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Les Trois Toc Toc

Toc toc ! — L’homme prêtant l’oreille,
Hache en main, guettant scélérat,
Dit : « Qu’est là ? — Moi ! » La vieille entra...
D’un coup, il abattit la vieille.

Depuis, hanté par les alarmes,
Il s’enfermait dans sa maison.
Toc toc ! — L’homme, avec un frisson,
Demanda : « Qu’est là ? » — Les gendarmes !

Un peu plus tard, à l’aube fine,
Toc toc ! — Il se tut, sachant trop
Qu’alors, c’était bien le bourreau
Qui venait pour la guillotine.

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Le Petit Coq

Mon âme veuve les jalouse
La poulette et le petit coq.
— En plein soleil, près d’un vieux soc,
Tous deux vont picotant la bouse,

En vain je vis avec la blouse,
Avec le chêne, avec le roc :
Mon âme veuve les jalouse
La poulette et le petit coq.

— Chemin faisant, sur la pelouse.
Que de fois, avec l’air ad hoc,
Le petit mari — toc toc toc
Caresse la petite épouse !
Mon âme veuve les jalouse.

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Le Mutilé

Tiens ? il vous manque un doigt, dis-je au vieux menuisier,
Et par quel accident ? — Ah ! ça c’est un mystère
Que l’on d’vait seul’ment deux emporter dans la terre,
Mais j’vas l’conter à vous qu’êt’ pas un potinier !

J’aimais un’ fill’ moqueuse et qui voulait pas d’moi.
V’là qu’ell’ me dit un jour, net ! pour pas que j’revienne,
« Si tu te coup’ un doigt, eh ben vrai ! je s’rai tienne. »
Mon parti fut vit’ pris, je m’couperais un doigt.

J’rentrai chez nous. C’était par un’ nuit ben douce...
J’étendis ma main gauche à plat sur l’établi,
Et d’un coup de ciseau — toc — je tranchai mon pouce.

C’que c’est ! si, sus l’moment d’cogner, j’avais faibli,
J’n’aurais pas eu depuis tant de bonheur dans l’âme,
Puisque cell’ pour qui j’m[’]ai coupé l’doigt, c’est ma femme

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La Peur

Aussitôt que le ciel se voile
Et que le soir, brun tisserand,
Se met à machiner sa toile
Dans le mystère qui reprend,

Je soumets l’homme à mon caprice,
Et, reine de l’ubiquité,
Je le convulse et le hérisse
Par mon invisibilité.

Si le sommeil clot sa paupière,
J’ordonne au cauchemar malsain
D’aller s’accroupir sur son sein
Comme un crapaud sur une pierre.

Je vais par son corridor froid,
À son palier je me transporte,
Et soudain, comme avec un doigt,
Je fais toc toc toc à sa porte.

Sur sa table, ainsi qu’un hibou,
Se perche une tête coupée
Ayant le sourire du fou
Et le regard de la poupée ;

Il voit venir à pas rampants
Une dame au teint mortuaire,
Dont les cheveux sont des serpents
Et dont la robe est un suaire.

Puis j’éteins sa lampe, et j’assieds
Au bord de son lit qui se creuse
Une forme cadavéreuse
Qui lui chatouille les deux pieds.

Dans le marais plein de rancune
Qui poisse et traverse ses bas,
Il s’entend appeler très bas
Par plusieurs voix qui n’en font qu’une.

Il trouve un mort en faction
Qui tourne sa prunelle mate
Et meut sa putréfaction
Avec un ressort d’automate.

Je montre à ses yeux consternés
Des feux dans les maisons désertes,
Et dans les parcs abandonnés,
Des parterres de roses vertes.

Il aperçoit en frémissant,
Entre les farfadets qui flottent,
Des lavandières qui sanglotent
Au bord d’une eau couleur de sang,

Et la vieille croix des calvaires
De loin le hèle et le maudit
En repliant ses bras sévères
Qu’elle dresse et qu’elle brandit.

Au milieu d’une plaine aride,
Sur une route à l’abandon,
Il voit un grand cheval sans bride
Qui dit : « Monte donc ! Monte donc ! »

Et seul dans les châtaigneraies,
Il entend le rire ligneux
Que les champignons vénéneux
Mêlent au râle des orfraies.

Par les nuits d’orage où l’Autan
Tord sa voix qui siffle et qui grince,
Je vais emprunter à Satan
Les ténèbres dont il est prince,

Et l’homme en cette obscurité
Tourbillonne comme un atome,
Et devient une cécité
Qui se cogne contre un fantôme.

Dans un vertige où rien ne luit
Il se précipite et s’enfourne,
Et jamais il ne se retourne,
Car il me sait derrière lui ;

Car, à son oreille écouteuse,
Je donne, en talonnant ses pas
La sensation chuchoteuse
De la bouche que je n’ai pas.

Par moi la Norme est abolie,
Et j’applique en toute saison
Sur la face de la Raison
Le domino de la Folie.

L’impossible étant mon sujet,
Je pétris l’espace et le nombre
Je sais vaporiser l’objet,
Et je sais corporiser l’ombre.

J’intervertis l’aube et le soir
La paroi, le sol et la voûte ;
Et le Péché tient l’ostensoir
Pour la dévote que j’envoûte.

Je fais un vieux du nourrisson ;
Et je mets le regard qui tue
La voix, le geste et le frisson
Dans le portrait et la statue ;

Je dénature tous les bruits,
Je déprave toutes les formes,
Et je métamorphose en puits
Les montagnes les plus énormes.

Je brouille le temps et le lieu ;
Sous ma volonté fantastique
Le sommet devient le milieu,
Et la mesure est élastique.

J’immobilise les torrents,
Je durcis l’eau, je fonds les marbres,
Et je déracine les arbres
Pour en faire des Juifs-errants ;

Je mets dans le vol des chouettes
Des ailes de mauvais Esprits,
De l’horreur dans les silhouettes
Et du sarcasme dans les cris ;

Je comprime ce qui s’élance,
J’égare l’heure et le chemin,
Et je condamne au bruit humain
La bouche close du Silence ;

Avec les zigzags de l’éclair
J’écris sur le manoir qui tombe
Les horoscopes de la Tombe,
Du Purgatoire et de l’Enfer ;

Je chevauche le catafalque ;
Dans les cimetières mouvants
Je rends au nombre des vivants
Tous ceux que la mort en défalque ;

Et par les carrefours chagrins,
Dans les brandes et les tourbières,
Je fais marcher de longues bières
Comme un troupeau de pèlerins ;

Mais, le jour, je suis engourdie :
Je me repose et je m’endors
Entre ma sœur la Maladie
Et mon compère le Remords.

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
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C'était ores, c'était qu'à moi je devais vivre,

C'était ores, c'était qu'à moi je devais vivre,
Sans vouloir être plus que cela que je suis,
Et qu'heureux je devais de ce peu que je puis
Vivre content du bien de la plume et du livre.

Mais il n'a plu aux dieux me permettre de suivre
Ma jeune liberté, ni faire que depuis
Je vécusse aussi franc de travaux et d'ennuis,
Comme d'ambition j'étais franc et délivre.

Il ne leur a pas plu qu'en ma vieille saison
Je susse quel bien c'est de vivre en sa maison,
De vivre entre les siens sans crainte et sans envie :

Il leur a plu (hélas) qu'à ce bord étranger
Je visse ma franchise en prison se changer,
Et la fleur de mes ans en l'hiver de ma vie.

poésie de Joachim du BellaySignalez un problèmeDes citations similaires
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Le Boucher

Tiens ? t’es donc plus boucher ? dit la vieille au gros homme
Qui venait de vendre son fonds,
Et lui répondit grave, avec un air profond :
« Non ! et j’vas vous raconter comme :

Ah ! l’ métier était bon ! Mes viandes ?
Vous savez si ça s’débitait !
Tell’ment partout on m’réputait
Que j’pouvais pas fournir aux d’mandes.

C’est moi-mêm’ qu’abattais les bêtes
Promis’ aux crochets d’mon étal,
Et j’vous crevais comme un brutal
Les cous, les poitrails et les têtes.

Si j’suis si gros, q’ça m’gên’ quand j’bouge,
Si j’ai l’teint si frais, l’corps si gras,
C’est q’par le nez, la bouch’, les bras,
Tout l’temps j’pompais vif du sang rouge.

L’animal ? c’est pas un’ personne...
Que j’me disais ! Pour moi, l’bestiau
C’était qu’un’ chos’, j’trouvais idiot
D’croir’ que ça rêv’ ou q’ça raisonne.

Si ça qui grogn’, qui bêl’, qui beugle,
À l’abattoir s’tenait pas bien,
J’cognais d’sus, ça n’me faisait rien :
J’leur étais aussi sourd qu’aveugle.

D’un coup d’maillet bien à ma pogne
J’défonçais l’crâne d’un vieux bœuf
Comme on cass’ la coquill’ d’un œuf,
Et j’fredonnais pendant ma b’sogne.

À ceux qui, lorsque l’couteau rentre,
S’lamentaient sur l’ouaill’ ou l’cochon,
J’criais : « Ça s’rait plus folichon
D’en avoir un morceau dans l’ventre ! »

Et dans l’trou plein d’sanglante écume
Se r’tournait, creusait mon surin,
Tel qu’un piquet dans un terrain
Où q’l’on veut planter d’la légume.

J’étais ben boucher par nature !
Dam’ ! Le coup d’mass’ ? ça m’connaissait ;
Et quand mon vieux couteau dép’çait
I’ savait trouver la jointure.

Oui ! j’avais la main réussie
Pour mettre un bœuf en quatr’ morceaux ;
Vit’ se rompaient les plus gros os
Ousque j’faisais grincer ma scie.

Pour détailler d’la viand’ qui caille
J’aurais pas craint les plus adroits :
Tous mes coups d’coup’ret, toujours droits,
R’tombaient dans la première entaille.

Jusqu’à c’beau jour d’ensorcell’rie
Où v’allez savoir c’qui m’advint,
Je m’saoulais d’sang tout comm’ de vin
Et j’m’acharnais à la tuerie.

Donc, un’ fois, on m’amène un’ vache
Ben qu’âgée encor forte en lait,
Noire et blanche, et voilà qu’em’ plaît,
Que j’la conserve et que j m’yattache.

J’la soignais si tell’ment la vieille
Que m’voir la faisait s’déranger
D’ses song’ et mêm’ de son manger,
Qu’elle en dod’linait des oreilles ;

Quand em’rencontrait, tout’ follette,
Ben vite, elle obliquait d’son ch’min
Pour venir me râper la main
Avec sa lang’ bleue et violette ;

Mes aut’ vach’ en étaient jalouses
Lorsque mes ongl’ y grattaient l’flanc
Ou qu’ent’ ses corn’ noir’ au bout blanc
J’y chatouillais l’front sur les p’louses.

Mais un jour, un’ mauvaise affaire
Veut qu’ell’ tombe, y voyant pas fin,
À pic, sus l’talus d’un ravin,
Et qu’es’ casse un’ patt’ ! Quoi en faire ?...

Ell’ pouvait ben marcher sur quatre
Mais sur trois... yavait plus moyen !
Mêm’ pour elle, il le fallait ben ;
Ell’ souffrait : valait mieux l’abattre !

Pour vous en finir, je l’emmène...
J’avais renvoyé ceux d’chez nous.
Mais, v’là qu’ell’ tomb’ sur les deux g’noux,
Avec des yeux d’figure humaine.

Bon Dieu ! j’prends mon maillet sur l’heure,
J’vis’ mon coup, et j’allais l’lâcher...
Quand j’vois la vach’ qui vient m’lécher
En mêm’ temps q’ses deux gros yeux pleurent.

L’maillet fut bentôt sur la table,
J’app’lai tous mes gens et j’leur dis :
Faut pas la tuer ! j’serions maudits !
Et j’fus la r’conduire à l’étable.

La vache ? un r’bou’teux l’a guérie.
À la maison j’yai fait un sort,
Elle y mourra de sa bonn’ mort,
Et, moi, j’f’rai plus jamais d’bouch’rie. »

— La vieille dit : « Vlà c’que ça prouve :
C’est q’chez l’âm’ des plus cruell’ gens,
Dans les métiers les plus méchants,
Tôt ou tard la pitié se r’trouve.

Crois-moi ! c’te chos’ ? tu n’l’as pas vue,
Quand mêm’ que tu peux l’certifier.
C’est ton bon cœur qui fut l’sorcier,
C’est lui qui t’donna la berlue.

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Alfred de Musset

A Madame M...

Vous m'envoyez, belle Emilie,
Un poulet bien emmailloté;
Votre main discrète et polie
L'a soigneusement cacheté.
Mais l'aumône est un peu légère,
Et malgré sa dextérité,
Cette main est bien ménagère
Dans ses actes de charité.
C'est regarder à la dépense
Si votre offrande est un paiement,
Et si c'est une récompense,
Vous n'aviez pas besoin d'argent.
A l'avenir, belle Emilie,
Si votre coeur est généreux,
Aux pauvres gens, je vous en prie
Faites l'aumône avec vos yeux.
Quand vous trouverez le mérite,
Et quand vous voudrez le payer,
Souvenez-vous de Marguerite
Et du poète Alain Chartier
Il était bien laid, dit l'histoire,
La dame était fille de roi;
Je suis bien obligé de croire
Qu'il faisait mieux les vers que moi.
Mais si ma plume est peu de chose,
Mon coeur, hélas! ne vaut pas mieux;
Fût-ce même pour de la prose
Vos cadeaux sont trop dangereux.
Que votre charité timide
Garde son argent et son or,
Car en ouvrant votre main vide
Vous pouvez donner un trésor.

poésie de Alfred de MussetSignalez un problèmeDes citations similaires
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Du mouron pour les p'tits oiseaux

Grand'mère, fillette et garçon
Chantent tour à tour la chanson.
Tous trois s'en vont levant la tête:
La vieille à la jaune binette,
Les enfants aux roses museaux.
Que la voix soit rude ou jolie,
L'air est plein de mélancolie:
Du mouron pour les p'tits oiseaux!

Le mouron vert est ramassé
Dans la haie et dans le fossé.
Au bout de sa tige qui bouge
La fleur bonne est blanche et non rouge.
Il sent la verdure et les eaux;
Il sent les champs et l'azur libre
Où l'alouette vole et vibre.
Du mouron pour les p'tits oiseaux!

C'est ce matin avant le jour
Que la vieille a fait son grand tour.
Elle a marché deux ou trois lieues
Hors du faubourg, dans les banlieues,
Jusqu'à Clamart ou jusqu'à Sceaux.
Elle est bien lasse sous sa hotte !
Et l'on ne vend qu'un sou la botte
Du mouron pour les p'tits oiseaux!

Les petits trouvant le temps long
Traînent en allant leur talon.
La soeur fait la grimace au frère
Qui, sans la voir, pour se distraire,
Trempe ses pieds dans les ruisseaux,
Tandis qu'au cinquième peut-être
On demande par la fenêtre
Du mouron pour les p'tits oiseaux!

Mais la grand'mère a vu cela.
Un sou par-ci, deux sous par-là!
C'est elle encor, la pauvre vieille,
Qui le mieux des trois tend l'oreille,
Et dont les jambes en fuseaux,
Quand à monter quelqu'un l'invite,
Savent apporter le plus vite
Du mouron pour les p'tits oiseaux!

Un sou par-là, deux sous par-ci!
La bonne femme dit merci.
C'est avec les gros sous de cuivre
Que l'on achète de quoi vivre,
Et qu'elle, la peau sur les os,
Peut donner, à l'heure où l'on dîne,
A son bambin, à sa bambine,
Du mouron pour les p'tits oiseaux!

poésie de Jean RichepinSignalez un problèmeDes citations similaires
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Le Soliloque de Troppman

Enfin débarrassé du père
Et du grand fils, — vœux triomphants !
J’allais donc en certain repaire
Tuer la mère et les enfants !

Je fus les attendre à la gare,
Dans la nuit froide, sans manteau ;
J’avais à la bouche un cigare
Et dans ma poche un long couteau.

Tout entier au plan du massacre,
Si pesé dès qu’il fut éclos,
Je m’étais muni d’un grand fiacre
D’une couleur sombre et bien clos.

Sur les coussins, calme, sans fièvre,
Je me vautrais comme un Sultan ;
Je devais avoir sur la lèvre
Le froid sourire de Satan !

Je sais que plein de convoitise
Je ricanais, tout en songeant
Que pour huit morts, — une bêtise ! —
J’allais avoir beaucoup d’argent.

Je pensais : « Destin ! tu me pousses
« Au forfait le plus inouï ;
« Mais, puisque j’ai d’ignobles pouces
« Et pas de cœur, je réponds : Oui !

« Le train du Nord me les apporte.
« Et moi, l’homme aux projets hideux,
« Mystérieux comme un cloporte,
« Je me voiture au-devant d’eux :

« Pour les saigner comme des bêtes,
« Pour les pétrir, les étrangler,
« Pour fendre et bossuer leurs têtes,
« Sans qu’ils aient le temps de beugler ! »

J’arrivai : la gare était pleine
De bruit et de monde. — À minuit,
Je pourrais combler dans la plaine
Un grand trou bâillant à la nuit !

Je lorgnais des filles charnues,
Froidement, comme un gentleman,
Lorsque soudain des voix connues
S’écrièrent : « Voilà Troppmann ! »

Et tous, la mère et la marmaille
Me couvrirent de baisers gras !
C’était fait ! Ma dernière maille
Se nouait enfin dans leurs bras !


II

Nous roulions ! Pour que mes victimes
Eussent foi dans ma loyauté,
J’abritais mes pensers intimes
Derrière ma loquacité.

Les tout petits dormaient candides
Sur mes genoux, dur matelas.
Je frôlais de mes doigts sordides
Le manche de mon coutelas.

Bercés par de féeriques songes,
Ils dormaient ; et moi, le damné,
Je rassurais par des mensonges
La femme de l’empoisonné.

Lutterait-elle, cette sainte ?
Je l’épiai sournoisement :
— Quelle chance ! Elle était enceinte !
J’eus un joyeux tressaillement.

« Je la tuerai, quoi qu’elle fasse,
Sans trop d’efforts bien essoufflants,
D’un coup de couteau dans la face
Et d’un coup de pied dans les flancs ! »

Puis, mes rêves gaîment féroces
M’emportaient sur les paquebots !
Et le cocher fouettait ses rosses
Qui trottinaient à pleins sabots.


III

La banlieue avait clos ses bouges.
Vers Paris tout au loin brillaient
Des milliers de petits points rouges,
Et parfois les chiens aboyaient.

Les usines abandonnées
Dressaient lugubrement dans l’air
Leurs gigantesques cheminées
Toutes noires sous le ciel clair.

De sa lueur de nacre et d’ambre,
Comme un prodigieux fanal,
La froide lune de septembre
Illuminait ce bourg banal,

Que moi, le vomi des abîmes,
L’ami perfide et venimeux,
Par le plus monstrueux des crimes
J’allais rendre à jamais fameux !

Nous étions rendus ; le champ morne
À deux pas de nous sommeillait ;
Leur vie atteignait donc sa borne !
Et pourtant, j’étais inquiet.

Refuseraient-ils de me suivre,
Avertis par de noirs frissons ?
Le cocher, bien qu’aux trois quarts ivre,
Aurait-il enfin des soupçons ?

Mais non : j’avais l’air doux, en somme.
Et sans terreur, sans cauchemar,
Grillant d’embrasser son cher homme,
La mère descendit du char,

Prit par la main, d’un geste tendre,
Sa fillette et son plus petit,
Dit aux autres de nous attendre,
Les embrassa ; puis, l'on partit.

IV

Elle allait portant sa fillette,
Ses petits bras autour du cou ;
Elle n’était pas inquiète :
Lorsque je bondis tout à coup !

Mon attaque fut si soudaine,
Qu’elle ne vit pas l’assassin :
Je lui piétinai la bedaine
Et je lui tailladai le sein ;

Puis, me ruant sur chaque mioche,
Près de leur mère qui râlait,
Je les couchai d’un coup de pioche :
Plus que trois ! Comme ça filait !

Ils m’attendaient dans la voiture.
« Venez, leur dis-je, me voici ;
Votre mère est à la torture
En vous sachant tout seuls ici. »

Alors, minute solennelle,
Admirablement papelard,
D’une main presque maternelle,
Je mis à chacun un foulard.

À peine le cocher stupide
Était-il parti, qu’aussitôt,
Vertigineusement rapide,
Je les assaillis sans couteau.

Sur leurs trois cous je vins m’abattre,
Horriblement je les sanglai ;
Ils se tordirent comme quatre,
Mais en vain : je les étranglai !

Alors du poitrail de la vieille
J’arrachai mon eustache, et fou,
Pris d’une rage sans pareille,
Je les frappai sans savoir où.

Je frappais, comme un boucher ivre,
À tour de bras, m’éclaboussant,
Moi, le froid manieur de cuivre,
De lambeaux de chair et de sang !

Mon couteau siffla dans leurs râles,
Et mon pesant pic de goujat
Défigura ces faces pâles
Où le sang se caillait déjà,

Puis, sous le ciel, au clair de lune,
Avec mes outils ébréchés,
Je fis sauter, l'une après l'une,
Les cervelles des six hachés !

C’était si mou sous ma semelle
Que j’en fus écœuré : j’enfouis,
Morts ou non, tassés, pêle-mêle,
Ces malheureux, et je m’enfuis !


V

Enfin ! Je les tenais, les sommes !
Tous les huit, morts ! C’était parfait !
J’allais vivre, estimé des hommes,
Avec le gain de mon forfait.

Eh bien, non ! Satan mon compère
M’a lâchement abandonné.
Je rêvais l’avenir prospère :
Je vais être guillotiné.

J’allais jeter blouse et casquette,
Je voulais être comme il faut !
Demain matin, à la Roquette,
On me rase pour l'échafaud.

Je me drapais dans le mystère
Avec mon or et mes papiers :
Dans vingt-quatre heures, l'on m’enterre
Avec ma tête entre mes pieds.

Eh bien, soit ! À la rouge Veuve
Mon cou va donner un banquet ;
Mon sang va couler comme un fleuve,
Dans l’abominable baquet ;

Qu’importe ! Jusqu’à leur machine,
J’irai crâne, sans tombereau ;
Mais avant de plier l’échine,
Je mordrai la main du bourreau !

Et maintenant, croulez, ténèbres !
Troppmann en ricanant se dit
Que parmi les tueurs célèbres,
Lui seul sera le grand maudit !

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La Cendre

De la sorte — parlant par la voix du Curé
La cendre de l’âtre interpelle
La chambrière antique à l’air dur et madré
Qui vient la prendre avec sa pelle :

« Épargne-moi donc, bonne vieille !
Ne va pas encore me noyer,
Laisse-moi dans ce grand foyer
Où si doucement je sommeille.

Tu ne verras pas rougeoyer
Toujours la lumière vermeille.
En terre obscure, à poudroyer,
Un jour, tu seras ma pareille.

Voici que ton âge succombe ;
Nous allons être sœurs ainsi :
Moi, je serai poussière ici,
Et toi, poussière dans la tombe. »

La vieille qui croit plus encor
À l’existence qu’à la mort,
Lui répond, tremblante et poussive :

« Poussière et cend’ ? tant q’tu voudras
Quand je n’blanchirai plus mes draps...
En attendant, fais ma lessive !

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La Toiture en ardoises

La vieille toiture en ardoises
Étincelle dès le matin
Sur le coteau qui sent le thym
Et qui plaît aux chèvres narquoises.

Au temps des vipères sournoises,
Et jusqu’après la Saint-Martin,
La vieille toiture en ardoises
Étincelle dès le matin.

Et dans la saison des framboises,
On voit luire au fond du lointain,
Avec l'éclair noir du satin
Et le reflet bleu des turquoises,
La vieille toiture en ardoises.

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La Vie en Rose

Des yeux qui font baiser les miens,
Un rire qui se perd sur sa bouche,
Voila le portrait sans retouche
De l'homme auquel j'appartiens

Quand il me prend dans ses bras
Il me parle tout bas,
Je vois la vie en rose.

Il me dit des mots d'amour,
Des mots de tous les jours,
Et ca me fait quelque chose.

Il est entre dans mon coeur
Une part de bonheur
Dont je connais la cause.

C'est lui pour moi. Moi pour lui
Dans la vie,
Il me l'a dit, l'a jure pour la vie.

Et des que je l'apercois
Alors je sens en moi
Mon coeur qui bat

Des nuits d'amour a ne plus en finir
Un grand bonheur qui prend sa place
Des enuis des chagrins, des phases
Heureux, heureux a en mourir.

Quand il me prend dans ses bras
Il me parle tout bas,
Je vois la vie en rose.

Il me dit des mots d'amour,
Des mots de tous les jours,
Et ca me fait quelque chose.

Il est entre dans mon coeur
Une part de bonheur
Dont je connais la cause.

C'est toi pour moi. Moi pour toi
Dans la vie,
Il me l'a dit, l'a jure pour la vie.

Et des que je l'apercois
Alors je sens en moi
Mon coeur qui bat

chanson interprété par Edith PiafSignalez un problèmeDes citations similaires
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Gendre et belle-mère

Jean était un franc débonnaire,
Jovial d’allure et de ton,
Égayant toujours d’un fredon
Son dur travail de mercenaire.

Soucis réels, imaginaires,
Aucuns n’avaient mis leur bridon
À son cœur pur dont l’abandon
Était le besoin ordinaire.

Je le retrouve : lèvre amère !
Ayant dans ses yeux de mouton
Un regard de loup sans pardon...
Quelle angoisse ? quelle chimère ?
Quelle mauvaise fée a donc
Changé ce gars ? Sa belle-mère !


II

Il n’aurait pas connu la haine
Sans la vieille au parler bénin
Qui d’un air cafard de nonnain
L’affligeait et raillait sa peine.

Il avait la bonté sereine
Et l’apitoiement féminin.
Il n’aurait pas connu la haine
Sans la vieille au parler bénin.

Aujourd’hui, la rage le mène.
Pour mordre, il a le croc canin
Et son fiel riposte au venin.
Non ! sans cette araignée humaine,
Il n’aurait pas connu la haine !


III

Il devint fou. Comme un bandit,
Il vivait seul dans un repaire,
Âme et corps ; gendre, époux et père,
Se croyant à jamais maudit.

Tant et si bien que, s’étant dit
Qu’il n’avait qu’une chose à faire :
Assassiner sa belle-mère
Ou se tuer ? — il se pendit !

— Au sourd roulement du tonnerre
Que toujours plus l’orage ourdit,
Son corps décomposé froidit,
Veillé par un spectre sévère :
Encor, toujours, sa belle-mère !


IV

La belle-mère se délecte
Au chevet de son gendre mort,
Et le ricanement se tord
Sur sa figure circonspecte.

Avec ses piqûres d’insecte
Elle a tué cet homme fort.
La belle-mère se délecte
Au chevet de son gendre mort.

Sitôt qu’on vient, son œil s’humecte,
Elle accuse et maudit le sort !
Mais, elle sourit dès qu’on sort…
Et, lorgnant sa victime infecte,
La belle-mère se délecte.


V

Enterré, le soir, sans attendre,
Sur sa tombe elle est à genoux
Voilà ce qu’en son tertre roux
La croix de bois blanc peut entendre

« Enfin ! J’viens donc d’t’y voir descendre
Dans tes six pieds d’terr’ ! t’es dans l’t’rou.
C’te fois, t’es ben parti d’cheux nous,
Et tu n’as plus rin à prétendre.

Rêv’ pas d’moi, fais des sommeils doux,
Jusqu’à temps q’la mort vienn’ me prendre,
Alors, j’s’rai ta voisin’ d’en d’sous,
J’manq’rai pas d’tourmenter ta cendre...
L’plus tard possible ! au r’voir, mon gendre.

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Le Grand Cercueil

Il pleuvasse avec du tonnerre...
Il est déjà tard… quand on voit
Dans le bourg entrer le convoi
De la défunte octogénaire.

La clarté du jour s’est enfuie.
Tristement, la voiture à bœufs
A repris son chemin bourbeux :
Le cercueil attend sous la pluie.

Un lent tintement qui vous glace
Dégoutte morne du clocher :
Voici tout le monde marcher
Vers la grande croix de la place,

Quand il s’approche de la pierre
Pour lever le corps, le curé,
Tout en chantant, reste effaré
Par l’énormité de la bière.

Certe ! avec ses planches massives,
Espèces de forts madriers
Crevassés, noueux, mal taillés,
Qui remplaceraient des solives,

Elle apparaît si gigantesque
En épaisseur, en large, en long,
Si haute, d’un tel poids de plomb,
Qu’à la voir on en frémit presque.

Elle s’étale sans pareille,
D’autant plus démesurément
Qu’elle renferme seulement
Un mince cadavre de vieille.

L’immense couvercle en dos d’âne
A l’air aussi grand que les toits ;
Le drap trop court montre son bois
Roux et jaune comme un vieux crâne.

Et tandis que d’une aigre sorte
Les enfants de chœur vont hurlant,
Le prêtre est là, se rappelant
Les dimensions de la morte.

« Qu’avait-elle ? cinq pieds, à peine !
C’était maigre et gros comme rien !
Un seul corps pour ça qui peut bien
En contenir une douzaine !

En a-t il fallu de la paille !
Aura-t-on dû l’empaqueter
Pour l’empêcher de ballotter
Comme un grain dans une futaille !

Quel menuisier ! ça tient du songe !
Il doit sûrement celui-ci
Avoir le regard qui grossit,
Et dans sa main le mètre allonge ! »

Les porteurs pliant sous leur charge,
En nombre, comme de raison,
Semblent traîner une maison.
Le brancard est bien long et large,

Mais, il est usé ! quoi qu’on dise,
Puisque, hélas ! le monstre ligneux
Croule avec un bruit caverneux,
Juste en pénétrant dans l’église.

C’est un bras du brancard qui casse...
On hisse l’effrayant cercueil
Sur l’estrade — et les chants de deuil
Sont bâclés sous la voûte basse.

Puis, les cloches vont à volées...
À la montée, oh ! que c’est dur
Et long ! — Enfin ! voici le mur
Que dépassent les mausolées.

Le chantre mêle sa voix fausse
Au bruit sourd des pas recueillis.
Debout, s’offre aux yeux ébahis
Le vieux sacristain dans la fosse.

L’ombre vient. Personne ne bouge.
L’homme surmène, haletant,
Ses deux outils où par instant
Le soleil met un reflet rouge

Brusque, le curé l’interpelle :
« Eh bien ! y sommes-nous ? » Et lui
Quitte la fosse avec ennui
En poussant sa pioche et sa pelle.

Le gouffre baille son mystère :
Mais, le cercueil n’y glisse pas.
« Je m’en doutais ! » grogne tout bas
Le sacristain qui rentre en terre.

Il remonte. On reprend la boîte
Qu’on ajuste du mieux qu’on peut.
Mais, il s’en faut toujours un peu :
La tombe est encore trop étroite.

De nouveau, la pioche luisante
Descend l’élargir. Cette fois,
Le cercueil y coule à plein bois
En même temps qu’on l’y présente.

Au bord du trou, qui s’enténèbre.
Un vieux qui tient le goupillon
Émet cette réflexion
En guise d’oraison funèbre :

« Elle a bien mérité sa fosse !
C’est égal ! tout d’même, elle était
Trop p’tit’ quand elle existait
Pour faire une morte aussi grosse ! »

Et, sous sa chape très ancienne,
Haut, solennel, — l’officiant
S’en revient en s’apitoyant
Sur sa défunte paroissienne :

« L’infortune l’a poursuivie !...
« Pauvre cadavre enguignonné !...
« Tout pour elle aura mal tourné,
« Dans la mort comme dans la vie !

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Sur une croix

Dans ce pays lugubre et si loin de la foule,
Un cimetière d’autrefois,
Bien souvent m’attirait avec sa grande croix
Dont la tête et les bras se terminaient en boule.

Or, fin d’automne, un soir que tout était plongé
Dans une mourante lumière,
Je m’arrêtai pour voir la croix du cimetière...
Qu’avait-elle donc de changé ?

De façon peu sensible et pourtant singulière,
Son sommet s’était allongé.
Et, curieusement, saisi, le sang figé,
Immobile comme une pierre,
Vers elle je tenais tendus l’œil et le cou,
Lorsqu’un chat-huant tout à coup
Vint à s’envoler de sa cime !
Et, j’en eus le frisson intime :
Cette bête incarnait l’âme d’un mauvais mort
Sur le haut de la croix méditant son remord.

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Le petit lièvre

Brusque, avec un frisson
De frayeur et de fièvre,
On voit le petit lièvre
S'échapper du buisson.
Ni mouche ni pinson ;
Ni pâtre avec sa chèvre,
La chanson
Sur la lèvre.

Tremblant au moindre accroc,
La barbe hérissée
Et l'oreille dressée,
Le timide levraut
Part et se risque au trot,
Car l'aube nuancée
N'est pas trop
Avancée.

N'entend-il pas quelqu'un ?
Non ! ce n'est que la brise
Qui caresse et qui grise
Son petit corps à jeun.
Et dans le taillis brun
Le fou s'aromatise
Au parfum
Du cytise.

Dans le matin pâlot,
Leste et troussant sa queue,
Il fait plus d'une lieue
D'un seul trait, au galop.
Il s'arrête au solo
Du joli hoche-queue,
Près de l'eau
Verte et bleue.

Terrains mous, terrains durs,
En tout lieu son pied trotte :
Et poudreux, plein de crotte,
Ce rôdeur des blés mûrs
Hante les trous obscurs
Où la source chevrote,
Les vieux murs
Et la grotte.

L'aube suspend ses pleurs
Au treillis des barrières,
Et sur l'eau des carrières
Fait flotter ses couleurs.
Et les bois roucouleurs,
L'herbe des fondrières
Et les fleurs
Des clairières,

L'if qui se rabougrit,
Le roc vêtu d'ouate
Où le genêt s'emboîte,
La forêt qui maigrit,
La mare qui tarit,
L'ornière creuse et moite :
Tout sourit
Et miroite.

Et dans le champ vermeil
Où s'épuise la sève,
Le lièvre blotti rêve
D'un laurier sans pareil ;
Et toujours en éveil
Il renifle sans trêve
Au soleil
Qui se lève.

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Krishnamurti

Si vous n'avez aucune relation avec la nature alors vous n'aurez pas de relation avec l'homme. Les champs, les forêts, les rivières, les arbres, toutes les merveilles et beautés de la terre, c'est la Nature. Si cela ne vous dit rien alors nous ne pourrons jamais avoir de relation les uns avec les autres.

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Tu t'abuses, Belleau, si pour être savant

Tu t'abuses, Belleau, si pour être savant,
Savant et vertueux, tu penses qu'on te prise :
Il faut (comme l'on dit) être homme d'entreprise,
Si tu veux qu'à la cour on te pousse en avant.

Ces beaux noms de vertu, ce n'est rien que du vent.
Donques, si tu es sage, embrasse la feintise,
L'ignorance, l'envie, avec la convoitise :
Par ces arts jusqu'au ciel on monte bien souvent.

La science à la table est des seigneurs prisée,
Mais en chambre, Belleau, elle sert de risée :
Garde, si tu m'en crois, d'en acquérir le bruit.

L'homme trop vertueux déplaît au populaire :
Et n'est-il pas bien fol, qui, s'efforçant de plaire,
Se mêle d'un métier que tour le monde fuit ?

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Ballade du vieux baudet

En automne, à cette heure où le soir triomphant
Inonde à flots muets la campagne amaigrie,
Rien ne m’amusait plus, lorsque j’étais enfant,
Que d’aller chercher l’âne au fond d’une prairie
Et de le ramener jusqu’à son écurie.
En vain le vieux baudet sentait ses dents jaunir,
Ses sabots s’écailler, sa peau se racornir :
À ma vue il songeait aux galops de la veille,
Et parmi les chardons commençant à brunir
Il se mettait à braire et redressait l’oreille.

Alors je l’enfourchais et ma blouse en bouffant
Claquait comme un drapeau dans la bise en furie
Qui, par les chemins creux, tantôt m’ébouriffant,
Tantôt me suffoquant sous la nue assombrie,
Déchaînait contre moi toute sa soufflerie.
Quel train ! Parfois ayant grand’ peine à me tenir,
J’aurais voulu descendre ou pouvoir aplanir
Ses reins coupants et d’une âpreté sans pareille ;
Mais lui, fier d’un jarret qui semblait rajeunir,
Il se mettait à braire et redressait l’oreille.

Nous allions ventre à terre, et l’églantier griffant,
Les ajoncs, les genêts, la hutte rabougrie,
Les mètres de cailloux, le chêne qui se fend,
La ruine, le roc, la barrière pourrie
Passaient et s’enfuyaient comme une songerie.
Et puis nous approchions : plus qu’un trot à fournir !
Dans l’ombre où tout venait se confondre et s’unir,
L’âne flairait l’étable avec son mur à treille,
Et sachant que sa course allait bientôt finir,
Il se mettait à braire et redressait l’oreille.

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Le Maquignon

Ballonné de partout, englouti par la graisse
Se façonnant en plis, fanons et bourrelets,
Il portait gai, pesant ses trois cents bien complets,
Le vineux monument de sa personne épaisse.

Court, nez plat, petit œil encor rapetissé,
Lobe d’oreille monstre, un teint violacé,
Et, bossuant sa blouse, un vrai poinçon pour ventre :
Tel était ce Merlot, maquignon, ancien chantre.

C’est lui qui me disait : « P’t’êt’ à part les verrats,
Si boudinés mastoc qu’on n’leur voit pas la tête,
Sans m’êt’ mis à l’engrais, c’est toujours moi l’plus gras
Comm’ le mieux arrondi d’mes bêtes !

Mais, c’est trop d’lard tout d’mêm’ ! Ça m’en rend estropié :
Mes bras r’tirés, plus d’cou, ma pans’ cachant mes pieds,
C’est plus un homm’ que j’suis ! je m’figure être une boule !
Et que je n’march’ plus, mais que j’roule !

Bah ! j’suis l’plus fin dans ma gross’ taille.
Avec moi les malins fil’ doux.
L’maigre est mis d’dans par le saindoux,
Comm’ le baril par la futaille.

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Ma Vieille Canne

Ma vieille canne au bout ferré,
Tu supportes ma lassitude !
Avec toi, pas d’inquiétude
Où que mon pied soit empêtré !

Quand, pâle comme un déterré,
Je marche dans la solitude,
Ma vieille canne au bout ferré,
Tu supportes ma lassitude.

Aussi longtemps que je vivrai,
À toi ma franche gratitude !
Si pleine de sollicitude,
Tu guides mon pas effaré,
Ma vieille canne au bout ferré

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