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Charles Baudelaire

La Mort des pauvres

C'est la Mort qui console, hélas! et qui fait vivre;
C'est le but de la vie, et c'est le seul espoir
Qui, comme un élixir, nous monte et nous enivre,
Et nous donne le coeur de marcher jusqu'au soir;

À travers la tempête, et la neige, et le givre,
C'est la clarté vibrante à notre horizon noir
C'est l'auberge fameuse inscrite sur le livre,
Où l'on pourra manger, et dormir, et s'asseoir;

C'est un Ange qui tient dans ses doigts magnétiques
Le sommeil et le don des rêves extatiques,
Et qui refait le lit des gens pauvres et nus;

C'est la gloire des Dieux, c'est le grenier mystique,
C'est la bourse du pauvre et sa patrie antique,
C'est le portique ouvert sur les Cieux inconnus!

poésie de Charles Baudelaire de Les Fleurs du malSignalez un problèmeDes citations similaires
Ajouté par Simona Enache
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Ascension

Jésus au ciel est monté
Pour vous envoyer sa grâce
Espérance et charité,
Foi qui jamais ne se lasse,

Patience et tous les dons
Que l’esprit porte en ses flamme».
Et les trésors de pardons,
De zèle au salut des âmes,

De courage durant les
Tentations de ce monde.
Ah! surtout, oui, devant les
Tentations de ce monde,

Ces scandales étalés
Tour à tour beaux puis immondes,
Pauvres cœurs écartelés,
Tristes âmes vagabondes !

Jésus au ciel est monté,
Mais en nous laissant son ombre :
L’Évangile répété
Sans cesse aux peuples sans nombre.

Jésus au ciel est monté
Pour mieux veiller, Lui, fait homme,
Sur notre fragilité
Qu’il éprouva... Mais nous, comme

Jésus au ciel est monté
Notre nuit n’y pourrait suivre
Avant la mort sa clarté :
Ah ! d’esprit allons y vivre !

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
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Albert Camus

Nous n'éprouvons pas des sentiments qui nous transforment, mais des sentiments qui nous suggèrent l'idée de transformation.Ainsi l'amour ne nous purge pas de l'égoïsme, mais nous le fait sentir et nous donne l'idée d'une patrie lointaine où cet égoïsme n'aurait plus de part.

Albert Camus dans Carnets I, mai 1935-février 1942 (1962)Signalez un problèmeDes citations similaires
Ajouté par Dan Costinaş
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Si nous nous tenions sur un sommet et observions le paysage en comprenant que les autres, qui se tiennent sur des éminences différentes, voient un paysage différent, nous constaterions que la richesse de la vie n'est accessible que s'il y a partage des réalités diverses et reconnaissance de la valeur des critères d'autrui.

citation de Liz GreeneSignalez un problèmeDes citations similaires
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L'empathie, qui pour certains est un fardeau, ou même une marque de faiblesse, sait se différencier de la compassion qui n'est qu'éphémère. L'empathie se trouve en chacun de nous et fait de nous en partie ce que nous sommes car ses aspects, les bons comme les mauvais démontre notre force de vie. Reniez la, et vous plongerez dans l'indifférence collective. L'accepter c'est faire un pas vers l'acceptation de soit.

citation de Samuel HornbergSignalez un problèmeDes citations similaires
Ajouté par Micheleflowerbomb
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Iulia Hașdeu

Chanson du faucher

Les blonds épis tombent fauchés
L’abeille butine et bourdonne.
Dans les foins les grillons cachés
Chantent l’été que Dieu nous donne.

Dieu donne aux sources leur fraîcheur;
Au champ, pour peu que Dieu le veuille,
L’ombre repose le faucher,
Car il donne à l’arbre sa feuille.

Dieu donne au faucheur la santé,
Et la récolte à ses campagnes;
Il donne aux filles la beauté
Et la douceur à nos compagnes.

Dieu qui veille sur l’humble nid
De l’oiseau blotti dans la mousse,
Pour notre peine, nous bénit
Et rend notre existence douce.

Chantons tous ce Dieu dont la main,
Toujours prête, toujours clémente,
Nous guide dans le bon chemin
Et nous épargne la tourmente.

Chantons-le donc matin et soir,
Et que notre chant lui paraisse
Un pieux parfum d’encensoir,
Un hymne de notre allègresse.

poésie de Iulia Hașdeu de ConfidencesSignalez un problèmeDes citations similaires
Ajouté par Simona Enache
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La Ventouse

La Ventouse bâille et sourit,
Toujours neuve et toujours masquée
Pour notre œil fou, sage ou contrit ;
Corolle aspireuse, et braquée
Sur notre sang qui la fleurit.

Elle nous tente et nous flétrit
De son haleine âcre et musquée,
Puis, bientôt, elle nous tarit,
La Ventouse,

Jusqu’au fin fond de notre esprit
Sa succion est pratiquée :
La Mort, beaucoup moins compliquée,
Mange nos corps qu’elle pourrit ;
Mais c’est tout l’homme qui nourrit
La Ventouse !

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
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La Pensée

C’est l’ennemi sournois, mais sûr,
Sphinx intime, cancer obscur,
De ce tas de cendres futur
Appelé l’homme.
Elle fausse tous ses ressorts,
Épuise tous ses réconforts
Et chicane tous ses efforts
Qu’elle consomme.

Sans doute, elle évoque à ses yeux
Maint rêve descendu des cieux
Avec le vol délicieux
De la colombe,
Mais elle nourrit son remord
Et le réveille quand il dort
Par des chuchotements de mort
Et d’outre-tombe.

Hélas ! chacun est l’écheveau
Qu’embrouille au fond de son caveau
Ce vieux spectre toujours nouveau ;
Mauvaise mère
Dont les petits qu’elle a couvés,
Par elle-même dépravés
Deviennent les enfants-trouvés
De la Chimère.

En nous elle plombe et tarit
L’illusion verte qui rit ;
Elle étend sur l’âme et l’esprit
Sa glu chancreuse ;
Puis, sur eux, tirant ses verrous,
Les écrase entre ses écrous,
Et, féroce, y creuse des trous
Qu’elle recreuse.

Sans cesse elle revient au deuil
Comme un flot revient à l’écueil ;
Elle grossit en un clin d’œil
Ce qui nous froisse ;
Tout le jour elle nous a nui,
Et l’implacable dans la nuit
Nous tricote encor de l’ennui
Et de l’angoisse.

Elle glace nos jeux, nos arts
Qui lazzaronaient en lézards,
Nous prédit les mauvais hasards
Des occurrences ;
Et dans la nocturne vapeur
Elle nous invente la Peur
Avec l’éveil ou la stupeur
Des apparences.

Ce comptable sec et retors
Additionne tous nos torts
Et fige dans ses coffres-forts
Toutes nos larmes ;
C’est le maniaque secret
Qui jamais las, jamais distrait,
Tourne la meule du regret
Et des alarmes.

Nous croyons noyer dans le vin
Ce monstre infernal ou divin
Pour qui notre moelle est en vain
Redépensée ;
Le Ciel serait si consolant,
Le corps si pur, l’amour si blanc
Et le cercueil si peu troublant
Sans la pensée !

Mais buvons sans trêve ! Agissons !
Lutte inutile ! nous pensons :
Notre chair a tous les frissons
De la contrainte,
Et malgré notre acharnement
Pour exister physiquement,
Nous retombons dans le tourment
De cette étreinte.

Que l’on veuille croire ou douter,
Elle arrive à nous dérouter,
Et, si parfois, pour nous tenter,
Elle aventure
Un Parce que contre un Pourquoi,
Bien vite elle oppose à la Foi
Le scepticisme qui rit froid
Et qui rature.

Sous le chagrin qu’elle épaissit,
L’enthousiasme se rancit ;
Elle supprime ou raccourcit
La confidence,
Et dans le danger, qu’elle accroît,
Nous fait du courage un adroit
Qui suppute, esquive et ne croit
Qu’à la prudence.

La Justice et la Vérité
Qui nous mènent à la clarté,
Elle les jette de côté,
Et l’on s’embarque
Pour le noir et pour l’incertain
Devant ce douanier hautain
Qui ne laisse passer l’instinct
Qu’avec sa marque.

Elle a le conseil si tortu,
Si captieux et si pointu
Qu’elle suggère à la Vertu
Le goût du crime ;
Et pas un homme n’est vainqueur
De ce terrible épilogueur,
Espèce de crapaud du cœur
Qui nous opprime.

Elle use par l’obsession,
Par la mystification,
Par le fiel et la succion
De sa censure
Le labeur qu’elle a suscité,
Et fournit à l’oisiveté
La vénéneuse activité
De la luxure.

Et quand par elle on est à bout,
Si terminé, si mort à tout,
Qu’on n’a pas même le dégoût
De la souffrance,
Un drap noir croule sur nos jours,
Un drap lourd entre les plus lourds,
Sans croix ni larmes de velours :
L’Indifférence !

Puis elle atteint son but fatal ;
Après un voyage final,
Elle nous prend au fond du Mal
Et nous oublie
Par delà l’horrible cloison
Qui limite notre horizon :
Et c’est la mort de la Raison
Dans la Folie.

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
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Le Silence des morts

On scrute leur portrait, espérant qu’il en sorte
Un cri qui puisse enfin nous servir de flambeau.
Ah ! si même ils venaient pleurer à notre porte
Lorsque le soir étend ses ailes de corbeau !

Non ! Mieux que le linceul, la bière et le tombeau
Le silence revêt ceux que le temps emporte :
L’âme en fuyant nous laisse un horrible lambeau
Et ne nous connaît plus dès que la chair est morte

Pourtant, que d’appels fous, longs et désespérés,
Nous poussons jour et nuit vers tous nos enterrés !
Quels flots de questions coulent avec nos larmes !

Mais toujours, à travers ses plaintes, ses remords,
Ses prières, ses deuils, ses spleens et ses alarmes,
L’homme attend vainement la réponse des morts.

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
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Tu dis que Du Bellay tient réputation

Tu dis que Du Bellay tient réputation,
Et que de ses amis à ne tient plus de compte :
Si ne suis-je seigneur, prince, marquis ou comte,
Et n'ai changé d'état ni de condition.

Jusqu'ici je ne sais que c'est d'ambition,
Et pour ne me voir grand ne rougis point de honte :
Aussi ma qualité ne baisse ni ne monte,
Car je ne suis sujet qu'à ma complexion.

Je ne sais comme il faut entretenir son maître,
Comme il faut courtiser, et moins quel il faut être
Pour vivre entre les grands, comme on vit aujourd'hui.

J'honore tout le monde et ne fâche personne :
Qui me donne un salut, quatre je lui en donne :
Qui ne fait cas de moi, je ne fais cas de lui.

poésie de Joachim du BellaySignalez un problèmeDes citations similaires
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Mihail Bulgakov

O dieux, dieux! comme la terre est triste, le soir! Que de mystères, dans les brouillards qui flottent sur les marais! Celui qui a erré dans ces brouillards, celui qui a beaucoup souffert avant de mourir, celui qui a volé au-dessus de cette terre en portant un fardeau trop lourd, celui-là sait! Celui-là sait, qui est fatigué. Et c'est sans regret, alors, qu'il quitte les brumes de cette terre, ses rivières et ses étangs, qu'il s'abandonne d'un coeur léger entre les mains de la mort, sachant qu'elle - et elle seule - lui apportera la paix.

Mihail Bulgakov dans Le Maître et Marguerite, translated by Claude LignySignalez un problèmeDes citations similaires
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Cornelia Păun Heinzel

Le rythme de vie

Je marche dans le rythme entraînant de la musique,
Je vis dans le rythme vibrant de la ville,
Je me déplace dans le rythme mystérieux de la vie.
Mais ton rythme n’est pas le mien
Ni le sien ,
Bien que nous nous synchronisons parfois ...

Je respire dans le rythme passionnant de la danse,
Je pense dans le rythme alerte de son pas
Je regarde le rythme de la vie de ceux qui m’entourent
Différent du sien et du tien
Et cependant synchro avec le rythme sans interruption des jours
qui se succèdent l'un après d'autre.

Nous combattons dans le tourbillon impressionnant de la vie
Nous vibrons pour chaque seconde gagnée,
Nous courons après les mirages dans le désert ,
Que nous nous choisissons comme une réalité idéale
Mais ma fille Morgane n'est pas la même que la tienne,que la sienne
Et sûr que toujours touche l'une ou l'autre, mais jamais toutes...

poésie de Cornelia Păun Heinzel (29 mars 2014)Signalez un problèmeDes citations similaires
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Le Vagabond

Tombé, le vagabond qui rampe avec effort,
S’arrête et gît, agonisant
Dans de la boue,
Et sur sa joue
De grosses larmes vont glissant ;
Voilà ce qu’il marmotte avant sa triste mort :

« À jeun, des heur’, puis des heur’, pieds nus, j’ai marché
Sous l’orage grondant des cieux
Couleur de suie,
Et sous la pluie,
Et sous l’éclair brûlant mes yeux,
À travers les ajoncs, la ronce et le rocher.

Je n’peux pas plus app’ler que fair’ sign’ de ma main,
Et voici que le soir étend
Son drap fantôme
Sus l’bois, sus l’chaume,
Sus l’guéret, l’pacage et l’étang ;
I’ n’ya donc plus q’la mort qui pass’ra dans mon ch’min !

Je lutt’ cont’ le trépas, tel que l’jour à sa fin.
Comm’ lui, je m’sens me consumer,
Tremblant, livide.
Mon bissac vide
N’a pas de quoi me ranimer ! »
— Et la nuit, dans les trous, le pauvre est mort de faim.

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Ballade du châtaignier rond

Le râle de genêts croassait dans les prés
Comme un peigne qu’on racle au milieu du mystère ;
Le soir décolorait les arbres effarés,
Et lentement la Lune, au ras du ciel austère,
Se recourbait en arc ainsi qu’un cimeterre.
C’est alors que, tout seul dans la vallée, au bruit
Du crapaud des étangs qui flûtait son ennui,
Par les taillis scabreux, les labours et le chaume,
Je m’en allais parfois rêver jusqu’à minuit
Sous le châtaignier rond dressé comme un fantôme.

Aux bêlements lointains des moutons égarés,
Plus fatidiquement qu’un glas de monastère,
Le chat-huant mêlait ses sanglots acérés,
Si tristes, qu’un frisson de peur involontaire
Vous prend, lorsqu’un mauvais écho les réitère.
C’était l’heure des loups que le sorcier conduit ;
De la voix qui vous hèle, et du pas qui vous suit ;
Le grillon n’avait plus qu’un murmure d’atome ;
Et la mousse enchâssait le petit ver qui luit
Sous le châtaignier rond dressé comme un fantôme.

Le court vacillement des farfadets soufrés
Annonçant des esprits qui revenaient sur terre,
Dansait au bout des joncs des chemins engouffrés ;
Puis, à la longue, tout finissait par se taire,
Et le silence entrait dans la nuit solitaire.
Et j’oubliais la tombe où la Mort nous réduit
En cendres ! J’oubliais le monde qui me nuit ;
Le sommeil des buissons me charriait son baume,
Et je m’évaporais avec le vent qui fuit
Sous le châtaignier rond dressé comme un fantôme.

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
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Tristan Tzara

Dada est notre intensité; qui érige les baïonnettes sans conséquence la tête Sumatrale du bébé allemand; Dada est l'art sans pantoufles ni parallèles; qui est contre et pour l'unité et décidément contre le futur; nous savons sagement que nos cerveaux deviendront des coussins douillets que notre anti-dogmatisme est aussi exclusivité que le fonctionnaire que nous ne sommes pas libres et que nous crions liberté Nécessité sévère sans discipline ni morale et crachons sur l'humanité. Dada reste dans le cadre européen des faiblesses, c'est tout de même de la merde, mais nous voulons désormais chier en couleurs diverses, pour orner les jardins zoologiques de l'art, de tous les drapeaux des consulats do do bong hiho aho hiho aho.

citation de Tristan Tzara (1916)Signalez un problèmeDes citations similaires
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Le départ

Traînant leurs pas après leurs pas
Le front pesant et le coeur las,
S'en vont, le soir, par la grand'route,
Les gens d'ici, buveurs de pluie,
Lécheurs de vent, fumeurs de brume.

Les gens d'ici n'ont rien de rien,
Rien devant eux
Que l'infini de la grand'route.

Chacun porte au bout d'une gaule,
Dans un mouchoir à carreaux bleus,
Chacun porte dans un mouchoir,
Changeant de main, changeant d'épaule,
Chacun porte
Le linge usé de son espoir.

Les gens s'en vont, les gens d'ici,
Par la grand'route à l'infini.

L'auberge est là, près du bois nu,
L'auberge est là de l'inconnu ;
Sur ses dalles, les rats trimballent
Et les souris.

L'auberge, au coin des bois moisis,
Grelotte, avec ses murs mangés,
Avec son toit comme une teigne,
Avec le bras de son enseigne
Qui tend au vent un os rongé.

Les gens d'ici sont gens de peur :
Ils font des croix sur leur malheur
Et tremblent ;
Les gens d'ici ont dans leur âme
Deux tisons noirs, mais point de flamme,
Deux tisons noirs en croix.

Les gens d'ici sont gens de peur ;
Et leurs autels n'ont plus de cierges
Et leur encens n'a plus d'odeur :
Seules, en des niches désertes,
Quelques roses tombent inertes
Autour d'un Christ en plâtre peint.

Les gens d'ici ont peur de l'ombre sur leurs champs,
De la lune sur leurs étangs,
D'un oiseau mort contre une porte ;
Les gens d'ici ont peur des gens.

Les gens d'ici sont malhabiles
La tête lente et les cerveaux débiles
Quoique tannés d'entêtement ;
Ils sont ladres, ils sont minimes
Et s'ils comptent c'est par centimes,
Péniblement, leur dénuement.

Avec leur chat, avec leur chien,
Avec l'oiseau dans une cage,
Avec, pour vivre, un seul moyen :
Boire son mal, taire sa rage ;
Les pieds usés, le coeur moisi,
Les gens d'ici,
Quittant leur gîte et leur pays,
S'en vont, ce soir, vers l'infini.

Les mères traînent à leurs jupes
Leur trousseau long d'enfants bêlants,
Trinqueballés, trinqueballants ;
Les yeux clignants des vieux s'occupent
A refixer, une dernière fois,
Leur coin de terre morne et grise,
Où mord l'averse, où mord la bise,
Où mord le froid.
Suivent les gars des bordes,
Les bras maigres comme des cordes,
Sans plus d'orgueil, sans même plus
Le moindre élan vers les temps révolus
Et le bonheur des autrefois,
Sans plus la force en leurs dix doigts
De se serrer en poings contre le sort
Et la colère de la mort.

Les gens des champs, les gens d'ici
Ont du malheur à l'infini.

Leurs brouettes et leurs charrettes
Trinqueballent aussi,
Cassant, depuis le jour levé,
Les os pointus du vieux pavé :
Quelques-unes, plus grêles que squelettes,
Entrechoquent des amulettes
A leurs brancards,
D'autres grincent, les ais criards,
Comme les seaux dans les citernes ;
D'autres portent de vieillottes lanternes.

Les chevaux las
Secouent, à chaque pas,
Le vieux lattis de leur carcasse ;
Le conducteur s'agite et se tracasse,
Comme quelqu'un qui serait fou,
Lançant parfois vers n'importe où,
Dans les espaces,
Une pierre lasse
Aux corbeaux noirs du sort qui passe.

Les gens d'ici
Ont du malheur - et sont soumis.

Et les troupeaux rêches et maigres,
Par les chemins râpés et par les sablons aigres,
Egalement sont les chassés,
Aux coups de fouet inépuisés
Des famines qui exterminent :
Moutons dont la fatigue à tout caillou ricoche,
Boeufs qui meuglent vers la mort proche,
Vaches lentes et lourdes
Aux pis vides comme des gourdes.

Ainsi s'en vont bêtes et gens d'ici,
Par le chemin de ronde
Qui fait dans la détresse et dans la nuit,
Immensément, le tour du monde,
Venant, dites, de quels lointains,
Par à travers les vieux destins,
Passant les bourgs et les bruyères,
Avec, pour seul repos, l'herbe des cimetières,
Allant, roulant, faisant des noeuds
De chemins noirs et tortueux,
Hiver, automne, été, printemps,
Toujours lassés, toujours partant
De l'infini pour l'infini.

Tandis qu'au loin, là-bas,
Sous les cieux lourds, fuligineux et gras,
Avec son front comme un Thabor,
Avec ses suçoirs noirs et ses rouges haleines
Hallucinant et attirant les gens des plaines,
C'est la ville que la nuit formidable éclaire,
La ville en plâtre, en stuc, en bois, en fer, en or,
- Tentaculaire.

poésie de Emile VerhaerenSignalez un problèmeDes citations similaires
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La Petite Couturière

Elle s’en vient à travers champs,
Le long des buissons qui renaissent
Pleins de murmures et de chants ;
Elle s’en vient à travers champs.
Là-bas, sur les chaumes penchants,
Mes yeux amis la reconnaissent.
Elle s’en vient à travers champs,
Le long des buissons qui renaissent.

Elle arrive et dit ses bonjours
Sans jamais oublier la bonne :
Timidement, comme toujours,
Elle arrive et dit ses bonjours.
C’est l’ange de bien des séjours,
Elle est si jolie et si bonne !
Elle arrive et dit ses bonjours.
Sans jamais oublier la bonne.

La voilà donc tirant son fil,
Assise devant la croisée !
Délicieuse de profil,
La voilà donc tirant son fil.
Aux rayons d’un soleil d’avril
La vitre miroite irisée.
La voilà donc tirant son fil,
Assise devant la croisée.

Ses doigts rompus aux longs fuseaux,
Coudraient une journée entière.
Ils sont vifs comme des oiseaux
Ses doigts rompus aux longs fuseaux.
Comme ils manœuvrent les ciseaux
Qui pendent sur sa devantière !
Ses doigts rompus aux longs fuseaux
Coudraient une journée entière.

Elle sait couper un gilet
Dans une vieille redingote,
Et ravauder un mantelet ;
Elle sait couper un gilet.
Pour la boutonnière et l’ourlet,
Que de tailleurs elle dégote !
Elle sait couper un gilet
Dans une vieille redingote !

Elle coud du vieux et du neuf,
Elle repasse et rapiécette,
Draps de coton et draps d’Elbeuf,
Elle coud du vieux et du neuf.
Comme elle fait courir son œuf
De bois peint dans une chaussette !
Elle coud du vieux et du neuf,
Elle repasse et rapiécette !

Quand le déjeuner est servi,
Ce n’est pas elle qui lambine !
Pour moi, je m’attable ravi,
Quand le déjeuner est servi.
Et nous dévorons à l’envi !
Adieu bouquin ! adieu bobine !
Quand le déjeuner est servi,
Ce n’est pas elle qui lambine,

Enfin ! promenades ou jeu !
Sa récréation commence,
Ensemble nous sortons un peu ;
Enfin ! promenades ou jeu !
— Dans les taillis, sous le ciel bleu,
Le rossignol dit sa romance
Enfin ! promenades ou jeu !
Sa récréation commence.

Nous allons voir les carpillons
Au bord de l’étang plein de rides,
Et que rasent les papillons.
Nous allons voir les carpillons ;
Le soleil emplit de rayons
Son beau petit bonnet sans brides.
Nous allons voir les carpillons
Au bord de rotang plein de rides.

Quand on a rangé le dressoir,
Elle se remet à mes nippes.
Alors, en voilà jusqu’au soir,
Quand on a rangé le dressoir.
Auprès d’elle je vais m’asseoir
Et jaser en fumant des pipes.
Quand on a rangé le dressoir
Elle se remet à mes nippes.

Je lui fais chanter de vieux airs
Qui me rappellent mon enfance,
Quand j’errais par les champs déserts !
Je lui fais chanter de vieux airs.
Et nous causons ! rien dans mes airs,
Ni dans mes termes qui l’offense.
Je lui fais chanter de vieux airs
Qui me rappellent mon enfance.

Ses histoires de revenant
Me font peur ! je le dis sans honte.
Je les écoute en frissonnant,
Ses histoires de revenant,
C’est toujours drôle et surprenant,
Les choses qu’elle me raconte :
Ses histoires de revenant
Me font peur! je le dis sans honte.

Et la mignonne disparaît
Comme on allume la chandelle !
Elle quitte son tabouret ;
Et la mignonne disparaît.
« Bonsoir ! dit-elle, avec regret.
— A bientôt ! ma petite Adèle ! »
Et la mignonne disparaît
Comme on allume la chandelle !

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De la même à la même

Le souvenir d'un rêve à chaque instant m'arrive
Comme un remords subtil à la fois âcre et cher,
Et pour me soulager il faut que je t'écrive
Le redoutable aveu qui fait frémir ma chair :

Sur les bords d'un lac pur où se baignaient des Anges,
Dans un paradis vert plein d'arbres qui chantaient
Des airs mystérieux sur des rythmes étranges,
Je regardais le ciel où mes soupirs montaient.

Les aromes des fleurs s'exhalant par bouffées,
Le mutisme du lac et les voix étouffées
Des sylphides nageant prés des séraphins nus,

Tout me criait : 'L'amour à la fin t'a conquise !'
Soudain, mon coeur sentit des frissons inconnus,
Et tout mon corps s'emplit d'une douleur exquise !

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Nocturne

L’aboîment des chiens dans la nuit
Fait songer les âmes qui pleurent,
Qui frissonnent et qui se meurent,
À bout de souffrance et d’ennui.

Ils ne comprennent pas ce bruit,
Ceux-là que les chagrins effleurent !
L’aboîment des chiens dans la nuit
Fait songer les âmes qui pleurent.

Mais, hélas ! quand l’espoir s’enfuit,
Et que, seuls, les regrets demeurent,
Quand tous les sentiments nous leurrent,
Alors on écoute et l’on suit
L’aboîment des chiens dans la nuit.

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Le Baby

Frais comme l’herbe qui pousse,
Dans la ferme où je me plus,
Le baby suçait son pouce.

Le merle qui se trémousse
Dans les buissons chevelus
Frais comme l’herbe qui pousse,

Le roc où l’éclair s’émousse
L’attiraient ; roi des joufflus,
Le baby suçait son pouce.

Il se roulait dans la mousse
Et grimpait sur les talus
Frais comme l’herbe qui pousse.

Longtemps, devant la frimousse
Des petits ânons poilus,
Le baby suçait son pouce.

La flaque où l’on s’éclabousse
Tentait ses pieds résolus
Frais comme l’herbe qui pousse.

Près du chat qui se courrouce
Et des bons vieux chiens goulus,
Le baby suçait son pouce.

Oh ! dans l’eau de son qui mousse
Les pourceaux hurluberlus
Frais comme l’herbe qui pousse !

Il suivait tout ce qui glousse
Et devant les bœufs râblus,
Le baby suçait son pouce.

À la voix lointaine et douce
D’un glas ou d’un angélus,
Frais comme l’herbe qui pousse,

Dans la nuit vitreuse et rousse,
Sous les chênes vermoulus,
Le baby suçait son pouce.

Mais la mort vient et nous pousse !
Il fut un de ses élus
Frais comme l’herbe qui pousse.

Un jour on me dit : « Il tousse. »
Pourtant, chétif et perclus,
Le baby suçait son pouce.

La mort le prit sans secousse :
Et jaune, hélas ! n’étant plus
Frais comme l’herbe qui pousse
Le baby suçait son pouce.

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
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Charles Baudelaire

L'Albatros

Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

À peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d'eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule!
Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid!
L'un agace son bec avec un brûle-gueule,
L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait!

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'archer;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.

poésie de Charles Baudelaire de Les Fleurs du malSignalez un problèmeDes citations similaires
Ajouté par Simona Enache
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