Par la soif, on apprend l'eau.
Emily Dickinson dans Poèmes
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Des citations similaires
Tout ce qu'on apprend à l'enfant, on l'empêche de l'inventer ou de le découvrir.
Jean Piaget dans Conversations avec J.C.I. Bringuier
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Un comédien c'est une vocation, un métier qui s'apprend, c'est un choix de vie. Un acteur c'est une personnalité, forte en général, prise et mise au service du cinéma par un concours de circonstances.
Alain Delon dans journal Le Monde (18 juin 2003)
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La soif rend les toasts plus courts.
aphorisme de Valeriu Butulescu, traduction par Genevieve Gomez
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L'appétit vient en mangeant ; la soif s'en va en buvant.
citation de François Rabelais
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Dans les fruits de l'arbre, il ne faut pas voir de la générosité, seulement une soif de continuité.
aphorisme de Valeriu Butulescu, traduction par Genevieve Gomez
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Méchants! Vous avez écrit H2O sur le réservoir d'eau. Trois philologues sont morts de soif.
aphorisme de Valeriu Butulescu, traduction par Genevieve Gomez
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Carpe Diem
Il n’y a rien d’autre à apprendre que Soi dans la vie. Il n’y a rien d’autre à connaître. On n’apprend pas tout seul, bien sûr. Il faut passer par quelqu’un pour atteindre au plus secret de Soi. Par un amour, par une parole ou un visage.
citation de Christian Bobin
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Qui est maître de sa soif, est maître de sa santé.
proverbes français
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A Madame G. (Rondeau)
Dans dix ans d'ici seulement,
Vous serez un peu moins cruelle.
C'est long, à parler franchement.
L'amour viendra probablement
Donner à l'horloge un coup d'aile.
Votre beauté nous ensorcelle,
Prenez-y garde cependant:
On apprend plus d'une nouvelle
En dix ans.
Quand ce temps viendra, d'un amant
Je serai le parfait modèle,
Trop bête pour être inconstant,
Et trop laid pour être infidèle.
Mais vous serez encor trop belle
Dans dix ans.
poésie de Alfred de Musset
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Vision (original French)
Une louve je vis sous l'antre d'un rocher
Allaitant deux bessons : je vis à sa mamelle
Mignardement jouer cette couple jumelle,
Et d'un col allongé la louve les lécher.
Je la vis hors de là sa pâture chercher,
Et, courant par les champs, d'une fureur nouvelle
Ensanglanter la dent et la patte cruelle
Sur les menus troupeaux pour sa soif étancher.
Je vis mille veneurs descendre des montagnes
Qui bordent d'un côté les lombardes campagnes,
Et vis de cent épieux lui donner dans le flanc.
Je la vis de son long sur la plaine étendue,
Poussant mille sanglots, se vautrer en son sang,
Et dessus un vieux tronc la dépouille pendue.
poésie de Joachim du Bellay
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Une louve je vis sous l'antre d'un rocher
Une louve je vis sous l'antre d'un rocher
Allaitant deux bessons : je vis à sa mamelle
Mignardement jouer cette couple jumelle,
Et d'un col allongé la louve les lécher.
Je la vis hors de là sa pâture chercher,
Et courant par les champs, d'une fureur nouvelle
Ensanglanter la dent et la patte cruelle
Sur les menus troupeaux pour sa soif étancher.
Je vis mille veneurs descendre des montagnes
Qui bornent d'un côté les lombardes campagnes,
Et vis de cent épieux lui donner dans le flanc.
Je la vis de son long sur la plaine étendue,
Poussant mille sanglots, se vautrer en son sang,
Et dessus un vieux tronc la dépouille pendue.
poésie de Joachim du Bellay
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La Bourrique
La bourrique luisante et forte
Brait tous les jours, à la même heure,
Devant la rustique demeure,
De la plus lamentable sorte.
Ses hi-han disent : « Je suis morte
De soif ! un peu d’eau ! la meilleure ! »
La bourrique luisante et forte
Brait tous les jours, à la même heure.
Et ma foi ! le seau qu’on lui porte
N’est pas un de ceux qu’elle effleure :
Elle y boit que son mufle en pleure !
Et puis elle broute à la porte,
La bourrique luisante et forte.
poésie de Maurice Rollinat
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Le Bœuf
L’œil injecté de sang, le mufle dans l’eau sale,
Un bœuf, à moitié mort de soif et de chaleur,
Penchait sur le trottoir sa tête colossale
Devant un boucher ivre et sourd à sa douleur.
A la fin, il tomba pesamment sur les pierres,
Et, fracassé, vomit dans sa bave trois dents,
Au milieu des lazzis de hideuses tripières
Voyant en lui déjà des intestins pendants.
Affairés et flâneurs, hommes, enfants et femmes,
Heurtant le pauvre bœuf de leurs rires infâmes,
Absorbaient le peu d’air qu’il tâchait de humer ;
Et dans un café sombre, oblong comme une bière,
Ceux qui fument pour boire et boivent pour fumer
Le regardaient mourir en dégustant leur bière.
poésie de Maurice Rollinat
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Il faut
Il faut survivre jusqu'à la menace
D'aneantir un jour, certain non ferier,
Porté, non plus s'est où... quel degueulasse?
Pourquoi, pourquoi on se ment, pour espèrer?
Il faut revivre tout ce qui s'est passé,
Pour te reprendre poussière perdue
Dans un vivant de faits, des jours cassés...
Pour en pouvoir tenir ta unique rue?
Il faut reprendre goùt de balader
Les lieux d'une fois, une fois, aux pieds tous nus,
Pouvoir ainsi du temps se l'exploser?!...
A quoi ça sert futur non prevenu?
Il faut quitter l'amour avant la fin,
Pour retenir suspense de son désastre?
Je ne sais pas; la vie est sans refrain
Pour le reprendre, un jour, après son astre?
Il faut qu'on sent ainsi tant de souffrance
Juste pour savoir qu'existe du bonneheur
Et qu'on apprend si peu de l'importance
Seulement après qu'on a vecu autant d'erreurs?
Il faut qu'on croit au faible mutilé,
Qui cherche a dire restant de son intègre,
Le regardant pour temps s'est vu passer,
D'un âme... qu'on garde caché, dans son tenebre!?
poésie de Daniel Aurelian Rădulescu (15 mai 2013)
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A une morte
Tu avances toujours aux confins de la nuit
le feu s’est éteint où finit la patience
même les pas sur des chemins imprévus
n’éveillent plus la magie des buts
braises braises
l’amour s’en souvient
rien ne nous distrait de l’attente assise
sur les genoux enfants aux plénitudes chaudes
pourrais-je oublier le son de cette voix
qui contribue à répandre la lumière
au-delà de toute présence
fraises fraises
à l’appel des lèvres
comme la mer contenue
toute une vie enlacée
et sur les innombrables poitrines des vagues
l’incessant froissement des ours effleurés
rêves rêves
au silence de braise
pourrais-je oublier l’attente comblée
le temps ramassé sur lui-même
le jour jaillissant de chaque parole dite
le long embrasement de la durée conquise
sèves sèves
ma soif s’en souvient.
poésie de Tristan Tzara (1961)
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Le Grand-Père
La fille au père Pierre, avec ses airs de sainte,
A si bien surveillé son corps fallacieux
Que sa grossesse a pu mentir à tous les yeux ;
Mais son heure a sonné de n’être plus enceinte.
Dans la grand' chambre on dort comme l’eau dans les trous.
Tout à coup, elle geint, crie et se désespère.
On se lève, on apprend la chose. Le grand-père
Continue à ronfler sous son baldaquin roux.
Mais le bruit à la fin l’éveille, et le voilà
Clamant du lit profond d’où sa maigreur s’arrache :
« Pierr’, quoiq’ya ? – Pèr, ya rin ! – Si ! s’passe un’ chos’ qu’on m’cache ;
Et ma p’tit’ fill’ se plaint, j’ l’entends ben ! quoi qu’elle a ? »
— Elle a qu’elle va faire un champi ! — Le bonhomme
Prend son bâton ferré qu’il brandit en disant :
« Dans not’ famill’ yaura l’déshonneur à présent !
La gueus’ ! vous voyez ben tous qu’i’ faut que j’l’assomme ! »
Et, solennel, tragique, il marche d’un pas lourd
Jusqu’à la pâle enfant... mais, pendant qu’il tempête,
Tendre, il lève et rabat le gourdin sur sa tête,
Bien doux, frôleusement, d’un geste plein d’amour.
« R’commenc’ras-tu ? fait-il, ou là, comme un’ vipère,
J’te coupe en deux ! j’t’écras’ la cervell’ sur ton drap ! »
Elle gémit : « Jamais, grand-père ! »
Alors, le jeune frère égrillard qui ricane,
Glapit : « Oh ! q’si fait ben, grand-père, a r’commenc’ra
Puisqu’elle est chaude comme un’ cane !
poésie de Maurice Rollinat
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La Pluie
Lorsque la pluie, ainsi qu’un immense écheveau
Brouillant à l’infini ses longs fils d’eau glacée,
Tombe d’un ciel funèbre et noir comme un caveau
Sur Paris, la Babel hurlante et convulsée,
J’abandonne mon gîte, et sur les ponts de fer,
Sur le macadam, sur les pavés, sur l’asphalte,
Laissant mouiller mon crâne où crépite un enfer,
Je marche à pas fiévreux sans jamais faire halte.
La pluie infiltre en moi des rêves obsédants
Qui me font patauger lentement dans les boues,
Et je m’en vais, rôdeur morne, la pipe aux dents,
Sans cesse éclaboussé par des milliers de roues.
Cette pluie est pour moi le spleen de l’inconnu :
Voilà pourquoi j’ai soif de ces larmes fluettes
Qui sur Paris, le monstre au sanglot continu,
Tombent obliquement lugubres, et muettes.
L’éternel coudoiement des piétons effarés
Ne me révolte plus, tant mes pensers fermentent :
À peine si j’entends les amis rencontrés
Bourdonner d’un air vrai leurs paroles qui mentent.
Mes yeux sont si perdus, si morts et si glacés,
Que dans le va-et-vient des ombres libertines,
Je ne regarde pas sous les jupons troussés
Le gai sautillement des fringantes bottines.
En ruminant tout haut des poèmes de fiel,
J’affronte sans les voir la flaque et la gouttière ;
Et mêlant ma tristesse à la douleur du ciel,
Je marche dans Paris comme en un cimetière.
Et parmi la cohue impure des démons,
Dans le grand labyrinthe, au hasard et sans guide,
Je m’enfonce, et j’aspire alors à pleins poumons
L’affreuse humidité de ce brouillard liquide.
Je suis tout à la pluie ! À son charme assassin,
Les vers dans mon cerveau ruissellent comme une onde :
Car pour moi, le sondeur du triste et du malsain,
C’est de la poésie atroce qui m’inonde.
poésie de Maurice Rollinat
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La pluie
Lorsque la pluie, ainsi qu'un immense écheveau
Brouillant à l'infini ses longs fils d'eau glacée,
Tombe d'un ciel funèbre et noir comme un caveau
Sur Paris, la Babel hurlante et convulsée,
J'abandonne mon gîte, et sur les ponts de fer,
Sur le macadam, sur les pavés, sur l'asphalte,
Laissant mouiller mon crâne où crépite un enfer,
Je marche à pas fiévreux sans jamais faire halte.
La pluie infiltre en moi des rêves obsédants
Qui me font patauger lentement dans les boues,
Et je m'en vais, rôdeur morne, la pipe aux dents,
Sans cesse éclaboussé par des milliers de roues.
Cette pluie est pour moi le spleen de l'inconnu :
Voilà pourquoi j'ai soif de ces larmes fluettes
Qui sur Paris, le monstre au sanglot continu,
Tombent obliquement lugubres, et muettes.
L'éternel coudoîment des piétons effarés
Ne me révolte plus, tant mes pensers fermentent :
À peine si j'entends les amis rencontrés
Bourdonner d'un air vrai leurs paroles qui mentent.
Mes yeux sont si perdus, si morts et si glacés,
Que dans le va-et-vient des ombres libertines,
Je ne regarde pas sous les jupons troussés
Le gai sautillement des fringantes bottines.
En ruminant tout haut des poèmes de fiel,
J'affronte sans les voir la flaque et la gouttière ;
Et mêlant ma tristesse à la douleur du ciel,
Je marche dans Paris comme en un cimetière.
Et parmi la cohue impure des démons,
Dans le grand labyrinthe, au hasard et sans guide,
Je m'enfonce, et j'aspire alors à pleins poumons
L'affreuse humidité de ce brouillard liquide.
Je suis tout à la pluie ! À son charme assassin,
Les vers dans mon cerveau ruissellent comme une onde :
Car pour moi, le sondeur du triste et du malsain,
C'est de la poésie atroce qui m'inonde.
poésie de Maurice Rollinat
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Le Père Éloi
Une nuit, dans un vieux cimetière pas riche,
Ivre, le père Éloi, sacristain-fossoyeur,
Parlait ainsi, d’un ton bonhomique et gouailleur,
Gesticulant penché sur une tombe en friche :
« Après que j’suis sorti d’l’auberge
En sonnant l’Angelus, à c’soir,
J’m’ai dit comme’ ça : Faut q’jaill’ la voir
Au lieu d’y fair’ brûler un cierge !
J’te dérang’ ! Sous l’herbe et la ronce
T’es là ben tranquille à r’poser ;
Bah ! tout seul, un brin, j’vas t’causer :
T’as pu d’langu’, j’attends pas d’réponse.
T’causer ? T’as des oreill’ de cend’e...
Et t’étais sourde avant l’trépas.
Mais, quéq’ ça fait q’tu m’entend’ pas...
Si mon idée est q’tu m’entendes.
J’pense à toi souvent, va, pauv’ grosse,
Beaucoup le jour, surtout la nuit,
Dans la noc’ comme dans l’ennui,
Que j’boiv’ chopine ou creuse un’ fosse.
J’me saoul’ pas pu depuis q’t’es morte
Que quand t’étais du monde. Enfin,
C’est pas tout ça ! moi, j’aim’ le vin,
J’peux l’entonner puisque j’le porte.
Fidèl’ ? là-d’sus faut laisser faire
Le naturel ! on n’est pas d’bois...
C’que c’est ! j’y pens’ pas quant e’ j’bois,
Quant’ j’ai bu, c’est une aut’ affaire !...
Si j’en trouve un’ qu’est pas trop vieille,
Ma foi ! j’vas pas chercher d’témoins !
Pourtant, l’âg’ yétant, j’pratiqu’ moins
La créatur’ que la bouteille.
Bah ! je l’sais, t’es pas pu jalouse
Que cell’ qu’a pris ta succession.
Es’ pas q’j’ai ton absolution ?
Dis ? ma premièr’ défunte épouse ?
Des services ? t’as ma promesse
Que j’ten f’rai dir’ par mon bourgeois.
Quoiq’ça, c’est inutil’ : chaqu’ fois,
J’te r’command’ en servant sa messe.
J’voudrais t’donner queq’chos’ qui t’aille :
Qui qui t’plairait ? qu’est-c’que tu veux ?
Un’ coiff’ ? mais, tu n’as pu d’cheveux.
Un corset ? mais, tu n’as pu d’taille.
Un’ rob’ ? t’es qu’un bout de squelette.
Des mitain’ ? T’as des mains d’poussier.
Des sabots garnis ? t’as pu d’pieds.
Faut pas songer à la toilette !
T’donner à manger ? bon ! ça rentre...
Mais, pour tomber où ? dans quel sac ?
Puisque tu n’as pu d’estomac,
Pu d’gosier, pu d’boyaux, pu d’ventre !
D’l’argent ? mais, dans ton coin d’cimetière
Qué q’t’ach’t’rais donc ? Seigneur de Dieu !
Allons ! tiens ! pour te dire adieu
J’vas t’fair’ cadeau d’un’ bonn’ prière.
Si ça t’fait pas d’bien, comm’ dit l’autre,
Au moins, ben sûr, ça t’fra pas d’mal.
Mais, tu m’coût’ pas cher... c’est égal !
Tu la mérit’ long’ la pat’nôtre ! »
Or, en fait d’oraison longue, le vieux narquois
Partit tout simplement, sur un signe de croix,
Grognant : « C’est tard ! tant pis, j’ai trop soif, l’diab’ m’emporte !
J’vas boire à la santé de l’âme de la morte
poésie de Maurice Rollinat
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Les Arbres
Arbres, grands végétaux, martyrs des saisons fauves.
Sombres lyres des vents, ces noirs musiciens,
Que vous soyez feuillus ou que vous soyez chauves,
Le poète vous aime et vos spleens sont les siens.
Quand le regard du peintre a soif de pittoresque.
C’est à vous qu’il s’abreuve avec avidité,
Car vous êtes l’immense et formidable fresque
Dont la terre sans fin pare sa nudité.
De vous un magnétisme étrange se dégage.
Plein de poésie âpre et d’amères saveurs ;
Et quand vous bruissez, vous êtes le langage
Que la nature ébauche avec les grands rêveurs.
Quand l’éclair et la foule enflent rafale et grêle,
Les forêts sont des mers dont chaque arbre est un flot.
Et tous, le chêne énorme et le coudrier grêle,
Dans l’opaque fouillis poussent un long sanglot.
Alors, vous qui parfois, muets comme des marbres,
Vous endormez, pareils à des cœurs sans remords,
Vous tordez vos grands bras, vous hurlez, pauvres arbres,
Sous l’horrible galop des éléments sans mors.
L’été, plein de langueurs, l’oiseau clôt ses paupières
Et dort paisiblement sur vos mouvants hamacs,
Vous êtes les écrans des herbes et des pierres
Et vous mêlez votre ombre à la fraîcheur des lacs.
Et quand la canicule, aux vivants si funeste,
Pompe les étangs bruns, miroirs des joncs fluets,
Dans l’atmosphère lourde où fermente la peste,
Vous immobilisez vos branchages muets.
Votre mélancolie, à la fin de l’automne,
Est pénétrante, alors que sans fleurs et sans nids,
Sous un ciel nébuleux où d’heure en heure il tonne,
Vous semblez écrasés par vos rameaux jaunis.
Les seules nuits de mai, sous les rayons stellaires,
Aux parfums dont la terre emplit ses encensoirs,
Vous oubliez parfois vos douleurs séculaires
Dans un sommeil bercé par le zéphyr des soirs.
Une brume odorante autour de vous circule
Quand l’aube a dissipé la nocturne stupeur,
Et, quand vous devenez plus grands au crépuscule,
Le poète frémit comme s’il avait peur.
Sachant qu’un drame étrange est joué sous vos dômes,
Par les bêtes le jour, par les spectres la nuit,
Pour voir rôder les loups et glisser les fantômes,
Vos invisibles yeux s’ouvrent au moindre bruit.
Et le soleil vous mord, l’aquilon vous cravache,
L’hiver vous coud tout vifs dans un froid linceul blanc,
Et vous souffrez toujours jusqu’à ce que la hache
Taillade votre chair et vous tranche en sifflant.
Partout où vous vivez, chênes, peupliers, ormes,
Dans les cités, aux champs, et sur les rocs déserts,
Je fraternise avec les tristesses énormes
Que vos sombres rameaux épandent par les airs.
poésie de Maurice Rollinat
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