Citations sur Le ton fait la chanson, page 34
La Mare aux grenouilles
Cette mare, l’hiver, devient inquiétante,
Elle s’étale au loin sous le ciel bas et gris,
Sorte de poix aqueuse, horrible et clapotante,
Où trempent les cheveux des saules rabougris.
La lande tout autour fourmille de crevasses,
L’herbe rare y languit dans des terrains mouvants,
D’étranges végétaux s’y convulsent, vivaces,
Sous le fouet invisible et féroce des vents ;
Les animaux transis, que la rafale assiège,
Y râlent sur des lits de fange et de verglas,
Et les corbeaux — milliers de points noirs sur la neige
Les effleurent du bec en croassant leur glas.
Mais la lande, l’été, comme une tôle ardente,
Rutile en ondoyant sous un tel brasier bleu,
Que l’arbre, la bergère et la bête rôdante
Aspirent dans l’air lourd des effluves de feu.
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poésie de Maurice Rollinat
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Les Météores
Hugo ! monde farouche ! Etna de poésie !
Pour l’éteindre, la mer n’aurait pas assez d’eau.
Prodigieux contraste ! immense fantaisie !
Créant Esméralda près de Quasimodo !…
Hugo ! c’est le clairon gigantesque qui sonne
La fanfare du droit et de la liberté !
Et ses vers, blancs chevaux que l’art caparaçonne,
Galopent dans la nuit du rêve illimité.
Barbier ! brasier lyrique où l’ïambe s’allume !
Forge cyclopéenne et rugissante ! enfer
Où le métal rougi se tord sur une enclume
Que martèlent sans fin des assommeurs de fer.
Lamartine ! Eden pur où des harpes étranges
Vibrent si doucement dans un air embaumé
Qu’on dirait un écho de la lyre des anges
Tombé du haut du ciel sur le monde charmé.
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poésie de Maurice Rollinat
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La Pensée
C’est l’ennemi sournois, mais sûr,
Sphinx intime, cancer obscur,
De ce tas de cendres futur
Appelé l’homme.
Elle fausse tous ses ressorts,
Épuise tous ses réconforts
Et chicane tous ses efforts
Qu’elle consomme.
Sans doute, elle évoque à ses yeux
Maint rêve descendu des cieux
Avec le vol délicieux
De la colombe,
Mais elle nourrit son remord
Et le réveille quand il dort
Par des chuchotements de mort
Et d’outre-tombe.
Hélas ! chacun est l’écheveau
Qu’embrouille au fond de son caveau
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poésie de Maurice Rollinat
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Les Cheveux
J’aimais ses cheveux noirs comme des fils de jais
Et toujours parfumés d’une exquise pommade,
Et dans ces lacs d’ébène où parfois je plongeais
S’assoupissait toujours ma luxure nomade.
Une âme, un souffle, un cœur, vivaient dans ces cheveux,
Puisqu’ils étaient songeurs, animés et sensibles.
Moi, le voyant, j’ai lu de bizarres aveux
Dans le miroitement de leurs yeux invisibles.
La voix morte du spectre à travers son linceul,
Le verbe du silence au fond de l’air nocturne,
Ils l’avaient ! voix unique au monde, que moi seul
J’entendais résonner dans mon cœur taciturne.
Avec la clarté blanche et rose de sa peau
Ils contrastaient ainsi que l’aurore avec l’ombre ;
Quand ils flottaient, c’était le funèbre drapeau
Que son spleen arborait à sa figure sombre.
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Les Choses
Non ! Ce n’est pas toujours le vent
Qui fait bouger l’herbe ou la feuille,
Et quand le zéphyr se recueille,
Plus d’un épi tremble souvent.
Soufflant le parfum qu’elle couve,
Suant le poison sécrété,
La fleur bâille à la volupté,
Et dit le désir qu’elle éprouve.
Certaines donnent le vertige
Par le monstrueux de leur air,
Engloutissent, pompent la chair,
Sont des gueules sur une tige.
L’eau rampe comme le nuage
Ou se darde comme l’éclair,
Faisant triste ou gai, terne ou clair
Sa rumeur ou son babillage.
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poésie de Maurice Rollinat
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La Relique
Avant son mariage, – ô souffrance mortelle !
Elle me la donna sa chemise en dentelle,
Celle qu’elle avait le doux soir
Où, cédant à mes pleurs qui lui disaient : « Viens, Berthe ! »
Près de moi haletant sur la couche entr’ouverte,
Frémissante elle vint s’asseoir.
Ce linge immaculé qu’embaumait son corps vierge,
Quand elle vint me faire, aussi pâle qu’un cierge,
Ses chers adieux si redoutés,
Elle me le tendit d’un air mélancolique
En soupirant : « Voici la suprême relique
De nos défuntes voluptés.
« Je te la donne, ami, ma chemise brodée :
Car, la première fois que tu m’as possédée,
Je la portais, t’en souviens-tu ?
Elle seule a connu les brûlantes ivresses
Que ta voix musicale et pleine de caresses
Faisait courir dans ma vertu.
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Le Vieux Chaland
Voyez ! j’vis seul dans c’grand moulin
Dont plus jamais l’tic tac résonne ;
J’m’en occup’ plus, n’ayant personne...
Mais c’est l’sort : jamais je n’m’ai plaint.
C’t’existenc’ déserte et si r’cluse
Ent’ la montagne et la forêt
Plaît à mon goût q’aim’ le secret,
Puis, j’ai mon copain sur l’écluse !
Le v’là ! c’est l’grand chaland d’famille.
À présent, ses flancs et sa quille
Sont usés ; l’malheureux bateau,
Malgré que j’le soigne, i’ prend d’l’eau,
Tout ainsi q’moi j’prends d’la faiblesse.
Ah dam’ ! c’est q’d’âg’ nous nous suivons,
Et q’sans r’mèd’ tous deux nous avons
L’mêm’ vilain mal q’est la vieillesse.
Des vrais madriers q’ses traverses !
Et qui n’sont pas prêts d’êt’ rompus.
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poésie de Maurice Rollinat
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La Nuit de novembre
Il faisait aussi clair qu’à trois heures du soir,
Lorsque, las de fumer, de lire et de m’asseoir,
Emportant avec moi le rêve qui m’agite,
J’abandonnai ma chambre et sortis de mon gîte.
Et j’errai. Tout le ciel était si lumineux,
Que les rochers devaient sentir passer en eux
Des caresses de lune et des frissons d’étoiles.
La terrible araignée aux si funèbres toiles
Semblait guetter encor le crépuscule gris,
Car les arbres du clos par l’automne amaigris
Montraient dans la clarté qui glaçait leur écorce
Mainte cime chenue et mainte branche torse.
C’était le jour sans bruit, le jour sans mouvement,
Comme en vécut jadis la Belle au Bois Dormant,
Plutôt fait pour les morts que pour nous autres : l’ombre
Qui devenait l’aurore, à l’heure où tout est sombre.
L’air avait la moiteur exquise du rayon,
Et l’objet dessiné comme par un crayon
Prenait l’aspect diurne, et fluet, long, énorme,
Accusait nettement sa couleur et sa forme.
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poésie de Maurice Rollinat
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Les fièvres
La plaine, au loin, est uniforme et morne
Et l'étendue est vide et grise
Et Novembre qui se précise
Bat l'infini, d'une aile grise.
Sous leurs torchis qui se lézardent,
Les chaumières, là-bas, regardent
Comme des bêtes qui ont peur,
Et seuls les grands oiseaux d'espace
Jettent sur les enclos sans fleurs
Le cri des angoisses qui passent.
L'heure est venue où les soirs mous
Pèsent sur les terres gangrenées,
Où les marais visqueux et blancs,
Dans leurs remous,
A longs bras lents,
Brassent les fièvres empoisonnées.
Parfois, comme un hoquet,
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poésie de Emile Verhaeren
Ajouté par Lucian Velea
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La Déveine
Je m’habille ahuri, subissant à plein corps
L’atroce ubiquité d’une introuvable puce ;
Mettre mon faux-col ?... Mais, il faudrait que je pusse !
Et ma botte ennemie a réveillé mes cors.
Le placard aux effets, sous des grappes de loques,
Cache précisément l’indispensable habit ;
Et la migraine, avec un vrillement subit,
M’arrache de plaintifs et stridents soliloques.
Ma brosse a les crins mous, parce que je m’en sers ;
L’invisibilité de ma bourse m’effraie ;
La rafale au dehors pleure comme une orfraie ;
Et toujours mes chagrins comme autant de cancers !
Je sors : un grand voyou crotté comme une truie
Me lorgne en ricanant sous le ciel pluvieux ;
Et dès mes premiers pas sur le trottoir, un vieux
A failli m’éborgner avec son parapluie.
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poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
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