La page principale | Les derniers ajouts | Liste des auteurs | Citations au hazard | Vote! | Les derniers commentaries | Ajoutez une citation

La châtaigneraie

Gloire à cette rencontre, en ces fonds de la Marche,
Surgissant, après tant de tours et contremarches,
D'une châtaigneraie, immense, en vétusté,
Comblant tout un ravin de son énormité !

Vivent ces châtaigniers, monstres et patriarches,
Lugubres frères noirs en la difformité,
Horrifiant l'endroit par la solennité,
Le morne, et le croulant de leurs rameaux en arches !

Grave, tombe au sol frais leur grande ombre qui marche
Sur des cèpes suintant leur venin fermenté.
Vivent ces châtaigniers, monstres et patriarches,
Lugubres frères noirs en la difformité !

Leurs troncs où les renflés d'écorce font des marches,
Moussus, ont pour l'orfraie un escalier ouaté,
Et la sifflante bête, à la torse démarche,
Trouve, en leur gros pied cave, abri, sécurité.
Vivent ces châtaigniers, monstres et patriarches !

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

Share

Des citations similaires

Dostoievski

On assure que le monde, en abrégeant les distances, en transmettant la pensée dans les airs, s'unira toujours davantage, que la fraternité régnera. Hélas! ne croyez pas à cette union des hommes. Concevant la liberté comme l'accroissement des besoins et leur prompte satisfaction, ils altèrent leur nature, car ils font naître en eux une foule de désirs insensés, d'habitudes et d'imaginations absurdes. Ils ne vivent que pour s'envier mutuellement, pour la sensualité et l'ostentation.

Dostoievski dans Les Frères KaramazovSignalez un problèmeDes citations similaires
Ajouté par Simona Enache
Commentez! | Vote! | Copie!

Share

Le Ravin des coquelicots

Dans un creux sauvage et muet
Qui n’est pas connu du bluet
Ni de la chèvre au pied fluet
Ni de personne,
Loin des sentiers des bourriquots,
Loin des bruits réveilleurs d’échos,
Un fouillis de coquelicots
Songe et frissonne.

Autour d’eux, d’horribles étangs
Ont des reflets inquiétants ;
À peine si, de temps en temps,
Un lézard bouge
Entre les genêts pleins d’effrois
Et les vieux buis amers et froids
Qui fourmillent sur les parois
Du ravin rouge.

Le ciel brillant comme un vitrail
N’épand qu’un jour de soupirail
Sur leurs lamettes de corail
Ensorcelées,
Mais dans la roche et le marais
Ils sont écarlates et frais
Comme leurs frères des forêts
Et des vallées.

Ils bruissent dans l’air léger
Sitôt que le temps va changer.
Au moindre aquilon passager
Qui les tapote,
Et se démènent tous si fort
Sous le terrible vent du Nord
Qu’on dirait du sang qui se tord
Et qui clapote.

En vain, descendant des plateaux
Et de la cime des coteaux,
Sur ces lumineux végétaux
L’ombre se vautre,
Dans un vol preste et hasardeux,
Des libellules deux à deux
Tournent et vibrent autour d’eux
L’une sur l’autre.

Frôlés des oiseaux rebâcheurs
Et des sidérales blancheurs,
Ils poussent là dans les fraîcheurs
Et les vertiges,
Aussi bien que dans les sillons ;
Et tous ces jolis vermillons
Tremblent comme des papillons
Au bout des tiges.

Leur chaude couleur de brasier
Réjouit la ronce et l’osier ;
Et le reptile extasié,
L’arbre qui souffre,
Les rochers noirs privés d’azur
Ont un air moins triste et moins dur
Quand ils peuvent se pencher sur
Ces fleurs du gouffre.

Les carmins et les incarnats,
La pourpre des assassinats,
Tous les rubis, tous les grenats
Luisent en elles ;
C’est pourquoi, par certains midis,
Leurs doux pétales attiédis
Sont le radieux paradis
Des coccinelles.

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

Share

Les Pouliches

Frissonnantes, ridant leur peau gris-pommelé
Au moindre frôlement des zéphyrs et des mouches,
Les pouliches, non loin des grands taureaux farouches,
Trottinent sur les bords du pacage isolé.

Dans ce vallon tranquille où les ronces végètent
Et qu’embrume l’horreur des joncs appesantis,
La sauterelle joint son aigre cliquetis
Aux hennissements courts et stridents qu’elles jettent.

Dressant leurs jarrets fins et leur cou chevelu,
Elles tremblent de peur au bruit du train qui passe,
Et leurs yeux inquiets interrogent l'espace
Depuis l’arbre lépreux jusqu’au rocher velu.

Et tandis qu’on entend prononcer des syllabes
Aux échos du ravin plein d’ombre et de fracas,
Elles enflent au vent leurs naseaux délicats,
Fiers comme ceux du zèbre et des juments arabes.

L’averse dont le sol s’embaume, et qui dans l’eau
Crépite en dessinant des ronds qui s’entrelacent ;
Les lames d’argent blanc qui polissent et glacent
Le tronc du jeune chêne et celui du bouleau ;

Un lièvre qui s’assied sur les mousses crépues ;
Des chariots plaintifs dans un chemin profond :
Autant de visions douces qui satisfont
La curiosité des pouliches repues.

Même en considérant les margots et les geais
Qui viennent en amis leur conter des histoires,
Elles ont tout l’éclat de leurs prunelles noires :
C’est du feu pétillant sous des globes de jais !

Elles mêlent souvent à leurs douces querelles
Le friand souvenir de leurs mères juments,
Et vont avec de vifs et gentils mouvements
Se mordiller le ventre et se téter entre elles.

Leur croupe se pavane, et leur toupet joyeux,
S’échappant du licol en cuir qui les attache,
Parfois sur leur front plat laisse voir une tache
Ovale de poils blancs lisses comme des yeux.

Autour des châtaigniers qui perdent leur écorce,
Elles ont dû passer la nuit à l’air brutal,
Car la rosée, avec ses gouttes de cristal,
Diamante les bouts de leur crinière torse.

Mais bientôt le soleil flambant comme un enfer
Réveillera leur queue aux battements superbes
Et fourbira parmi les mouillures des herbes
Leurs petits sabots blonds encor vierges du fer.

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

Share

Les Deux Poitrinaires

La brise en soupirant caresse l’herbe haute.
Tous les deux, bouche ouverte, ils marchent côte à côte,
Dos voûté, cou fluet ;
Près d’une haie en fleurs où l'ébène des mûres
Luit dans le fouillis vert des mignonnes ramures,
Ils vont, couple muet.

Ils ont la face blanche et les pommettes rouges ;
Comme les débauchés qui vivent dans les bouges
On les voit chanceler.
Leur œil vaguement clair dans un cercle de bistre
A cette fixité nonchalante et sinistre
Qui vous fait reculer.

Ils ont une toux sèche, aiguë, intermittente.
Elle, après chaque accès, est toute palpitante,
Et lui, crache du sang !
Et l'on flaire la mort à ces poignants symptômes,
Et l’aspect douloureux de ces vivants fantômes
Opprime le passant.

Ils se serrent les mains dans une longue étreinte
Avec le tremblement de la pudeur contrainte
Se choquant au désir,
Et pour mieux savourer l’amour qui les enfièvre,
L’une à l’autre parfois se colle chaque lèvre,
Folles de se saisir.

Autour d’eux tout s’éveille et songe à se refaire.
Homme et bête à plein souffle aspirent l’atmosphère,
Rajeunis et contents.
Tout germe et refleurit ; eux, ils sont chlorotiques ;
Tout court ; et chaque pas de ces pauvres étiques
Les rend tout haletants.

Eux seuls font mal à voir, les amants poitrinaires
Avec leurs regards blancs comme des luminaires,
Et leur maigre longueur ;
Je ne sais quoi de froid, d’étrange et de torpide
Sort de ce couple errant, hagard, presque stupide
À force de langueur.

Et pourtant il leur faut l’amour et ses morsures !
Dépravés par un mal, aiguillon des luxures,
Ils avancent leur mort ;
Et le suprême élan de leur force brisée
S’acharne à prolonger dans leur chair épuisée
Le frisson qui les tord.

Se posséder ! Pour eux que la tristesse inonde,
C’est l’oubli des douleurs pendant une seconde,
C’est l’opium d’amour !
Ils se sentent mourir avec béatitude
Dans ce spasme sans nom dont ils ont l’habitude,
Jour et nuit, nuit et jour !

Ensemble ils ont passé par les phases funèbres
Où les nœuds acérés de leurs frêles vertèbres
Leur ont crevé la peau ;
Ensemble ils ont grincé de la même torture :
Donc, ils veulent payer ensemble à la nature
L’inévitable impôt.

Et le gazon muet, quoique plein d’ironies,
Va voir l’accouplement de ces deux agonies
Naître et se consommer ;
Et les profonds échos répéteront les râles
De ces deux moribonds dont les lèvres si pâles
Revivent pour aimer !

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

Share

Les Genêts

Ce frais matin tout à fait sobre
De vent froid, de nuage errant,
Est le sourire le plus franc
De ce mélancolique octobre.

Lumineusement, l’herbe fume
Vers la cime des châtaigniers
Qui se pâment — désenfrognés
Par le soleil qui les rallume.

Les collines de la bruyère,
Claires, se montrent de plus près
Leurs dégringolantes forêts
Semblant descendre à la rivière.

Celle-ci bombe, se balance
Et huileusement fait son bruit
Qui s’en va, revient, se renfuit,
Comme un bercement du silence.

Le vert-noir de l’eau se confronte
Avec le bleu lacté du ciel
À travers la douceur de miel
D’un air pur où le parfum monte :

Un arome sensible à peine,
Celui de la plante qui meurt
Exhalant sa vie et son cœur
En soufflant sa dernière haleine.

Or, dans ces fonde où l’on commence
À voir, des buissons aux rochers,
Des fils de la Vierge accrochés,
Rêve un clos de genêts immense.

Ils épandent là, — si touffue,
En si compacte quantité !
— Leur couleur évoquant l’été,
Qu’ils cachent le sol à la vue.

Ils ont tout couvert — fougeraies,
Ronce, ajonc, l’herbe, le chiendent.
Sans un vide, ils vont s’étendant
Des quatre cotés jusqu’aux haies.

A-t-il fallu qu’elle soit grande
La solitude de ce val,
Pour que ce petit végétal
Ait englouti toute une brande !

Promenoir gênant, mais bon gîte,
Abri sûr, labyrinthe épais
Du vieux reptile aimant la paix
Et du lièvre qu’une ombre agite !

Leur masse est encore imprégnée
Des pleurs de l’aube : ces balais
Montrent des petits carrelets
En fine toile d’araignée.

Parmi ces teintes déjà rousses
Du grand feuillage décrépit
Ils sont d’un beau vert, en dépit
Du noir desséché de leurs gousses.

Leur verdoiement est le contraire
De celui du triste cyprès :
Il n’évoque pour les regrets
Aucune image funéraire ;

Et pourtant, que jaune-immortelle
Leur floraison éclate ! Alors,
Tout bas, ils parleront des morts
Aux yeux du souvenir fidèle.

Ayant picoté les aumônes
Du bon hasard, dans les guérets,
Les pinsons, les chardonnerets
S’y mêlent rougeâtres et jaunes ;

Et souvent, aux plus hautes pointes,
Dans un nimbe de papillons,
On voit ces menus oisillons
Perchés roides, les pattes jointes.

Mais le soleil qui se rapproche
Perd sa tiédeur et son éclat.
Déjà, tel arbre apparaît plat
Sur le recul de telle roche ;

Toute leur surface embrumée
De marécageuse vapeur,
Les genêts dorment la stupeur
De leur extase inanimée.

Monstrueux de hauteur, de nombre,
Dans ce paysage de roc,
Ils sont là figés, tout d’un bloc,
D’air plus monotone et plus sombre.

En leur vague entour léthargique
Ils prennent, sous l’azur dormant,
Un mystère d’enchantement,
Une solennité magique.

Voici qu’avec le jour plus pâle
À droite, à gauche, on ne sait où,
Sur les bords, au milieu, partout,
On entend le chant bref du râle :

Et c’est d’une horreur infinie
Ce cri qui souterrainement
Contrefait le respirement
D’un être humain à l’agonie !

Puis le ciel baisse à l’improviste,
Devient noir, presque ténébreux.
Les genêts s’éteignent. — Sur eux
La pluie avorte froide et triste.

Et le vent gémissant lugubre,
Au soir mauvais d’un jour si beau,
Emporte dans l’air et sur l’eau
Leur odeur amère et salubre.

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

Share

Les Chauves-souris

Mais pourquoi voler avec tant de mystère
« Et si longuement dans ces grands corridors ?
« Vous seriez si bien à votre aise dehors,
« Dans le brouillard frais qui tombe sur la terre.

« Vous avez sans doute un vol involontaire,
« O chauves-souris noires comme un remords !
« Mais pourquoi voler avec tant de mystère
« Et si longuement dans ces grands corridors ?

« Pour ainsi hanter ce château solitaire,
« Vous n’êtes pas des âmes de mauvais morts ?
« Enfin, pour ce soir, vivent les esprits forts !
« Je reste là, sans que la frayeur m’attère.
« Mais pourquoi voler avec tant de mystère ?

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

Share

Les deux bouleaux

L'été, ces deux bouleaux qui se font vis-à-vis,
Avec ce délicat et mystique feuillage
D'un vert si vaporeux sur un si fin branchage,
Ont l'air extasié devant les yeux ravis.

Ceints d'un lierre imitant un grand serpent inerte,
Pommés sur leurs troncs droits, tout lamés d'argent blanc,
Ils charment ce pacage où leur froufrou tremblant
Traîne le bercement de sa musique verte.

Mais, vient l'hiver qui rend par ses déluges froids
La figure du ciel, des rochers et des bois,
Aussi lugubre que la nôtre ;

Morfondus, noirs, alors les bouleaux désolés
Sont deux grands spectres nus, hideux, échevelés,
Pleurant l'un en face de l'autre.

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

Share

Magie de la nature

Béant, je regardais du seuil d'une chaumière
De grands sites muets, mobiles et changeants,
Qui, sous de frais glacis d'ambre, d'or et d'argent,
Vivaient un infini d'espace et de lumière.

C'étaient des fleuves blancs, des montagnes mystiques.
Des rocs pâmés de gloire et de solennité,
Des chaos engendrant de leur obscurité
Des éblouissements de forêts élastiques.

Je contemplais, noyé d'extase, oubliant tout,
Lorsqu'ainsi qu'une rose énorme, tout à coup,
La Lune, y surgissant, fleurit ces paysages.

Un tel charme à ce point m'avait donc captivé
Que j'avais bu des yeux, comme un aspect rêvé,
La simple vision du ciel et des nuages !

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

Share

La pluie

Lorsque la pluie, ainsi qu'un immense écheveau
Brouillant à l'infini ses longs fils d'eau glacée,
Tombe d'un ciel funèbre et noir comme un caveau
Sur Paris, la Babel hurlante et convulsée,

J'abandonne mon gîte, et sur les ponts de fer,
Sur le macadam, sur les pavés, sur l'asphalte,
Laissant mouiller mon crâne où crépite un enfer,
Je marche à pas fiévreux sans jamais faire halte.

La pluie infiltre en moi des rêves obsédants
Qui me font patauger lentement dans les boues,
Et je m'en vais, rôdeur morne, la pipe aux dents,
Sans cesse éclaboussé par des milliers de roues.

Cette pluie est pour moi le spleen de l'inconnu :
Voilà pourquoi j'ai soif de ces larmes fluettes
Qui sur Paris, le monstre au sanglot continu,
Tombent obliquement lugubres, et muettes.

L'éternel coudoîment des piétons effarés
Ne me révolte plus, tant mes pensers fermentent :
À peine si j'entends les amis rencontrés
Bourdonner d'un air vrai leurs paroles qui mentent.

Mes yeux sont si perdus, si morts et si glacés,
Que dans le va-et-vient des ombres libertines,
Je ne regarde pas sous les jupons troussés
Le gai sautillement des fringantes bottines.

En ruminant tout haut des poèmes de fiel,
J'affronte sans les voir la flaque et la gouttière ;
Et mêlant ma tristesse à la douleur du ciel,
Je marche dans Paris comme en un cimetière.

Et parmi la cohue impure des démons,
Dans le grand labyrinthe, au hasard et sans guide,
Je m'enfonce, et j'aspire alors à pleins poumons
L'affreuse humidité de ce brouillard liquide.

Je suis tout à la pluie ! À son charme assassin,
Les vers dans mon cerveau ruissellent comme une onde :
Car pour moi, le sondeur du triste et du malsain,
C'est de la poésie atroce qui m'inonde.

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

Share

La Pluie

Lorsque la pluie, ainsi qu’un immense écheveau
Brouillant à l’infini ses longs fils d’eau glacée,
Tombe d’un ciel funèbre et noir comme un caveau
Sur Paris, la Babel hurlante et convulsée,

J’abandonne mon gîte, et sur les ponts de fer,
Sur le macadam, sur les pavés, sur l’asphalte,
Laissant mouiller mon crâne où crépite un enfer,
Je marche à pas fiévreux sans jamais faire halte.

La pluie infiltre en moi des rêves obsédants
Qui me font patauger lentement dans les boues,
Et je m’en vais, rôdeur morne, la pipe aux dents,
Sans cesse éclaboussé par des milliers de roues.

Cette pluie est pour moi le spleen de l’inconnu :
Voilà pourquoi j’ai soif de ces larmes fluettes
Qui sur Paris, le monstre au sanglot continu,
Tombent obliquement lugubres, et muettes.

L’éternel coudoiement des piétons effarés
Ne me révolte plus, tant mes pensers fermentent :
À peine si j’entends les amis rencontrés
Bourdonner d’un air vrai leurs paroles qui mentent.

Mes yeux sont si perdus, si morts et si glacés,
Que dans le va-et-vient des ombres libertines,
Je ne regarde pas sous les jupons troussés
Le gai sautillement des fringantes bottines.

En ruminant tout haut des poèmes de fiel,
J’affronte sans les voir la flaque et la gouttière ;
Et mêlant ma tristesse à la douleur du ciel,
Je marche dans Paris comme en un cimetière.

Et parmi la cohue impure des démons,
Dans le grand labyrinthe, au hasard et sans guide,
Je m’enfonce, et j’aspire alors à pleins poumons
L’affreuse humidité de ce brouillard liquide.

Je suis tout à la pluie ! À son charme assassin,
Les vers dans mon cerveau ruissellent comme une onde :
Car pour moi, le sondeur du triste et du malsain,
C’est de la poésie atroce qui m’inonde.

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

Share

L'Envie

Paix à ces malheureux Esprits
En qui la Haine s’accoutume
Et dont le destin se résume
À mâcher des venins aigris.

La justice étouffe leurs cris
Et les rabat dans leur écume :
Paix à ces malheureux esprits
En qui la Haine s’accoutume.

Pauvres nains tors et rabougris
Que leur impuissance consume !
Plaignons-les donc sans amertume
Et pardonnons-leur sans mépris :
Paix à ces malheureux Esprits.

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

Share

Les Trois Noyers

Qui les planta là, dans ces flaques,
Au cœur même de ces cloaques ?
Aucun ne le sait, mais on croit
Au surnaturel de l’endroit.

Narguant les ans et les tonnerres,
Les trois grands arbres centenaires
Croissent au plus creux du pays,
Aussi redoutés que haïs.

À leur groupe un effroi s’attache.
Nul n’oserait brandir sa hache
Contre l’un de ces trois noyers
Qu’on appelle les trois sorciers.

Car, si le hasard les rassemble,
Il fait aussi qu’ils se ressemblent :
Ils sont d’aspect énorme et rond,
Jumeaux de la tête et du tronc.

Ils ont la même étrange mousse,
Et le même gui monstre y pousse.
Ils sont également tordus,
Bossués, ridés et fendus.

Et, de tous points, jusqu’au gris marbre
De leur écorce, les trois arbres
Pour les yeux forment en effet
Un trio sinistre parfait.

Par le glacé de leur ombrage
Ils rendent à ce marécage
L’humidité qu’y vont pompant
Leurs grandes racines-serpent.

Au-dessus du jonc et de l’aune
Leur feuillage verdâtre et jaune
Tour à tour fixe et clapotant
Est tout le portrait de l’étang.

On ne voit que le noir plumage
Du seul corbeau dans leur branchage ;
Et c’est le diable, en tapinois,
Qui, tous les ans, cueille leurs noix.

On dit qu’ils ont les facultés,
Les façons de l’humanité,
Qu’ils parlent entre eux, se déplacent,
Qu’ils se rapprochent, s’entrelacent.

On ajoute, même, tout bas,
Qu’on les a vus, du même pas,
Cheminer roides, côte à côte,
Dressant au loin leur taille haute.

Et l’on prétend que leurs crevasses,
Autant d’âpres gueules vivaces,
Ont fait plus d’un repas hideux
Des pâtres égarés près d’eux.

Enfin, tous trois ont leur chouette
Qui, le jour, n’étant pas muette,
Pousse des plaintes de damné
Dès que le ciel s’est charbonné.

Et chacune prédit un sort :
L’une clame la maladie,
Une autre annonce l’agonie,
La troisième chante la mort.

C’est pourquoi, funeste et sacrée,
L’horreur épaissit désormais
Leur solitude. Pour jamais
On se sauve de leur contrée !

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

Share

Les trois noyers

Qui les planta là, dans ces flaques,
Au cœur même de ces cloaques ?
Aucun ne le sait, mais on croit
Au surnaturel de l'endroit.

Narguant les ans et les tonnerres,
Les trois grands arbres centenaires
Croissent au plus creux du pays,
Aussi redoutés que haïs.

A leur groupe un effroi s'attache.
Nul n'oserait brandir sa hache
Contre l'un de ces trois noyers
Qu'on appelle les trois sorciers.

Car, si le hasard les rassemble,
Il fait aussi qu'ils se ressemblent :
Ils sont d'aspect énorme et rond,
Jumeaux de la tête et du tronc.

Ils ont la même étrange mousse,
Et le même gui monstre y pousse.
Ils sont également tordus,
Bossués, ridés et fendus.

Et, de tous points, jusqu'au gris marbre
De leur écorce, les trois arbres
Pour les yeux forment en effet
Un trio sinistre parfait.

Par le glacé de leur ombrage
Ils rendent à ce marécage
L'humidité qu'y vont pompant
Leurs grandes racines-serpent.

Au-dessus du jonc et de l'aune
Leur feuillage verdâtre et jaune
Tour à tour fixe et clapotant
Est tout le portrait de l'étang.

On ne voit que le noir plumage
Du seul corbeau dans leur branchage ;
Et c'est le diable, en tapinois,
Qui, tous les ans, cueille leurs noix.

On dit qu'ils ont les facultés,
Les façons de l'humanité,
Qu'ils parlent entre eux, se déplacent,
Qu'ils se rapprochent, s'entrelacent.

On ajoute, même, tout bas,
Qu'on les a vus, du même pas,
Cheminer roides, côte à côte,
Dressant au loin leur taille haute.

Et l'on prétend que leurs crevasses,
Autant d'âpres gueules vivaces,
Ont fait plus d'un repas hideux
Des pâtres égarés près d'eux.

Enfin, tous trois ont leur chouette
Qui, le jour, n'étant pas muette,
Pousse des plaintes de damné
Dès que le ciel s'est charbonné.

Et chacune prédit un sort :
L'une clame la maladie,
Une autre annonce l'agonie,
La troisième chante la mort.

C'est pourquoi, funeste et sacrée,
L'horreur épaissit désormais
Leur solitude. Pour jamais
On se sauve de leur contrée !

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

Share

Les Vieilles Haies

Fauves, couvrant l’horreur, le mystère et l’ennui,
Tantôt pleines de jour, tantôt pleines de nuit,
De murmures et de silences ;
Hostiles au toucher comme des hérissons,
Elles sont là, mêlant à d’éternels frissons
D’interminables somnolences.

Elles ont l’attitude et la couleur des bois :
Aubépines, genêts, fougères, et parfois
Un panache de chèvrefeuille
Leur donnent une odeur suave à respirer ;
Leurs fruits ? c’est le hasard qui les fait prospérer,
Et c’est le merle qui les cueille.

Elles sont un écran pour le sentier poudreux,
Un abri pour le pâtre, et pour les amoureux
Le lieu des rendez-vous fidèles ;
Et quand l’ombre noircit la plaine et le ravin,
La nonne lavandière et le mauvais devin
Dialoguent à côté d’elles.

Tous les anciens buissons poussent dru, haut et droit,
Comme aussi, bien souvent, ils penchent, et l’on voit
Sous l’azur clair ou qui se fronce,
Au-dessus du ruisseau chuchoteur ou dormant,
La courbure agressive et l’échevèlement
Épouvantable de la ronce.

Rarement effleurés par les beaux papillons,
Ils sont le labyrinthe aimé des vieux grillons ;
Plus d’une cigale en tristesse
Y hasarde un son maigre et que l’âge a faussé ;
Grenouilles et crapauds visitent leur fossé,
Et la couleuvre est leur hôtesse.

Hélas ! dans ces fouillis qu’elle connaît si bien
Cette sournoise ourdit son muet va-et-vient
Que maint sifflement entrecoupe ;
Malheur au nid d’oiseau ! L’ogresse à pas tordus
Se hisse pour biber les œufs tout frais pondus
Dans la pauvre petite coupe.

À la longue, parfois, ces grands buissons affreux
Ont bu tous les venins que vont baver sur eux
L’aspic et la vipère noire :
Aussi, lorsque l’été réchauffeur des déserts
Promène au fond des trous, sur l’onde et dans les airs
Son invisible bassinoire,

La haie empoisonnée, après son long sommeil,
Étire ses rameaux qui s’enflent au soleil
Comme autant de bêtes squammeuses ;
Et contre les troupeaux sveltes et capricants
Elle se dresse, armée, avec tous ses piquants,
D’innombrables dents venimeuses.

Dans la pourpre de l’aube ou des soleils couchants,
Au bord des bois, des lacs, des vignes et des champs,
Des prés ou des châtaigneraies,
L’habitant du ravin, du val et des plateaux
Vénère à son insu ces sombres végétaux :
Car, à la fin, les vieilles haies,

À force d’avoir vu tant de piétons bourbeux,
D’ânes et de moutons, de vaches et de bœufs,
Ont, comme les très vieux visages,
Pris un air fantomal, prophétique, assoupi,
Qui sur le chemin neuf et le mur recrépi
Jette un reflet des anciens âges.

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

Share

Brusquet à son retour vous racontera, Sire

Brusquet à son retour vous racontera, Sire,
De ces rouges prélats la pompeuse apparence,
Leurs mules, leurs habits, leur longue révérence,
Qui se peut beaucoup mieux représenter que dire.

Il vous racontera, s'il les sait bien décrire,
Les moeurs de cette cour, et quelle différence
Se voit de ces grandeurs à la grandeur de France,
Et mille autres bons points, qui sont dignes de rire.

Il vous peindra la forme et l'habit du Saint Père,
Qui comme Jupiter tout le monde tempère,
Avecques un clin d'oeil : sa faconde et sa grâce,

L'honnêteté des siens, leur grandeur et largesse,
Les présents qu'on lui fit, et de quelle caresse
Tout ce que se dit vôtre à Rome l'on embrasse.

poésie de Joachim du BellaySignalez un problèmeDes citations similaires
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

Share

Doulcin, quand quelquefois je vois ces pauvres filles

Doulcin, quand quelquefois je vois ces pauvres filles
Qui ont le diable au corps, ou le semblent avoir,
D'une horrible façon corps et tête mouvoir,
Et faire ce qu'on dit de ces vieilles Sibylles :

Quand je vois les plus forts se retrouver débiles,
Voulant forcer en vain leur forcené pouvoir :
Et quand même j'y vois perdre tout leur savoir
Ceux qui sont en votre art tenus des plus habiles :

Quand effroyablement écrier je les oy,
Et quand le blanc des yeux renverser je leur voy,
Tout le poil me hérisse, et ne sais plus que dire.

Mais quand je vois un moine avecques son latin
Leur tâter haut et bas le ventre et le tétin,
Cette frayeur se passe, et suis contraint de rire.

poésie de Joachim du BellaySignalez un problèmeDes citations similaires
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

Share

Les Petits Cailloux

Roulés par d’antiques déluges
Ou par des torrents disparus,
Sur tant de chemins parcourus
Ils ont rencontré des refuges.

Ils gisent au hasard du temps,
À la merci brusque de l’homme,
Dormant leur immobile somme,
Mornes, gais, obscurs, miroitants.

Il vous en apparaît, parfois,
Un tas tout blanc sous des aigrettes
D’herbes folles et de fleurettes
Dans la clairière d’un grand bois.

Certains, au pied d’un très vieil arbre,
Semblent au fond d'un ravin gris,
Sur une mousse vert-de-gris,
De beaux petits morceaux de marbre.

La chenille qu’humide ou sec
Un coup de vent jette ou remporte
Bien collée à sa feuille morte ;
L’aiguisage d’un petit bec ;

Fourmis au repos comme à l’œuvre ;
La rampade, le repliement
Tassé, le désenroulement
Brusque ou dormi de la couleuvre ;

Les divers grincés du grillon
Selon qu’il s’arrête ou qu’il flâne ;
La caresse d’un mufle d’âne ;
Le flottement d’un papillon :

Tout cela, léger, taciturne,
Ou d’un murmure si discret,
Ils l'ont ! et savent le secret
De plus d’une bête nocturne.


II

Ils ornent le recoin seulet,
Émaillent le sentier sauvage,
Le fossé, le mignon rivage
De la source et du ruisselet.

L’averse vient quand il lui plaît
Leur donner fraîcheur et breuvage ;
Le soleil, après ce lavage,
Les essuie avec un reflet.

Ovales, ronds, plats ou bombés,
Polis, blancs, jaunes, violâtres,
Ils attachent les yeux du pâtre
Aux longs regards inoccupés,

Comme ils frappent le solitaire
Qui, lassé du visage humain,
Trouve toujours sur son chemin
De quoi se pencher vers la terre,

Et leur aspect, même au temps froid,
Charme encor le plus triste endroit,
Car on sait que chacun recèle

Cet éclair soudain, rouge et bleu,
Cette âme furtive du feu :
La prestigieuse étincelle !


III

Là, frôlés de ces glisseurs doux :
Le lézard, le ver et l’insecte,
Au bord d’une eau qui les humecte,
Ils rêvent les petits cailloux.

Au milieu des clartés éteintes
Le soleil, retardant sa mort,
Ajoute comme un glacis d’or,
Comme un frisson rose à leurs teintes.

Et, quand d’un invisible vol
Dans l’air, au chant du rossignol,
Vont les brises capricieuses...

L’astre sorcier qui les revêt
De son ombre magique, en fait
D’étranges pierres précieuses.

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

Share

Les Reflets

Mon œil halluciné conserve en sa mémoire
Les reflets de la lune et des robes de moire,
Les reflets de la mer et ceux des cierges blancs
Qui brûlent pour les morts près des rideaux tremblants.
Oui, pour mon œil épris d’ombre et de rutilance,
Ils ont tant de souplesse et tant de nonchalance
Dans leur mystérieux et glissant va-et-vient,
Qu’après qu’ils ont passé mon regard s’en souvient.
Leur fascination m’est douce et coutumière :
Âmes de la clarté, soupirs de la lumière,
Ils imprègnent mon art de leur mysticité
Et filtrent comme un rêve en mon esprit hanté ;
Et j’aime ces baisers de la lueur qui rôde,
Qu’ils me viennent de l’onde ou bien de l’émeraude !

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

Share

Les Clochettes

Maintenant, je suis malheureux
De rencontrer ces fleurs clochettes
À bords dentelés, violettes,
Sur les talus des chemins creux.

Et pourtant ces douces fluettes
Sont encor dans leur coin frileux,
Le perchoir des papillons bleus
Qui s’en font des escarpolettes.

Mais qu’importe ! La canicule
Tire à sa fin. L’été recule...
Et, pour l’oreille de mon cœur

Inquiet et pronostiqueur,
À petits tintements moroses
Ces fleurs sonnent le glas des choses.

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

Share

Les clochettes

Maintenant, je suis malheureux
De rencontrer ces fleurs clochettes
A bords dentelés, violettes,
Sur les talus des chemins creux.

Et pourtant ces douces fluettes
Sont encor dans leur coin frileux,
Le perchoir des papillons bleus
Qui s'en font des escarpolettes.

Mais qu'importe ! La canicule
Tire à sa fin. L'été recule...
Et, pour l'oreille de mon coeur

Inquiet et pronostiqueur,
A petits tintements moroses
Ces fleurs sonnent le glas des choses.

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
Ajouté par Poetry Lover
Commentez! | Vote! | Copie!

Share