Je dis mes principes, et je le dis à dessein: car ils ne sont pas, comme ceux des autres femmes, donnés au hasard, sans examen et suivis par habitude, ils sont le fruit de mes profondes réflexions; je les ai créés, et je puis dire que je suis mon ouvrage.
Pierre Choderlos de Laclos dans Les Liaisons dangereuses (1782)
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Des citations similaires
Je ne suis pas un intellectuel, un cerveau. Je suis un sot. Je suis né comme ça. En revanche je sais voir, entendre et bouger très vite. Quand j'étais petit je pouvais attraper les souris à la main. La plupart des chorégraphes d'aujourd'hui sont des intellectuels. Ils s'inspirent de Freud, de Jung, de Kierkegaard. Moi je suis moi-même. J'essaie de trouver des équivalences à mes sentiments, à mes sensations mais tout cela est inexplicable. On ne peut trouver que des comparaisons.
citation de George Balanchine
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La tour Eiffel
Mais oui, je suis une girafe,
M'a raconté la tour Eiffel,
Et si ma tête est dans le ciel,
C'est pour mieux brouter les nuages,
Car ils me rendent éternelle.
Mais j'ai quatre pieds bien assis
Dans une courbe de la Seine.
On ne s'ennuie pas à Paris:
Les femmes, comme des phalènes,
Les hommes, comme des fourmis,
Glissent sans fin entre mes jambes
Et les plus fous, les plus ingambes
Montent et descendent le long
De mon cou comme des frelons
La nuit, je lèche les étoiles.
Et si l'on m'aperçoit de loin,
C'est que très souvent, j'en avale
Une sans avoir l'air de rien.
poésie de Maurice Careme
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Longtemps, je me suis couché de bonne heure. Parfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je n’avais pas le temps de me dire: "Je m’endors." Et, une demi-heure après, la pensée qu’il était temps de chercher le sommeil m’éveillait; je voulais poser le volume que je croyais avoir encore dans les mains et souffler ma lumière; je n’avais pas cessé en dormant de faire des réflexions sur ce que je venais de lire, mais ces réflexions avaient pris un tour un peu particulier; il me semblait que j’étais moi-même ce dont parlait l’ouvrage: une église, un quatuor, la rivalité de François Ier et de Charles Quint. Cette croyance survivait pendant quelques secondes à mon réveil; elle ne choquait pas ma raison mais pesait comme des écailles sur mes yeux et les empêchait de se rendre compte que le bougeoir n’était plus allumé.
Marcel Proust dans À la recherche du temps perdu, Du côté de chez Swann (1913)
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La chimere
S’il est vrai que les amoureux
sont partout et toujours heureux
en germinal comme en brumaire
c’est qu’il n’est pas d’effroi pour eux
car ils on foi dans la chimere.
s’ils aiment les sentiers ombreux
et la paix des soirs vaporeux
et la nature, auguste mere
s’ils sont reveurs et langoureux
c’est qu’ils adorent la Chimere.
on se rit de leurs songe-creux
mais ici-bas les amoureux
de nos jours, comme aux temps d’Homere
sont peut etre les seuls heureux:
car c’est le bonheur - la Chimere.
poésie de Iulia Hașdeu
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Comme les temples angkoriens, mes aphorismes ne sont jamais finis. Ils me confirment que nos actes ne sont que des projets.
aphorisme de François Vaucluse
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Le Solitaire
Le vieux qui, vert encore, approchait des cent ans,
Me dit : « Malgré l’soin d’mes enfants
Et les bontés d’mon voisinage,
J’suis seul, ayant perdu tous ceux qui s’raient d’mon âge.
Vous ? vot’ génération ? Ça s’balanc’ ! mais d’la mienne
Ya plus q’moi qui rest’ dans l’pays.
Ceux que j’croyais qui f’raient des anciens m’ont trahi :
I’ sont morts tout jeun’ à la peine.
Chaq’ maison qui n’boug pas, ell’ ! sous l’temps qui s’écoule,
M’rappelle un q’j’ai connu, laboureur ou berger,
À qui j’parl’ sans répons’, que je r’gard’ sans l’toucher ;
Au cimtièr’, j’les vois tous a la fois, comme un’ foule !
C’est pourquoi, quand j’y fais mon p’tit tour solitaire,
Souvent, j’pense, où que j’pos’ le pied,
Q’les morts sont là, tous à m’épier...
Et j’m’imagine, des instants,
Qu’i m’tir’ par les jamb’ ! mécontents
Que j’les ai pas encor rejoindus sous la terre.
poésie de Maurice Rollinat
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Maintenant je pardonne à la douce fureur
Maintenant je pardonne à la douce fureur
Qui m'a fait consumer le meilleur de mon âge,
Sans tirer autre fruit de mon ingrat ouvrage
Que le vain passe-temps d'une si longue erreur.
Maintenant je pardonne à ce plaisant labeur,
Puisque seul il endort le souci qui m'outrage,
Et puisque seul il fait qu'au milieu de l'orage,
Ainsi qu'auparavant, je ne tremble de peur.
Si les vers ont été l'abus de ma jeunesse,
Les vers seront aussi l'appui de ma vieillesse,
S'ils furent ma folie, ils seront ma raison,
S'ils furent ma blessure, ils seront mon Achille,
S'ils furent mon venin, le scorpion utile
Qui sera de mon mal la seule guérison.
poésie de Joachim du Bellay
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Je suis malade
Je ne rêve plus je ne fume plus
Je n'ai même plus d'histoire
Je suis sale sans toi
Je suis laide sans toi
Je suis comme un orphelin dans un dortoir
Je n'ai plus envie de vivre dans ma vie
Ma vie cesse quand tu pars
Je n'aie plus de vie et même mon lit
Ce transforme en quai de gare
Quand tu t'en vas
Je suis malade
Complètement malade
Comme quand ma mère sortait le soir
Et qu'elle me laissait seul avec mon désespoir
Je suis malade parfaitement malade
T'arrive on ne sait jamais quand
Tu repars on ne sait jamais où
Et ça va faire bientôt deux ans
Que tu t'en fous
Comme à un rocher
Comme à un péché
Je suis accroché à toi
Je suis fatigué je suis épuisé
De faire semblant d'être heureuse quand ils sont là
Je bois toutes les nuits
Mais tous les whiskies
Pour moi on le même goût
Et tous les bateaux portent ton drapeau
Je ne sais plus où aller tu es partout
Je suis malade
Complètement malade
Je verse mon sang dans ton corps
Et je suis comme un oiseau mort quand toi tu dors
Je suis malade
Parfaitement malade
Tu m'as privé de tous mes chants
Tu m'as vidé de tous mes mots
Pourtant moi j'avais du talent avant ta peau
Cet amour me tue
Si ça continue je crèverai seul avec moi
Près de ma radio comme un gosse idiot
Écoutant ma propre voix qui chantera
Je suis malade
Complètement malade
Comme quand ma mère sortait le soir
Et qu'elle me laissait seul avec mon désespoir
Je suis malade
C'est ça je suis malade
Tu m'as privé de tous mes chants
Tu m'as vidé de tous mes mots
Et j'ai le coeur complètement malade
Cerné de barricades
T'entends je suis malade.
chanson interprété par Dalida
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Les Étoiles bleues
Au creux de mon abîme où se perd toute sonde,
Maintenant, jour et nuit, je vois luire deux yeux,
Amoureux élixirs de la flamme et de l'onde,
Reflets changeants du spleen et de l’azur des cieux.
Ils sont trop singuliers pour être de ce monde,
Et pourtant ces yeux fiers, tristes et nébuleux,
Sans cesse en me dardant leur lumière profonde
Exhalent des regards qui sont des baisers bleus.
Rien ne vaut pour mon cœur ces yeux pleins de tendresse
Uniquement chargés d’abreuver mes ennuis :
Lampes de ma douleur, phares de ma détresse,
Les yeux qui sont pour moi l’étoile au fond d’un puits,
Adorables falots mystiques et funèbres
Zébrant d’éclairs divins la poix de mes ténèbres.
poésie de Maurice Rollinat
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Les hommes se trompent quand ils se croient libres; cette opinion consiste en cela seul qu'ils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes par lesquelles ils sont déterminés.
Baruch Spinoza dans Ethique
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La Morgue
Ceux que l’œil du public outrage,
— Noyés, pendus, assassinés,
Ils sont là, derrière un vitrage,
Sur des lits de marbre inclinés.
Des robinets de cuivre sale
Font leur bruit monotone et froid
Au fond de la terrible salle.
Pleine de silence et d’effroi.
À la voûte, un tas de défroques
Pend, signalement empesté :
Haillons sinistres et baroques
Où plus d’un mort a fermenté !
Visages gonflés et difformes ;
Crânes aplatis ou fendus ;
Torses criblés, ventres énormes,
Cous tranchés et membres tordus :
Ils reposent comme des masses,
Trop putréfiés pour Clamart,
Ébauchant toutes les grimaces
De l’enfer et du cauchemar.
Mais c’est de l'horreur émouvante,
Car ils ont gardé dans la mort
La détresse de l’épouvante
Et la révolte du remord.
Et dans une stupeur qui navre,
Le regard fixe et sans éclat,
Maint grand et maint petit cadavre
Semblent s’étonner d’être là.
C’est que, vierges et courtisanes,
Ceux des palais et des taudis,
Citadines et paysannes,
Les mendiants et les dandys,
Tous, pleins de faim on pleins de morgue,
Lorsqu’ils périssent inconnus,
Sont mis à l'étal de la Morgue,
Côte à côte, sanglants et nus !
Et la foule âpre et curieuse
Vient lorgner ces spectres hideux,
Et s’en va, bruyante et rieuse,
Causant de tout, excepté d’eux.
Mais ils sont la chère pâture
De mes regards hallucinés.
— Et je plains votre pourriture,
Ô Cadavres infortunés !
poésie de Maurice Rollinat
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Les textes brefs sont habités par tout ce qu’ils ne disent pas. – Ceux-ci sont surpeuplés.
aphorisme de François Vaucluse
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Mes fragments n’en sont pas: ils gardent encore des phrases.
aphorisme de François Vaucluse
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Ceux qui sont amoureux, leurs amours chanteront,
Ceux qui sont amoureux, leurs amours chanteront,
Ceux qui aiment l'honneur, chanteront de la gloire,
Ceux qui sont près du roi, publieront sa victoire,
Ceux qui sont courtisans, leurs faveurs vanteront,
Ceux qui aiment les arts, les sciences diront,
Ceux qui sont vertueux, pour tels se feront croire,
Ceux qui aiment le vin, deviseront de boire,
Ceux qui sont de loisir, de fables écriront,
Ceux qui sont médisants, se plairont à médire,
Ceux qui sont moins fâcheux, diront des mots pour rire,
Ceux qui sont plus vaillants, vanteront leur valeur,
Ceux qui se plaisent trop, chanteront leur louange,
Ceux qui veulent flatter, feront d'un diable un ange :
Moi, qui suis malheureux, je plaindrai mon malheur.
poésie de Joachim du Bellay
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Mes pipes
Le jour comme à minuit
Je fume.
Car le tabac parfume
L’ennui.
O mes pipes, sans bruit,
Dans vos nimbes de brume
Je hume
La nuit !
Que deviendrait sans vous
Ma chambre,
Calumets à bout d’ambre
Si doux,
Lorsqu’avec des cris fous
Geint le vent de décembre
Qui cambre
Les houx ?
Et quand les nuits sont brèves,
Au mois
Des jeux, des doux émois,
Des sèves,
Vous m’enivrez sans trêves :
Avec vous, dans les bois,
Je bois
Des rêves.
O filles, ô cafardes,
Je hais
Vos faces à jamais
Blafardes.
Eve, en vain tu te fardes,
Pour femmes, désormais,
J’ai mes
Bouffardes.
Embaumez donc mes jours,
Charmeuses,
O pipes, mes brumeuses
Amours !
Et dans tous mes séjours,
Restez, mes endormeuses,
Fumeuses
Toujours.
Que deviendrait sans vous
Ma chambre,
Calumets à bout d’ambre
Si doux,
Lorsqu’avec des cris fous
Geint le vent de décembre
Qui cambre
Les houx ?
Et quand les nuits sont brèves,
Au mois
Des jeux, des doux émois,
Des sèves,
Vous m’enivrez sans trêves :
Avec vous, dans les bois,
Je bois
Des rêves.
O filles, ô cafardes,
Je hais
Vos faces à jamais
Blafardes.
Eve, en vain tu te fardes,
Pour femmes, désormais,
J’ai mes
Bouffardes.
Embaumez donc mes jours,
Charmeuses,
O pipes, mes brumeuses
Amours !
Et dans tous mes séjours,
Restez, mes endormeuses,
Fumeuses
Toujours.
poésie de Maurice Rollinat
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La plupart des êtres sont assoupis et l’ignorent. Ils sont nés endormis. Ils vivent dans leur sommeil et meurent sans même se rendre compte qu’ils ont passé leur vie endormis. Ils ne saisissent jamais le charme et la beauté de cette aventure que nous appelons l’existence.
citation de Anthony de Mello
Ajouté par Micheleflowerbomb
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Le Balcon
Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses,
Ô toi, tous mes plaisirs! ô toi, tous mes devoirs!
Tu te rappelleras la beauté des caresses,
La douceur du foyer et le charme des soirs,
Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses!
Les soirs illuminés par l'ardeur du charbon,
Et les soirs au balcon, voilés de vapeurs roses.
Que ton sein m'était doux! que ton coeur m'était bon!
Nous avons dit souvent d'impérissables choses
Les soirs illuminés par l'ardeur du charbon.
Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées!
Que l'espace est profond! que le coeur est puissant!
En me penchant vers toi, reine des adorées,
Je croyais respirer le parfum de ton sang.
Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées!
La nuit s'épaississait ainsi qu'une cloison,
Et mes yeux dans le noir devinaient tes prunelles,
Et je buvais ton souffle, ô douceur! ô poison!
Et tes pieds s'endormaient dans mes mains fraternelles.
La nuit s'épaississait ainsi qu'une cloison.
Je sais l'art d'évoquer les minutes heureuses,
Et revis mon passé blotti dans tes genoux.
Car à quoi bon chercher tes beautés langoureuses
Ailleurs qu'en ton cher corps et qu'en ton coeur si doux?
Je sais l'art d'évoquer les minutes heureuses!
Ces serments, ces parfums, ces baisers infinis,
Renaîtront-ils d'un gouffre interdit à nos sondes,
Comme montent au ciel les soleils rajeunis
Après s'être lavés au fond des mers profondes?
— Ô serments! ô parfums! ô baisers infinis!
poésie de Charles Baudelaire de Les Fleurs du mal
Ajouté par Simona Enache
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Quatre races se sont implantées en Transylvanie: au sud, les Saxons auxquels se sont mêlés des Valaques qui eux-mêmes descendent des Daces, à l’ouest, les Magyars; à l’est et au nord, enfin, les Szeklers. C’est parmi ceux-ci que je dois séjourner. Ils prétendent descendre d’Attila et des Huns. Peut-être est-ce vrai, car lorsque les Magyars conquirent le pays au XIe siècle, ils y trouvèrent les Huns déjà établis.
Bram Stoker dans Dracula (1897)
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La Chanson des yeux
J’aime tes yeux d’azur qui, tout pailletés d’or,
Ont une lueur bleue et blonde,
Tes yeux câlins et clairs où le rêve s’endort,
Tes grands yeux bougeurs comme l’onde.
Jusque dans leurs regards savants et nuancés,
Si doux qu’ils te font deux fois femme,
Ils reflètent le vol de tes moindres pensers
Et sont les vitres de ton âme.
Dans la rue on subit leur charme ensorceleur ;
Ils étonnent sur ton passage,
Car ils sont plus jolis et plus fleurs que la fleur
Que tu piques à ton corsage.
Oui, tes yeux sont si frais sous ton large sourcil,
Qu’en les voyant on se demande
S’ils n’ont pas un arôme harmonieux aussi,
Tes longs yeux fendus en amande.
Dans le monde on les voit pleins de morosité,
Ils sont distraits ou sardoniques
Et n’ont pour me parler amour et volupté
Que des œillades platoniques ;
Mais, tout seuls avec moi sous les rideaux tremblants,
Ils me font te demander grâce,
Et j’aspire, enlacé par tes petits bras blancs,
Ce qu’ils me disent à voix basse.
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
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La Fille amoureuse
La belle fille blanche et rousse,
De la sorte, au long du buisson,
Entretient la mère Lison
À voix mélancolique et douce :
« Moi cont’ laquell’ sont à médire
Les fill’ encor ben plus q’ les gars,
J’ tiens à vous esposer mon cas,
Et c’est sans hont’ que j’ vas vous l’ dire,
Pac’ que vous avez l’humeur ronde,
Et, q’ rapportant sans v’nin ni fiel
Tout’ les affair’ au naturel,
Vous les jugez au r’bours du monde.
Tout’ petit’, j’étais amoureuse,
J’étais déjà foll’ d’embrasser...
Et, mes seize ans v’naient d’ commencer,
Que j’ m’ai senti d’êtr’ langoureuse,
Autant q’ l’âm’ j’avais l’ corps en peine :
Cachant mes larm’ à ceux d’ chez nous,
Aux champs assise, ou sur mes g’noux,
Des fois, j’ pleurais comme un’ fontaine.
Les airs de vielle et d’ cornemuse
M’étaient d’ la musique à chagrin,
Et d’ mener un’ vache au taurin
Ça m’ rendait songeuse et confuse.
J’avais d’ la r’ligion, ma mèr’ Lise,
Eh ben ! mon cœur qui s’ennuyait
Jamais alors n’ fut plus inquiet
Qu’ent’ les cierg’ et l’encens d’ l’église.
Ça m’ tentait dans mes veill’, mes sommes,
Et quoi q’ c’était ? J’en savais rien.
J’ m’en sauvais comm’ d’un mauvais chien
Quand j’trouvais en c’h’min quèq’ jeune homme,
En mêm’ temps, m’ venaient des tendresses
Oui m’ mouillaient tout’ l’âme comm’ de l’eau,
Tell’ que trembl’ les feuill’ du bouleau
J’ frémissais sous des vents d’ caresses.
Un jour, au bout d’un grand pacage,
J’ gardais mon troupeau dans des creux,
En des endroits trist’ et peureux,
À la lisièr’ d’un bois bocage ;
Or, c’était ça par un temps drôle,
Si mort q’yavait pas d’ papillons,
Passa l’ long d’ moi, tout à g’nillons,
Un grand gars, l’ bissac sur l’épaule.
Sûr ! il était pas d’ not’ vallée,
Dans l’ pays j’ l’avais jamais vu.
Pourtant, dès que j’ le vis, ça fut
Comm’ si j’étais ensorcelée !
Tout’ moi, mes quat’ membr’, lèvr’, poitrine,
J’ devins folle ! et j’ trahis alors
C’ désir trouble et caché d’ mon corps
Dont l’ rong’ment m’ rendait si chagrine.
J’ laissai là mes moutons, mes chèvres,
Et j’ suivis c’t’homme en le r’poussant,
Livrée à lui par tout mon sang,
Qui m’ brûlait comme un’ mauvais’ fièvre.
Et, lorsque j’ m’en r’vins au soir pâle,
D’ mon tourment j’ savais la raison,
Et q’ fallait pour ma guérison
Fair’ la f’melle et pratiquer l’ mâle.
D’puis c’ moment-là, je r’semble un’ louve
Qui dans l’ nombr’ des loups f’rait son choix ;
Sans plus d’ genr’ que la bêt’ des bois,
Quand ça m’ prend, faut q’ mes flancs s’émouvent !
Ivre, à tout’ ces bouch’ d’aventure
J’ bois des baisers chauds comm’ du vin ;
Ma peau s’ régal’, mon ventre a faim
De c’ tressail’ment q’est sa pâture.
Avec l’homm’ j’ai pas d’ coquett’rie,
Et quand il m’a prise et qu’on s’ tient,
Je m’ sers de lui comm’ d’un moyen,
Je n’ pens’ qu’à moi dans ma furie.
Ceux q’enjôl’ les volag’, les niaises,
Qui s’ prenn’ à l’Amour sans l’aimer,
Ont ben essayé de m’ charmer :
Ils perd’ leur temps lorsque j’ m’apaise.
Ça fait q’ jamais je n’ m’abandonne
Pour l’intérêt ou l’amitié,
Ni par orgueil ni par pitié.
C’est pour me calmer que j’ me donne !
M’ marier ? Non ! j’enrag’rais ma vie !
Tromper mon mari ? l’épuiser ?
Ou que j’ me priv’ pour pas l’user ?
Faut d’ l’amour neuf à mon envie !
L’ feu d’ la passion q’ mon corps endure
Met autant mon âme en langueur,
Et c’ qui fait les frissons d’ mon cœur,
C’est ceux qui m’ pass’ dans la nature
Avec le sentiment qui m’ glace
Mon désir n’a pas d’unisson,
Et j’ peux pas connaît’ un garçon
Sans y d’mander qu’on s’entrelace.
Tous me jett’ la pierre et m’ réprouvent,
Dis’ que j’ fais des commerc’ maudits,
Pourtant, je m’ crois dans l’ Paradis
Quand l’ plaisir me cherche et qui m’ trouve !
J’ suis franch’ de chair comm’ de pensée,
J’ livr’ ma conscience avec mon corps,
V’là pourquoi j’ n’ai jamais d’ remords
Après q’ ma folie est passée.
Eh ben ! Vous qu’êt’ bonn’, sans traîtrise,
Mer’ Lison ? Vous qu’êt’ sans défaut,
Dit’ ? à vot’ idée ? es’qu’i’ faut
Que j’ me r’pente et que j’ me méprise ? »
La vieille, ainsi, dans la droiture
De son sens expérimenté,
D’après la loi d’éternité,
La juge au nom de la Nature :
« Je n’ vois pas q’ ton cas m’embarrasse,
Ma fille ! T’as l’ corps obéissant
Au conseil libertin d’ ton sang
Qu’est une héritation d’ ta race.
C’est pas l’ vice, ni la fantaisie
Qui t’ pouss’ à l’homm’... c’est ton destin !
J’ blâm’ pas ta paillardis’ d’instinct
Pac’ qu’elle est sans hypocrisie.
Ceux qui t’appell’ traînée infâme
En vérité n’ont pas raison :
L’ sort a mis, comm’ dans les saisons,
Du chaud ou du froid dans les femmes.
Tout’ ceux bell’ moral’ qu’on leur flanque
Ell’ les écout’ sous condition :
Cell’ qui n’ cour’ pas, c’est l’occasion
Ou la forc’ du sang qui leur manque.
Et d’ailleurs, conclut la commère :
Qu’èq’ bon jour, t’auras des champis,
Si t’en fais pas, ça s’ra tant pis :
Tu chang’rais d’amour, étant mère !
poésie de Maurice Rollinat
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