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Dessus un mont une flamme allumée

Dessus un mont une flamme allumée
A triple pointe ondoyait vers les cieux,
Qui de l'encens d'un cèdre précieux
Parfumait l'air d'une odeur embaumée.

D'un blanc oiseau l'aile bien emplumée
Semblait voler jusqu'au séjour des dieux,
Et dégoisant un chant mélodieux
Montait au ciel avecques la fumée.

De ce beau feu les rayons écartés
Lançaient partout mille et mille clartés,
Quand le dégout d'une pluie dorée

Le vint éteindre. O triste changement!
Ce qui sentait si bon premièrement
Fut corrompu d'une odeur sulfurée.

poésie de Joachim du BellaySignalez un problèmeDes citations similaires
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Charles Baudelaire

Élévation

u-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,

Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde,
Tu sillonnes gaiement l'immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.

Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides ;
Va te purifier dans l'air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.

Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lumineux et sereins ;

Celui dont les pensers, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
- Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes !

poésie de Charles Baudelaire de Les Fleurs du mal (1857)Signalez un problèmeDes citations similaires
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Tant que l'oiseau de Jupiter vola,

Tant que l'oiseau de Jupiter vola,
Portant le feu dont le ciel nous menace,
Le ciel n'eut peur de l'effroyable audace
Qui des Géants le courage affola :

Mais aussitôt que le Soleil brûla
L'aile qui trop se fit la terre basse,
La terre mit hors de sa lourde masse
L'antique horreur qui le droit viola.

Alors on vit la corneille germaine
Se déguisant feindre l'aigle romaine,
Et vers le ciel s'élever derechef

Ces braves monts autrefois mis en poudre,
Ne voyant plus voler dessus leur chef
Ce grand oiseau ministre de la foudre.

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Comme l'on voit de loin sur la mer courroucée

Comme l'on voit de loin sur la mer courroucée
Une montagne d'eau d'un grand branle ondoyant,
Puis traînant mille flots, d'un gros choc aboyant
Se crever contre un roc, où le vent l'a poussée :

Comme on voit la fureur par l'Aquilon chassée
D'un sifflement aigu l'orage tournoyant,
Puis d'une aile plus large en l'air s'esbanoyant
Arrêter tout à coup sa carrière lassée :

Et comme on voit la flamme ondoyant en cent lieux
Se rassemblant en un, s'aiguiser vers les cieux,
Puis tomber languissante : ainsi parmi le monde

Erra la monarchie : et croissant tout ainsi
Qu'un flot, qu'un vent, qu'un feu, sa course vagabonde
Par un arrêt fatal s'est venue perdre ici.

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Sur la rive d'un fleuve une nymphe éplorée,

ur la rive d'un fleuve une nymphe éplorée,
Croisant les bras au ciel avec mille sanglots,
Accordait cette plainte au murmure des flots,
Outrageant son beau teint et sa tresse dorée :

Las, où est maintenant cette face honorée,
Où est cette grandeur et cet antique los,
Où tout l'heur et l'honneur du monde fut enclos,
Quand des hommes j'étais et des dieux adorée ?

N'était-ce pas assez que le discord mutin
M'eût fait de tout le monde un publique butin,
Si cet hydre nouveau, digne de cent Hercules,

Foisonnant en sept chefs de vices monstrueux
Ne m'engendrait encore à ces bords tortueux
Tant de cruels Nérons et tant de Caligules ?

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Je vis l'oiseau qui le soleil contemple

Je vis l'oiseau qui le soleil contemple
D'un faible vol au ciel s'aventurer,
Et peu à peu ses ailes assurer,
Suivant encor le maternel exemple.

Je le vis croître, et d'un voler plus ample
Des plus hauts monts la hauteur mesurer,
Percer la nue, et ses ailes tirer
Jusqu'au lieu où des dieux est le temple.

Là se perdit : puis soudain je l'ai vu
Rouant par l'air en tourbillon de feu,
Tout enflammé sur la plaine descendre.

Je vis son corps en poudre tout réduit,
Et vis l'oiseau, qui la lumière fuit,
Comme un vermet renaître de sa cendre

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Mars, vergogneux d'avoir donné tant d'heur

Mars, vergogneux d'avoir donné tant d'heur
A ses neveux que l'impuissance humaine
Enorgueillie en l'audace romaine
Semblait fouler la céleste grandeur,

Refroidissant cette première ardeur,
Dont le Romain avait l'âme si pleine,
Souffla son feu, et d'une ardente haleine
Vint échauffer la gothique froideur.

Ce peuple adonc, nouveau fils de la Terre,
Dardant partout les foudres de la guerre,
Ces braves murs accabla sous sa main,

Puis se perdit dans le sein de sa mère,
Afin que nul, fût-ce des dieux le père,
Se pût vanter de l'empire romain.

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La Pipe

Quand l’uniformité m’écœure,
Dans la rue ou dans la maison,
Que de fois pour nuager l’heure
Je savoure ton cher poison !

Ô ma coupe de nicotine,
Mon regard jubile en suivant
Ta fumée errante et lutine
Comme l’onde et comme le vent !

Quel doux philtre dans ces bouffées
Que j’aspire par ton cou noir !
Seul avec toi, je vois des fées
Dansant au sommet d’un manoir.

Humant ton odeur tabagique
Plus subtile que des parfums,
Au milieu d’un rêve magique,
J’évoque mes amis défunts ;

Et ma spectrale bien-aimée,
Avec son regard alarmant,
Sur tes spirales de fumée
Flotte mystérieusement.

Ton brouillard est l’escarpolette
Qui berce mes jours et mes nuits ;
Tu chasses comme une amulette
Mes cauchemars et mes ennuis.

Et je cuis mon dégoût du monde
Dans ton fourneau large et profond :
Je trouve l’homme moins immonde
En te fumant, l’œil au plafond.

Tu montres à ma fantaisie
Qui s’enveloppe d’un linceul,
Des horizons de poésie
Où le vers s’ébauche tout seul ;

Et pour moi ta saveur bénie,
Délicieuse d’âcreté,
Conserve en sa monotonie
Une éternelle nouveauté !

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Si fruits, raisins et blés, et autres telles choses

Si fruits, raisins et blés, et autres telles choses,
Ont leur tronc, et leur cep, et leur semence aussi,
Et s'on voit au retour du printemps adouci
Naître de toutes parts violettes et roses :

Ni fruits, raisins, ni blés, ni fleurettes décloses
Sortiront, viateur, du corps qui gît ici :
Aulx, oignons, et porreaux, et ce qui fleure ainsi,
Auront ici dessous leurs semences encloses.

Toi donc, qui de l'encens et du baume n'as point,
Si du grand Jules tiers quelque regret te point,
Parfume son tombeau de telle odeur choisie :

Puisque son corps, qui fut jadis égal aux dieux,
Se soulait* paître ici de tels mets précieux,
Comme au ciel Jupiter se paît de l'ambroisie.

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En mille crespillons les cheveux se friser,

En mille crespillons les cheveux se friser,
Se pincer les sourcils, et d'une odeur choisie
Parfumer haut et bas sa charnure moisie,
Et de blanc et vermeil sa face déguiser :

Aller de nuit en masque, en masque deviser,
Se feindre à tous propos être d'amour saisie,
Siffler toute la nuit par une jalousie,
Et par martel de l'un, l'autre favoriser :

Baller, chanter, sonner, folâtrer dans la couche,
Avoir le plus souvent deux langues en la bouche,
Des courtisanes sont les ordinaires jeux.

Mais quel besoin est-il que je te les enseigne ?
Si tu les veux savoir, Gordes, et si tu veux
En savoir plus encor, demande à la Chassaigne.

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Comme le marinier, que le cruel orage

Comme le marinier, que le cruel orage
A longtemps agité dessus la haute mer,
Ayant finalement à force de ramer
Garanti son vaisseau du danger du naufrage,

Regarde sur le port, sans plus craindre la rage
Des vagues ni des vents, les ondes écumer ;
Et quelqu'autre bien loin, au danger d'abîmer,
En vain tendre les mains vers le front du rivage :

Ainsi, mon cher Morel, sur le port arrêté,
Tu regardes la mer, et vois en sûreté
De mille tourbillons son onde renversée :

Tu la vois jusqu'au ciel s'élever bien souvent,
Et vois ton Du Bellay à la merci du vent
Assis au gouvernail dans une nef percée,

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Sully Prudhomme

Le Cygne

Sans bruit, sous le miroir des lacs profonds et calmes,
Le cygne chasse l’onde avec ses larges palmes,
Et glisse. Le duvet de ses flancs est pareil
A des neiges d’avril qui croulent au soleil ;
Mais, ferme et d’un blanc mat, vibrant sous le zéphire,
Sa grande aile l’entraîne ainsi qu’un lent navire.
Il dresse son beau col au-dessus des roseaux,
Le plonge, le promène allongé sur les eaux,
Le courbe gracieux comme un profil d’acanthe,
Et cache son bec noir dans sa gorge éclatante.
Tantôt le long des pins, séjour d’ombre et de paix,
Il serpente, et laissant les herbages épais
Traîner derrière lui comme une chevelure,
Il va d’une tardive et languissante allure ;
La grotte où le poète écoute ce qu’il sent,
Et la source qui pleure un éternel absent,
Lui plaisent : il y rôde ; une feuille de saule
En silence tombée effleure son épaule ;
Tantôt il pousse au large, et, loin du bois obscur,
Superbe, gouvernant du côté de l’azur,
Il choisit, pour fêter sa blancheur qu’il admire,
La place éblouissante où le soleil se mire.
Puis, quand les bords de l’eau ne se distinguent plus,
A l’heure où toute forme est un spectre confus,
Où l’horizon brunit, rayé d’un long trait rouge,
Alors que pas un jonc, pas un glaïeul ne bouge,
Que les rainettes font dans l’air serein leur bruit
Et que la luciole au clair de lune luit,
L’oiseau, dans le lac sombre, où sous lui se reflète
La splendeur d’une nuit lactée et violette,
Comme un vase d’argent parmi des diamants,
Dort, la tête sous l’aile, entre deux firmaments.

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Sur la croupe d'un mont je vis une fabrique

Sur la croupe d'un mont je vis une fabrique
De cent brasses de haut : cent colonnes d'un rond
Toutes de diamant ornaient le brave front :
Et la façon de l'oeuvre était à la dorique.

La muraille n'était de marbre ni de brique
Mais d'un luisant cristal, qui du sommet au fond
Elançait mille rais de son ventre profond
Sur cent degrés dorés du plus fin or d'Afrique.

D'or était le lambris, et le sommet encor
Reluisait écaillé de grandes lames d'or :
Le pavé fut de jaspe et d'émeraude fine.

O vanité du monde ! un soudain tremblement
Faisant crouler du mont la plus basse racine,
Renversa ce beau lieu depuis le fondement.

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Les Grives

Dans la vigne escarpée où maint pommier sauvage
Crispe sur l’horizon ses bras tors et rugueux,
Elles viennent s'abattre avec des vols fougueux,
Cherchant la solitude et le friand breuvage.

Or, sachant qu’avant peu l'on voudra vendanger,
Et qu’il faudra bientôt que les pommes s’en aillent,
Les grives, sans tarder, s’installent et ripaillent
Au milieu d’une odeur d’angoisse et de danger :

Car, malgré ce beau ciel dont l’azur se déplisse,
Peut-être qu’un milan plane dans l’air qui dort,
Et qu’un fusil rouillé cache un éclair de mort
Derrière le buisson qui lui sert de complice.

Qu’importe ? Les raisins bannissent leurs effrois.
D’ailleurs, le pays triste et d’une âpre ossature
Est désert, aux trois quarts en friche, et se sature
Du mystère embrumé qui sort des ravins froids.

Alors, se rassurant avec des cris folâtres,
La troupe s’éparpille et tous ces jolis becs,
Ensemble, à petits coups saccadés, drus et secs,
Piochent avidement dans les feuilles rougeâtres.

Mille oiseaux picoreurs, leurs amis coutumiers,
S’en vont papillonner autour de ces coquettes
Qui, telles qu’un volant fouetté par les raquettes,
Ont de gais va-et-vient des pampres aux pommiers.

Sur les branches qui sont leurs mouvantes alcôves,
Elles font la risette aux merles déjà saouls,
Et montrent au pivert qui les lorgne en dessous
Leur petit ventre blanc semé de taches fauves.

En vain l’écho du gouffre apporte jusqu’en haut
Le fracas de la Creuse au loin battant ses rives,
Le tapage des geais, des merles et des grives
Couvre ce grand murmure et remplit le coteau.

Et tout cela se cogne aux vieux échalas maigres
En piétinant des peaux de raisins verts et bleus,
Et sur l’arbre, ou par terre, en quelque trou sableux,
Fouille jusqu’aux pépins la chair des pommes aigres.

Mais déjà les oiseaux, à force de pinter,
N’ont plus cet œil perçant qui vous voit d’une lieue,
Et le dandinement moins souple de la queue
Annonce que leur vin commence à fermenter.

On dirait maintenant de mauvais acrobates
Qui marchent sur le ventre, un barreau dans le cou ;
L’ivresse qui les prend leur met du même coup
De la colle sur l’aile et du plomb dans les pattes,

Et lorsque le soleil éclabousse de sang
Le sommet de la côte où broutent les ânesses,
Enfin, n’en pouvant plus, les grives ivrognesses
Trouvent le sol fugace et le rameau glissant.

Adieu bombance ! Adieu l’orgie et les roulades !
Tout tourne et se confond en leur petit cerveau.
Elles vont dans le soir comme dans un caveau
Avec des rampements et des dégringolades.

Et tandis que la nuit apprête son fusain,
Chacune au pied du cep ou sur le haut de l’arbre
Ferme l’œil et se tient comme un oiseau de marbre.
Ou vole en titubant vers le taillis voisin.

Et maintenant qu’aux cieux a tinté l’heure brune,
Les grives ont sommeil et vont cuver sans bruit
Tout ce cidre et ce vin bus à même le fruit,
Dans la fraîcheur de l’ombre où rit le clair de lune.

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Les Genêts

Ce frais matin tout à fait sobre
De vent froid, de nuage errant,
Est le sourire le plus franc
De ce mélancolique octobre.

Lumineusement, l’herbe fume
Vers la cime des châtaigniers
Qui se pâment — désenfrognés
Par le soleil qui les rallume.

Les collines de la bruyère,
Claires, se montrent de plus près
Leurs dégringolantes forêts
Semblant descendre à la rivière.

Celle-ci bombe, se balance
Et huileusement fait son bruit
Qui s’en va, revient, se renfuit,
Comme un bercement du silence.

Le vert-noir de l’eau se confronte
Avec le bleu lacté du ciel
À travers la douceur de miel
D’un air pur où le parfum monte :

Un arome sensible à peine,
Celui de la plante qui meurt
Exhalant sa vie et son cœur
En soufflant sa dernière haleine.

Or, dans ces fonde où l’on commence
À voir, des buissons aux rochers,
Des fils de la Vierge accrochés,
Rêve un clos de genêts immense.

Ils épandent là, — si touffue,
En si compacte quantité !
— Leur couleur évoquant l’été,
Qu’ils cachent le sol à la vue.

Ils ont tout couvert — fougeraies,
Ronce, ajonc, l’herbe, le chiendent.
Sans un vide, ils vont s’étendant
Des quatre cotés jusqu’aux haies.

A-t-il fallu qu’elle soit grande
La solitude de ce val,
Pour que ce petit végétal
Ait englouti toute une brande !

Promenoir gênant, mais bon gîte,
Abri sûr, labyrinthe épais
Du vieux reptile aimant la paix
Et du lièvre qu’une ombre agite !

Leur masse est encore imprégnée
Des pleurs de l’aube : ces balais
Montrent des petits carrelets
En fine toile d’araignée.

Parmi ces teintes déjà rousses
Du grand feuillage décrépit
Ils sont d’un beau vert, en dépit
Du noir desséché de leurs gousses.

Leur verdoiement est le contraire
De celui du triste cyprès :
Il n’évoque pour les regrets
Aucune image funéraire ;

Et pourtant, que jaune-immortelle
Leur floraison éclate ! Alors,
Tout bas, ils parleront des morts
Aux yeux du souvenir fidèle.

Ayant picoté les aumônes
Du bon hasard, dans les guérets,
Les pinsons, les chardonnerets
S’y mêlent rougeâtres et jaunes ;

Et souvent, aux plus hautes pointes,
Dans un nimbe de papillons,
On voit ces menus oisillons
Perchés roides, les pattes jointes.

Mais le soleil qui se rapproche
Perd sa tiédeur et son éclat.
Déjà, tel arbre apparaît plat
Sur le recul de telle roche ;

Toute leur surface embrumée
De marécageuse vapeur,
Les genêts dorment la stupeur
De leur extase inanimée.

Monstrueux de hauteur, de nombre,
Dans ce paysage de roc,
Ils sont là figés, tout d’un bloc,
D’air plus monotone et plus sombre.

En leur vague entour léthargique
Ils prennent, sous l’azur dormant,
Un mystère d’enchantement,
Une solennité magique.

Voici qu’avec le jour plus pâle
À droite, à gauche, on ne sait où,
Sur les bords, au milieu, partout,
On entend le chant bref du râle :

Et c’est d’une horreur infinie
Ce cri qui souterrainement
Contrefait le respirement
D’un être humain à l’agonie !

Puis le ciel baisse à l’improviste,
Devient noir, presque ténébreux.
Les genêts s’éteignent. — Sur eux
La pluie avorte froide et triste.

Et le vent gémissant lugubre,
Au soir mauvais d’un jour si beau,
Emporte dans l’air et sur l’eau
Leur odeur amère et salubre.

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Tout le parfait dont le ciel nous honore

Tout le parfait dont le ciel nous honore,
Tout l'imparfait qui naît dessous les cieux,
Tout ce qui paît nos esprits et nos yeux,
Et tout cela qui nos plaisirs dévore :

Tout le malheur qui notre âge dédore,
Tout le bonheur des siècles les plus vieux,
Rome du temps de ses premiers aïeux
Le tenait clos, ainsi qu'une Pandore.

Mais le destin, débrouillant ce chaos,
Où tout le bien et le mal fut endos,
A fait depuis que les vertus divines

Volant au ciel ont laissé les péchés,
Qui jusqu'ici se sont tenus cachés
Sous les monceaux de ces vieilles ruines.

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Le Temple de l’Inconstance

Je veux bâtir un temple à l’Inconstance.
Tous amoureux y viendront adorer,
Et de leurs vœux jour et nuit l’honorer,
Ayant leur cœur touché de repentance.

De plume molle en sera l’édifice,
En l’air fondé sur les ailes du vent,
L’autel de paille, où je viendrai souvent
Offrir mon cœur par un feint sacrifice.

Tout à l’entour je peindrai mainte image
D’erreur, d’oubli et d’infidélité,
De fol désir, d’espoir, de vanité,
De fiction et de penser volage.

Pour le sacrer, ma légère maîtresse
Invoquera les ondes de la mer,
Les vents, la lune, et nous fera nommer
Moi le templier1, et elle la prêtresse.

Elle séant ainsi qu’une Sibylle
Sur un trépied tout pur de vif argent2
Nous prédira ce qu’elle ira songeant
D’une pensée inconstante et mobile.

Elle écrira sur des feuilles légères
Les vers qu’alors sa fureur chantera,
Puis à son gré le vent emportera
Deçà delà ses chansons mensongères.

Elle enverra jusqu’au Ciel la fumée
Et les odeurs de mille faux serments :
La Déité qu’adorent les amants
De tels encens veut être parfumée.

Et moi gardant du saint temple la porte,
Je chasserai tous ceux-là qui n’auront
En lettre d’or engravé sur le front
Le sacré nom de léger que je porte.

De faux soupirs, de larmes infidèles
J’y nourrirai le muable Prothé [Protée],
Et le Serpent3 qui de vent allaité
Déçoit4 nos yeux de cent couleurs nouvelles.

Fille de l’air, déesse secourable,
De qui le corps est de plumes couvert,
Fais que toujours ton temple soit ouvert
A tout amant comme moi variable.

poésie de Jacques Du PerronSignalez un problèmeDes citations similaires
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Charles Baudelaire

L'Ame du Vin

Un soir, l'âme du vin chantait dans les bouteilles:
"Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité,
Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,
Un chant plein de lumière et de fraternité!

Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,
De peine, de sueur et de soleil cuisant
Pour engendrer ma vie et pour me donner l'âme;
Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,

Car j'éprouve une joie immense quand je tombe
Dans le gosier d'un homme usé par ses travaux,
Et sa chaude poitrine est une douce tombe
Où je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux.

Entends-tu retentir les refrains des dimanches
Et l'espoir qui gazouille en mon sein palpitant?
Les coudes sur la table et retroussant tes manches,
Tu me glorifieras et tu seras content;

J'allumerai les yeux de ta femme ravie;
À ton fils je rendrai sa force et ses couleurs
Et serai pour ce frêle athlète de la vie
L'huile qui raffermit les muscles des lutteurs.

En toi je tomberai, végétale ambroisie,
Grain précieux jeté par l'éternel Semeur,
Pour que de notre amour naisse la poésie
Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur!"

poésie de Charles Baudelaire de Les Fleurs du malSignalez un problèmeDes citations similaires
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Vision (original French)

Une louve je vis sous l'antre d'un rocher
Allaitant deux bessons : je vis à sa mamelle
Mignardement jouer cette couple jumelle,
Et d'un col allongé la louve les lécher.

Je la vis hors de là sa pâture chercher,
Et, courant par les champs, d'une fureur nouvelle
Ensanglanter la dent et la patte cruelle
Sur les menus troupeaux pour sa soif étancher.

Je vis mille veneurs descendre des montagnes
Qui bordent d'un côté les lombardes campagnes,
Et vis de cent épieux lui donner dans le flanc.

Je la vis de son long sur la plaine étendue,
Poussant mille sanglots, se vautrer en son sang,
Et dessus un vieux tronc la dépouille pendue.

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Une louve je vis sous l'antre d'un rocher

Une louve je vis sous l'antre d'un rocher
Allaitant deux bessons : je vis à sa mamelle
Mignardement jouer cette couple jumelle,
Et d'un col allongé la louve les lécher.

Je la vis hors de là sa pâture chercher,
Et courant par les champs, d'une fureur nouvelle
Ensanglanter la dent et la patte cruelle
Sur les menus troupeaux pour sa soif étancher.

Je vis mille veneurs descendre des montagnes
Qui bornent d'un côté les lombardes campagnes,
Et vis de cent épieux lui donner dans le flanc.

Je la vis de son long sur la plaine étendue,
Poussant mille sanglots, se vautrer en son sang,
Et dessus un vieux tronc la dépouille pendue.

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Ayant tant de malheurs gémi profondément

Ayant tant de malheurs gémi profondément,
Je vis une cité quasi semblable à celle
Que vit le messager de la bonne nouvelle,
Mais bâti sur le sable était son fondement.

Il semblait que son chef touchât au firmament,
Et sa forme n'était moins superbe que belle :
Digne, s'il en fut onc, digne d'être immortelle,
Si rien dessous le ciel se fondait fermement.

J'étais émerveillé de voir si bel ouvrage,
Quand du côté du nord vint le cruel orage,
Qui soufflant la fureur de son coeur dépité

Sur tout ce qui s'oppose encontre sa venue,
Renversa sur-le-champ, d'une poudreuse nue,
Les faibles fondements de la grande cité.

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