Sur un chapelet de roses du Bembe
Tu m'as fait un chapeau de roses
Qui semblent tes deux lèvres closes,
Et de lis fraîchement cueillis
Qui semblent tes beaux doigts polis,
Les liant d'un fil d'or ensemble,
Qui à tes blonds cheveux ressemble.
Mais si, jeune, tu entendais
L'ouvrage qu'ont tissu tes doigts,
Tu ferais, peut être, plus sage
A prévoir, ton futur dommage.
Ces roses plus ne rougiront,
Et ces lis plus ne blanchiront
La fleur des ans, qui peu séjourne,
S'en fuit, et jamais ne retourne,
Et le fil te montre combien
La vie est un fragile bien.
Pourquoi donc m'es tu si rebelle ?
Mais pourquoi t'es tu si cruelle ?
Si tu n'as point pitié de moi,
Aie au moins pitié de toi.
poésie de Joachim du Bellay
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À une Mystérieuse
J’aime tes longs cheveux et tes pâles menottes,
Tes petits pieds d’enfant, aux ongles retroussés,
Tes yeux toujours pensifs et jamais courroucés,
Ta bouche de velours et tes fines quenottes.
Puis, j’adore ton cœur où, comme des linottes,
Gazouillent à loisir tes rêves cadencés ;
Ton cœur, aux sentiments touffus et nuancés,
Et ton esprit qui jase avec toutes les notes.
Ton frôlement me fait tressaillir jusqu’aux os
Et dans ses regards pleins d’invisibles roseaux
Ta prunelle mystique enveloppe mon âme :
Donc, tu m’as tout entier, tu me subjugues ! Mais,
En toi, je ne sais pas et ne saurai jamais
Ce que j’aime le mieux de l’Ange ou de la Femme !
poésie de Maurice Rollinat
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Les Visions roses
Corolles et boutons de roses,
La fraise et la mousse des bois
Mettent le désir aux abois
Au fond des cœurs les plus moroses !
Qui rappelle certaines choses
Aux bons vieux galants d’autrefois ?
Corolles et boutons de roses,
La fraise et la mousse des bois.
— Je revois tes chairs toutes roses,
Les dards aigus de tes seins froids,
Et puis tes lèvres ! quand je vois
Dans leurs si langoureuses poses
Corolles et boutons de roses !
poésie de Maurice Rollinat
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Les Seins
J’ai fait ces vers subtils, polis comme des bagues,
Pour immortaliser la gloire de tes seins
Que mon houleux désir bat toujours de ses vagues.
Qu’ils y fleurissent donc éternellement sains,
Et que dans la roideur fière des pics de glace
Ils narguent à jamais les siècles assassins !
Sur ta chemise, enfant, mon Å“il baise la place
Qu’use le frottement de leurs boutons rosés,
Et voilà que déjà le vertige m’enlace.
Si j’osais ! Tu souris, semblant me dire : « Osez !
Mes seins voluptueux sont friands de vos lèvres
Et de larmes d’amour veulent être arrosés. »
Et pour m’indemniser des nuits où tu m’en sèvres,
Tu ne les caches plus que sous tes noirs cheveux
Drus comme les buissons que mordillent les chèvres.
Ivresse ! Ils sont alors à moi tant que je veux :
Car mes doigts chatouilleurs ont des caresses lentes
S’entrecoupant d’arrêts et de frissons nerveux.
Et quand vibrent sur vous mes lèvres harcelantes,
Libellules d’amour dont vous êtes les fleurs,
Votre incarnat rougit, pointes ensorcelantes !
Rubis des seins, vous en rehaussez les pâleurs
Et vous vous aiguisez, jusqu’à piquer ma joue
Comme le bec lutin des oiselets siffleurs.
Et tu frémis avec une adorable moue
Tandis qu’au cliquetis de tes bracelets d’or
Ta main dans ma crinière indomptable se joue !
En vain la bise hurle au fond du corridor,
Tu souris de langueur sur le sopha d’ébène
Devant l’âtre paisible où la flamme s’endort.
Moi, je brûle affolé, je me contiens à peine ;
Et pourtant mon désir qui rampe à tes genoux
Sait que sa patience a toujours bonne aubaine.
Mais tu laisses tomber ton provocant burnous,
Et, moderne houri des paradis arabes,
Tu bondis toute nue en criant : « Aimons-nous ! »
Oh ! comme nous râlons ces magiques syllabes,
Dans la chère seconde où, pour mieux s’enlacer,
Nos jambes et nos bras sont des pinces de crabes !
Ma convoitise enfin peut donc se harasser !
Pas un coin de ton corps où mes lèvres ne paissent
Tu me bois, je t’aspire ! et, pour me délasser,
J’admire tes beaux seins qui s’enflent et s’abaissent.
poésie de Maurice Rollinat
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Voilà pourquoi je chante
Et revoilà mon coeur entre deux parenthèses
Pour un bonheur fragile
Et que tu m'as prêté
Que je te rendrai si possible
De quelques souvenirs
Faciles à oublier
Quand on écrit l'amour sur du sable en vacances
Il faut savoir qu'un jour la pluie l'effacera
C'est prendre avec son âme
Des risques misérables
Que de croire le soleil moins vulnérable que nous
Voilà pourquoi je chante
Voilà pourquoi je t'aime
Voilà pourquoi ma vie
A besoin de ta vie
La la la la la
Dans tous les trains qui partent
Je t'ai laissé partir
Rien n'est jamais très grave
Rien n'est jamais sérieux
Il faudrait que j'apprenne à t'aimer au présent
Il faudrait que je crois tout
Même tes silences
Et le calme insolent de tes regards d'enfant
Voilà pourquoi je chante
Voilà pourquoi je t'aime
Voilà pourquoi ma vie
A besoin de ta vie
Si je me suis battue debout contre les ombres
Et cachée dans la nuit pour étouffer ma voix
Des bravos et des larmes seront ma récompense
Pour un rideau qui tombe et un autre qui se lève
demain et dans mille ans
Je recommencerai
Voilà pourquoi je chante
Voilà pourquoi je t'aime
Voilà pourquoi ma vie
A besoin de ta vie.
chanson interprété par Dalida, la musique de Jeff Barnel, vers de Pascal Sevran (1978)
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Marches funèbres
Toi, dont les longs doigts blancs de statue amoureuse,
Agiles sous le poids des somptueux anneaux,
Tirent la voix qui berce et le sanglot qui creuse
Des entrailles d’acier de tes grands pianos,
Toi, le cœur inspiré qui veut que l’Harmonie
Soit une mer où vogue un chant mélodieux,
Toi qui, dans la musique, à force de génie,
Fais chanter les retours et gémir les adieux,
Joue encore une fois ces deux marches funèbres
Que laissent Beethoven et Chopin, ces grands morts,
Pour les agonisants, pèlerins des ténèbres,
Qui s’en vont au cercueil, graves et sans remords.
Plaque nerveusement sur les touches d’ivoire
Ces effrayants accords, glas de l’humanité,
Où la vie en mourant exhale un chant de gloire
Vers l’azur idéal de l’immortalité.
Et tu seras bénie, et ce soir dans ta chambre
Où tant de frais parfums vocalisent en chœur,
Poète agenouillé sous tes prunelles d’ambre,
Je baiserai tes doigts qui font pleurer mon cœur !
poésie de Maurice Rollinat
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D'un vanneur de blé aux vents
A vous, troupe légère,
Qui d'aile passagère
Par le monde volez,
Et d'un sifflant murmure
L'ombrageuse verdure
Doucement ébranlez,
J'offre ces violettes,
Ces lis et ces fleurettes,
Et ces roses ici,
Ces vermeillettes roses,
Tout fraîchement écloses,
Et ces oeillets aussi.
De votre douce haleine
Éventez cette plaine,
Éventez ce séjour,
Cependant que j'ahanne
A mon blé que je vanne
A la chaleur du jour.
poésie de Joachim du Bellay
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À une Mendiante rousse
Blanche fille aux cheveux roux,
Dont la robe par ses trous
Laisse voir la pauvreté
Et la beauté,
Pour moi, poète chétif,
Ton jeune corps maladif,
Plein de taches de rousseur,
À sa douceur.
Tu portes plus galamment
Qu'une reine de roman
Ses cothurnes de velours
Tes sabots lourds.
Au lieu d'un haillon trop court,
Qu'un superbe habit de cour
Traîne à plis bruyants et longs
Sur tes talons;
En place de bas troués
Que pour les yeux des roués
Sur ta jambe un poignard d'or
Reluise encor;
Que des noeuds mal attachés
Dévoilent pour nos péchés
Tes deux beaux seins, radieux
Comme des yeux;
Que pour te déshabiller
Tes bras se fassent prier
Et chassent à coups mutins
Les doigts lutins,
Perles de la plus belle eau,
Sonnets de maître Belleau
Par tes galants mis aux fers
Sans cesse offerts,
Valetaille de rimeurs
Te dédiant leurs primeurs
Et contemplant ton soulier
Sous l'escalier,
Maint page épris du hasard,
Maint seigneur et maint Ronsard
Epieraient pour le déduit
Ton frais réduit!
Tu compterais dans tes lits
Plus de baisers que de lis
Et rangerais sous tes lois
Plus d'un Valois!
— Cependant tu vas gueusant
Quelque vieux débris gisant
Au seuil de quelque Véfour
De carrefour;
Tu vas lorgnant en dessous
Des bijoux de vingt-neuf sous
Dont je ne puis, oh! Pardon!
Te faire don.
Va donc, sans autre ornement,
Parfum, perles, diamant,
Que ta maigre nudité,
Ô ma beauté!
poésie de Charles Baudelaire de Les Fleurs du mal
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La Chanson des yeux
J’aime tes yeux d’azur qui, tout pailletés d’or,
Ont une lueur bleue et blonde,
Tes yeux câlins et clairs où le rêve s’endort,
Tes grands yeux bougeurs comme l’onde.
Jusque dans leurs regards savants et nuancés,
Si doux qu’ils te font deux fois femme,
Ils reflètent le vol de tes moindres pensers
Et sont les vitres de ton âme.
Dans la rue on subit leur charme ensorceleur ;
Ils étonnent sur ton passage,
Car ils sont plus jolis et plus fleurs que la fleur
Que tu piques à ton corsage.
Oui, tes yeux sont si frais sous ton large sourcil,
Qu’en les voyant on se demande
S’ils n’ont pas un arôme harmonieux aussi,
Tes longs yeux fendus en amande.
Dans le monde on les voit pleins de morosité,
Ils sont distraits ou sardoniques
Et n’ont pour me parler amour et volupté
Que des Å“illades platoniques ;
Mais, tout seuls avec moi sous les rideaux tremblants,
Ils me font te demander grâce,
Et j’aspire, enlacé par tes petits bras blancs,
Ce qu’ils me disent à voix basse.
poésie de Maurice Rollinat
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Mon âme, Psyché
Un ange est venu et m’a dit:
- T’es un porc de chien,
vermine et groin.
L’herbe pue sous ton ombre
qui lui pèse.
Et ton haleine sent la boue!
- Mais pourquoi, lui criais-je, pourquoi?
- Sans raison!
Un ange est venu et m’a dit:
- Le verre est plus transparent
que la plus limpide de tes pensées!
Après ta mort, les vers
grouilleront dans tes narines, dans ta gueule,
dans ton groin, dans ta trompe!
- Pourquoi, lui criais-je, pourquoi?
- Sans raison, m’a-t-il répondu...
Puis l’ange, ah, l’ange, ah, l’ange, ah, l’ange,
s’envola, ses ailes d’or flottant
dans l’air d’or.
Des papillons d’or
voltigeaient dans l’aura de l’ange d’or.
Il volait ahuri,
tout en or,
s’éloignant aux lointains mordorés
où sombrait un soleil baigné d’or.
- Pourquoi t’éloignes-tu de moi,
lui criais-je, pourquoi me quittes-tu, pourquoi?
- Sans raison, m’a-t-il répondu. Sans raison...
poésie de Nichita Stănescu de Dans le doux style classique (1970), traduction par Lucia Sotirova
Ajouté par Dan Costinaş
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Si onques de pitié ton âme fut atteinte
Si onques de pitié ton âme fut atteinte,
Voyant indignement ton ami tourmenté,
Et si onques tes yeux ont expérimenté
Les poignants aiguillons d'une douleur non feinte,
Vois la mienne en ces vers sans artifice peinte,
Comme sans artifice est ma simplicité :
Et si pour moi tu n'es à pleurer incité,
Ne te ris pour le moins des soupirs de ma plainte.
Ainsi, mon cher Vineus, jamais ne puisses-tu
Eprouver les regrets qu'éprouve une vertu
Qui se voit défrauder du loyer de sa peine :
Ainsi l'oeil de ton roi favorable te soit,
Et ce qui des plus fins l'espérance déçoit,
N'abuse ta bonté d'une promesse vaine.
poésie de Joachim du Bellay
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Quand je t'aime
Quand je t'aime
J'ai l'impression d'être un roi
Un chevalier d'autrefois
Le seul homme sur la terre
Quand je t'aime
J'ai l'impression d'être à toi
Comme la rivière au delta
Prisonnier volontaire
Refrain:
Quand je t'aime
Tous mes gestes me ramènent
A tes lèvres ou à tes bras
A l'amour avec toi
Quand je t'aime
Il est minuit ou midi
En enfer au paradis
N'importe où mais ensemble
Quand je t'aime
Je ne sais plus si je suis
Un mendiant ou un messie
Mais nos rêves se ressemblent
Au refrain:
Quand je t'aime
J'ai des fleurs au bout des doigts
Et le ciel que je te dois
Est un ciel sans étoile
Quand je t'aime
J'ai la fièvre dans le sang
Et ce plaisir innocent
Me fait peur, me fait mal
Au refrain:
Quand je t'aime
J'ai l'impression d'être un roi
Un chevalier d'autrefois
Le seul homme sur la terre
Quand je t'aime
J'ai l'impression d'être à toi
Comme la rivière au delta
Prisonnier volontaire
Quand je t'aime
Il est minuit ou midi
En enfer au paradis
N'importe où mais ensemble
Quand je t'aime
Je ne sais plus si je suis
Un mendiant ou un messie
Mais nos rêves se ressemblent
Quand je t'aime.
chanson interprété par Demis Roussos
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Le Balcon
Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses,
Ô toi, tous mes plaisirs! ô toi, tous mes devoirs!
Tu te rappelleras la beauté des caresses,
La douceur du foyer et le charme des soirs,
Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses!
Les soirs illuminés par l'ardeur du charbon,
Et les soirs au balcon, voilés de vapeurs roses.
Que ton sein m'était doux! que ton coeur m'était bon!
Nous avons dit souvent d'impérissables choses
Les soirs illuminés par l'ardeur du charbon.
Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées!
Que l'espace est profond! que le coeur est puissant!
En me penchant vers toi, reine des adorées,
Je croyais respirer le parfum de ton sang.
Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées!
La nuit s'épaississait ainsi qu'une cloison,
Et mes yeux dans le noir devinaient tes prunelles,
Et je buvais ton souffle, ô douceur! ô poison!
Et tes pieds s'endormaient dans mes mains fraternelles.
La nuit s'épaississait ainsi qu'une cloison.
Je sais l'art d'évoquer les minutes heureuses,
Et revis mon passé blotti dans tes genoux.
Car à quoi bon chercher tes beautés langoureuses
Ailleurs qu'en ton cher corps et qu'en ton coeur si doux?
Je sais l'art d'évoquer les minutes heureuses!
Ces serments, ces parfums, ces baisers infinis,
Renaîtront-ils d'un gouffre interdit à nos sondes,
Comme montent au ciel les soleils rajeunis
Après s'être lavés au fond des mers profondes?
— Ô serments! ô parfums! ô baisers infinis!
poésie de Charles Baudelaire de Les Fleurs du mal
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À la Circé moderne
Puisqu’un irrésistible appeau
Attire à toi toute mon âme,
Et que toute ma chair proclame
Le magnétisme de ta peau :
Irrite, mais sans le proscrire,
Le désir qui me ronge, et puis
Viens emparadiser mes nuits,
Ensorceleuse au froid sourire.
Aux bruits mouillés, tendres et fous
De nos baisers démoniaques,
Comme deux serpents maniaques
Dans le mystère enlaçons-nous !
Chère onduleuse, mauvais ange,
Abeille de la volupté,
Donne-moi ton corps enchanté
Et reçois mon âme en échange !
Mon désir s’enroule et se tord
Autour de ton beau corps de marbre,
— Ainsi le lierre autour de l’arbre —
Horrible et doux, il rampe et mord.
Tes grands yeux caves et funèbres
Sont si libertins quand tu veux,
Et j’aspire dans tes cheveux
Tant de parfums et de ténèbres !
Moderne Circé, tes poisons
Auraient perdu le cœur d’Ulysse ;
Harcèle-moi de ta malice,
Salis-moi de tes trahisons !
Insulte-moi ! mais, ma maîtresse,
Laisse-moi repaître ma faim,
Dussé-je mourir à la fin,
Empoisonné par ta caresse !
poésie de Maurice Rollinat
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N'étant de mes ennuis la fortune assouvie
N'étant de mes ennuis la fortune assouvie,
Afin que je devinsse à moi-même odieux,
M'ôta de mes amis celui que j'aimais mieux,
Et sans qui je n'avais de vivre nulle envie.
Donc l'éternelle nuit a ta clarté ravie,
Et je ne t'ai suivi parmi ces obscurs lieux !
Toi, qui m'as plus aimé que ta vie et tes yeux,
Toi, que j'ai plus aimé que mes yeux et ma vie.
Hélas, cher compagnon, que ne puis-je être encor
Le frère de Pollux, toi celui de Castor,
Puisque notre amitié fut plus que fraternelle ?
Reçois donques ces pleurs, pour gage de ma foi,
Et ces vers qui rendront, si je ne me deçoi,
De si rare initié la mémoire éternelle
poésie de Joachim du Bellay
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Arrête un peu, mon Coeur, où vas-tu si courant?
Arrête un peu, mon Coeur, où vas-tu si courant?
- Je vais trouver les yeux qui sain me peuvent rendre.
- Je te prie, attends-moi. - Je ne te puis attendre,
Je suis pressé du feu qui me va dévorant.
- Il faut bien, ô mon coeur! que tu sois ignorant,
De ne pouvoir encor ta misère comprendre:
Ces yeux d'un seul regard te réduiront en cendre:
Ce sont tes ennemis, t'iront-ils secourant?
- Envers ses ennemis, si doucement on n'use;
Ces yeux ne sont point tels. - Ah! c'est ce qui t'abuse:
Le fin berger surprend l'oiseau par des appâts.
- Tu t'abuses toi-même, ou tu brûles d'envie,
Car l'oiseau malheureux s'envole à son trépas,
Moi, je vole à des yeux qui me donnent la vie.
poésie de Philippe Desportes
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Heureux, de qui la mort de sa gloire est suivie
Heureux, de qui la mort de sa gloire est suivie,
Et plus heureux celui dont l'immortalité
Ne prend commencement de la postérité,
Mais devant que la mort ait son âme ravie.
Tu jouis (mon Ronsard), même durant ta vie,
De l'immortel honneur que tu as mérité :
Et devant que mourir (rare félicité)
Ton heureuse vertu triomphe de l'envie.
Courage donc, Ronsard, la victoire est à toi,
Puisque de ton côté est la faveur du Roi :
JÃ du laurier vainqueur tes tempes se couronnent,
Et jà la tourbe épaisse à l'entour de ton flanc
Ressemble ces esprits, qui là -bas environnent
Le grand prêtre de Thrace au long sourpely blanc.
poésie de Joachim du Bellay
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À Celle qui est trop gaie
Ta tête, ton geste, ton air
Sont beaux comme un beau paysage;
Le rire joue en ton visage
Comme un vent frais dans un ciel clair.
Le passant chagrin que tu frôles
Est ébloui par la santé
Qui jaillit comme une clarté
De tes bras et de tes épaules.
Les retentissantes couleurs
Dont tu parsèmes tes toilettes
Jettent dans l'esprit des poètes
L'image d'un ballet de fleurs.
Ces robes folles sont l'emblème
De ton esprit bariolé;
Folle dont je suis affolé,
Je te hais autant que je t'aime!
Quelquefois dans un beau jardin
Où je traînais mon atonie,
J'ai senti, comme une ironie,
Le soleil déchirer mon sein,
Et le printemps et la verdure
Ont tant humilié mon coeur,
Que j'ai puni sur une fleur
L'insolence de la Nature.
Ainsi je voudrais, une nuit,
Quand l'heure des voluptés sonne,
Vers les trésors de ta personne,
Comme un lâche, ramper sans bruit,
Pour châtier ta chair joyeuse,
Pour meurtrir ton sein pardonné,
Et faire à ton flanc étonné
Une blessure large et creuse,
Et, vertigineuse douceur!
À travers ces lèvres nouvelles,
Plus éclatantes et plus belles,
T'infuser mon venin, ma soeur!
poésie de Charles Baudelaire de Les Fleurs du mal
Ajouté par Simona Enache
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Le Malade
'Apollon, dieu sauveur, dieu des savants mystères,
Dieu de la vie, et dieu des plantes salutaires,
Dieu vainqueur de Python, dieu jeune et triomphant,
Prends pitié de mon fils, de mon unique enfant!
Prends pitié de sa mère aux larmes condamnée,
Qui ne vit que pour lui, qui meurt abandonnée,
Qui n'a pas dû rester pour voir mourir son fils!
Dieu jeune, viens aider sa jeunesse. Assoupis,
Assoupis dans son sein cette fièvre brûlante
Qui dévore la fleur de sa vie innocente.
Apollon! si jamais, échappé du tombeau,
Il retourne au Ménale avoir soin du troupeau,
Ces mains, ces vieilles mains orneront ta statue
De ma coupe d'onyx à tes pieds suspendue;
Et, chaque été nouveau, d'un jeune taureau blanc
La hache à ton autel fera couler le sang.
Eh bien, mon fils, es-tu toujours impitoyable?
Ton funeste silence est-il inexorable?
Enfant, tu veux mourir? Tu veux, dans ses vieux ans,
Laisser ta mère seule avec ses cheveux blancs?
Tu veux que ce soit moi qui ferme ta paupière?
Que j'unisse ta cendre à celle de ton père?
C'est toi qui me devais ces soins religieux,
Et ma tombe attendait tes pleurs et tes adieux.
Parle, parle, mon fils! quel chagrin te consume?
Les maux qu'on dissimule en ont plus d'amertume.
Ne lèveras-tu point ces yeux appesantis?
--Ma mère, adieu; je meurs, et tu n'as plus de fils.
Non, tu n'as plus de fils, ma mère bien-aimée.
Je te perds. Une plaie ardente, envenimée,
Me ronge; avec effort je respire, et je crois
Chaque fois respirer pour la dernière fois.
Je ne parlerai pas. Adieu; ce lit me blesse,
Ce tapis qui me couvre accable ma faiblesse;
Tout me pèse et me lasse. Aide-moi, je me meurs.
Tourne-moi sur le flanc. Ah! j'expire! ô douleurs!
--Tiens, mon unique enfant, mon fils, prends ce breuvage;
Sa chaleur te rendra ta force et ton courage.
La mauve, le dictame ont, avec les pavots,
Mêlé leurs sucs puissants qui donnent le repos;
Sur le vase bouillant, attendrie à mes larmes,
Une Thessalienne a composé des charmes.
Ton corps débile a vu trois retours du soleil
Sans connaître Cérès, ni tes yeux le sommeil.
Prends, mon fils, laisse-toi fléchir à ma prière;
C'est ta mère, ta vieille inconsolable mère
Qui pleure, qui jadis te guidait pas à pas,
T'asseyait sur son sein, te portait dans ses bras,
Que tu disais aimer, qui t'apprit à le dire,
Qui chantait, et souvent te forçait à sourire
Lorsque tes jeunes dents, par de vives douleurs,
De tes yeux enfantins faisaient couler des pleurs.
Tiens, presse de ta lèvre, hélas! pâle et glacée,
Par qui cette mamelle était jadis pressée;
Que ce suc te nourrisse et vienne à ton secours,
Comme autrefois mon lait nourrit tes premiers jours!
--O coteaux d'Érymanthe! ô vallons! ô bocage!
O vent sonore et frais qui troublais le feuillage,
Et faisais frémir l'onde, et sur leur jeune sein
Agitais les replis de leur robe de lin!
De légères beautés troupe agile et dansante ...
Tu sais, tu sais, ma mère? aux bords de l'Érymanthe ...
LÃ , ni loups ravisseurs, ni serpents, ni poisons ...
O visage divin! ô fêtes! ô chansons!
Des pas entrelacés, des fleurs, une onde pure,
Aucun lieu n'est si beau dans toute la nature.
Dieux! ces bras et ces flancs, ces cheveux, ces pieds nus
Si blancs, si délicats!... Je ne te verrai plus!
Oh! portez, portez-moi sur les bords d'Érymanthe,
Que je la voie encor, cette vierge dansante!
Oh! que je voie au loin la fumée à longs flots
S'élever de ce toit au bord de cet enclos!
Assise à tes côtés, ses discours, sa tendresse,
Sa voix, trop heureux père! enchante ta vieillesse,
Dieux! par-dessus la haie élevée en remparts,
Je la vois, à pas lents, en longs cheveux épars,
Seule, sur un tombeau, pensive, inanimée,
S'arrêter et pleurer sa mère bien-aimée.
Oh! que tes yeux sont doux! que ton visage est beau!
Viendras-tu point aussi pleurer sur mon tombeau?
Viendras-tu point aussi, la plus belle des belles,
Dire sur mon tombeau: Les Parques sont cruelles!
--Ah! mon fils, c'est l'amour, c'est l'amour insensé
Qui t'a jusqu'à ce point cruellement blessé?
Ah! mon malheureux fils! Oui, faibles que nous sommes,
C'est toujours cet amour qui tourmente les hommes.
S'ils pleurent en secret, qui lira dans leur coeur
Verra que c'est toujours cet amour en fureur.
Mais, mon fils, mais dis-moi, quelle belle dansante,
Quelle vierge as-tu vue au bord de l'Érymanthe?
N'es-tu pas riche et beau? du moins quand la douleur
N'avait point de ta joue éteint la jeune fleur!
Parle. Est-ce cette Eglé, fille du roi des ondes,
Ou cette jeune Irène aux longues tresses blondes?
Ou ne sera-ce point cette fière beauté
Dont j'entends le beau nom chaque jour répété,
Dont j'apprends que partout les belles sont jalouses?
Qu'aux temples, aux festins, les mères, les épouses,
Ne sauraient voir, dit-on, sans peine et sans effroi?
Cette belle Daphné?....--Dieux! ma mère, tais-toi,
Tais-toi. Dieux! qu'as-tu dit? Elle est fière, inflexible;
Comme les immortels, elle est belle et terrible!
Mille amants l'ont aimée; ils l'ont aimée en vain.
Comme eux j'aurais trouvé quelque refus hautain.
Non, garde que jamais elle soit informée...
Mais, ô mort! ô tourment! ô mère bien-aimée!
Tu vois dans quels ennuis dépérissent mes jours.
Ma mère bien-aimée, ah! viens à mon secours.
Je meurs; va la trouver: que tes traits, que ton âge,
De sa mère à ses yeux offrent la sainte image.
Tiens, prends cette corbeille et nos fruits les plus beaux,
Prends notre Amour d'ivoire, honneur de ces hameaux;
Prends la coupe d'onyx à Corinthe ravie;
Prends mes jeunes chevreaux, prends mon coeur, prends ma vie;
Jette tout à ses pieds; apprends-lui qui je suis;
Dis-lui que je me meurs, que tu n'as plus de fils.
Tombe aux pieds du vieillard, gémis, implore, presse;
Adjure cieux et mers, dieu, temple, autel, déesse.
Pars; et si tu reviens sans les avoir fléchis,
Adieu, ma mère, adieu, tu n'auras plus de fils.
--J'aurai toujours un fils, va, la belle espérance
Me dit...' Elle s'incline, et, dans un doux silence,
Elle couvre ce front, terni par les douleurs,
De baisers maternels entremêlés de pleurs.
Puis elle sort en hâte, inquiète et tremblante;
Sa démarche est de crainte et d'âge chancelante.
Elle arrive; et bientôt revenant sur ses pas,
Haletante, de loin: 'Mon cher fils, tu vivras,
Tu vivras.' Elle vient s'asseoir près de la couche,
Le vieillard la suivait, le sourire à la bouche,
La jeune belle aussi, rouge et le front baissé,
Vient, jette sur le lit un coup d'oeil. L'insensé
Tremble; sous ses tapis il veut cacher sa tête.
'Ami, depuis trois jours tu n'es d'aucune fête,
Dit-elle; que fais-tu? Pourquoi veux-tu mourir?
Tu souffres. On me dit que je peux te guérir;
Vis, et formons ensemble une seule famille:
Que mon père ait un fils, et ta mère une fille!'
poésie de Andre Marie de Chenier
Ajouté par Lucian Velea
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À une Malabaraise
Tes pieds sont aussi fins que tes mains, et ta hanche
Est large à faire envie à la plus belle blanche;
À l'artiste pensif ton corps est doux et cher;
Tes grands yeux de velours sont plus noirs que ta chair.
Aux pays chauds et bleus où ton Dieu t'a fait naître,
Ta tâche est d'allumer la pipe de ton maître,
De pourvoir les flacons d'eaux fraîches et d'odeurs,
De chasser loin du lit les moustiques rôdeurs,
Et, dès que le matin fait chanter les platanes,
D'acheter au bazar ananas et bananes.
Tout le jour, où tu veux, tu mènes tes pieds nus,
Et fredonnes tout bas de vieux airs inconnus;
Et quand descend le soir au manteau d'écarlate,
Tu poses doucement ton corps sur une natte,
Où tes rêves flottants sont pleins de colibris,
Et toujours, comme toi, gracieux et fleuris.
Pourquoi, l'heureuse enfant, veux-tu voir notre France,
Ce pays trop peuplé que fauche la souffrance,
Et, confiant ta vie aux bras forts des marins,
Faire de grands adieux à tes chers tamarins?
Toi, vêtue à moitié de mousselines frêles,
Frissonnante là -bas sous la neige et les grêles,
Comme tu pleurerais tes loisirs doux et francs
Si, le corset brutal emprisonnant tes flancs
Il te fallait glaner ton souper dans nos fanges
Et vendre le parfum de tes charmes étranges,
Oeil pensif, et suivant, dans nos sales brouillards,
Des cocotiers absents les fantômes épars!
poésie de Charles Baudelaire de Les Fleurs du mal
Ajouté par Simona Enache
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L'olive
I
je ne quiers pas la fameuse couronne,
Saint ornement du Dieu au chef doré,
Ou que, du Dieu aux Indes adoré,
Le gai chapeau la tête m'environne.
Encores moins veux je que l'on me donne
Le mol rameau en Cypre décoré
Celui qui est d'Athènes honoré,
Seul je le veux, et le Ciel me l'ordonne.
O tige heureux, que la sage Déesse
En sa tutelle et garde a voulu prendre,
Pour faire honneur à son sacré autel
Orne mon chef, donne moi hardiesse
De te chanter, qui espère te rendre
Égal un jour au Laurier immortel.
II
Loire fameux, qui, ta petite source,
Enfles de maints gros fleuves et ruisseaux,
Et qui de loin coules tes claires eaux
En l'Océan d'une assez vive course
Ton chef royal hardiment bien haut pousse
Et apparais entre tous les plus beaux,
Comme un taureau sur les menus troupeaux,
Quoi que le Pô envieux s'en courrouce.
Commande doncq' aux gentilles Naïades
Sortir dehors leurs beaux palais humides
Avecques toi, leur fleuve paternel,
Pour saluer de joyeuses aubades
Celle qui t'a, et tes filles liquides,
Deifié de ce bruit éternel.
III
Divin Ronsard, qui de l'arc à sept cordes
Tiras premier au but de la mémoire
Les traits ailés de la Française gloire,
Que sur ton luth hautement tu accordes.
Fameux harpeur et prince de nos odes,
Laisse ton Loir hautain de ta victoire,
Et viens sonner au rivage de Loire
De tes chansons les plus nouvelles modes.
Enfonce l'arc du vieil Thébain archer,
Ou nul que toi ne sut onq' encocher
Des doctes Sueurs les sagettes divines.
Porte pour moi, parmi le ciel des Gaules,
Le saint honneur des nymphes Angevines,
Trop pesant faix pour mes faibles épaules.
IV
Si notre vie est moins qu'une journée
En l'éternel, si l'an qui fait le tour
Chasse nos jours sans espoir de retour,
Si périssable est toute chose née,
Que songes tu, mon âme emprisonnée ?
Pourquoi te plaît l'obscur de notre jour,
Si pour voler en un plus clair séjour,
Tu as au dos l'aile bien empennée ?
Là , est le bien que tout esprit désire,
Là , le repos où tout le monde aspire,
Là , est l'amour, là , le plaisir encore.
Là , ô mon âme, au plus haut ciel guidée,
Tu y pourras reconnaître l'Idée
De la beauté, qu'en ce monde j'adore.
poésie de Joachim du Bellay
Ajouté par Poetry Lover
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