Ballade des Dames du temps jadis
Dites-moi où, n'en quel pays,
Est Flora la belle Romaine,
Archipiades, ne Thaïs,
Qui fut sa cousine germaine,
Echo, parlant quant bruit on mène
Dessus rivière ou sur étang,
Qui beauté eut trop plus qu'humaine?
Mais où sont les neiges d'antan?
Où est la très sage Héloïs,
Pour qui fut châtré et puis moine
Pierre Esbaillart à Saint-Denis?
Pour son amour eut cette essoine.
Semblablement, où est la roine
Qui commanda que Buridan
Fût jeté en un sac en Seine?
Mais où sont les neiges d'antan?
La roine Blanche comme un lis
Qui chantait à voix de sirène,
Berthe au grand pied, Bietrix, Aliz,
Haramburgis qui tint le Maine,
Et Jeanne, la bonne Lorraine
Qu'Anglais brûlèrent à Rouen;
Où sont-ils, où, Vierge souvraine?
Mais où sont les neiges d'antan?
Prince, n'enquerrez de semaine
Où elles sont, ni de cet an,
Que ce refrain ne vous remaine:
Mais où sont les neiges d'antan?
poésie de Francois Villon de Le Testament (1461)
Ajouté par Simona Enache
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Ceux qui sont amoureux, leurs amours chanteront,
Ceux qui sont amoureux, leurs amours chanteront,
Ceux qui aiment l'honneur, chanteront de la gloire,
Ceux qui sont près du roi, publieront sa victoire,
Ceux qui sont courtisans, leurs faveurs vanteront,
Ceux qui aiment les arts, les sciences diront,
Ceux qui sont vertueux, pour tels se feront croire,
Ceux qui aiment le vin, deviseront de boire,
Ceux qui sont de loisir, de fables écriront,
Ceux qui sont médisants, se plairont à médire,
Ceux qui sont moins fâcheux, diront des mots pour rire,
Ceux qui sont plus vaillants, vanteront leur valeur,
Ceux qui se plaisent trop, chanteront leur louange,
Ceux qui veulent flatter, feront d'un diable un ange :
Moi, qui suis malheureux, je plaindrai mon malheur.
poésie de Joachim du Bellay
Ajouté par Poetry Lover
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Ballade pour prier Notre Dame
Dame du ciel, régente terrienne,
Emperière des infernaux palus,
Recevez-moi, votre humble chrétienne,
Que comprise soie entre vos élus,
Ce nonobstant qu'oncques rien ne valus.
Les biens de vous, ma Dame et ma Maîtresse
Sont bien plus grands que ne suis pécheresse,
Sans lesquels biens âme ne peut mérir
N'avoir les cieux. Je n'en suis jangleresse:
En cette foi je veuil vivre et mourir.
A votre Fils dites que je suis sienne;
De lui soient mes péchés abolus;
Pardonne moi comme à l'Egyptienne,
Ou comme il fit au clerc Theophilus,
Lequel par vous fut quitte et absolus,
Combien qu'il eût au diable fait promesse
Préservez-moi de faire jamais ce,
Vierge portant, sans rompure encourir,
Le sacrement qu'on célèbre à la messe:
En cette foi je veuil vivre et mourir.
Femme je suis pauvrette et ancienne,
Qui riens ne sais; oncques lettres ne lus.
Au moutier vois, dont suis paroissienne,
Paradis peint, où sont harpes et luths,
Et un enfer où damnés sont boullus:
L'un me fait peur, l'autre joie et liesse.
La joie avoir me fais, haute Déesse,
A qui pécheurs doivent tous recourir,
Comblés de foi, sans feinte ne paresse:
En cette foi je veuil vivre et mourir.
Vous portâtes, digne Vierge, princesse,
Iésus régnant qui n'a ni fin ni cesse.
Le Tout-Puissant, prenant notre faiblesse,
Laissa les cieux et nous vint secourir,
Offrit à mort sa très chère jeunesse;
Notre Seigneur tel est, tel le confesse:
En cette foi je veuil vivre et mourir.
poésie de Francois Villon
Ajouté par Simona Enache
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Dessous ce grand François, dont le bel astre luit
Dessous ce grand François, dont le bel astre luit
Au plus beau lieu du ciel, la France fut enceinte
Des lettres et des arts, et d'une troupe sainte
Que depuis sous Henri féconde elle a produit :
Mais elle n'eut plutôt fait montre d'un tel fruit,
Et plutôt ce beau part n'eut la lumière atteinte,
Que je ne sais comment sa clarté fut éteinte,
Et vit en même temps et son jour et sa nuit.
Hélicon est tari, Parnasse est une plaine,
Les lauriers sont séchés, et France, autrefois pleine
De l'esprit d'Apollon, ne l'est plus que de Mars.
Phoebus s'enfuit de nous, et l'antique ignorance
Sous la faveur de Mars retourne encore en France,
Si Pallas ne défend les lettres et les arts.
poésie de Joachim du Bellay
Ajouté par Poetry Lover
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La verité et la raison sont communes à un chacun, et ne sont non plus à qui les a dites premierement, qu’à qui les dit apres.
Michel de Montaigne dans Essais (1580)
Ajouté par Dan Costinaş
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Paysage d'octobre
Le torrent a franchi ses bords
Et gagné la pierraille ocreuse ;
Le meunier longe avec efforts
L’ornière humide qui se creuse.
Déjà le lézard engourdi
Devient plus frileux d’heure en heure ;
Et le soleil du plein midi
Est voilé comme un œil qui pleure.
Les nuages sont revenus,
Et la treille qu’on a saignée
Tord ses longs bras maigres et nus
Sur la muraille renfrognée.
La brume a terni les blancheurs
Et cassé les fils de la Vierge,
Et le vol des martin-pêcheurs
Ne frissonne plus sur la berge.
Les arbres se sont rabougris ;
La chaumière ferme sa porte,
Et le petit papillon gris
A fait place à la feuille morte.
Plus de nénuphars sur l’étang ;
L’herbe languit, l’insecte râle,
Et l’hirondelle en sanglotant
Disparaît à l’horizon pâle.
Près de la rivière aux gardons
Qui clapote sous les vieux aulnes,
Le baudet cherche les chardons
Que rognaient si bien ses dents jaunes.
Mais comme le bluet des blé,
Comme la mousse et la fougère,
Les grands chardons s’en sont allés
Avec la brise et la bergère.
Tout pelotonné sur le toit
Que l’atmosphère mouille et plombe,
Le pigeon transi par le froid
Grelotte auprès de la colombe ;
Et, tous deux, sans se becqueter,
Trop chagrins pour faire la roue,
Ils regardent pirouetter
La girouette qui s’enroue.
Au-dessus des vallons déserts
Où les mares se sont accrues,
À tire-d’aile, dans les airs
Passe le triangle des grues ;
Et la vieille, au bord du lavoir,
Avec des yeux qui se désolent,
Les regarde fuir et croit voir
Les derniers beaux jours qui s’envolent.
Dans les taillis voisins des rocs
La bécasse fait sa rentrée ;
Les corneilles autour des socs
Piétinent la terre éventrée,
Et, décharné comme un fagot,
Le peuplier morne et funèbre
Arbore son nid de margot
Sur le ciel blanc qui s’enténèbre.
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
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La Chanson des yeux
J’aime tes yeux d’azur qui, tout pailletés d’or,
Ont une lueur bleue et blonde,
Tes yeux câlins et clairs où le rêve s’endort,
Tes grands yeux bougeurs comme l’onde.
Jusque dans leurs regards savants et nuancés,
Si doux qu’ils te font deux fois femme,
Ils reflètent le vol de tes moindres pensers
Et sont les vitres de ton âme.
Dans la rue on subit leur charme ensorceleur ;
Ils étonnent sur ton passage,
Car ils sont plus jolis et plus fleurs que la fleur
Que tu piques à ton corsage.
Oui, tes yeux sont si frais sous ton large sourcil,
Qu’en les voyant on se demande
S’ils n’ont pas un arôme harmonieux aussi,
Tes longs yeux fendus en amande.
Dans le monde on les voit pleins de morosité,
Ils sont distraits ou sardoniques
Et n’ont pour me parler amour et volupté
Que des Å“illades platoniques ;
Mais, tout seuls avec moi sous les rideaux tremblants,
Ils me font te demander grâce,
Et j’aspire, enlacé par tes petits bras blancs,
Ce qu’ils me disent à voix basse.
poésie de Maurice Rollinat
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Encore que l'on eût heureusement compris
Encore que l'on eût heureusement compris
Et la doctrine grecque et la romaine ensemble,
Si est-ce, Gohory, qu'ici, comme il me semble,
On peut apprendre encor, tant soit-on bien appris.
Non pour trouver ici de plus doctes écrits
Que ceux que le français soigneusement assemble,
Mais pour l'air plus subtil, qui doucement nous emble
Ce qui est plus terrestre et lourd en nos esprits.
Je ne sais quel démon de sa flamme divine
Le moins parfait de nous purge, éprouve et affine,
Lime le jugement et le rend plus subtil :
Mais qui trop y demeure, il envoie en fumée
De l'esprit trop purgé la force consumée,
Et pour l'émoudre trop lui fait perdre le fil.
poésie de Joachim du Bellay
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La Loreley
A Bacharach il y avait une sorcière blonde
Qui laissait mourir d'amour tous les hommes à la ronde
Devant son tribunal l'évêque la fit citer
D'avance il l'absolvit à cause de sa beauté
Ô belle Loreley aux yeux pleins de pierreries
De quel magicien tiens-tu ta sorcellerie
Je suis lasse de vivre et mes yeux sont maudits
Ceux qui m'ont regardée évêque en ont péri
Mes yeux ce sont des flammes et non des pierreries
Jetez jetez aux flammes cette sorcellerie
Je flambe dans ces flammes Ô belle Loreley
Qu'un autre te condamne tu m'as ensorcelé
Évêque vous riez Priez plutôt pour moi la Vierge
Faites-moi donc mourir et que Dieu vous protège
Mon amant est parti pour un pays lointain
Faites-moi donc mourir puisque je n'aime rien
Mon coeur me fait si mal il faut bien que je meure
Si je me regardais il faudrait que j'en meure
Mon coeur me fait si mal depuis qu'il n'est plus lÃ
Mon coeur me fit si mal du jour où il s'en alla
L'évêque fit venir trois chevaliers avec leurs lances
Menez jusqu'au couvent cette femme en démence
Va-t'en Lore en folie va Lore aux yeux tremblants
Tu seras une nonne vêtue de noir et blanc
Puis ils s'en allèrent sur la route tous les quatre
La Loreley les implorait et ses yeux brillaient comme des astres
Chevaliers laissez-moi monter sur ce rocher si haut
Pour voir une fois encore mon beau château
Pour me mirer une fois encore dans le fleuve
Puis j'irai au couvent des vierges et des veuves
Là -haut le vent tordait ses cheveux déroulés
Les chevaliers criaient Loreley Loreley
Tout là -bas sur le Rhin s'en vient une nacelle
Et mon amant s'y tient il m'a vue il m'appelle
Mon coeur devient si doux c'est mon amant qui vient
Elle se penche alors et tombe dans le Rhin
Pour avoir vu dans l'eau la belle Loreley
Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil
poésie de Guillaume Apollinaire de Alcools (1913)
Ajouté par George Budoi
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Le Solitaire
Le vieux qui, vert encore, approchait des cent ans,
Me dit : « Malgré l’soin d’mes enfants
Et les bontés d’mon voisinage,
J’suis seul, ayant perdu tous ceux qui s’raient d’mon âge.
Vous ? vot’ génération ? Ça s’balanc’ ! mais d’la mienne
Ya plus q’moi qui rest’ dans l’pays.
Ceux que j’croyais qui f’raient des anciens m’ont trahi :
I’ sont morts tout jeun’ à la peine.
Chaq’ maison qui n’boug pas, ell’ ! sous l’temps qui s’écoule,
M’rappelle un q’j’ai connu, laboureur ou berger,
À qui j’parl’ sans répons’, que je r’gard’ sans l’toucher ;
Au cimtièr’, j’les vois tous a la fois, comme un’ foule !
C’est pourquoi, quand j’y fais mon p’tit tour solitaire,
Souvent, j’pense, où que j’pos’ le pied,
Q’les morts sont là , tous à m’épier...
Et j’m’imagine, des instants,
Qu’i m’tir’ par les jamb’ ! mécontents
Que j’les ai pas encor rejoindus sous la terre.
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
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Les Petits Taureaux
Ils ont pour promenoir
Des vallons verts et mornes.
Quels prés, matin et soir,
Ils ont pour promenoir !
A peine à leur front noir
On voit poindre les cornes.
Ils ont pour promenoir
Des vallons verts et mornes.
Ils ne peuvent rester
Une minute en place.
Où qu’ils soient à brouter,
Ils ne peuvent rester.
Aussi font-ils pester
Le vacher qui se lasse.
Ils ne peuvent rester
Une minute en place.
Autour des grands taureaux
Tous trois font les bravaches !
Quels meuglements ! quels trots
Autour des grands taureaux !
Ils ne sont pas bien gros,
Mais ils courent les vaches !
Autour des grands taureaux,
Tous trois font les bravaches !
Chacun fait plus d’un saut
Sur la génisse blonde.
Pour elle quel assaut !
Chacun fait plus d’un saut.
Elle en a l’air tout sot,
La pauvre pudibonde.
Chacun fait plus d’un saut
Sur la génisse blonde.
Le pauvre petit chien
Fortement les agace.
Il est si bon gardien,
Le pauvre petit chien.
Si tous trois sont très bien,
Avec plus d’une agace
Le pauvre petit chien
Fortement les agace.
Il est estropié
Par les coups qu’il attrape,
A toute heure épié,
Il est estropié.
De la tête et du pied
C’est à qui d’eux le frappe.
Il est estropié
Par les coups qu’il attrape.
Quand ils sont altérés
Ils vont boire à la Creuse.
Ils s’échappent des prés
Quand ils sont altérés.
Oh ! les doux effarés
Sur la côte pierreuse !
Quand ils sont altérés,
Ils vont boire à la Creuse.
Ils marchent dans les buis,
Lents comme des tortues ;
Sur le bord où je suis
Ils marchent dans les buis.
Leurs pieds n’ont pour appuis
Que des roches pointues ;
Ils marchent dans les buis
Lents comme des tortues.
Moi, je fume, observant
Le liège de ma ligne
Qui bouge si souvent ;
Moi, je fume, observant ;
Eux, vont le mufle au vent,
La prunelle maligne ;
Moi, je fume, observant
Le liège de ma ligne.
Ils s’arrêtent fourbus
Sous l’orme ou sous le tremble.
Dans les endroits herbus
Ils s’arrêtent fourbus.
Joignant leurs nez camus
Ils se lèchent ensemble.
Ils s’arrêtent fourbus
Sous l’orme ou sous le tremble.
A vous ces triolets
Que j’ai faits sur la brande !
Chers petits bœufs follets,
A vous ces triolets.
Aux prés ruminez-les,
La saveur en est grande ;
A vous ces triolets
Que j’ai faits sur la brande
Oh ! quel charme ! C’était
Par une nuit d’automne ;
Le grillon chuchotait.
Oh ! quel charme c’était !
L’étang brun reflétait
La lune monotone.
Oh ! quel charme ! C’était
Par une nuit d’automne !
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
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Ne t'ébahis, Ronsard, la moitié de mon âme
Ne t'ébahis, Ronsard, la moitié de mon âme,
Si de ton Du Bellay France ne lit plus rien,
Et si avec l'air du ciel italien
Il n'a humé l'ardeur qui l'Italie enflamme.
Le saint rayon qui part des beaux yeux de ta dame
Et la sainte faveur de ton prince et du mien,
Cela, Ronsard, cela, cela mérite bien
De t'échauffer le coeur d'une si vive flamme.
Mais moi, qui suis absent des rais de mon soleil,
Comment puis-je sentir échauffement pareil
A celui qui est près de sa flamme divine ?
Les coteaux soleillés de pampre sont couverts,
Mais des Hyperborées les éternels hivers
Ne portent que le froid, la neige et la bruine.
poésie de Joachim du Bellay
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La chimere
S’il est vrai que les amoureux
sont partout et toujours heureux
en germinal comme en brumaire
c’est qu’il n’est pas d’effroi pour eux
car ils on foi dans la chimere.
s’ils aiment les sentiers ombreux
et la paix des soirs vaporeux
et la nature, auguste mere
s’ils sont reveurs et langoureux
c’est qu’ils adorent la Chimere.
on se rit de leurs songe-creux
mais ici-bas les amoureux
de nos jours, comme aux temps d’Homere
sont peut etre les seuls heureux:
car c’est le bonheur - la Chimere.
poésie de Iulia Hașdeu
Ajouté par Simona Enache
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Les femmes sont comme les feuilles: plus elles sont fanées, plus elles sont bruyantes.
aphorisme de Valeriu Butulescu, traduction par Genevieve Gomez
Ajouté par Simona Enache
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Or il ne faut jamais craindre qu’il y ait trop de sujets, trop de citoyens: vu qu’il n’y a richesse, ni force que d’hommes: et qui plus est la multitude des citoyens (plus ils sont) empêche toujours les séditions et factions: d’autant qu’il y en a plusieurs qui sont moyens entre les pauvres et les riches, les bons et les méchants, les sages et les fous: et il n’y a rien de plus dangereux que les sujets soient divisés en deux parties sans moyens: ce qui advient ès Républiques ordinairement où il y a peu de citoyens.
citation de Jean Bodin (1576)
Ajouté par Simona Enache
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Les questions
Les questions
Les questions
qui insistent
Dans la bouche
le feu de l'attente
Sur les lèvres
meurent les certitudes
On ne sait pas qui
et quoi
Comment
dire ces mots?
Le vent frais
sur le visage
A qui appartient-il?
A personne?
Les questions
sont les bâtons du retour
Elles posent les jalons
de la route
Sans savoir
poésie de Eric Dubois de Mais qui lira le dernier poème (1 septembre 2012)
Ajouté par Cornelia Păun Heinzel
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La Putréfaction
Au fond de cette fosse moite
D’un perpétuel suintement,
Que se passe-t-il dans la boîte,
Six mois après l’enterrement ?
Verrait-on encor ses dentelles ?
L’œil a-t-il déserté son creux ?
Les chairs mortes ressemblent-elles
À de grands ulcères chancreux ?
La hanche est-elle violâtre
Avec des fleurs de vert-de-gris,
Couleurs que la Mort idolâtre,
Quand elle peint ses corps pourris ?
Pendant qu’un pied se décompose,
L’autre sèche-t-il, blanc, hideux,
Ou l’horrible métamorphose
S’opère-t-elle pour les deux ?
Le sapin servant d’ossuaire
Se moisit-il sous les gazons ?
Le cadavre dans son suaire
A-t-il enfin tous ses poisons ?
Sous le drap que mangent et rouillent
L'humidité froide et le pus,
Les innombrables vers qui grouillent
Sont-ils affamés ou repus ?
Que devient donc tout ce qui tombe
Dans le gouffre ouvert nuit et jour ?
— Ainsi, j’interrogeais la tombe
D’une fille morte d’amour.
Et la tombe que les sceptiques
Rayent toujours de l’avenir,
Me jeta ces mots dramatiques
Qui vivront dans mon souvenir :
« Les seins mignons dont tu raffoles,
« Questionneur inquiétant,
« Et les belles lèvres si folles,
« Les lèvres qui baisèrent tant,
« Toutes ces fleurs roses et blanches
« Sont les premières à pourrir
« Dans la prison des quatre planches,
« Que nulle main ne peut ouvrir.
« Mais, quant à l’âme, revit-elle ?
« Avec son calme ou ses remords,
« Faut-il crier qu’elle est mortelle
« Ou qu’elle plane sur les morts ?
« Je ne sais ! Mais apprends que l’ombre
« Que l’homme souffre en pourrissant :
« Le cadavre est un muet sombre,
« Qui ne dit pas ce qu’il ressent !
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
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Soir de pluie
Sur l'eau d'un vitreux mat, vert bouteille foncé,
Des ronds, comme au compas, sont tracés par la pluie,
Chacun d'eux, forme frêle à l'instant même enfuie,
Étant par un semblable aussitôt remplacé.
Et puis, ce ne sont plus que des ombres de cercle,
Des fantômes de ronds toujours plus affaiblis
Sur le moutonnement, les plis et les replis
De l'eau vague où le soir met son brumeux couvercle.
Cette nuit, la rivière aura
Tout son malfaisant scélérat
De lianes-serpents, d'herbes qui vous empoignent.
On sent couver là , sur ce bord,
Tant d'horreur humide et de mort
Que l'on frémit, pendant que les pas s'en éloignent.
poésie de Maurice Rollinat
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Tant que l'oiseau de Jupiter vola,
Tant que l'oiseau de Jupiter vola,
Portant le feu dont le ciel nous menace,
Le ciel n'eut peur de l'effroyable audace
Qui des Géants le courage affola :
Mais aussitôt que le Soleil brûla
L'aile qui trop se fit la terre basse,
La terre mit hors de sa lourde masse
L'antique horreur qui le droit viola.
Alors on vit la corneille germaine
Se déguisant feindre l'aigle romaine,
Et vers le ciel s'élever derechef
Ces braves monts autrefois mis en poudre,
Ne voyant plus voler dessus leur chef
Ce grand oiseau ministre de la foudre.
poésie de Joachim du Bellay
Ajouté par Poetry Lover
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L'Enterrement d'une fourmi
Les Fourmis sont en grand émoi :
L’âme du nid, la reine est morte !
Au bas d’une très vieille porte,
Sous un chêne, va le convoi.
Le vent cingle sur le sol froid
La nombreuse et fragile escorte.
Les fourmis sont en grand émoi :
L’âme du nid, la reine est morte !
Un tout petit je ne sais quoi
Glisse, tiré par la plus forte :
C’est le corbillard qui transporte
La défunte au caveau du roi.
Les fourmis sont en grand émoi !
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
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A Madame M...
Vous m'envoyez, belle Emilie,
Un poulet bien emmailloté;
Votre main discrète et polie
L'a soigneusement cacheté.
Mais l'aumône est un peu légère,
Et malgré sa dextérité,
Cette main est bien ménagère
Dans ses actes de charité.
C'est regarder à la dépense
Si votre offrande est un paiement,
Et si c'est une récompense,
Vous n'aviez pas besoin d'argent.
A l'avenir, belle Emilie,
Si votre coeur est généreux,
Aux pauvres gens, je vous en prie
Faites l'aumône avec vos yeux.
Quand vous trouverez le mérite,
Et quand vous voudrez le payer,
Souvenez-vous de Marguerite
Et du poète Alain Chartier
Il était bien laid, dit l'histoire,
La dame était fille de roi;
Je suis bien obligé de croire
Qu'il faisait mieux les vers que moi.
Mais si ma plume est peu de chose,
Mon coeur, hélas! ne vaut pas mieux;
Fût-ce même pour de la prose
Vos cadeaux sont trop dangereux.
Que votre charité timide
Garde son argent et son or,
Car en ouvrant votre main vide
Vous pouvez donner un trésor.
poésie de Alfred de Musset
Ajouté par Simona Enache
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