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Charles Baudelaire

Bohémiens en voyage

La tribu prophétique aux prunelles ardentes
Hier s'est mise en route, emportant ses petits
Sur son dos, ou livrant à leurs fiers appétits
Le trésor toujours prêt des mamelles pendantes.

Les hommes vont à pied sous leurs armes luisantes
Le long des chariots où les leurs sont blottis,
Promenant sur le ciel des yeux appesantis
Par le morne regret des chimères absentes.

Du fond de son réduit sablonneux, le grillon,
Les regardant passer, redouble sa chanson;
Cybèle, qui les aime, augmente ses verdures,

Fait couler le rocher et fleurir le désert
Devant ces voyageurs, pour lesquels est ouvert
L'empire familier des ténèbres futures.

poésie de Charles Baudelaire de Les Fleurs du malSignalez un problèmeDes citations similaires
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Les Pouliches

Frissonnantes, ridant leur peau gris-pommelé
Au moindre frôlement des zéphyrs et des mouches,
Les pouliches, non loin des grands taureaux farouches,
Trottinent sur les bords du pacage isolé.

Dans ce vallon tranquille où les ronces végètent
Et qu’embrume l’horreur des joncs appesantis,
La sauterelle joint son aigre cliquetis
Aux hennissements courts et stridents qu’elles jettent.

Dressant leurs jarrets fins et leur cou chevelu,
Elles tremblent de peur au bruit du train qui passe,
Et leurs yeux inquiets interrogent l'espace
Depuis l’arbre lépreux jusqu’au rocher velu.

Et tandis qu’on entend prononcer des syllabes
Aux échos du ravin plein d’ombre et de fracas,
Elles enflent au vent leurs naseaux délicats,
Fiers comme ceux du zèbre et des juments arabes.

L’averse dont le sol s’embaume, et qui dans l’eau
Crépite en dessinant des ronds qui s’entrelacent ;
Les lames d’argent blanc qui polissent et glacent
Le tronc du jeune chêne et celui du bouleau ;

Un lièvre qui s’assied sur les mousses crépues ;
Des chariots plaintifs dans un chemin profond :
Autant de visions douces qui satisfont
La curiosité des pouliches repues.

Même en considérant les margots et les geais
Qui viennent en amis leur conter des histoires,
Elles ont tout l’éclat de leurs prunelles noires :
C’est du feu pétillant sous des globes de jais !

Elles mêlent souvent à leurs douces querelles
Le friand souvenir de leurs mères juments,
Et vont avec de vifs et gentils mouvements
Se mordiller le ventre et se téter entre elles.

Leur croupe se pavane, et leur toupet joyeux,
S’échappant du licol en cuir qui les attache,
Parfois sur leur front plat laisse voir une tache
Ovale de poils blancs lisses comme des yeux.

Autour des châtaigniers qui perdent leur écorce,
Elles ont dû passer la nuit à l’air brutal,
Car la rosée, avec ses gouttes de cristal,
Diamante les bouts de leur crinière torse.

Mais bientôt le soleil flambant comme un enfer
Réveillera leur queue aux battements superbes
Et fourbira parmi les mouillures des herbes
Leurs petits sabots blonds encor vierges du fer.

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La Lune

La lune a de lointains regards
Pour les maisons et les hangars
Qui tordent sous les vents hagards
Leurs girouettes ;
Mais sa lueur fait des plongeons
Dans les marais peuplés d’ajoncs
Et flotte sur les vieux donjons
Pleins de chouettes !

Elle fait miroiter les socs
Dans les champs, et nacre les rocs
Qui hérissent les monts, par blocs
Infranchissables ;
Et ses chatoiements délicats
Près des gaves aux sourds fracas
Font luire de petits micas
Parmi les sables !

Avec ses lumineux frissons
Elle a de si douces façons
De se pencher sur les buissons
Et les clairières !
Son rayon blême et vaporeux
Tremblote au fond des chemins creux
Et rôde sur les flancs ocreux
Des fondrières.

Elle promène son falot
Sur la forêt et sur le flot
Que pétrit parfois le galop
Des vents funèbres ;
Elle éclaire aussi les taillis
Où, cachés sous les verts fouillis,
Les ruisseaux font des gazouillis
Dans les ténèbres.

Elle argente sur les talus
Les vieux troncs d’arbres vermoulus
Et rend les saules chevelus
Si fantastiques,
Qu’à ses rayons ensorceleurs,
Ils ont l’air de femmes en pleurs
Qui penchent au vent des douleurs
Leurs fronts mystiques.

En doux reflets elle se fond
Parmi les nénuphars qui font
Sur l’étang sinistre et profond
De vertes plaques ;
Sur la côte elle donne aux buis
Des baisers d’émeraude, et puis
Elle se mire dans les puits
Et dans les flaques !

Et, comme sur les vieux manoirs,
Les ravins et les entonnoirs,
Comme sur les champs de blés noirs
Où dort la caille,
Elle s’éparpille ou s’épand,
Onduleuse comme un serpent,
Sur le sentier qui va grimpant
Dans la rocaille !

Oh ! quand, tout baigné de sueur,
Je fuis le cauchemar tueur,
Tu blanchis avec ta lueur
Mon âme brune ;
Si donc, la nuit, comme un hibou,
Je vais rôdant je ne sais où,
C’est que je t’aime comme un fou ;
O bonne Lune !

Car, l’été, sur l’herbe, tu rends
Les amoureux plus soupirants,
Et tu guides les pas errants
Des vieux bohèmes ;
Et c’est encore ta clarté,
O reine de l’obscurité,
Qui fait fleurir l’étrangeté
Dans mes poèmes !

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Charles Baudelaire

Sépulture

Si par une nuit lourde et sombre
Un bon chrétien, par charité,
Derrière quelque vieux décombre
Enterre votre corps vanté,

À l'heure où les chastes étoiles
Ferment leurs yeux appesantis,
L'araignée y fera ses toiles,
Et la vipère ses petits;

Vous entendrez toute l'année
Sur votre tête condamnée
Les cris lamentables des loups

Et des sorcières faméliques,
Les ébats des vieillards lubriques
Et les complots des noirs filous.

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Les Mouettes

En tas, poussant de longs cris aboyeurs
Aussi plaintifs que des cris de chouettes,
Autour des ports, sur les gouffres noyeurs,
Dans l’air salé s’ébattent les mouettes,
Promptes au vol comme des alouettes.
D’un duvet mauve et marqueté de roux,
Sur l’eau baveuse où le vent fait des trous,
On peut les voir se tailler des besognes
Et se risquer sous le ciel en courroux,
Pour nettoyer la mer de ses charognes.

Flairant les flots, sinistres charroyeurs,
Et les écueils noirs dont les silhouettes
Font aux marins de si grandes frayeurs,
Elles s’en vont avec des pirouettes
De-ci, de-là, comme des girouettes.
Dans les vapeurs vitreuses des temps mous
Où notre œil suit les effacements doux
Des mâts penchant avec des airs d’ivrognes,
Ces grands oiseaux rôdent sur les remous,
Pour nettoyer la mer de ses charognes.

Et quand les flots devenus chatoyeurs
Dorment bercés par les brises fluettes,
On les revoit, avides côtoyeurs,
Éparpillant leurs troupes inquiètes
Aux environs des falaises muettes.
En vain tout rit, le brouillard s’est dissous ;
Ces carnassiers qui ne sont jamais soûls
Ouvrent encor leurs ailes de cigognes
Sur les galets polis comme des sous,
Pour nettoyer la mer de ses charognes.


ENVOI

Vautour blafard, fouilleur des casse-cous,
Toi dont le bec donne de si grands coups
Dans les lambeaux pourris où tu te cognes,
Viens là ! Tes sœurs t’y donnent rendez-vous,
Pour nettoyer la mer de ses charognes.

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Le Bon Fou

Il n’a que sa chemise écrue et sa culotte
Pour tout costume. Il porte un bonnet de coton.
Tel il rôde, faisant mouliner son bâton.
Promenant l’ébahi de son regard qui flotte.

Barbu, gras et rougeaud, il montre ses dents blanches,
Son poitrail tout velu comme celui des loups,
Les muscles de ses bras, les nœuds de ses genoux,
Et dandine sa marche au roulis de ses hanches.

Parfois, sur son chemin, inerte comme un marbre,
Il s’arrête debout, regardant ciel ou sol,
Quelque grand oiseau fauve élargissant son vol,
Un champignon verdi qui sèche au pied d’un arbre.

Sa songerie alors s’épanche en un langage
Tour à tour sifflement, chant, grognement, parler ;
Il imite, entendant telle ou telle eau couler,
Le murmure ou le bruit croulant qu’elle dégage.

Aux prés, de son bâton, il racle doux l’échine
Du bétail engourdi dont il sait les secrets,
Ou, grave, l’étendant, jette sur les guérets
Un bon sort aux moissons que son rêve imagine.

Le froid noir des ciels blancs, l’éclair des ciels de suie,
Il y reste impassible autant que le rocher ;
Et, recherchant l’averse au lieu de se cacher,
Du même pas rythmique avance dans la pluie.

Il emporte son pain qu’il mange dans ses courses,
L’émiettant, ça et là, pour les petits oiseaux,
Et va boire, à genoux, parmi joncs et roseaux,
Aux masses des torrents comme au filet des sources.

Toujours égal, jamais colère, jamais ivre,
Comme s’il se sentait au-dessous des humains,
Il est muet avec les gens, sur les chemins,
Rentré, ne parle pas aux siens qui le font vivre.

C’est pourquoi lui faisant sa suite coutumière,
Chaque fois, sur la place, il attend que le mort
Ait eu ses libera pour l’escorter encor
Juste en face du seuil, mais loin du cimetière.

Il ne répond qu’aux bruits des choses et des bêtes
Qu’il trouve à l’unisson fraternel de ses voix,
Interpelle aussi lien le silence des bois
Qu’il jette sa parole au fracas des tempêtes.

Courbé sur sa charrue, ou le pied sur sa pelle,
Le paysan le suit des yeux avec respect,
Bien qu’il soit, nuit et jour, routinier de l’aspect
De ce « membre de Dieu », comme chacun l’appelle.

Et les femmes, passant dans leur mélancolie,
Rencontrent sans effroi cet hercule enfantin,
Sachant que la nature a fait bon son instinct,
Qu’elle a virginisé sa tranquille folie.

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Le bon fou

Il n'a que sa chemise écrue et sa culotte
Pour tout costume. Il porte un bonnet de coton.
Tel il rôde, faisant mouliner son bâton.
Promenant l'ébahi de son regard qui flotte.

Barbu, gras et rougeaud, il montre ses dents blanches,
Son poitrail tout velu comme celui des loups,
Les muscles de ses bras, les noeuds de ses genoux,
Et dandine sa marche au roulis de ses hanches.

Parfois, sur son chemin, inerte comme un marbre,
Il s'arrête debout, regardant ciel ou sol,
Quelque grand oiseau fauve élargissant son vol,
Un champignon verdi qui sèche au pied d'un arbre.

Sa songerie alors s'épanche en un langage
Tour à tour sifflement, chant, grognement, parler ;
Il imite, entendant telle ou telle eau couler,
Le murmure ou le bruit croulant qu'elle dégage.

Aux prés, de son bâton, il racle doux l'échine
Du bétail engourdi dont il sait les secrets,
Ou, grave, l'étendant, jette sur les guérets
Un bon sort aux moissons que son rêve imagine.

Le froid noir des ciels blancs, l'éclair des ciels de suie,
Il y reste impassible autant que le rocher ;
Et, recherchant l'averse au lieu de se cacher,
Du même pas rythmique avance dans la pluie.

Il emporte son pain qu'il mange dans ses courses,
L'émiettant, ça et là, pour les petits oiseaux,
Et va boire, à genoux, parmi joncs et roseaux,
Aux masses des torrents comme au filet des sources.

Toujours égal, jamais colère, jamais ivre,
Comme s'il se sentait au-dessous des humains,
Il est muet avec les gens, sur les chemins,
Rentré, ne parle pas aux siens qui le font vivre.

C'est pourquoi lui faisant sa suite coutumière,
Chaque fois, sur la place, il attend que le mort
Ait eu ses 'libera' pour l'escorter encor
Juste en face du seuil, mais loin du cimetière.

Il ne répond qu'aux bruits des choses et des bêtes
Qu'il trouve à l'unisson fraternel de ses voix,
Interpelle aussi lien le silence des bois
Qu'il jette sa parole au fracas des tempêtes.

Courbé sur sa charrue, ou le pied sur sa pelle,
Le paysan le suit des yeux avec respect,
Bien qu'il soit, nuit et jour, routinier de l'aspect
De ce ' membre de Dieu ', comme chacun l'appelle.

Et les femmes, passant dans leur mélancolie,
Rencontrent sans effroi cet hercule enfantin,
Sachant que la nature a fait bon son instinct,
Qu'elle a virginisé sa tranquille folie.

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Les Petits Fauteuils

Assis le long du mur dans leurs petits fauteuils,
Les deux babys chaussés de bottinettes bleues,
Regardent moutonner des bois de plusieurs lieues
Où l’automne a déjà tendu ses demi-deuils.

Auprès du minet grave et doux comme un apôtre,
Côte à côte ils sont là, les jumeaux ébaubis,
Tous deux si ressemblants de visage et d’habits
Que leur mère s’y trompe et les prend l’un pour l’autre.

Aussi, sur le chemin, la bergère en sabots
S’arrête pour mieux voir leurs ivresses gentilles
Qu’un barrage exigu, fixé par deux chevilles,
Emprisonne si peu dans ces fauteuils nabots.

Avec l’humidité de la fleur qu’on arrose,
Leur bouche de vingt mois montre ses dents de lait,
Ou se ferme en traçant sur leur minois follet
Un accent circonflexe adorablement rose.

Leurs cheveux frisottés où la lumière dort
Ont la suavité vaporeuse des nimbes,
Et, sur leurs fronts bénis par les anges des limbes,
S’emmêlent, tortillés en menus crochets d’or.

Parfois, en tapotant de leurs frêles menottes
La planchette à rebords où dorment leurs pantins,
Ils poussent des cris vifs, triomphants et mutins,
Avec l’inconscience exquise des linottes.

Tout ravis quand leurs yeux rencontrent par hasard
La mouche qui bourdonne et qui fait la navette,
On les voit se pâmer, rire, et sur leur bavette
Saliver de bonheur à l’aspect d’un lézard.

En inclinant vers eux ses clochettes jaspées,
Le liseron grimpeur du vieux mur sans enduit
Forme un cadre odorant qui bouge et qui bruit
Autour de ces lutins en robes de poupées.

Et tandis que venu des horizons chagrins,
Le zéphyr lèche à nu leurs coudes à fossettes,
L’un s’amuse à pincer ses petites chaussettes,
Et l’autre, son collier d’ivoire aux larges grains.

La poule, sans jeter un gloussement d’alarme,
Regarde ses poussins se risquer autour d’eux,
Et le chien accroupi les surveille tous deux
D’un œil mélancolique où tremblote une larme.

La campagne qui meurt paraît vouloir mêler
Son râle d’agonie à leurs frais babillages ;
Maint oiselet pour eux retarde ses voyages,
Et dans un gazouillis semble les appeler.

Le feuillage muet qui perd ses découpures,
En les voyant, se croit à la saison des nids ;
Et la flore des bois et des étangs jaunis
Souffle son dernier baume à leurs narines pures.

Mais voilà que chacun, penchant son joli cou,
Ferme à demi ses yeux dont la paupière tremble ;
Une même langueur les fait bâiller ensemble
Et tous deux à la fois s’endorment tout à coup :

Cependant qu’au-dessus de la terre anxieuse
Le soleil se dérobe au fond des cieux plombés
Et que le crépuscule, embrumant les bébés,
Verse à leur doux sommeil sa paix silencieuse.

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Guillaume Apollinaire

La Loreley

A Bacharach il y avait une sorcière blonde
Qui laissait mourir d'amour tous les hommes à la ronde

Devant son tribunal l'évêque la fit citer
D'avance il l'absolvit à cause de sa beauté

Ô belle Loreley aux yeux pleins de pierreries
De quel magicien tiens-tu ta sorcellerie

Je suis lasse de vivre et mes yeux sont maudits
Ceux qui m'ont regardée évêque en ont péri

Mes yeux ce sont des flammes et non des pierreries
Jetez jetez aux flammes cette sorcellerie

Je flambe dans ces flammes Ô belle Loreley
Qu'un autre te condamne tu m'as ensorcelé

Évêque vous riez Priez plutôt pour moi la Vierge
Faites-moi donc mourir et que Dieu vous protège

Mon amant est parti pour un pays lointain
Faites-moi donc mourir puisque je n'aime rien

Mon coeur me fait si mal il faut bien que je meure
Si je me regardais il faudrait que j'en meure

Mon coeur me fait si mal depuis qu'il n'est plus là
Mon coeur me fit si mal du jour où il s'en alla

L'évêque fit venir trois chevaliers avec leurs lances
Menez jusqu'au couvent cette femme en démence

Va-t'en Lore en folie va Lore aux yeux tremblants
Tu seras une nonne vêtue de noir et blanc

Puis ils s'en allèrent sur la route tous les quatre
La Loreley les implorait et ses yeux brillaient comme des astres

Chevaliers laissez-moi monter sur ce rocher si haut
Pour voir une fois encore mon beau château

Pour me mirer une fois encore dans le fleuve
Puis j'irai au couvent des vierges et des veuves

Là-haut le vent tordait ses cheveux déroulés
Les chevaliers criaient Loreley Loreley

Tout là-bas sur le Rhin s'en vient une nacelle
Et mon amant s'y tient il m'a vue il m'appelle

Mon coeur devient si doux c'est mon amant qui vient
Elle se penche alors et tombe dans le Rhin

Pour avoir vu dans l'eau la belle Loreley
Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

poésie de Guillaume Apollinaire de Alcools (1913)Signalez un problèmeDes citations similaires
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Les Lèvres

Depuis que tu m’as quitté,
Je suis hanté par tes lèvres,
Inoubliable beauté !

Dans mes spleens et dans mes fièvres,
À toute heure, je les vois
Avec leurs sourires mièvres ;

Et j’entends encor la voix
Qui s’en échappait si pure
En disant des mots grivois.

Sur l’oreiller de guipure
J’évoque ton incarnat,
Délicieuse coupure !

Ô muqueuses de grenat,
Depuis que l’autre vous baise,
Je rêve d’assassinat !

Cœur jaloux que rien n’apaise,
Je voudrais le poignarder :
Son existence me pèse !

Oh ! que n’ai-je pu garder
Ces lèvres qui dans les larmes
Savaient encor mignarder !

Aujourd’hui, je n’ai plus d’armes
Contre le mauvais destin,
Puisque j’ai perdu leurs charmes !

Quelle ivresse et quel festin
Quand mes lèvres sur les siennes
Buvaient l’amour clandestin !

Où sont tes langueurs anciennes,
Dans ce boudoir qu’embrumait
L’ombre verte des persiennes !

Alors ta bouche humait
En succions convulsives
Ton amant qui se pâmait !

Ô mes caresses lascives
Sur ses lèvres, sur ses dents
Et jusque sur ses gencives !

Jamais las, toujours ardents,
Nous avions des baisers fauves
Tour à tour mous et mordants.

Souviens-toi de nos alcôves
Au fond des bois, dans les prés,
Sur la mousse et sur les mauves,

Quand des oiseaux diaprés
Volaient à la nuit tombante
Dans les arbres empourprés !

Mon âme est toute flambante
En songeant à nos amours :
C’est ma pensée absorbante !

Et j’en souffrirai toujours :
Car ces lèvres qui me raillent,
Hélas ! dans tous mes séjours,

Je les vois qui s’entre-bâillent !

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Le Ciel

Le Ciel est le palais des Âmes
Et des bonheurs éternisés :
Là, joignant ses doigts irisés,
La Vierge prie avec ses dames.

Les Esprits y fondent leurs flammes,
Les Cœurs s’y donnent des baisers !
Le Ciel est le palais des Âmes
Et des bonheurs éternisés.

Sur l’aile pure des Cinnames
Et des zéphyrs angélisés,
Les corps blancs et divinisés,
Flottent comme des oriflammes ;
Le Ciel est le palais des âmes !

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Les Gardeuses de boucs

Près d’un champ de folles avoines
Où, plus rouges que des pivoines,
Ondulent au zéphyr de grands coquelicots,
Elles gardent leurs boucs barbus comme des moines,
Et noirs comme des moricauds.

L’une tricote et l’autre file.
Là-bas, le rocher se profile
Noirâtre et gigantesque entre les vieux donjons,
Et la mare vitreuse où nage l’hydrophile
Reluit dans un cadre de joncs.

Plus loin dort, sous le ciel d’automne,
Un paysage monotone :
Damier sempiternel aux cases de vert cru,
Que parfois un long train fuligineux qui tonne
Traverse, aussitôt disparu.

Les boucs ne songent pas aux chèvres,
Car ils broutent comme des lièvres
Le serpolet des rocs et le thym des fossés ;
Seuls, deux petits chevreaux sautent mutins et mièvres
Par les cheminets crevassés.

Les fillettes sont un peu rousses,
Mais quelles charmantes frimousses,
Et comme la croix d’or sied bien à leurs cous blancs !
Elles ont l’air étrange, et leurs prunelles douces
Décochent des regards troublants.

Pendant que chacune babille,
Un grand chien jaune dont l’œil brille,
L’oreille familière à leur joli patois,
Les caresse, va, vient, s’assied, court et frétille,
Aussi bonhomme que matois.

Et les deux petites gardeuses
S’en vont, lentes et bavardeuses,
Enjambant un ruisseau, débouchant un pertuis,
Et rôdent sans songer aux vipères hideuses
Entre les ronces et les buis.

Or l’odeur des boucs est si forte
Que je m’éloigne ! mais j’emporte
L’agreste souvenir des filles aux yeux verts ;
Et, ce soir, quand j’aurai barricadé ma porte,
Je les chanterai dans mes vers.

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Nativité

D'aucuns ont un pleur charitable
Pour Jésus né dans une étable.
Je sais un sort plus lamentable

Je sais un enfant ramassé,
Un jour de décembre glacé,
Nu comme un ver, dans un fossé.

Il est nuit. Pas une voisine
N'offre à sa grange ou sa cuisine
A la pauvre mère en gésine.

Malgré sa mine et son danger,
Qui donc voudrait se déranger?
Elle est en pays étranger.

Donc, depuis l'étape dernière
Se traînant d'ornière en ornière,
Elle va, bête sans tanière,

Bête hagarde qui s'enfuit
Et cherche à tâtons un réduit,
Les yeux grands ouverts dans la nuit.

Ses reins lui pèsent. Ses mamelles
Que gonflent des cuissons jumelles
Sont pleines comme des gamelles.

Son ventre, où flambent des chardons,
Sent l'enfant, fils des vagabonds,
Qui veut sortir et fait des bonds.

Elle va quand même, plus lente,
Tirant ses pieds lourds dont la plante
Saigne. Elle va, folle, hurlante,

Soûle, et, boule, roule au fossé,
Et maudit le mâle exaucé
Par qui son flanc fût engrossé.

La face au ciel, comme en extase,
Elle se tord. Son cou s'écrase
Sur les cailloux et dans la vase.

Elle accouche enfin, en crevant;
Et le gueux nouvel arrivant
Grelotte et vagit en plein vent.

Le vent est dur, sa chair est nue.
Aucune étoile dans la nue
Ne vient saluer sa venue.

Pas de mages, pas de cadeaux,
De crèches, de bergers badauds!
Il est seul, couché sur le dos,

Comme un supplicié qui claime,
Tout noir près du cadavre blême,
Sans personne au monde qui l'aime;

Et, par sa mère au ventre ouvert
Je jure, le front découvert,
Que l'autre n'a pas tant souffert!

poésie de Jean RichepinSignalez un problèmeDes citations similaires
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Le départ

Traînant leurs pas après leurs pas
Le front pesant et le coeur las,
S'en vont, le soir, par la grand'route,
Les gens d'ici, buveurs de pluie,
Lécheurs de vent, fumeurs de brume.

Les gens d'ici n'ont rien de rien,
Rien devant eux
Que l'infini de la grand'route.

Chacun porte au bout d'une gaule,
Dans un mouchoir à carreaux bleus,
Chacun porte dans un mouchoir,
Changeant de main, changeant d'épaule,
Chacun porte
Le linge usé de son espoir.

Les gens s'en vont, les gens d'ici,
Par la grand'route à l'infini.

L'auberge est là, près du bois nu,
L'auberge est là de l'inconnu ;
Sur ses dalles, les rats trimballent
Et les souris.

L'auberge, au coin des bois moisis,
Grelotte, avec ses murs mangés,
Avec son toit comme une teigne,
Avec le bras de son enseigne
Qui tend au vent un os rongé.

Les gens d'ici sont gens de peur :
Ils font des croix sur leur malheur
Et tremblent ;
Les gens d'ici ont dans leur âme
Deux tisons noirs, mais point de flamme,
Deux tisons noirs en croix.

Les gens d'ici sont gens de peur ;
Et leurs autels n'ont plus de cierges
Et leur encens n'a plus d'odeur :
Seules, en des niches désertes,
Quelques roses tombent inertes
Autour d'un Christ en plâtre peint.

Les gens d'ici ont peur de l'ombre sur leurs champs,
De la lune sur leurs étangs,
D'un oiseau mort contre une porte ;
Les gens d'ici ont peur des gens.

Les gens d'ici sont malhabiles
La tête lente et les cerveaux débiles
Quoique tannés d'entêtement ;
Ils sont ladres, ils sont minimes
Et s'ils comptent c'est par centimes,
Péniblement, leur dénuement.

Avec leur chat, avec leur chien,
Avec l'oiseau dans une cage,
Avec, pour vivre, un seul moyen :
Boire son mal, taire sa rage ;
Les pieds usés, le coeur moisi,
Les gens d'ici,
Quittant leur gîte et leur pays,
S'en vont, ce soir, vers l'infini.

Les mères traînent à leurs jupes
Leur trousseau long d'enfants bêlants,
Trinqueballés, trinqueballants ;
Les yeux clignants des vieux s'occupent
A refixer, une dernière fois,
Leur coin de terre morne et grise,
Où mord l'averse, où mord la bise,
Où mord le froid.
Suivent les gars des bordes,
Les bras maigres comme des cordes,
Sans plus d'orgueil, sans même plus
Le moindre élan vers les temps révolus
Et le bonheur des autrefois,
Sans plus la force en leurs dix doigts
De se serrer en poings contre le sort
Et la colère de la mort.

Les gens des champs, les gens d'ici
Ont du malheur à l'infini.

Leurs brouettes et leurs charrettes
Trinqueballent aussi,
Cassant, depuis le jour levé,
Les os pointus du vieux pavé :
Quelques-unes, plus grêles que squelettes,
Entrechoquent des amulettes
A leurs brancards,
D'autres grincent, les ais criards,
Comme les seaux dans les citernes ;
D'autres portent de vieillottes lanternes.

Les chevaux las
Secouent, à chaque pas,
Le vieux lattis de leur carcasse ;
Le conducteur s'agite et se tracasse,
Comme quelqu'un qui serait fou,
Lançant parfois vers n'importe où,
Dans les espaces,
Une pierre lasse
Aux corbeaux noirs du sort qui passe.

Les gens d'ici
Ont du malheur - et sont soumis.

Et les troupeaux rêches et maigres,
Par les chemins râpés et par les sablons aigres,
Egalement sont les chassés,
Aux coups de fouet inépuisés
Des famines qui exterminent :
Moutons dont la fatigue à tout caillou ricoche,
Boeufs qui meuglent vers la mort proche,
Vaches lentes et lourdes
Aux pis vides comme des gourdes.

Ainsi s'en vont bêtes et gens d'ici,
Par le chemin de ronde
Qui fait dans la détresse et dans la nuit,
Immensément, le tour du monde,
Venant, dites, de quels lointains,
Par à travers les vieux destins,
Passant les bourgs et les bruyères,
Avec, pour seul repos, l'herbe des cimetières,
Allant, roulant, faisant des noeuds
De chemins noirs et tortueux,
Hiver, automne, été, printemps,
Toujours lassés, toujours partant
De l'infini pour l'infini.

Tandis qu'au loin, là-bas,
Sous les cieux lourds, fuligineux et gras,
Avec son front comme un Thabor,
Avec ses suçoirs noirs et ses rouges haleines
Hallucinant et attirant les gens des plaines,
C'est la ville que la nuit formidable éclaire,
La ville en plâtre, en stuc, en bois, en fer, en or,
- Tentaculaire.

poésie de Emile VerhaerenSignalez un problèmeDes citations similaires
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La Baigneuse

Au fond d’une baignoire elle admire ses hanches
Dans le miroir mouvant d’un cristal enchanté,
Et les mollets croisés, elle étend ses mains blanches
Sur les bords du bassin qui hume sa beauté.

Les robinets de cuivre à figure de cygne
Ont l’air de lui sourire et de se pavaner,
Et leurs gouttes parfois semblent lui faire un signe
Comme pour la prier de les faire tourner.

Sur un siège, ses bas près de ses jarretières
Conservent la rondeur de leur vivant trésor ;
Ses bottines de soie aux cambrures altières
N’attendent que son pied pour frétiller encor.

Sa robe de satin pendue à la patère
A les reflets furtifs d’une peau de serpent
Et semble avoir gardé la grâce et le mystère
De celle dont l’arôme en ses plis se répand.

Sur la table où l'on voit bouffer sa collerette,
Telle qu’on la portait au temps de Henri Trois,
Ses gants paille, malgré leur allure distraite,
Obéissent encore au moule de ses doigts.

Sa toque est provocante avec son long panache,
Et son corset qui bâille achève d’énerver.
Colliers et bracelets, tout ce qui la harnache
Luit dans l’ombre et paraît magiquement rêver.

Et tandis qu’un éclair dans ses yeux étincelle
En voyant que son corps fait un si beau dessin,
Le liège qui vacille au bout de la ficelle
Chatouille en tapinois la fraise de son sein.

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
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Les Serpents

Auprès d’une rivière où des broussailles trempent,
Dans des chemins perdus, monticuleux et roux,
On les voit se traîner aux abords de leurs trous,
Onduleux chapelets de vertèbres qui rampent.

Oh, le serpent ! Le si fantastique animal
Qui surgit brusquement des feuilles ou des pierres
Et qui laisse couler de ses yeux sans paupières
La lueur magnétique et féroce du mal !

Car il a des regards aussi froids que des lames,
Qui tiennent en arrêt les moins épouvantés ;
Car il pompe l’oiseau de ses yeux aimantés
Et fait mourir de peur les crapauds et les femmes.

Hideux comme la Mort et beau comme Satan
Dont il est le mystique et ténébreux emblème,
Son apparition rend toujours l’homme blême :
C’est le fantôme auquel jamais on ne s’attend.

Et tandis que suant le crime et le mystère,
Tout un perfide essaim du monde végétal
Recèle inertement plus d’un venin fatal,
Il est le charrieur des poisons de la terre.

Le talus, le fossé, l’ornière, le buisson
Brillent de sa couleur étincelante et sourde ;
Et la couleuvre agile et la vipère lourde
Allument dans la brande un tortueux frisson.

Il en est dont la peau, comme dans les féeries,
Surprend l’œil ébloui par de tels chatoîments
Qu’on dirait, à les voir allongés et dormants,
Des rubans d’acier bleu lamés de pierreries.

Complices de la ronce et des cailloux coupants,
Ils habitent les prés, les taillis et les berges ;
Et l’on voit dans l’horreur des grandes forêts vierges ;
Maints troncs d’arbres rugueux cravatés de serpents.

Là, non loin du python qui fait sa gymnastique,
Le boa, par un ciel rutilant et soufré,
Digère à demi mort quelque buffle engouffré
Dans l’abîme visqueux de son corps élastique.

En hiver le serpent s’encave dans les rocs ;
Il va s’ensevelir au creux pourri de l’arbre,
Ou roule en bracelet son pauvre corps de marbre
Sous les tas de fumier que piétinent les coqs.

Mais après les frimas, la neige et les bruines,
Il gagne les ravins et le bord des torrents ;
Il remonte le dos écumeux des courants
Et grimpe, ainsi qu’un lierre, aux vieux murs en ruines.

Comme un convalescent par les midis bénins,
Parfois il se hasarde et rôde à l’aventure,
Impatient de voir s’embraser la nature
Pour mieux inoculer ses terribles venins.

Alors du fouillis d’herbe au monceau de rocailles,
Bougeur sobre et muet, sournois et cauteleux,
Il rampe avec lenteur et s’arrête frileux
Sous le soleil cuisant qui fourbit ses écailles.

Solitaire engourdi qu’endort l’air étouffant,
Il écoute passer la brise insaisissable ;
Et les crépitements d’insectes sur le sable
Bercent son sommeil long comme un sommeil d’enfant.

Réveillé, le voilà comme une ombre furtive
Qui se dresse en dardant ses crochets à demi,
Et qui, devant la proie ou devant l’ennemi,
Siffle comme la bise et la locomotive.

Mais il aime le sol et la lumière ; il est
Le frôleur attendri des menthes et des roses ;
Sa colère se fond dans la douceur des choses,
Et cet empoisonneur est un buveur de lait.

Aussi l’infortuné reptile mélomane
Qui se tord sous le poids de sa damnation
M’inspire moins d’effroi que de compassion :
J’aime ce réprouvé d’où le vertige émane.

Et quand j’erre en scrutant le mystère de l’eau
Qui frissonne et qui luit dans la pénombre terne,
J’imagine souvent au fond d’une caverne
Les torpides amours du Cobra-Capello.

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
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Je suis vide. Je n'ai que gestes, réflexes, habitudes. Je veux me remplir. C'est pourquoi je psychanalyse les gens...Je n'assimile pas. Je leur prends leurs pensées, leurs complexes, leurs hésitations et rien ne m'en reste. Je n'assimile pas; ou j'assimile trop bien..., c'est la même chose. Bien sure, je conserve des mots, des contenants, des étiquettes; je connais les termes sous lesquels on range les passions, les émotions, mais je ne les éprouve pas.

Boris Vian dans L'arrache-coeurSignalez un problèmeDes citations similaires
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Ballade des nuages

Tantôt plats et stagnants comme des étangs morts,
On les voit s'étaler en flocons immobiles
Ou ramper dans l’azur ainsi que des remords ;
Tantôt comme un troupeau fuyard de bêtes viles,
Ils courent sur les bois, les ravins et les villes ;
Et l’arbre extasié tout près de s’assoupir,
Et les toits exhalant leur vaporeux soupir
Qui les rejoint dans une ascension ravie,
Regardent tour à tour voyager et croupir
Les nuages qui sont l’emblème de la vie.

Plafonds chers aux corbeaux diseurs de mauvais sorts,
Ils blessent l’œil de l’homme et des oiseaux serviles,
Mais les aigles hautains prennent de longs essors
Vers eux, les maëlstroms, les écueils et les îles
D’océans suspendus dans les hauteurs tranquilles.
Après que la rafale a cessé de glapir,
Ils reviennent, ayant pour berger le zéphyr
Qui les laisse rôder comme ils en ont envie,
Et l’aube ou le couchant se met à recrépir
Les nuages qui sont l’emblème de la vie.

Avec leurs gris, leurs bleus, leurs vermillons, leurs ors,
Ils figurent des sphinx, des monceaux de fossiles,
Des navires perdus, de magiques décors,
Et de grands moutons noirs et blancs, fiers et dociles,
Qui vaguent en broutant par des chemins faciles ;
Gros des orages sourds qui viennent s’y tapir,
Ils marchent lentement ou bien vont s’accroupir
Sur quelque montagne âpre et qu’on n’a pas gravie ;
Mais tout à coup le vent passe et fait déguerpir
Les nuages qui sont l’emblème de la vie.

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La Mare aux grenouilles

Cette mare, l’hiver, devient inquiétante,
Elle s’étale au loin sous le ciel bas et gris,
Sorte de poix aqueuse, horrible et clapotante,
Où trempent les cheveux des saules rabougris.

La lande tout autour fourmille de crevasses,
L’herbe rare y languit dans des terrains mouvants,
D’étranges végétaux s’y convulsent, vivaces,
Sous le fouet invisible et féroce des vents ;

Les animaux transis, que la rafale assiège,
Y râlent sur des lits de fange et de verglas,
Et les corbeaux — milliers de points noirs sur la neige
Les effleurent du bec en croassant leur glas.

Mais la lande, l’été, comme une tôle ardente,
Rutile en ondoyant sous un tel brasier bleu,
Que l’arbre, la bergère et la bête rôdante
Aspirent dans l’air lourd des effluves de feu.

Pourtant, jamais la mare aux ajoncs fantastiques
Ne tarit. Vert miroir tout encadré de fleurs
Et d’un fourmillement de plantes aquatiques,
Elle est rasée alors par les merles siffleurs.

Aux saules, aux gazons que la chaleur tourmente,
Elle offre l’éventail de son humidité,
Et, riant à l’azur, — limpidité dormante,
Elle s’épanouit comme un lac enchanté.

Or, plus que les brebis, vaguant toutes fluettes
Dans la profondeur chaude et claire du lointain,
Plus que les papillons, fleurs aux ailes muettes,
Qui s’envolent dans l’air au lever du matin,

Plus que l’Eve des champs, fileuse de quenouilles,
Ce qui m’attire alors sur le vallon joyeux,
C’est que la grande mare est pleine de grenouilles,
— Bon petit peuple vert qui réjouit mes yeux.

Les unes : père, mère, enfant mâle et femelle,
Lasses de l’eau vaseuse à force de plongeons,
Par sauts précipités, grouillantes, pêle-mêle,
Friandes de soleil, s’élancent hors des joncs ;

Elles s’en vont au loin s’accroupir sur les pierres,
Sur les champignons plats, sur les bosses des troncs,
Et clignotent bientôt leurs petites paupières
Dans un nimbe endormeur et bleu de moucherons.

Émeraude vivante au sein des herbes rousses,
Chacune luit en paix sous le midi brûlant ;
Leur respiration a des lenteurs si douces
Qu’à peine on voit bouger leur petit goitre blanc.

Elles sont là, sans bruit rêvassant par centaines,
S’enivrant au soleil de leur sécurité ;
Un scarabée errant du bout de ses antennes
Fait tressaillir parfois leur immobilité.

La vipère et l’enfant — deux venins ! — sont pour elles
Un plus mortel danger que le pied lourd des bœufs :
A leur approche, avec des bonds de sauterelles,
Je les vois se ruer à leurs gîtes bourbeux ;

Les autres que sur l’herbe un bruit laisse éperdues,
Ou qui préfèrent l’onde au sol poudreux et dur,
A la surface, aux bords, les pattes étendues,
Inertes hument l’air, le soleil et l’azur.

Ces reptiles mignons qui sont, malgré leur forme,
Poissons dans les marais, et sur la terre oiseaux,
Sautillent à mes pieds, que j’erre ou que je dorme,
Sur le bord de l’étang troué par leurs museaux.

Je suis le familier de ces bêtes peureuses
A ce point que, sur l’herbe et dans l’eau, sans émoi,
Dans la saison du frai qui les rend langoureuses,
Elles viennent s’unir et s’aimer devant moi.

Et près d’elles, toujours, le mal qui me torture,
L’ennui, — sombre veilleur, — dans la mare s’endort ;
Et, ravi, je savoure une ode à la nature
Dans l’humble fixité de leurs yeux cerclés d’or.

Et tout rit : ce n’est plus le corbeau qui croasse
Son hymne sépulcral aux charognes d’hiver :
Sur la lande aujourd’hui la grenouille coasse,
— Bruit monotone et gai claquant sous le ciel clair.

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Les Cheveux champêtres

En plein air, sans une épingle,
Ils aiment à paresser,
Et la brise qui les cingle
A l'air de les caresser,
Ils vont sous les branches torses
Des vieux chênes roux et bruns,
Et la feuille et les écorces
Les grisent de leurs parfums.

Dans la campagne déserte,
Au fond des grands prés muets,
Ils dorment dans l’herbe verte
Et se coiffent de bluets ;
Le soleil les importune,
Mais ils aiment loin du bruit
Le glacis du clair de lune
Et les frissons de la nuit.

Comme les rameaux des saules
Se penchant sur les marais,
Ils flottent sur ses épaules,
À la fois tristes et frais.
Quand, plus frisés que la mousse,
Ils se sont éparpillés,
On dirait de l’or qui mousse,
Autour des blancs oreillers.

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Frère et sœur

Frère et sœur, les petiots, se tenant par la main,
Vont au rythme pressé de leurs bras qu’ils balancent ;
Des hauteurs et des fonds de grands souffles s’élancent,
Devant eux le soir lourd assombrit le chemin.

Survient l’orage ! avec tout l’espace qui gronde,
Avec le rouge éclair qui les drape de sang,
Les barbouille de flamme en les éblouissant ;
Enfin, la nuit les perd dans la forêt profonde.

Ils ont peur des loups ! mais, bientôt,
Ils s’endorment. Et, de là-haut,
La lune qui verdit ses nuages de marbre
Admire en les gazant ces deux êtres humains
Sommeillant la main dans la main,
Si petits sous les si grands arbres !

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