coup de poignard dans le coeur.
Oui, votre orgueil doit être immense,
Car, grâce à notre lâcheté,
Rien n'égale votre puissance,
Sinon votre fragilité.
Mais toute puissance sur terre
Meurt quand l'abus en est trop grand,
Et qui sait souffrir et se taire
S'éloigne de vous en pleurant.
[...] Read more
poésie de Alfred de Musset
Ajouté par Simona Enache
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Le dictame
Ruminant au logis tout un passé funèbre
Où des ferments aigris de haine et de remord
Joignaient leur goût de fiel à des saveurs de mort,
J'entrais dans cette horreur où l'esprit s'enténèbre.
Quel qu'il fût, l'être humain, rien qu'avec sa présence
M'évoquant tant de mal que j'ai souffert par lui,
M'aurait envenimé. Contre un si noir ennui
Ma révolte grinçait de son insuffisance.
A la fin, je m'enfuis, je courus les vallées :
La paix de la lumière et de l'ombre mêlées
Noyait troupeau, feuillage, aux creux, sur les penchants ;
Et, guéri comme par un magique dictame,
Je compris, ce jour-là , que le calme des champs
Ramène à leur néant les chimères de l'âme.
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
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Quel est celui qui veut faire croire de soi
Quel est celui qui veut faire croire de soi
Qu'il est fidèle ami, mais quand le temps se change,
Du côté des plus forts soudainement se range,
Et du côté de ceux qui ont le mieux de quoi ?
Quel est celui qui dit qu'il gouverne le roi ?
J'entends quand il se voit en un pays étrange,
Et bien loin de la cour : quel homme est-ce, Lestrange ?
Lestrange, entre nous deux, je te pry, dis-le-moi.
Dis-moi, quel est celui qui si bien se déguise
Qu'il semble homme de guerre entre les gens d'église,
Et entre gens de guerre aux prêtres est pareil ?
Je ne sais pas son nom : mais quiconque il puisse être
Il n'est fidèle ami, ni mignon de son maître,
Ni vaillant chevalier, ni homme de conseil.
poésie de Joachim du Bellay
Ajouté par Poetry Lover
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Poème en arc de cercle
quand je fais de la géométrie
je reste assis
je prends l’axe des arbres
une peupleraie c’est le plus pratique
tout y est aligné
ça évite les calculs fastidieux
surtout quand on a oublié les formules
je n’utilise pas d’instruments
juste le regard
pour repérer une symétrie dans le paysage
mon corps s’annule lui-même
c’est bon signe
je cherche les figures qui s’y cachent
certains angles apparaissent dans les coins
j’en fais une somme compacte
que je projette en n’importe quel point
dont les coordonnées ont quelque chose de poétique
c’est presque amusant
ensuite je réfléchis à l’énoncé d’un problème
que je laisse à ma place
[...] Read more
poésie de Julien Boutreux
Ajouté par Doina Maria Tudor
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Le Mutilé
Tiens ? il vous manque un doigt, dis-je au vieux menuisier,
Et par quel accident ? — Ah ! ça c’est un mystère
Que l’on d’vait seul’ment deux emporter dans la terre,
Mais j’vas l’conter à vous qu’êt’ pas un potinier !
J’aimais un’ fill’ moqueuse et qui voulait pas d’moi.
V’là qu’ell’ me dit un jour, net ! pour pas que j’revienne,
« Si tu te coup’ un doigt, eh ben vrai ! je s’rai tienne. »
Mon parti fut vit’ pris, je m’couperais un doigt.
J’rentrai chez nous. C’était par un’ nuit ben douce...
J’étendis ma main gauche à plat sur l’établi,
Et d’un coup de ciseau — toc — je tranchai mon pouce.
C’que c’est ! si, sus l’moment d’cogner, j’avais faibli,
J’n’aurais pas eu depuis tant de bonheur dans l’âme,
Puisque cell’ pour qui j’m[’]ai coupé l’doigt, c’est ma femme
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
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