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Elizabeth Barrett Browning

Chant I

Écrire de nombreux livres est sans fin;
Et moi qui en ai tant écrit en prose et en vers
Pour autrui, je veux maintenant écrire pour moi-même —
Écrire mon histoire pour le meilleur de moi
Comme lorsque l'on peint son portrait pour un ami,
Qui le garde dans un tiroir et le contemple
Longtemps après qu'il a cessé de vous aimer,
Pour rassembler ce qu'il fut et ce qu'il est.

Moi, qui ainsi écris, suis encore ce qu'on appelle jeune:
Pas encore assez éloignée des rivages de la vie
Dans le voyage intérieur pour ne plus entendre
Ce murmure venu de l'Infini alentour,
Auquel sourient les nourrissons dans le sommeil
Et qu'on s'émerveille de leur sourire; non, pas si loin,
Mais je revois ma mère à son poste, doigt levé
Près de la porte de la chambre d'enfant,
Chut, chut — trop de bruit! Et ses doux yeux
De se projeter pour démentir son propos
Dans la turbulence enfantine. Elle nous a quittés,
Et assise, je sens la main de mon père,
Lentement caresser mes boucles sur son genou;
Et j'entends Assunta disant sa plaisanterie
(Elle sait qu'il la préfère à tout autre),
Combien de scudi d'or avait-il fallu pour faire
Ces bouclettes blondes? O, main paternelle,
Caresse, appuie lourdement les pauvres cheveux,
Tire, pousse la petite tête plus près de ton genou!
Je suis trop jeune, oui, pour rester seule assise.

poésie de Elizabeth Barrett BrowningSignalez un problèmeDes citations similaires
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Je suis malade

Je ne rêve plus je ne fume plus
Je n'ai même plus d'histoire
Je suis sale sans toi
Je suis laide sans toi
Je suis comme un orphelin dans un dortoir

Je n'ai plus envie de vivre dans ma vie
Ma vie cesse quand tu pars
Je n'aie plus de vie et même mon lit
Ce transforme en quai de gare
Quand tu t'en vas

Je suis malade
Complètement malade
Comme quand ma mère sortait le soir
Et qu'elle me laissait seul avec mon désespoir

Je suis malade parfaitement malade
T'arrive on ne sait jamais quand
Tu repars on ne sait jamais où
Et ça va faire bientôt deux ans
Que tu t'en fous

Comme à un rocher
Comme à un péché
Je suis accroché à toi
Je suis fatigué je suis épuisé
De faire semblant d'être heureuse quand ils sont là

Je bois toutes les nuits
Mais tous les whiskies
Pour moi on le même goût
Et tous les bateaux portent ton drapeau
Je ne sais plus où aller tu es partout

Je suis malade
Complètement malade
Je verse mon sang dans ton corps
Et je suis comme un oiseau mort quand toi tu dors

Je suis malade
Parfaitement malade
Tu m'as privé de tous mes chants
Tu m'as vidé de tous mes mots
Pourtant moi j'avais du talent avant ta peau

Cet amour me tue
Si ça continue je crèverai seul avec moi
Près de ma radio comme un gosse idiot
Écoutant ma propre voix qui chantera

Je suis malade
Complètement malade
Comme quand ma mère sortait le soir
Et qu'elle me laissait seul avec mon désespoir

Je suis malade
C'est ça je suis malade
Tu m'as privé de tous mes chants
Tu m'as vidé de tous mes mots
Et j'ai le coeur complètement malade
Cerné de barricades
T'entends je suis malade.

chanson interprété par DalidaSignalez un problèmeDes citations similaires
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Tu ne me vois jamais, Pierre, que tu ne die

Tu ne me vois jamais, Pierre, que tu ne die
Que j'étudie trop, que je fasse l'amour,
Et que d'avoir toujours ces livres à l'entour
Rend les yeux éblouis et la tête alourdie.

Mais tu ne l'entends pas : car cette maladie
Ne me vient du trop lire ou du trop long séjour,
Ainsi de voir le bureau, qui se tient chacun jour :
C'est, Pierre mon ami, le livre où j'étudie.

Ne m'en parle donc plus, autant que tu as cher
De me donner plaisir et de ne me fâcher :
Mais bien en cependant que d'une main habile

Tu me laves la barbe et me tonds les cheveux,
Pour me désennuyer, conte-moi, si tu veux,
Des nouvelles du pape et du bruit de la ville.

poésie de Joachim du BellaySignalez un problèmeDes citations similaires
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La Vie en Rose

Des yeux qui font baiser les miens,
Un rire qui se perd sur sa bouche,
Voila le portrait sans retouche
De l'homme auquel j'appartiens

Quand il me prend dans ses bras
Il me parle tout bas,
Je vois la vie en rose.

Il me dit des mots d'amour,
Des mots de tous les jours,
Et ca me fait quelque chose.

Il est entre dans mon coeur
Une part de bonheur
Dont je connais la cause.

C'est lui pour moi. Moi pour lui
Dans la vie,
Il me l'a dit, l'a jure pour la vie.

Et des que je l'apercois
Alors je sens en moi
Mon coeur qui bat

Des nuits d'amour a ne plus en finir
Un grand bonheur qui prend sa place
Des enuis des chagrins, des phases
Heureux, heureux a en mourir.

Quand il me prend dans ses bras
Il me parle tout bas,
Je vois la vie en rose.

Il me dit des mots d'amour,
Des mots de tous les jours,
Et ca me fait quelque chose.

Il est entre dans mon coeur
Une part de bonheur
Dont je connais la cause.

C'est toi pour moi. Moi pour toi
Dans la vie,
Il me l'a dit, l'a jure pour la vie.

Et des que je l'apercois
Alors je sens en moi
Mon coeur qui bat

chanson interprété par Edith PiafSignalez un problèmeDes citations similaires
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Iulia Hașdeu

Je n’ose

je veux te dire une chose
si tu pouvais m’ecouter!
tu m’ecoutes... mais je n’ose
non, je n’ose te parler.
je te sais bonne et tres douce:
mais je te crains malgre moi.
l’oiseau tremble dans la mousse
et je tremble devant toi.

j’ai bien des choses a dire
mais je ne peux pas, j’ai peur...
je te vois deja sourire
et ton sourire est moqueur.
ta bouche est comme une rose...
tu vas te railler de moi
je suis si gauche et je n’ose
lever les yeux devant toi!

ton port est un port de reine
ton regard est imposant
alors, tu comprends sans peine
pourquoi je t’admire tant
je te voudrais souveraine
et moi je serais ton roi
meme etant sur de ta haine
j’aimerais mourir pour toi

je suis bete, c’est possible
pourtant, je sais bien aimer
mon cœur n’est pas insensible
mais je ne puis m’exprimer
ah! si je savais te dire
l’amour que je sens pour toi
non, tu ne voudrais plus rire
et tu n’aimerais que moi.

poésie de Iulia HașdeuSignalez un problèmeDes citations similaires
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Le Centenaire

Près du laboureur poitrinaire,
Devant sa porte, au jour tombant,
Est venu s’asseoir sur son banc
Le patriarche centenaire.

Et, comme le gars se désole,
Dit qu’on va bientôt l’enterrer,
L’ancêtre, pour le rassurer,
Lui répond : « T’es jeun’, ça m’ console.

Ton temps est pas v’nu d’ dire adieu
À tout’ les bell’ choses de la vie.
L’ soleil, l’air, te r’mettront ; j’ me fie
À ces grands méd’cins du bon Dieu.

L’hiver, l’arbre est en maladie,
I’ n’a plus d’oiseaux ni d’ couleurs,
Mais, i’ r’prend ses musiq’, ses fleurs :
C’ n’est que d’ la nature engourdie.

Et puis, pour les tiens, d’ si brav’ gens,
Qui sont pas avancés d’argent,
Faut q’ tu viv’ ! t’ es utile encor.

Tandis q’ moi, tant d’âg’ me suffit.
Maint’nant, plus à charg’ qu’à profit,
J’ suis assez vieux pour faire un mort !

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
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Le centenaire

Près du laboureur poitrinaire,
Devant sa porte, au jour tombant,
Est venu s'asseoir sur son banc
Le patriarche centenaire.

Et, comme le gars se désole,
Dit qu'on va bientôt l'enterrer,
L'ancêtre, pour le rassurer,
Lui répond : ' T'es jeun', ça m'console.

Ton temps est pas v'nu d'dire adieu
A tout' les bell' choses de la vie.
L'soleil, l'air, te r'mettront ; j'me fie
A ces grands méd'cins du bon Dieu.

L'hiver, l'arbre est en maladie,
I' n'a plus d'oiseaux ni d'couleurs,
Mais, i' r'prend ses musiq', ses fleurs :
C'n'est que d'la nature engourdie.

Et puis, pour les tiens, d'si brav' gens,
Qui sont pas avancés d'argent,
Faut q'tu viv' ! t'es utile encor.

Tandis q'moi, tant d'âg' me suffit.
Maint'nant, plus à charg' qu'à profit,
J'suis assez vieux pour faire un mort ! '

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Guillaume Apollinaire

La Loreley

A Bacharach il y avait une sorcière blonde
Qui laissait mourir d'amour tous les hommes à la ronde

Devant son tribunal l'évêque la fit citer
D'avance il l'absolvit à cause de sa beauté

Ô belle Loreley aux yeux pleins de pierreries
De quel magicien tiens-tu ta sorcellerie

Je suis lasse de vivre et mes yeux sont maudits
Ceux qui m'ont regardée évêque en ont péri

Mes yeux ce sont des flammes et non des pierreries
Jetez jetez aux flammes cette sorcellerie

Je flambe dans ces flammes Ô belle Loreley
Qu'un autre te condamne tu m'as ensorcelé

Évêque vous riez Priez plutôt pour moi la Vierge
Faites-moi donc mourir et que Dieu vous protège

Mon amant est parti pour un pays lointain
Faites-moi donc mourir puisque je n'aime rien

Mon coeur me fait si mal il faut bien que je meure
Si je me regardais il faudrait que j'en meure

Mon coeur me fait si mal depuis qu'il n'est plus là
Mon coeur me fit si mal du jour où il s'en alla

L'évêque fit venir trois chevaliers avec leurs lances
Menez jusqu'au couvent cette femme en démence

Va-t'en Lore en folie va Lore aux yeux tremblants
Tu seras une nonne vêtue de noir et blanc

Puis ils s'en allèrent sur la route tous les quatre
La Loreley les implorait et ses yeux brillaient comme des astres

Chevaliers laissez-moi monter sur ce rocher si haut
Pour voir une fois encore mon beau château

Pour me mirer une fois encore dans le fleuve
Puis j'irai au couvent des vierges et des veuves

Là-haut le vent tordait ses cheveux déroulés
Les chevaliers criaient Loreley Loreley

Tout là-bas sur le Rhin s'en vient une nacelle
Et mon amant s'y tient il m'a vue il m'appelle

Mon coeur devient si doux c'est mon amant qui vient
Elle se penche alors et tombe dans le Rhin

Pour avoir vu dans l'eau la belle Loreley
Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

poésie de Guillaume Apollinaire de Alcools (1913)Signalez un problèmeDes citations similaires
Ajouté par George Budoi
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Cornelia Păun Heinzel

Temps

Chaque moment a sa propre signification,
Pour moi, pour vous, pour lui.
Dans chaque instant il y a une action majeure
pour moi, pour vous, pour lui.
Chaque moment est décisif
Pour moi, pour vous, pour lui.
Chaque moment peut changer votre vie.
Aujourd’hui, demain, après-demain, pour toujours
Le bon, mauvais, ou pas du tout.
Pour un seul instant,
Vous pouvez être un grand roi
Sur moi, sur vous, sur tout,
Dans un seul moment
Vous pouvez perdre tout, un peu ou rien...

poésie de Cornelia Păun HeinzelSignalez un problèmeDes citations similaires
Ajouté par Dan Costinaş
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Le Grand-Père

La fille au père Pierre, avec ses airs de sainte,
A si bien surveillé son corps fallacieux
Que sa grossesse a pu mentir à tous les yeux ;
Mais son heure a sonné de n’être plus enceinte.

Dans la grand' chambre on dort comme l’eau dans les trous.
Tout à coup, elle geint, crie et se désespère.
On se lève, on apprend la chose. Le grand-père
Continue à ronfler sous son baldaquin roux.

Mais le bruit à la fin l’éveille, et le voilà
Clamant du lit profond d’où sa maigreur s’arrache :
« Pierr’, quoiq’ya ? – Pèr, ya rin ! – Si ! s’passe un’ chos’ qu’on m’cache ;
Et ma p’tit’ fill’ se plaint, j’ l’entends ben ! quoi qu’elle a ? »

— Elle a qu’elle va faire un champi ! — Le bonhomme
Prend son bâton ferré qu’il brandit en disant :
« Dans not’ famill’ yaura l’déshonneur à présent !
La gueus’ ! vous voyez ben tous qu’i’ faut que j’l’assomme ! »

Et, solennel, tragique, il marche d’un pas lourd
Jusqu’à la pâle enfant... mais, pendant qu’il tempête,
Tendre, il lève et rabat le gourdin sur sa tête,
Bien doux, frôleusement, d’un geste plein d’amour.

« R’commenc’ras-tu ? fait-il, ou là, comme un’ vipère,
J’te coupe en deux ! j’t’écras’ la cervell’ sur ton drap ! »
Elle gémit : « Jamais, grand-père ! »

Alors, le jeune frère égrillard qui ricane,
Glapit : « Oh ! q’si fait ben, grand-père, a r’commenc’ra
Puisqu’elle est chaude comme un’ cane !

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Alfred de Musset

A Madame M...

Vous m'envoyez, belle Emilie,
Un poulet bien emmailloté;
Votre main discrète et polie
L'a soigneusement cacheté.
Mais l'aumône est un peu légère,
Et malgré sa dextérité,
Cette main est bien ménagère
Dans ses actes de charité.
C'est regarder à la dépense
Si votre offrande est un paiement,
Et si c'est une récompense,
Vous n'aviez pas besoin d'argent.
A l'avenir, belle Emilie,
Si votre coeur est généreux,
Aux pauvres gens, je vous en prie
Faites l'aumône avec vos yeux.
Quand vous trouverez le mérite,
Et quand vous voudrez le payer,
Souvenez-vous de Marguerite
Et du poète Alain Chartier
Il était bien laid, dit l'histoire,
La dame était fille de roi;
Je suis bien obligé de croire
Qu'il faisait mieux les vers que moi.
Mais si ma plume est peu de chose,
Mon coeur, hélas! ne vaut pas mieux;
Fût-ce même pour de la prose
Vos cadeaux sont trop dangereux.
Que votre charité timide
Garde son argent et son or,
Car en ouvrant votre main vide
Vous pouvez donner un trésor.

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La pluie

Lorsque la pluie, ainsi qu'un immense écheveau
Brouillant à l'infini ses longs fils d'eau glacée,
Tombe d'un ciel funèbre et noir comme un caveau
Sur Paris, la Babel hurlante et convulsée,

J'abandonne mon gîte, et sur les ponts de fer,
Sur le macadam, sur les pavés, sur l'asphalte,
Laissant mouiller mon crâne où crépite un enfer,
Je marche à pas fiévreux sans jamais faire halte.

La pluie infiltre en moi des rêves obsédants
Qui me font patauger lentement dans les boues,
Et je m'en vais, rôdeur morne, la pipe aux dents,
Sans cesse éclaboussé par des milliers de roues.

Cette pluie est pour moi le spleen de l'inconnu :
Voilà pourquoi j'ai soif de ces larmes fluettes
Qui sur Paris, le monstre au sanglot continu,
Tombent obliquement lugubres, et muettes.

L'éternel coudoîment des piétons effarés
Ne me révolte plus, tant mes pensers fermentent :
À peine si j'entends les amis rencontrés
Bourdonner d'un air vrai leurs paroles qui mentent.

Mes yeux sont si perdus, si morts et si glacés,
Que dans le va-et-vient des ombres libertines,
Je ne regarde pas sous les jupons troussés
Le gai sautillement des fringantes bottines.

En ruminant tout haut des poèmes de fiel,
J'affronte sans les voir la flaque et la gouttière ;
Et mêlant ma tristesse à la douleur du ciel,
Je marche dans Paris comme en un cimetière.

Et parmi la cohue impure des démons,
Dans le grand labyrinthe, au hasard et sans guide,
Je m'enfonce, et j'aspire alors à pleins poumons
L'affreuse humidité de ce brouillard liquide.

Je suis tout à la pluie ! À son charme assassin,
Les vers dans mon cerveau ruissellent comme une onde :
Car pour moi, le sondeur du triste et du malsain,
C'est de la poésie atroce qui m'inonde.

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La Pluie

Lorsque la pluie, ainsi qu’un immense écheveau
Brouillant à l’infini ses longs fils d’eau glacée,
Tombe d’un ciel funèbre et noir comme un caveau
Sur Paris, la Babel hurlante et convulsée,

J’abandonne mon gîte, et sur les ponts de fer,
Sur le macadam, sur les pavés, sur l’asphalte,
Laissant mouiller mon crâne où crépite un enfer,
Je marche à pas fiévreux sans jamais faire halte.

La pluie infiltre en moi des rêves obsédants
Qui me font patauger lentement dans les boues,
Et je m’en vais, rôdeur morne, la pipe aux dents,
Sans cesse éclaboussé par des milliers de roues.

Cette pluie est pour moi le spleen de l’inconnu :
Voilà pourquoi j’ai soif de ces larmes fluettes
Qui sur Paris, le monstre au sanglot continu,
Tombent obliquement lugubres, et muettes.

L’éternel coudoiement des piétons effarés
Ne me révolte plus, tant mes pensers fermentent :
À peine si j’entends les amis rencontrés
Bourdonner d’un air vrai leurs paroles qui mentent.

Mes yeux sont si perdus, si morts et si glacés,
Que dans le va-et-vient des ombres libertines,
Je ne regarde pas sous les jupons troussés
Le gai sautillement des fringantes bottines.

En ruminant tout haut des poèmes de fiel,
J’affronte sans les voir la flaque et la gouttière ;
Et mêlant ma tristesse à la douleur du ciel,
Je marche dans Paris comme en un cimetière.

Et parmi la cohue impure des démons,
Dans le grand labyrinthe, au hasard et sans guide,
Je m’enfonce, et j’aspire alors à pleins poumons
L’affreuse humidité de ce brouillard liquide.

Je suis tout à la pluie ! À son charme assassin,
Les vers dans mon cerveau ruissellent comme une onde :
Car pour moi, le sondeur du triste et du malsain,
C’est de la poésie atroce qui m’inonde.

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Le Scieur de long

Voûté haut sur la grande chèvre
Enchaînant un frêne équarri,
Le vieux parle, et son gars contrit
L’écoute, en se mordant la lèvre.

« T’es trop vif ! Dans not’ dur métier,
Pas s’presser soulag’ de moitié.
L’corps joue à l’ais’, n’est jamais raide,
Quand la cadenc’ tranquill’ vous aide.

Comprends-moi donc ! membr’, scie, échines,
Les trois n’doiv’ fair’ qu’un’ seul’ machine.
Faut q’les deux homm’, mécaniqu’ment,
S’baiss’ et r’mont’ comm’ leur instrument !

Je l’sais par moi-même, et j’l’assure...
Que deux anciens qui vont en m’sure,
S’mouvant pareils de haut en bas,
Font d’long’ besogne et s’fatig’ pas.

Vois, moi, qui suis vieux scieur de long,
Comme j’la pouss’ net et d’aplomb
La scie ! Au lieu q’toi, c’est l’martyre,
De l’air si r’chigné q’tu la tires.

Ton œil toujou’ r’levé voudrait
Voir plus vite avancer son trait,
En c’mençant faudrait qu’elle arrive
Déjà dans l’fin bout d’la solive !

À tout coup, tu crach’ dans tes mains,
Quand ell’ trouve un nœud dans son ch’min ;
Et faut qu’tu jur’ et q’tu te r’prennes,
Si peu qu’elle entre et qu’ell’ s’engrène !

Scier du sapin t’fait batt’ les flancs,
Quand la scie au mou de c’bois blanc
Devrait glisser, sans q’ça t’écœure,
Comme un rasoir dans un pain d’beurre.

Tu s’rais bâti pour le métier,
T’as des bras d’fer, des reins d’acier,
Tandis que moi j’n’ai plus q’l’écorce.
Eh ben ! sais-tu c’qui fait ma force ?

C’est ma patienc’ de volonté
C’est ma scie à moi, l’entêté,
Pour scier l’découragement qui m’pince,

Tell’ que l’autre ! à ça près c’pendant,
Que, tout comme elle, ayant des dents,
Quand ell’ s’en sert, jamais ell’ grince !

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Croissez et multipliez

Ne sortant pas de faire jeûne,
Une fois, le père Lucas,
Sincère, et du fond de son âme,
Disait à ses quatre grands gars,
Tous, de l’aîné jusqu’au plus jeune,
Bien en âge de prendre femme :

« Mes enfants, faut peupler d’son espèc’ ! Ya pas d’trêve !
Faut q’tout c’qui vit engendre ! et qu’toujours s’accroissant,
Les êtr’ les uns aux autr’, sans fin, se r’pass’ leur sang,
Tel’ qu’aux racin’ des arb’ la terr’ coule sa sève.

Tout’ femelle est un champ où l’bon mâle i’ doit s’mer
La grain’ d’humanité qu’est dans l’grenier d’son être :
B’sogn’ douce et ben commod’ ! Puisqu’ y a besoin q’d’aimer,
Et q’sans plaisi’ pour l’homm’, l’enfant pourrait pas naître.

Dans c’champ-là qu’est l’plus nobl’ faut fair’ de beaux sillons,
Q’l’homme y mèn’ la charrue au c’mand’ment d’la nature,
Avec la bell’ chaleur du sang pour aiguillon
D’l’amour qui doit tout l’temps penser à sa culture !

Dans ceux chos’là, faut pas, trop à sa fantaisie,
Écouter les conseils du vice et d’la boisson.
En s’mant, i’ faut toujours songer à la moisson,
Féconder sérieusement l’épous’ qu’on a choisie.

Faut êt’ chaud, mais d’instinct réglé comm’ ceux bêt’ fauves ;
D’êt’ trop paillard ou d’l’êt pas assez… C’est un tort !
Dit’ vous ben qu’vous êt’ vu, quand l’amour joint les corps,
Par le grand oeil d’en haut dont pas un homm’ se sauve.

Dieu merci ! vous n’êt’ pas des poussifs à teint pâle,
Vous avez bonn’ poitrine et fort tempérament,
Vous d’vez donc tous les quat’ faire offic’ de bons mâles,
Accomplir sans tricher vot’ destin d’engross’ment.

Mangez fort ! et fait’-vous du sang, des muscl’, des os !
Buvez ! mais sans jamais perd’ la raison d’un’ ligne ;
Pas trop d’pein’ ! Ceux qui s’us’ au travail sont des sots.
Réglez la sueur du corps ainsi q’le jus d’la vigne !

Comm’ faut q’la femm’ soit pure avec des yeux ardents,
Q’fièr’ dans les bras d’l’époux qui n’cherch’ qu’à la rend’ mère
Ell’ yoffr’ l’instant d’bonheur qui fait claquer ses dents
Pour que leur vie ensemb’ ne soit jamais amère.

Voyez-vous ? l’trôn’ d’un’ femme ? C’est l’lit d’son cher époux.
C’est là q’jeune ell’ pratiq’ l’amour sans badinage,
Et q’vieille ell’ prend, des fois, encore un r’pos ben doux
Au long d’son vieux, après les soucis du ménage.

Là-d’sus buvons un coup ! dans ceux chos’ de l’amour
J’vous souhait’ de pas vous j’ter comme un goret qui s’vautre,
Et que, pour chacun d’vous, l’plus cher désir toujours :
Ça soit d’faire des enfants qui puiss’ en faire d’autres !

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L'Abandonnée

La belle en larmes
Pleure l’abandon de ses charmes
Dont un volage enjôleur
A cueilli la fleur.
Elle sanglote
Au bord de l’onde qui grelotte
Sous les peupliers tremblants,
Pendant que son regard flotte
Et se perd sous les nénufars blancs.

« Adieu ! dit-elle,
Ô toi qui me fus infidèle.
Je t’offre, avant de mourir,
Mon dernier soupir.
Je te pardonne,
Aussi douce que la Madone,
Je te bénis par ma mort.
Le trépas que je me donne,
Pour mon cœur c’est ton amour encor.

Mon souvenir tendre
Sait toujours te voir et t’entendre
Et, par lui, rien n’est effacé
Du bonheur passé.
Nos doux libertinages
Dans les ravins, sous les feuillages,
Au long des ruisseaux tortueux,
Sont encor de claires images
Revenant aux appels de mes yeux.

Ton fruit que je porte
Dans mon ventre de bientôt morte,
C’est toi-même, tes os, ton sang,
Ô mon cher amant !
Traits pour traits, il me semble
Si bien sentir qu’il te ressemble !
Je ne fais donc qu’une avec toi ;
Je me dis que, fondus ensemble,
Tu mourras en même temps que moi. »

Puis, blême et hagarde,
Elle se penche, elle regarde
Le plus noir profond de l’eau
Qui sera son tombeau.
Elle se pâme
Devant le gouffre qui la réclame,
Et dit le nom, en s’y jetant,
De l’homme qu’elle aimait tant
Que, sans lui, son corps n’avait plus d’âme !

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L'Étoile d'un fou

À force de songer, je suis au bout du songe ;
Mon pas n’avance plus pour le voyage humain,
Aujourd’hui comme hier, hier comme demain,
Rengaine de tourment, d’horreur et de mensonge !

Il me faut voir sans cesse, où que mon regard plonge,
En tous lieux, se dresser la Peur sur mon chemin ;
Satan fausse mes yeux, l’ennui rouille ma main,
Et l’ombre de la Mort devant moi se prolonge.

Reviens donc, bonne étoile, à mon triste horizon.
Unique espoir d’un fou qui pleure sa raison,
Laisse couler sur moi ta lumière placide ;

Luis encore ! et surtout, cher Astre médecin,
Accours me protéger, si jamais dans mon sein
Serpentait l’éclair rouge et noir du Suicide.

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Le Miracle

Sous la pluvieuse lumière,
Dans l’air si glacé, la chaumière,

Non loin d’un marais insalubre,
Est lamentablement lugubre.

Au-dedans, c’est tant de misère
Que d’y penser le cœur se serre !

De chaque solive minée,
Du grand trou de la cheminée

Dont le foyer large est tout vide,
Le froid tombe en un jour livide ;

Et la bise a l’entrée aisée
Par la porte et par la croisée.

Or, dans ce logis où la fièvre
Allume l’œil, verdit la lèvre,

Et fait sonner la toux qui racle,
Il va s’accomplir un miracle :

La femme est accroupie à l’angle
Du mur, près d’un vieux lit de sangle.

Stupéfaite, elle est là qui lorgne
Sa petite fenêtre borgne,

Puis, machinale, elle emmitoufle
Son nourrisson presque sans souffle.

Trois petiots ayant triste mine
Rampent comme de la vermine

Sur une mauvaise paillasse
Dans un coin d’ombre où ça brouillasse.

Et la malheureuse sanglote
Et dit d’une voix qui grelotte,

Comme se parlant dans le songe
Où la réalité la plonge :

« Au moulin je suis retournée...
On m’a refusé la fournée.

Plus de pain ! a-t-elle été courte
Malgré mes jeûnes, cette tourte !

Et plus de lait dans ma mamelle
Pour nourrir l’enfant ! tout s’en mêle. »

Elle pense, elle se consulte,
Délibère. Rien n’en résulte,

Sinon qu’elle voit plus affreuse
Sa détresse qu’elle recreuse.

À la fin, pour la mort elle opte,
Et voici le plan qu’elle adopte :

« Oui, son sort n’étant résoluble
Qu’ainsi, ce soir elle s’affuble

De sa capote berrichonne,
Complètement s’encapuchonne,

Alors, sa petite famille
Dans les bras, vers l’étang qui brille

Elle s’en va, s’avance jusque
Au bord, et puis, un plongeon brusque !... »

Mais, vite, sa raison s’adresse
Aux scrupules de sa tendresse.

« Tes enfants ? c’est plus que ton âme ;
Tu les aimes trop, pauvre femme !

T’ont-ils donc demandé de naître
Tes petits, pour leur ôter l’être ?

Même privés de subsistance
Ils ont le droit à l’existence.

D’ailleurs, aurais-tu le courage
D’accomplir un pareil ouvrage ?

Vois-tu tes douleurs et tes hontes,
Quand il faudrait rendre des comptes

Au père qu’à toutes les heures
Avec tant de regret tu pleures ? »

Elle maudit l’horrible idée
Qui l’avait d’abord obsédée.

Mais la souffrance lui confisque
Son reste de force ! elle risque

De se consumer tant, qu’elle aille
Trop mal, pour soigner sa marmaille,

Mendier ? mais, bien loin, sous le givre,
Les enfants ne pourraient la suivre.

Et personne de connaissance
Pour les garder en son absence !

« Que faire ? si pour eux je vole...
La prison ! j’en deviendrais folle,

Puisqu’elle me serait ravie
Leur présence qui fait ma vie. »

Elle songe, et son corps en tremble...
« Oh ! si nous mourions tous ensemble,

Eux si malades, moi si frêle,
De la bonne mort naturelle ! »

Et voilà qu’elle est exaucée
La prière de sa pensée :

Car, soudain, les trois petits pâles
Poussent à l’unisson trois râles.

Elle aussi le trépas la touche
À l’instant même où sur sa bouche

Son nourrisson expire, en sorte
Qu’elle le baise en étant morte,

Tandis que, vers eux étendues,
Ses deux maigres mains de statue,

Couleur des cierges funéraires,
Semblent bénir les petits frères.

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Le Malade

'Apollon, dieu sauveur, dieu des savants mystères,
Dieu de la vie, et dieu des plantes salutaires,
Dieu vainqueur de Python, dieu jeune et triomphant,
Prends pitié de mon fils, de mon unique enfant!
Prends pitié de sa mère aux larmes condamnée,
Qui ne vit que pour lui, qui meurt abandonnée,
Qui n'a pas dû rester pour voir mourir son fils!
Dieu jeune, viens aider sa jeunesse. Assoupis,
Assoupis dans son sein cette fièvre brûlante
Qui dévore la fleur de sa vie innocente.
Apollon! si jamais, échappé du tombeau,
Il retourne au Ménale avoir soin du troupeau,
Ces mains, ces vieilles mains orneront ta statue
De ma coupe d'onyx à tes pieds suspendue;
Et, chaque été nouveau, d'un jeune taureau blanc
La hache à ton autel fera couler le sang.

Eh bien, mon fils, es-tu toujours impitoyable?
Ton funeste silence est-il inexorable?
Enfant, tu veux mourir? Tu veux, dans ses vieux ans,
Laisser ta mère seule avec ses cheveux blancs?
Tu veux que ce soit moi qui ferme ta paupière?
Que j'unisse ta cendre à celle de ton père?
C'est toi qui me devais ces soins religieux,
Et ma tombe attendait tes pleurs et tes adieux.
Parle, parle, mon fils! quel chagrin te consume?
Les maux qu'on dissimule en ont plus d'amertume.
Ne lèveras-tu point ces yeux appesantis?

--Ma mère, adieu; je meurs, et tu n'as plus de fils.
Non, tu n'as plus de fils, ma mère bien-aimée.
Je te perds. Une plaie ardente, envenimée,
Me ronge; avec effort je respire, et je crois
Chaque fois respirer pour la dernière fois.
Je ne parlerai pas. Adieu; ce lit me blesse,
Ce tapis qui me couvre accable ma faiblesse;
Tout me pèse et me lasse. Aide-moi, je me meurs.
Tourne-moi sur le flanc. Ah! j'expire! ô douleurs!

--Tiens, mon unique enfant, mon fils, prends ce breuvage;
Sa chaleur te rendra ta force et ton courage.
La mauve, le dictame ont, avec les pavots,
Mêlé leurs sucs puissants qui donnent le repos;
Sur le vase bouillant, attendrie à mes larmes,
Une Thessalienne a composé des charmes.
Ton corps débile a vu trois retours du soleil
Sans connaître Cérès, ni tes yeux le sommeil.
Prends, mon fils, laisse-toi fléchir à ma prière;
C'est ta mère, ta vieille inconsolable mère
Qui pleure, qui jadis te guidait pas à pas,
T'asseyait sur son sein, te portait dans ses bras,
Que tu disais aimer, qui t'apprit à le dire,
Qui chantait, et souvent te forçait à sourire
Lorsque tes jeunes dents, par de vives douleurs,
De tes yeux enfantins faisaient couler des pleurs.
Tiens, presse de ta lèvre, hélas! pâle et glacée,
Par qui cette mamelle était jadis pressée;
Que ce suc te nourrisse et vienne à ton secours,
Comme autrefois mon lait nourrit tes premiers jours!

--O coteaux d'Érymanthe! ô vallons! ô bocage!
O vent sonore et frais qui troublais le feuillage,
Et faisais frémir l'onde, et sur leur jeune sein
Agitais les replis de leur robe de lin!
De légères beautés troupe agile et dansante ...
Tu sais, tu sais, ma mère? aux bords de l'Érymanthe ...
Là, ni loups ravisseurs, ni serpents, ni poisons ...
O visage divin! ô fêtes! ô chansons!
Des pas entrelacés, des fleurs, une onde pure,
Aucun lieu n'est si beau dans toute la nature.
Dieux! ces bras et ces flancs, ces cheveux, ces pieds nus
Si blancs, si délicats!... Je ne te verrai plus!
Oh! portez, portez-moi sur les bords d'Érymanthe,
Que je la voie encor, cette vierge dansante!
Oh! que je voie au loin la fumée à longs flots
S'élever de ce toit au bord de cet enclos!
Assise à tes côtés, ses discours, sa tendresse,
Sa voix, trop heureux père! enchante ta vieillesse,
Dieux! par-dessus la haie élevée en remparts,
Je la vois, à pas lents, en longs cheveux épars,
Seule, sur un tombeau, pensive, inanimée,
S'arrêter et pleurer sa mère bien-aimée.
Oh! que tes yeux sont doux! que ton visage est beau!
Viendras-tu point aussi pleurer sur mon tombeau?
Viendras-tu point aussi, la plus belle des belles,
Dire sur mon tombeau: Les Parques sont cruelles!

--Ah! mon fils, c'est l'amour, c'est l'amour insensé
Qui t'a jusqu'à ce point cruellement blessé?
Ah! mon malheureux fils! Oui, faibles que nous sommes,
C'est toujours cet amour qui tourmente les hommes.
S'ils pleurent en secret, qui lira dans leur coeur
Verra que c'est toujours cet amour en fureur.
Mais, mon fils, mais dis-moi, quelle belle dansante,
Quelle vierge as-tu vue au bord de l'Érymanthe?
N'es-tu pas riche et beau? du moins quand la douleur
N'avait point de ta joue éteint la jeune fleur!
Parle. Est-ce cette Eglé, fille du roi des ondes,
Ou cette jeune Irène aux longues tresses blondes?
Ou ne sera-ce point cette fière beauté
Dont j'entends le beau nom chaque jour répété,
Dont j'apprends que partout les belles sont jalouses?
Qu'aux temples, aux festins, les mères, les épouses,
Ne sauraient voir, dit-on, sans peine et sans effroi?
Cette belle Daphné?....--Dieux! ma mère, tais-toi,
Tais-toi. Dieux! qu'as-tu dit? Elle est fière, inflexible;
Comme les immortels, elle est belle et terrible!
Mille amants l'ont aimée; ils l'ont aimée en vain.
Comme eux j'aurais trouvé quelque refus hautain.
Non, garde que jamais elle soit informée...
Mais, ô mort! ô tourment! ô mère bien-aimée!
Tu vois dans quels ennuis dépérissent mes jours.
Ma mère bien-aimée, ah! viens à mon secours.
Je meurs; va la trouver: que tes traits, que ton âge,
De sa mère à ses yeux offrent la sainte image.
Tiens, prends cette corbeille et nos fruits les plus beaux,
Prends notre Amour d'ivoire, honneur de ces hameaux;
Prends la coupe d'onyx à Corinthe ravie;
Prends mes jeunes chevreaux, prends mon coeur, prends ma vie;
Jette tout à ses pieds; apprends-lui qui je suis;
Dis-lui que je me meurs, que tu n'as plus de fils.
Tombe aux pieds du vieillard, gémis, implore, presse;
Adjure cieux et mers, dieu, temple, autel, déesse.
Pars; et si tu reviens sans les avoir fléchis,
Adieu, ma mère, adieu, tu n'auras plus de fils.

--J'aurai toujours un fils, va, la belle espérance
Me dit...' Elle s'incline, et, dans un doux silence,
Elle couvre ce front, terni par les douleurs,
De baisers maternels entremêlés de pleurs.
Puis elle sort en hâte, inquiète et tremblante;
Sa démarche est de crainte et d'âge chancelante.
Elle arrive; et bientôt revenant sur ses pas,
Haletante, de loin: 'Mon cher fils, tu vivras,
Tu vivras.' Elle vient s'asseoir près de la couche,
Le vieillard la suivait, le sourire à la bouche,
La jeune belle aussi, rouge et le front baissé,
Vient, jette sur le lit un coup d'oeil. L'insensé
Tremble; sous ses tapis il veut cacher sa tête.
'Ami, depuis trois jours tu n'es d'aucune fête,
Dit-elle; que fais-tu? Pourquoi veux-tu mourir?
Tu souffres. On me dit que je peux te guérir;
Vis, et formons ensemble une seule famille:
Que mon père ait un fils, et ta mère une fille!'

poésie de Andre Marie de ChenierSignalez un problèmeDes citations similaires
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La Relique

Avant son mariage, – ô souffrance mortelle !
Elle me la donna sa chemise en dentelle,
Celle qu’elle avait le doux soir
Où, cédant à mes pleurs qui lui disaient : « Viens, Berthe ! »
Près de moi haletant sur la couche entr’ouverte,
Frémissante elle vint s’asseoir.

Ce linge immaculé qu’embaumait son corps vierge,
Quand elle vint me faire, aussi pâle qu’un cierge,
Ses chers adieux si redoutés,
Elle me le tendit d’un air mélancolique
En soupirant : « Voici la suprême relique
De nos défuntes voluptés.

« Je te la donne, ami, ma chemise brodée :
Car, la première fois que tu m’as possédée,
Je la portais, t’en souviens-tu ?
Elle seule a connu les brûlantes ivresses
Que ta voix musicale et pleine de caresses
Faisait courir dans ma vertu.

« Elle seule entendit les aveux réciproques
Que, jour et nuit, mes seins, dans leurs gentils colloques,
Échangeaient tout bas en tremblant ;
Elle seule a pu voir comme une vierge flambe
Quand le genou d’un homme ose effleurer sa jambe
Qui tressaille dans son bas blanc.

« Dès l’heure où sur mon cou frémit ta lèvre ardente,
Tout mon corps anxieux a pris pour confidente
Cette chemise en tulle fin ;
Et ses sensations aussi neuves qu’impures,
Voluptueusement, dans le flot des guipures,
Ont dit qu’il se donnait enfin.

« Conserve-la toujours ! Qu’elle soit pour ton âme
La chair mystérieuse et vague de la femme
Qui te voue un culte éternel ;
Qu’elle soit l’oreiller de tes regrets moroses ;
Quand tu la baiseras, songe aux nudités roses
Qui furent ton festin charnel !

« Que les parfums ambrés de ma peau qui l’imprègnent,
Pour l’odorat subtil de tes rêves, y règnent
Candides et luxurieux !
Qu’elle garde à jamais l’empreinte de mes formes !
J’ai dit à mon amour : « J’exige que tu dormes
« Entre ses plis mystérieux. »

« Les chaleurs, les frissons de ma chair en alarmes,
Quand ma virginité rouge et buvant ses larmes
Te fuyait comme un assassin,
Ce que j’ai ressenti de bonheur et de crainte
Quand tu m’as attirée et que tu m’as étreinte
En collant ta bouche à mon sein :

« Elle t’apprendra tout ! Dans ses muettes odes,
Elle rappellera d’amoureux épisodes
À ton hallucination ;
Et ton rêve, y trouvant mes bien-aimés vestiges,
Bénira, l’aile ouverte au milieu des vertiges,
Sa chère fascination.

« Adieu ! » – J’ai conservé la mignonne chemise
Je l’exhume parfois du coffre où je l’ai mise,
Et je la baise avec ferveur ;
Et mon rêve est si chaud, qu’en elle il fait revivre
Ce corps si capiteux dont je suis encore ivre,
Car il m’en reste la saveur.

Alors, je la revois dans un nimbe de gloire,
La sirène aux pieds blancs comme du jeune ivoire,
Mon ancienne adoration,
Qui, moderne païenne, ingénue et lascive,
Allumait d’un regard dans mon âme pensive
Des fournaises de passion.

Son corps de Grecque, ayant l’ardeur de la Créole,
Tour à tour délirant et plein de langueur molle,
Toujours affamé de plaisir,
Et qui, reptile humain, se tordait dans l’alcôve,
Bouillant d’une hystérie irrésistible et fauve
Pour éterniser mon désir ;

Sa bouche de corail, humide et parfumée,
Ses petits pieds d’enfant, ses deux jambes d’almée,
Sa chevelure aux flots houleux,
Sa gorge aiguë et ferme, et ses robustes hanches,
Ses secrètes beautés purpurines et blanches,
Ses yeux immenses, noirs et bleus ;

Tous ces mille rayons d’une chair si féline
Embrasent ma chair froide et toujours orpheline
Depuis que l’amour m’a quitté ;
Et lui criant : « Ma Berthe ! enlaçons-nous sans trêve ! »
Je la possède encor dans l’extase du rêve
Comme dans la réalité !

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La Ressusciteuse

Je dis à la bergère : « Où donc est ta bessonne !
Oh ! mais, comme tu lui ressembles ! »
La fille soupira : « Ma sœur est mort’ ! personne
N’nous verra plus jamais ensemble.

C’est vrai que j’suis son doub’, son r’venant q’l’on dirait,
Celui-là qui me r’gard’ la voit.
De visag’, de parler, d’taill’, j’suis tout son portrait :
J’suis elle, comme elle était moi.

Je m’la ressuscit’ ben souvent.
J’prends tout c’quell’ portait d’son vivant,
À sa façon, j’m’en habill’ telle,

Et puis, d’vant un’ glac’, pour tout d’bon,
J’y cause… et, lorsque j’y réponds,
Je me figure que c’est elle !

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