L'église abandonnée
Au soleil bas, l'église a saigné derechef ;
Puis, sa clarté se perd, se rencogne, s'élague,
Et l'ombre, par degrés, de ses rampantes vagues,
Envahit voûte, murs, pavés, le choeur, la nef.
Le jour des coins, des trous ? les ténèbres le draguent
Le mystère et la mort triomphent dans leur fief.
Mais, au vitrail fendu, 1à-bas, en forme d'F,
La lune luit, soudain, ronde comme une bague ;
On revoit, morne, aux pieds du Christ penchant son chef,
Tout percé par les clous, par la lance et la dague,
La Madone exhalant son chagrin qui divague ;
Puis, plus loin, renfrogné, sous un grand bas-relief,
Juste dans le tremblant de la lueur qui vague,
Un maigre saint Bruno ruminant un grief,
Et, dans sa niche, en face, un bon vieux saint Joseph
Qui joint ses longues mains et sourit d'un air vague.
poésie de Maurice Rollinat
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Des citations similaires
Les Yeux des vierges
Ce qui luit dans les yeux des vierges
C’est un songe vague et tremblant,
Un songe végétal et blanc
Comme le nénuphar des berges.
Tant que l’Amour, dans ses auberges,
Ne leur sert que du vin troublant,
Ce qui luit dans les yeux des vierges
C’est un songe vague et tremblant.
Mais du jour où tu les héberges,
Ô Plaisir, hôtelier brûlant,
Ton souffle humide, âcre et dolent
Éteint, comme on éteint des cierges,
Ce qui luit dans les yeux des vierges !
poésie de Maurice Rollinat
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Les meules de foin
Tout le sol tondu ras des solitudes plates
Dans un indéfini recul, toujours plus loin,
S'étale montueux de ses meules de foin
Où saigne le soleil croulé qui se dilate.
Solennelle, pompeuse, avec la nuit qui poind,
D'un morne extasié, leur masse rouge éclate,
Puis, blêmissant, devient l'horizon spectre, et joint
La ligne des cieux blancs de sa cime écarlate.
Stagnant dans l'air croupi, ces meules en sommeil,
Lentement, goutte à goutte, ont tari le soleil
De ses pourpres de sang dont la dernière est bue.
Maintenant, la hideuse et moite obscurité
Comble, débosse, fond, brouille l'immensité
Qui bâille l'ombre informe où s'engloutit la vue.
poésie de Maurice Rollinat
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Les Meules de foin
Tout le sol tondu ras des solitudes plates
Dans un indéfini recul, toujours plus loin,
S’étale montueux de ses meules de foin
Où saigne le soleil croulé qui se dilate.
Solennelle, pompeuse, avec la nuit qui poind,
D’un morne extasié, leur masse rouge éclate,
Puis, blêmissant, devient l’horizon spectre, et joint
La ligne des cieux blancs de sa cime écarlate.
Stagnant dans l’air croupi, ces meules en sommeil,
Lentement, goutte à goutte, ont tari le soleil
De ses pourpres de sang dont la dernière est bue.
Maintenant, la hideuse et moite obscurité
Comble, débosse, fond, brouille l’immensité
Qui bâille l’ombre informe où s’engloutit la vue.
poésie de Maurice Rollinat
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Les glissoires
Il fait un froid noir et tout gèle :
Abreuvoir, écluse et ruisseau.
Tous les puits, à l'endroit du seau,
Ont de la glace à leur margelle.
C'est pourquoi, vite, après la classe,
Les enfants viennent, à grands cris,
Glisser sur l'étang si bien pris
Qu'ils ne craignent pas que ça casse.
En tas, casquettes sans visière,
Bérets bâillants, chapeaux tortus,
Ils arrivent, les reins battus
Par leur petite carnassière.
Et, de-ci, de-là, tout heureuse,
Chaque troupe se met au jeu,
Sillonnant à la queue leu leu
La belle surface vitreuse.
Légères, folles, bien ingambes,
Elles ont indéfiniment
Le caprice du mouvement
Ces fragiles petites jambes !
Rapidement, mainte glissoire
Qu'en choeur tant de mutins sabots
Polissent comme des rabots
Est nivelée et presque noire.
On les voit gris et bleus les mioches
Qui, d'un trait, au bas des airs blancs,
Passent, les bras tendus, ballants,
Croisés - ou les mains dans les poches.
Et, plus d'un faisant la mimique
D'accomplir un besoin pressant
Reste accroupi, tout en glissant,
Avec un naturel comique.
Quelques très petiots se hasardent,
Mais, tombés trop fort, ayant peur,
Immobiles, pleins de stupeur,
Se tiennent au bord et regardent ;
Ils sont charmants, piteux et drôles,
Ces pauvres mignons étonnés,
Grelottants, la roupie au nez,
Le cou rentré dans les épaules !
Les autres, au long des saulaies,
Filent toujours avec entrain :
Tels, devant les vitres d'un train
Courent les arbres et les haies.
Sur le bruit des voix qui remplissent
Les échos de leurs appels fous
Tranche le vacarme des clous
Mordant, raclant, autant qu'ils glissent.
De loin, vous entendez, il semble,
Tant c'est ronfleur, dur et perçant,
Plus de cent meules repassant
Qui grinceraient toutes ensemble.
- Autour, des plaines dépouillées
Montrant leurs vieux herbages gris ;
Des arbres nus, d'autres maigris :
Tête ronde et feuilles rouillées.
Mais, vifs et gais comme la flamme,
Ces garçonnets au teint vermeil
Mettent là verdure et soleil :
Tout le printemps qu'ils ont dans l'âme.
Au coeur du paysage triste,
Entre ces lointains malheureux,
Sous ce ciel de métal, - par eux
La vie un instant resubsiste.
Ils sont le bonheur d'aventure,
L'éclat de rire triomphant
Qui passe comme un coup de vent
En cette mort de la nature !
Mais il se fait tard, le jour baisse.
Les glisseurs vont, moins résolus,
Et, bientôt, on ne les voit plus
Qu'à travers une brume épaisse.
Rien qu'un dernier monôme roide
De petits fantômes en noir !
Tous à la file ! - et puis, bonsoir !
Ils se sauvent dans l'ombre froide.
Et, la nuit, aux torpeurs funèbres,
Donne un mystère inquiétant
Au face à face de l'étang
Avec la lune ou les ténèbres.
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Le Vagabond
Tombé, le vagabond qui rampe avec effort,
S’arrête et gît, agonisant
Dans de la boue,
Et sur sa joue
De grosses larmes vont glissant ;
Voilà ce qu’il marmotte avant sa triste mort :
« À jeun, des heur’, puis des heur’, pieds nus, j’ai marché
Sous l’orage grondant des cieux
Couleur de suie,
Et sous la pluie,
Et sous l’éclair brûlant mes yeux,
À travers les ajoncs, la ronce et le rocher.
Je n’peux pas plus app’ler que fair’ sign’ de ma main,
Et voici que le soir étend
Son drap fantôme
Sus l’bois, sus l’chaume,
Sus l’guéret, l’pacage et l’étang ;
I’ n’ya donc plus q’la mort qui pass’ra dans mon ch’min !
Je lutt’ cont’ le trépas, tel que l’jour à sa fin.
Comm’ lui, je m’sens me consumer,
Tremblant, livide.
Mon bissac vide
N’a pas de quoi me ranimer ! »
— Et la nuit, dans les trous, le pauvre est mort de faim.
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Les Glissoires
Il fait un froid noir et tout gèle :
Abreuvoir, écluse et ruisseau.
Tous les puits, à l’endroit du seau,
Ont de la glace à leur margelle.
C’est pourquoi, vite, après la classe,
Les enfants viennent, à grands cris,
Glisser sur l’étang si bien pris
Qu’ils ne craignent pas que ça casse.
En tas, casquettes sans visière,
Bérets bâillants, chapeaux tortus,
Ils arrivent, les reins battus
Par leur petite carnassière.
Et, de-ci, de-là, tout heureuse,
Chaque troupe se met au jeu,
Sillonnant à la queue leu leu
La belle surface vitreuse.
Légères, folles, bien ingambes,
Elles ont indéfiniment
Le caprice du mouvement
Ces fragiles petites jambes !
Rapidement, mainte glissoire
Qu’en chœur tant de mutins sabots
Polissent comme des rabots
Est nivelée et presque noire.
On les voit gris et bleus les mioches
Qui, d’un trait, au bas des airs blancs,
Passent, les bras tendus, ballants,
Croisés — ou les mains dans les poches.
Et, plus d’un faisant la mimique
D’accomplir un besoin pressant
Reste accroupi, tout en glissant,
Avec un naturel comique.
Quelques très petiots se hasardent,
Mais, tombés trop fort, ayant peur,
Immobiles, pleins de stupeur,
Se tiennent au bord et regardent ;
Ils sont charmants, piteux et drôles,
Ces pauvres mignons étonnés,
Grelottants, la roupie au nez,
Le cou rentré dans les épaules !
Les autres, au long des saulaies,
Filent toujours avec entrain :
Tels, devant les vitres d’un train
Courent les arbres et les haies.
Sur le bruit des voix qui remplissent
Les échos de leurs appels fous
Tranche le vacarme des clous
Mordant, raclant, autant qu’ils glissent.
De loin, vous entendez, il semble,
Tant c’est ronfleur, dur et perçant,
Plus de cent meules repassant
Qui grinceraient toutes ensemble.
— Autour, des plaines dépouillées
Montrant leurs vieux herbages gris ;
Des arbres nus, d’autres maigris :
Tête ronde et feuilles rouillées.
Mais, vifs et gais comme la flamme,
Ces garçonnets au teint vermeil
Mettent là verdure et soleil :
Tout le printemps qu’ils ont dans l’âme.
Au cœur du paysage triste,
Entre ces lointains malheureux,
Sous ce ciel de métal, — par eux
La vie un instant resubsiste.
Ils sont le bonheur d’aventure,
L’éclat de rire triomphant
Qui passe comme un coup de vent
En cette mort de la nature !
Mais il se fait tard, le jour baisse.
Les glisseurs vont, moins résolus,
Et, bientôt, on ne les voit plus
Qu’à travers une brume épaisse.
Rien qu’un dernier monôme roide
De petits fantômes en noir !
Tous à la file ! — et puis, bonsoir !
Ils se sauvent dans l’ombre froide.
Et, la nuit, aux torpeurs funèbres,
Donne un mystère inquiétant
Au face à face de l’étang
Avec la lune ou les ténèbres.
poésie de Maurice Rollinat
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Les Bottines d'étoffe
Dans un bourg de province appelé Saint-Christophe,
Un jour que je rôdais près des chevaux de bois,
Au son désespéré d’un grand orgue aux abois,
J’entrevis tout à coup deux bottines d’étoffe.
L’une semblait dormir sur le frêle étrier,
L’autre bougeait avec une certaine morgue.
A quelque pas, sans trêve, un vieux ménétrier
Se démanchait le bras comme le joueur d’orgue.
Les grincements aigus du violon m’entraient
Dans l’âme, et m’égaraient au fond d’un spleen sans bornes,
Et toujours, toujours les bottines se montraient
Dans le gai tournoiement des petits chevaux mornes.
Pauvres petits chevaux ! roides sous le harnais,
Vertigineusement ils roulaient dans le vague.
Leur maître, un acrobate à l’accent béarnais,
S’essoufflait à crier : « A la bague ! A la bague ! »
Ils me navraient ! J’aurais voulu les embrasser
Et dire à leur bois peint, que je douais d’une âme,
Combien je maudissais le bateleur infâme
Qui se faisait un jeu d’ainsi les harasser.
Mais en vain j’emplissais mes yeux de leurs marbrures,
Et je m’apitoyais sur leur mauvais destin,
Mon regard ne lorgnait, lascif et clandestin,
Que les bottines, dont il buvait les cambrures.
Oh ! comme elles plaquaient sur les doux inconnus
Dont mon rêve léchait l’ensorcelant mystère !
Moules délicieux de pieds frôleurs de terre
Que j’aurais voulu mordre en les voyant tout nus.
Et le ménétrier sciait ses cordes minces
Et celui qui tournait la manivelle, hélas !
De l’orgue poitrinaire effroyablement las
Y cramponnait ses mains, abominables pinces.
Quelle mélancolie amoureuse dans l’air
Et dans mon cœur ! des chants rauques sortaient des bouges,
Un soleil capiteux dardait ses rayons rouges
Qui grisaient lentement les filles à l’œil clair.
Bruits, senteurs, atmosphère, aspect de la cohue
Se ruant à la fête avec des rires mous,
Et des petits chevaux tournant comme un remous,
Jusqu’à l’entrain niais des bourgeois que je hue ;
Toutes ces choses-là sans doute m’obsédaient,
Mais qu’était-ce à côté de ces bottines grises
Dont ma chair et mon âme étaient si fort éprises
Que j’aurais souffleté ceux qui les regardaient ?
Ainsi que d’un écrin gorgé de pierreries,
D’épingles d’or massif, et de gros diamants,
Il en sortait pour moi tant d’éblouissements
Que mon œil effaré nageait dans des féeries.
Elles me piétinaient l’imagination,
Mais avec tant d’amour, qu’ainsi foulé par elles,
J’avais des voluptés presque surnaturelles
Qui m’emportaient en pleine hallucination.
Alors, plus d’acrobate à la figure osseuse,
Plus de foule ! plus rien ! sous les cieux embrasés,
Au milieu d’une extase aromale et berceuse
J’avais pour m’assoupir un hamac de baisers.
Oh ! qui rendra jamais l’attouchement magique
De ces bottines d’ange aux souplesses d’oiseaux ?
Tout ce que la langueur a de plus léthargique
Se mêlait à ma moelle et coulait dans mes os !
Leurs petits bouts carrés me becquetaient les lèvres.
Et leurs talons pointus me chatouillaient le cou ;
Et tout mon corps flambait : délicieuses fièvres
Qui me vaporisaient le sang ! — Quand tout à coup,
La nuit vint embrumer le bourg de Saint-Christophe :
L’orgue et le violon moururent tous les deux ;
Les petits chevaux peints s’arrêtèrent hideux ;
Et je ne revis plus les bottines d’étoffe.
poésie de Maurice Rollinat
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Le Grand Cercueil
Il pleuvasse avec du tonnerre...
Il est déjà tard… quand on voit
Dans le bourg entrer le convoi
De la défunte octogénaire.
La clarté du jour s’est enfuie.
Tristement, la voiture à bœufs
A repris son chemin bourbeux :
Le cercueil attend sous la pluie.
Un lent tintement qui vous glace
Dégoutte morne du clocher :
Voici tout le monde marcher
Vers la grande croix de la place,
Quand il s’approche de la pierre
Pour lever le corps, le curé,
Tout en chantant, reste effaré
Par l’énormité de la bière.
Certe ! avec ses planches massives,
Espèces de forts madriers
Crevassés, noueux, mal taillés,
Qui remplaceraient des solives,
Elle apparaît si gigantesque
En épaisseur, en large, en long,
Si haute, d’un tel poids de plomb,
Qu’à la voir on en frémit presque.
Elle s’étale sans pareille,
D’autant plus démesurément
Qu’elle renferme seulement
Un mince cadavre de vieille.
L’immense couvercle en dos d’âne
A l’air aussi grand que les toits ;
Le drap trop court montre son bois
Roux et jaune comme un vieux crâne.
Et tandis que d’une aigre sorte
Les enfants de chœur vont hurlant,
Le prêtre est là, se rappelant
Les dimensions de la morte.
« Qu’avait-elle ? cinq pieds, à peine !
C’était maigre et gros comme rien !
Un seul corps pour ça qui peut bien
En contenir une douzaine !
En a-t il fallu de la paille !
Aura-t-on dû l’empaqueter
Pour l’empêcher de ballotter
Comme un grain dans une futaille !
Quel menuisier ! ça tient du songe !
Il doit sûrement celui-ci
Avoir le regard qui grossit,
Et dans sa main le mètre allonge ! »
Les porteurs pliant sous leur charge,
En nombre, comme de raison,
Semblent traîner une maison.
Le brancard est bien long et large,
Mais, il est usé ! quoi qu’on dise,
Puisque, hélas ! le monstre ligneux
Croule avec un bruit caverneux,
Juste en pénétrant dans l’église.
C’est un bras du brancard qui casse...
On hisse l’effrayant cercueil
Sur l’estrade — et les chants de deuil
Sont bâclés sous la voûte basse.
Puis, les cloches vont à volées...
À la montée, oh ! que c’est dur
Et long ! — Enfin ! voici le mur
Que dépassent les mausolées.
Le chantre mêle sa voix fausse
Au bruit sourd des pas recueillis.
Debout, s’offre aux yeux ébahis
Le vieux sacristain dans la fosse.
L’ombre vient. Personne ne bouge.
L’homme surmène, haletant,
Ses deux outils où par instant
Le soleil met un reflet rouge
Brusque, le curé l’interpelle :
« Eh bien ! y sommes-nous ? » Et lui
Quitte la fosse avec ennui
En poussant sa pioche et sa pelle.
Le gouffre baille son mystère :
Mais, le cercueil n’y glisse pas.
« Je m’en doutais ! » grogne tout bas
Le sacristain qui rentre en terre.
Il remonte. On reprend la boîte
Qu’on ajuste du mieux qu’on peut.
Mais, il s’en faut toujours un peu :
La tombe est encore trop étroite.
De nouveau, la pioche luisante
Descend l’élargir. Cette fois,
Le cercueil y coule à plein bois
En même temps qu’on l’y présente.
Au bord du trou, qui s’enténèbre.
Un vieux qui tient le goupillon
Émet cette réflexion
En guise d’oraison funèbre :
« Elle a bien mérité sa fosse !
C’est égal ! tout d’même, elle était
Trop p’tit’ quand elle existait
Pour faire une morte aussi grosse ! »
Et, sous sa chape très ancienne,
Haut, solennel, — l’officiant
S’en revient en s’apitoyant
Sur sa défunte paroissienne :
« L’infortune l’a poursuivie !...
« Pauvre cadavre enguignonné !...
« Tout pour elle aura mal tourné,
« Dans la mort comme dans la vie !
poésie de Maurice Rollinat
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Nostalgie de soleil
Quel poète évoquera le rose des bruyères,
Le lézard des vieux murs, la mouche des étangs,
Et le petit rayon qui vient, tout le beau temps,
Rire au carreau crasseux de la vieille chaumière ?
Les végétaux chambrés, le fleuri, la verdure
De ces jardins vitrés plus chauds que des maisons
Et tout le trompe-l’œil des tapis, des tentures
Voulant singer les rocs, les arbres, les gazons,
Accusent mieux, l’hiver, leur piteuse imposture
Alors que l'on regrette avec tant de douleur
Le soleil qui faisait éclater la couleur,
Flamber le verdoîment dans toute la nature !
Hélas ! bien avant l’heure où l’astre roi, l'été,
De sa pourpre de sang rend les plaines rougies,
Dès l’automne déjà s’impose la clarté
Des mélancoliques bougies.
Tout seul, à leur lueur si blême,
On a l’air de veiller un mort.
Sans compter que, parfois encor,
On dirait presque — horreur suprême !
Que ce défunt-là c’est soi-même.
Chaque retour d’hiver cause un frisson nouveau
Avec ce jour de crépuscule,
Ce sol humide de caveau
Où nul insecte ne circule
Et qui paraît sous l’ombre abaisser son niveau.
Au dur tic tac de la pendule
Le corps moisit, se caille ainsi que le cerveau.
Nos jours plus obscurcis devant le bois qui brûle
Dévident l’incertain de leur maigre écheveau.
Mais que le froid sèche ou s’endorme,
Et que le ciel s’allume, alors ! tout se transforme
En notre âme, ce sphinx inquiet, noir problème,
Louche énigme pour elle-même
Dans sa prison d’humanité !
Pour cette renfermée, au ténébreux martyre,
Le Soleil, c’est le bon sourire,
C’est l’œil compatissant de la Fatalité !
poésie de Maurice Rollinat
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Le Chemin aux merles
Voici que la rosée éparpille ses perles
Qui tremblent sous la brise aux feuilles des buissons.
— Vague du spleen, en vain contre moi tu déferles !
Car, dans les chemins creux où sifflotent les merles,
Et le long des ruisseaux qui baignent les cressons,
La fraîcheur du matin m’emplit de gais frissons.
Mystérieuse, avec de tout petits frissons,
La rainette aux yeux noirs et ronds comme des perles,
S’éveille dans la flaque, et franchit les cressons,
Pour aller se blottir aux creux des verts buissons,
Et mêler son chant rauque au sifflement des merles.
— Vague du spleen, en vain contre moi tu déferles !
— Vague du spleen, en vain contre moi tu déferles
Sous l’arceau de verdure où passent des frissons,
J’ai pour me divertir le bruit que font les merles,
Avec leur voix aiguë égreneuse de perles !
Et de même qu’ils sont les rires des buissons,
La petite grenouille est l’âme des cressons.
La libellule vibre aux pointes des cressons.
— Vague du spleen, en vain contre moi tu déferles !
Le soleil par degrés attiédit les buissons,
Déjà sur les talus l’herbe a de chauds frissons,
Et les petits cailloux luisent comme des perles ;
La feuillée est alors toute noire de merles !
C’est à qui sifflera le plus parmi les merles !
L’un d’eux, s’aventurant au milieu des cressons,
Bat de l’aile sur l’eau qui s’en égoutte en perles ;
— Vague du spleen, en vain contre moi tu déferles !
Et le petit baigneur fait courir des frissons
Dans la flaque endormie à l’ombre des buissons.
Mais un lent crépuscule embrume les buissons ;
Avec le soir qui vient, le sifflement des merles
Agonise dans l’air plein d’étranges frissons ;
Un souffle humide sort de la mare aux cressons :
O spleen, voici qu’à flots dans mon cœur tu déferles !
Toi, nuit ! tu n’ouvres pas ton vaste écrin de perles !
Pas de perles au ciel ! le long des hauts buissons,
Tu déferles, noyant d’obscurité les merles
Et les cressons ! — Je rentre avec de noirs frissons !
poésie de Maurice Rollinat
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Nuit tombante
Les taureaux, au parfum
De la mousse,
Arpentent l’herbe rousse,
Et chacun
Beugle au soleil défunt ;
La rafale qui glousse
Se trémousse
Dans l’air brun.
Et le ravin cruel,
Sourd et chauve,
A l’humidité fauve
D’un tunnel ;
Et comme un criminel,
Le nuage se sauve,
Gris et mauve,
Dans le ciel.
Des saules convulsés
Et difformes,
Des trous, des rocs énormes,
Des fossés,
Des vieux chemins gercés,
Des buissons multiformes,
Et des ormes
Crevassés,
De l’eau plate qui dort
Dans la terre,
Noire et plus solitaire
Qu’un remord :
Un long murmure sort,
Un long murmure austère
De mystère
Et de mort.
Au clapotis que font
Les viornes,
Sous la voûte sans bornes
Et sans fond,
Tout s’éloigne et se fond ;
L’ombre efface les cornes
Des bœufs mornes
Qui s’en vont.
Et l’escargot sans bruit
Rampe et bave ;
L’obscurité s’aggrave,
Le vent fuit ;
Et l’oiseau de minuit
Flotte comme une épave
Dans la cave
De la nuit.
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
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Les Deux Loups
Bruns et maigres comme des clous,
Ils m'ont surpris dans la clairière,
Et jusqu'au bord d'une carrière
M'ont suivi comme deux filous.
— Jamais œil de mauvais jaloux
N'eut de lueur plus meurtrière!
Bruns et maigres comme des clous,
Ils m'ont surpris dans la clairière.
— Mais la faim les a rendus fous,
Car ils ont franchi ma barrière,
Et les voilà sur leur derrière,
À ma porte, les deux grands loups,
Bruns et maigres comme des clous!
poésie de Maurice Rollinat de Dans les brandes, poèmes et rondels (1883)
Ajouté par Dan Costinaş
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La Rivière dormante
Au plus creux du ravin où l’ombre et le soleil
Alternent leurs baisers sur la roche et sur l’arbre,
La rivière immobile et nette comme un marbre
S’enivre de stupeur, de rêve et de sommeil.
Plus d’un oiseau, dardant l’éclair de son plumage,
La brûle dans son vol, ami des nénuphars ;
Et le monde muet des papillons blafards
Y vient mirer sa frêle et vacillante image.
Descendu des sentiers tout sablés de mica,
Le lézard inquiet cherche la paix qu’il goûte
Sur ses rocs fendillés d’où filtrent goutte à goutte
Des filets d’eau qui font un bruit d’harmonica.
La lumière est partout si bien distribuée
Qu’on distingue aisément les plus petits objets ;
Des mouches de saphir, d’émeraude et de jais
Au milieu d’un rayon vibrent dans la buée.
Sa mousse qui ressemble aux grands varechs des mers
Éponge tendrement les larmes de ses saules,
Et ses longs coudriers, souples comme des gaules,
Se penchent pour la voir avec les buis amers.
Ni courant limoneux, ni coup de vent profane :
Rien n’altère son calme et sa limpidité ;
Elle dort, exhalant sa tiède humidité,
Comme un grand velours vert qui serait diaphane.
Pourtant cette liquide et vitreuse torpeur
Qui n’a pas un frisson de remous ni de vague,
Murmure un son lointain, triste, infiniment vague,
Qui flotte et se dissipe ainsi qu’une vapeur.
Du fond de ce grand puits qui la tient sous sa garde,
Avec ses blocs de pierre et ses fouillis de joncs,
Elle écoute chanter les hiboux des donjons
Et réfléchit l’azur étroit qui la regarde.
Des galets mordorés et d’un aspect changeant
Font à la sommeilleuse un lit de mosaïque
Où, dans un va-et-vient béat et mécanique.
Glissent des poissons bleus lamés d’or et d’argent.
Leurs nageoires qui sont rouges et dentelées
Dodelinent avec leur queue en éventail :
Si transparente est l’eau, qu’on peut voir en détail
Tout ce fourmillement d’ombres bariolées.
Comme dans les ruisseaux clairs et torrentueux
Qui battent les vieux ponts aux arches mal construites,
L’écrevisse boiteuse y chemine, et les truites
Aiment l’escarpement de ses bords tortueux.
L’âme du paysage à toute heure voltige
Sur ce lac engourdi par un sommeil fatal,
Dallé de cailloux plats et dont le fin cristal
A les miroitements du songe et du vertige.
Et, sans qu’elle ait besoin des plissements furtifs
Que les doigts du zéphyr forment sur les eaux mates,
Pour prix de leur ombrage et de leurs aromates
La rivière sourit aux végétaux plaintifs ;
Et quand tombe la nuit spectrale et chuchoteuse,
Elle sourit encore aux parois du ravin :
Car la lune, au milieu d’un silence divin,
Y baigne les reflets de sa lueur laiteuse.
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
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Le Cygne
Sans bruit, sous le miroir des lacs profonds et calmes,
Le cygne chasse l’onde avec ses larges palmes,
Et glisse. Le duvet de ses flancs est pareil
A des neiges d’avril qui croulent au soleil ;
Mais, ferme et d’un blanc mat, vibrant sous le zéphire,
Sa grande aile l’entraîne ainsi qu’un lent navire.
Il dresse son beau col au-dessus des roseaux,
Le plonge, le promène allongé sur les eaux,
Le courbe gracieux comme un profil d’acanthe,
Et cache son bec noir dans sa gorge éclatante.
Tantôt le long des pins, séjour d’ombre et de paix,
Il serpente, et laissant les herbages épais
Traîner derrière lui comme une chevelure,
Il va d’une tardive et languissante allure ;
La grotte où le poète écoute ce qu’il sent,
Et la source qui pleure un éternel absent,
Lui plaisent : il y rôde ; une feuille de saule
En silence tombée effleure son épaule ;
Tantôt il pousse au large, et, loin du bois obscur,
Superbe, gouvernant du côté de l’azur,
Il choisit, pour fêter sa blancheur qu’il admire,
La place éblouissante où le soleil se mire.
Puis, quand les bords de l’eau ne se distinguent plus,
A l’heure où toute forme est un spectre confus,
Où l’horizon brunit, rayé d’un long trait rouge,
Alors que pas un jonc, pas un glaïeul ne bouge,
Que les rainettes font dans l’air serein leur bruit
Et que la luciole au clair de lune luit,
L’oiseau, dans le lac sombre, où sous lui se reflète
La splendeur d’une nuit lactée et violette,
Comme un vase d’argent parmi des diamants,
Dort, la tête sous l’aile, entre deux firmaments.
poésie de Sully Prudhomme
Ajouté par Dan Costinaş
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La Lune
La lune a de lointains regards
Pour les maisons et les hangars
Qui tordent sous les vents hagards
Leurs girouettes ;
Mais sa lueur fait des plongeons
Dans les marais peuplés d’ajoncs
Et flotte sur les vieux donjons
Pleins de chouettes !
Elle fait miroiter les socs
Dans les champs, et nacre les rocs
Qui hérissent les monts, par blocs
Infranchissables ;
Et ses chatoiements délicats
Près des gaves aux sourds fracas
Font luire de petits micas
Parmi les sables !
Avec ses lumineux frissons
Elle a de si douces façons
De se pencher sur les buissons
Et les clairières !
Son rayon blême et vaporeux
Tremblote au fond des chemins creux
Et rôde sur les flancs ocreux
Des fondrières.
Elle promène son falot
Sur la forêt et sur le flot
Que pétrit parfois le galop
Des vents funèbres ;
Elle éclaire aussi les taillis
Où, cachés sous les verts fouillis,
Les ruisseaux font des gazouillis
Dans les ténèbres.
Elle argente sur les talus
Les vieux troncs d’arbres vermoulus
Et rend les saules chevelus
Si fantastiques,
Qu’à ses rayons ensorceleurs,
Ils ont l’air de femmes en pleurs
Qui penchent au vent des douleurs
Leurs fronts mystiques.
En doux reflets elle se fond
Parmi les nénuphars qui font
Sur l’étang sinistre et profond
De vertes plaques ;
Sur la côte elle donne aux buis
Des baisers d’émeraude, et puis
Elle se mire dans les puits
Et dans les flaques !
Et, comme sur les vieux manoirs,
Les ravins et les entonnoirs,
Comme sur les champs de blés noirs
Où dort la caille,
Elle s’éparpille ou s’épand,
Onduleuse comme un serpent,
Sur le sentier qui va grimpant
Dans la rocaille !
Oh ! quand, tout baigné de sueur,
Je fuis le cauchemar tueur,
Tu blanchis avec ta lueur
Mon âme brune ;
Si donc, la nuit, comme un hibou,
Je vais rôdant je ne sais où,
C’est que je t’aime comme un fou ;
O bonne Lune !
Car, l’été, sur l’herbe, tu rends
Les amoureux plus soupirants,
Et tu guides les pas errants
Des vieux bohèmes ;
Et c’est encore ta clarté,
O reine de l’obscurité,
Qui fait fleurir l’étrangeté
Dans mes poèmes !
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
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Les Deux Loups
Bruns et maigres comme des clous,
Ils m’ont surpris dans la clairière,
Et jusqu’au bord d’une carrière
M’ont suivi comme deux filous.
— Jamais œil de mauvais jaloux
N’eut de lueur plus meurtrière !
Bruns et maigres comme des clous,
Ils m’ont surpris dans la clairière.
— Mais la faim les a rendus fous,
Car ils ont franchi ma barrière,
Et les voilà sur leur derrière,
A ma porte, les deux grands loups,
Bruns et maigres comme des clous !
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
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Tempête obscure
L’orage, après de longs repos,
Ce soir-là, par ses deux suppôts,
La nuée et le vent qui claque,
Se présageait pour l'onde opaque.
Grondante sous le ciel muet,
Par quintes, la mer se ruait ;
Puis, elle se tut, la perfide,
Reprit son niveau brun livide.
Malheur aux coquilles de noix
Alors sur l’élément sournois
D’un plat, d’un silence de planche,
Risquant leur petite aile blanche !
Car, on le sent à l’angoissé,
Au guettant de l’air oppressé,
La paix du gouffre qui se fige
Couve la trame du vertige ;
Si calme en dessus, ses dessous
Cherchent, ramassent leurs courroux,
En effet, soudain l’eau tranquille
Bomba sa face d’encre et d’huile,
Perdit son taciturne intact,
Prit un clapotement compact.
Et voilà qu’à rumeurs funèbres
La tempête emplit les ténèbres.
Mais, pas un éclair zigzaguant :
Rien que l’obscur de l’ouragan !
Ballottée en ce ciel de bistre
La lune folle, errant sinistre,
Comme une morte promenant
Sa lanterne de revenant,
À hideuses lueurs moroses
Éclairait ce drame des choses.
Souffle monstre, outrant sa fureur,
Le vent démesurait l'horreur
Des montagnes d’eau dont les cimes
Pivotaient, croulant en abîmes
Qui, l’un par l’autre chevauchés,
Distordus, engloutis, crachés,
Redressaient leurs masses béantes
En Himalayas tournoyantes,
Spectrales des froids rayons verts
Se multipliant au travers.
Et, toujours, la houle élastique
Réopérait plus frénétique
La métamorphose des flots
Dans des tonnerres de sanglots.
Vint alors tant d’obscurité
Que ce fracas précipité
N’était plus que la plainte immense,
La clameur du vide en démence.
Puis, l’astre blêmissant, terni,
Sombra dans le noir infini
Où son vert-de-gris jaune-soufre
Se convulsait avec le gouffre.
Les vagues par leurs bonds si hauts
Brassaient le ciel dans le chaos ;
Tout tourbillonnait : l’eau, la brume,
La voûte, les airs et l’écume,
Tout : fond, sommet, milieu, côtés
Dans le pêle-mêle emportés !
Tellement que la mer, les nues,
Étaient par degrés devenues
Un même et confus océan
Roulant tout seul dans le Néant.
Et, pour l’œil comme pour l’oreille,
Existait l’affreuse merveille,
L’âme vivait l’illusion
De cette énorme vision,
Tout l'être croyait au mensonge
Du terrible tableau mouvant
Qu’avec l’eau, la lune, et le vent,
La Nuit composait pour le Songe.
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
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À travers champs
Hors de Paris, mon cœur s’élance,
Assez d’enfer et de démons :
Je veux rêver dans le silence
Et dans le mystère des monts.
Barde assoiffé de solitude
Et bohémien des guérets,
J’aurai mon cabinet d’étude
Dans les clairières des forêts.
Et là, mes vers auront des notes
Aussi douces que le soupir
Des rossignols et des linottes
Lorsque le jour va s’assoupir.
Parfumés d’odeurs bocagères,
Ensoleillés d’agreste humour,
Ils auront, comme les bergères,
L’ingénuité dans l’amour.
M’y voici : la campagne est blonde,
L’horizon clair et le ciel bleu.
La terre est sereine, — et dans l’onde
Se mire le soleil en feu !
Là, fuyant code et procédure,
Mon pauvre père, chaque été,
Venait prendre un bain de verdure,
De poésie et de santé.
Là, plus qu’ailleurs, pour ma tendresse,
Son souvenir est palpitant;
Partout sa chère ombre se dresse,
Dans ce pays qu’il aimait tant !
Sous le chêne aux branches glandées,
Il me vient un souffle nouveau,
Et les rimes et les idées
Refleurissent dans mon cerveau.
Je revois l’humble silhouette
De la maison aux volets verts,
Avec son toit à girouette
Et ses murs d’espaliers couverts ;
Le jardin plein de rumeurs calmes
Où l’arbre pousse vers l’azur,
Le chant multiple de ses palmes
Qui frissonnent dans un air pur ;
Les petits carrés de légumes
Bordés de lavande et de buis,
Et les pigeons lustrant leurs plumes
Sur la margelle du vieux puits.
Plus de fâcheux, plus d’hypocrites !
Car je fréquente par les prés
Les virginales marguerites
Et les coquelicots pourprés.
Enfin ! je nargue l’attirance
Épouvantable du linceul,
Et je bois un peu d’espérance
Au ruisseau qui jase tout seul.
Je marche enfin le long des haies,
L’âme libre de tout fardeau,
Traversant parfois des saulaies
Où sommeillent des flaques d’eau.
Ami de la vache qui broute,
Du vieux chaume et du paysan,
Dès le matin je prends la route
De Châteaubrun et de Crozan.
Dans l’air, les oiseaux et les brises
Modulent de vagues chansons ;
A mon pas les pouliches grises
Hennissent au bord des buissons,
Tandis qu’au fond des luzernières,
Jambes aux fers, tête au licou,
Les vieilles juments poulinières
Placidement lèvent le cou.
Le lézard, corps insaisissable
Où circule du vif-argent;
Promène au soleil sur le sable
Sa peau verte au reflet changeant:
Dans les pacages d’un vert sombre,
Où, çà et là, bâillent des trous,
Sous les ormes, couchés à l’ombre,
L’œil mi-clos, songent les bœufs roux.
Dressant leur tête aux longues cornes,
Parfois les farouches taureaux
Poussent, le long des étangs mornes,
Des mugissements gutturaux.
Sur les coteaux et sur les pentes,
Aux environs d’un vieux manoir,
Je revois les chèvres grimpantes,
Les moutons blancs et le chien noir.
Debout, la bergère chantonne
D’une douce et traînante voix
Une complainte monotone,
Avec son fuseau dans les doigts.
Et je m’en reviens à la brune
Tout plein de calme et de sommeil,
Aux rayons vagues de la lune,
Ce mélancolique soleil !
poésie de Maurice Rollinat
Ajouté par Poetry Lover
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La bonne chienne
Les deux petits jouaient au fond du grand pacage ;
La nuit les a surpris, une nuit d'un tel noir
Qu'ils se tiennent tous deux par la main sans se voir
L'opaque obscurité les enclôt dans sa cage.
Que faire ? les brebis qui paissaient en bon nombre,
Les chèvres, les cochons, la vache, la jument,
Sont égarés ou bien muets pour le moment,
Ils ne trahissent plus leur présence dans l'ombre.
Puis, la vague rumeur des mauvaises tempêtes
Sourdement fait gronder l'écho.
Mais la bonne chienne Margot
A rassemblé toutes les têtes
Du grand troupeau... si bien que, derrière les bêtes,
Chacun des deux petits lui tenant une oreille,
Tous les trois, à pas d'escargot,
Ils regagnent enfin, là-haut,
Le vieux seuil où la maman veille.
poésie de Maurice Rollinat
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La Bonne Chienne
Les deux petits jouaient au fond du grand pacage ;
La nuit les a surpris, une nuit d’un tel noir
Qu’ils se tiennent tous deux par la main sans se voir :
L’opaque obscurité les enclôt dans sa cage.
Que faire ? les brebis qui paissaient en bon nombre,
Les chèvres, les cochons, la vache, la jument,
Sont égarés ou bien muets pour le moment,
Ils ne trahissent plus leur présence dans l’ombre.
Puis, la vague rumeur des mauvaises tempêtes
Sourdement fait gronder l’écho.
Mais la bonne chienne Margot
A rassemblé toutes les têtes
Du grand troupeau... si bien que, derrière les bêtes,
Chacun des deux petits lui tenant une oreille,
Tous les trois, à pas d’escargot,
Ils regagnent enfin, là-haut,
Le vieux seuil où la maman veille.
poésie de Maurice Rollinat
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