Oh! Si les sirénes avaient su que les marins d'Ulysse avaient de la cire dans les oreilles.
aphorisme de Valeriu Butulescu, traduction par Genevieve Gomez
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Des citations similaires
Les Vieux Chevaux
Je suis plein de respect pour la bête de somme,
Et, pour moi, l’âne maigre et les chevaux poussifs
Marchant devant le maître affreux qui les assomme,
Sont de grands parias, résignés et pensifs.
Aux champs, dans leur jeunesse, aussi dodus qu’ingambes,
Ils avaient du foin vert, ils avaient du répit.
Ils traînent maintenant leur vieux corps décrépit,
Le séton au poitrail, et l’écorchure aux jambes.
Ils déferrent leur corne à force de tirer,
Pleins d’ulcères hideux que viennent lacérer
Les lanières du fouet et les mouches féroces.
Et l’homme, ce tyran qu’irrite la douceur,
Les flagelle à deux mains, en hurlant : « Boitez, rosses,
« Mais vous me servirez jusqu’à l’équarisseur ! »
poésie de Maurice Rollinat
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La ville était si pręte de s'écrouler que męme les ennemis avaient peur de l'assiéger.
aphorisme de Valeriu Butulescu, traduction par Genevieve Gomez
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Bien des livres auraient été plus clairs s'ils n'avaient pas voulu être si clairs.
Emmanuel Kant dans la préface de la Critique de la raison pure
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Et je pensais aussi ce que pensait Ulysse,
Et je pensais aussi ce que pensait Ulysse,
Qu'il n'était rien plus doux que voir encore un jour
Fumer sa cherninée, et après long séjour
Se retrouver au sein de sa terre nourrice.
Je me réjouissais d'être échappé au vice,
Aux Circés d'Italie, aux sirènes d'amour,
Et d'avoir rapporté en France à mon retour
L'honneur que l'on s'acquiert d'un fidèle service.
Las, mais après l'ennui de si longue saison,
Mille soucis mordants je trouve en ma maison,
Qui me rongent le coeur sans espoir d'allégeance.
Adieu donques, Dorat, je suis encor romain,
Si l'arc que les neuf Soeurs te mirent en la main
Tu ne me prête ici, pour faire ma vengeance.
poésie de Joachim du Bellay
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Ballade de la reine des Fourmis et du roi des Cigales
Deux insectes de race avaient le même trou :
L’un, grillon souffreteux, passablement poète,
Mélomane enragé, rôdeur, maussade et fou ;
Et l’autre, une fourmi sage et toujours en quête
De supputer au mieux l’avenir dans sa tête.
Mais tous deux ils avaient de tendres unissons
Dans leur amour des prés, des rocs et des moissons :
Un taillis leur causait des voluptés égales,
Et l’aube emplissait d’aise et de joyeux frissons
La reine des fourmis et le roi des cigales.
Quand le grillon voulait aller je ne sais où
Et risquer son corps frêle au vent de la tempête,
La mignonne fourmi l’enfermait au verrou,
Et son charme en faisait tellement la conquête,
Qu’il retenait l’ingrat au petit gîte honnête.
La rainette des bois et celle des cressons
Admiraient à loisir leurs gentilles façons
Quand ils poussaient au loin leurs courses conjugales,
Et l’oiseau célébrait avec force chansons
La reine des fourmis et le roi des cigales.
Ils rentraient tous les soirs à l’heure où le hibou
Gémit lugubrement comme un mauvais prophète.
Le grillon voulait bien courir le guilledou,
Mais la fourmi disait : « Je serais inquiète,
« De grâce, viens dormir ! et j’aurai l’âme en fête ! »
Ainsi toujours ! Amis du merle et des pinsons,
Chéris du scarabée, et craints des charançons,
Ils savourent en paix leurs dînettes frugales,
Et le ciel a béni dans l’herbe et les buissons
La reine des fourmis et le roi des cigales.
poésie de Maurice Rollinat
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Pour les femmes les meilleurs aphrodisiaques sont des mots. Le point G est dans les oreilles. Celui qui le cherche en-dessous perd son temps.
citation de Isabel Allende
Ajouté par Dan Costinaş
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Si tu m'en crois, Baïf, tu changeras Parnasse
Si tu m'en crois, Baïf, tu changeras Parnasse
Au palais de Paris, Hélicon au parquet,
Ton laurier en un sac, et ta lyre au caquet
De ceux qui, pour serrer, la main n'ont jamais lasse.
C'est à ce métier-là que les biens on amasse,
Non à celui des vers, où moins y a d'acquêt
Qu'au métier d'un bouffon ou celui d'un naquet.
Fi du plaisir, Baïf, qui sans profit se passe.
Laissons donc, je te prie, ces babillardes soeurs,
Ce causeur Apollon, et ces vaines douceurs,
Qui pour tout leur trésor n'ont que des lauriers verts.
Aux choses de profit, ou celles qui font rire,
Les grands ont aujourd'hui les oreilles de cire,
Mais ils les ont de fer pour écouter les vers.
poésie de Joachim du Bellay
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Les Yeux
Partout je les évoque et partout je les vois,
Ces yeux ensorceleurs si mortellement tristes.
Oh ! comme ils défiaient tout l’art des coloristes,
Eux qui mimaient sans geste et qui parlaient sans voix !
Yeux lascifs, et pourtant si noyés dans l’extase,
Si friands de lointain, si fous d’obscurité !
Ils s’ouvraient lentement, et, pleins d’étrangeté,
Brillaient comme à travers une invisible gaze.
Confident familier de leurs moindres regards,
J’y lisais des refus, des vœux et des demandes ;
Bleus comme des saphirs, longs comme des amandes,
Ils devenaient parfois horriblement hagards.
Tantôt se reculant d’un million de lieues,
Tantôt se rapprochant jusqu’à rôder sur vous,
Ils étaient tour à tour inquiétants et doux :
Et moi, je suis hanté par ces prunelles bleues !
Quels vers de troubadours, quels chants de ménestrels,
Quels pages chuchoteurs d’exquises babioles,
Quels doigts pinceurs de luths ou gratteurs de violes
Ont célébré des yeux aussi surnaturels !
Ils savouraient la nuit, et vers la voûte brune
Ils se levaient avec de tels élancements,
Que l’on aurait pu croire, à de certains moments,
Qu’ils avaient un amour effréné pour la lune.
Mais ils considéraient ce monde avec stupeur :
Sur nos contorsions, nos colères, nos rixes,
Le spleen en découlait dans de longs regards fixes
Où la compassion se mêlait à la peur.
Messaline, Sapho, Cléopâtre, Antiope
Avaient fondu leurs yeux dans ces grands yeux plaintifs.
Oh ! comme j’épiais les clignements furtifs
Qui leur donnaient soudain un petit air myope.
Aux champs, l’été, dans nos volontaires exils,
Près d’un site charmeur où le regard s’attache,
Ô parcelles d’azur, ô prunelles sans tache,
Vous humiez le soleil que tamisaient vos cils !
Vous aimiez les frissons de l’herbe où l’on se vautre ;
Et parfois au-dessus d’un limpide abreuvoir
Longtemps vous vous baissiez, naïves, pour vous voir
Dans le cristal de l’eau moins profond que le vôtre.
Deux bluets par la brume entrevus dans un pré
Me rappellent ces yeux brillant sous la voilette,
Ces yeux de courtisane admirant sa toilette
Avec je ne sais quoi d’infiniment navré.
Ma passion jalouse y buvait sans alarmes,
Mon âme longuement s’y venait regarder,
Car ces magiques yeux avaient pour se farder
Le bistre du plaisir et la pâleur des larmes !…
poésie de Maurice Rollinat
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Tous ces peuples étaient grands, parce qu'ils avaient de grands préjugés. Ils n'en ont plus. Sont-ils encore des nations? Tout au plus des foules désagrégées.
Emil Cioran dans De l'inconvénient d'être né (2006)
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Réponse d'un sage
Un jour qu’avec sollicitude
Des habitants d’une cité
L’avaient longuement exhorté
À sortir de sa solitude :
« Qu’irais-je donc faire à la ville ?
Dit le songeur au teint vermeil,
Regardant mourir le soleil,
D’un air onctueux et tranquille.
Ici, de l’hiver à l’automne,
Dans la paix des yeux, du cerveau,
J’éprouve toujours de nouveau
La surprise du monotone.
Mes pensers qu’inspirent, composent,
Les doux bruits, les molles couleurs,
Sont des papillons sur des fleurs,
Voltigeant plus qu’ils ne se posent.
Fuir pour les modes, les usages
D’un enfer artificiel
Le grand paradis naturel ?
Non ! je reste à mes paysages.
Chez eux, pour moi, je le proclame !
Le temps se dévide enchanté.
J’ai l’extase de la santé,
Le radieux essor de l’âme.
Mon cœur après rien ne soupire.
Je tire mon ravissement
De l’espace et du firmament.
C’est tout l’infini que j’aspire !
Vos noirs fourmillements humains
Courant d’incertains lendemains ?...
J’aime mieux ces nuages roses !
Et je finirai dans ce coin
Mon court passage de témoin,
Devant l’éternité des choses.
poésie de Maurice Rollinat
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Le Jeteur d'épervier
De loin, j’apercevais comme une forme humaine,
Noire et gesticulant d’une étrange façon,
En marchant au milieu de l’eau. — J’eus le frisson :
La mort s’offrait là-bas à quelque veuve en peine...
Et, longeant la rivière à travers le brouillard,
Je courais, pour tâcher de sauver le pauvre être,
Lorsqu’au lieu d’une femme en deuil, je vis un prêtre
Pêchant à l’épervier — sans rabat, le gaillard !
Souple et fort, poings tendus, à pleine corde... Floc !
Il le déployait rond — tout entier, d’un seul bloc.
Quant aux balles, ses dents n’avaient pas l’air d’y mordre...
Les coups se succédaient en tous sens, à foison...
À peine s’il avait dépoché son poisson
Qu’il relançait plus loin son filet, sans le tordre.
À clignotements frais, luisaient les cieux sans voiles,
Et, longtemps, je suivis près de l’eau, les doublant,
Le grand fantôme noir au grand épervier blanc
Qui semblait maintenant pêcher dans les étoiles !...
poésie de Maurice Rollinat
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Les Dents
Je les revois à des époques reculées
Ces merveilleuses dents, froides, immaculées,
Et qui se conservaient sans toilette ni fard
Dans la virginité blanche du nénufar.
Le fait est que ces dents étaient surnaturelles
À force de blancheur et de clarté cruelles,
Et que dans les recoins les plus fuligineux
Elles avaient encore un reflet lumineux
Comme un éclair lointain, la nuit, dans une plaine ;
Et puis, au frôlement continu d’une haleine
Qui musquait le soupir, la phrase et le baiser,
Elles passaient leur vie à s’aromatiser !
Joignant le plus souvent leurs mignonnes arcades,
Elles rendaient la voix grinçante par saccades
Avec je ne sais quoi d’humide et de siffleur.
Comme dans le calice embaumé de la fleur
On voit luire au matin des perles de rosée,
Ainsi dans cette bouche indolente et rosée
Elles m’apparaissaient, opale et diamant,
Dont mon œil emportait un éblouissement.
Oh ! quand, jolis bijoux des gencives si pures,
Ces petits os carrés, habiles aux coupures,
Plutôt faits pour trancher que pour mâcher, brillaient
Dans l’entre-bâillement des lèvres qui riaient,
Que de fois une envie inquiète et farouche
M’a pris de les humer aussi comme la bouche,
Et d’y faire dormir le chagrin qui me mord !
Ainsi que sur les dents d’une tête de mort,
J’imaginais déjà la rouille de la terre
Sur la mate pâleur de cet émail dentaire ;
Je voyais la mâchoire horrible ricanant
Dans une bière, et puis à la fin s’égrenant.
Elles perdaient parfois leur attitude étrange
Quand elles s’amusaient d’une écorce d’orange,
D’un brin d’herbe ou de fil, d’une paille, d’un fruit,
Ou quand elles faisaient craquer à petit bruit
Les amandes, les noix, les marrons, l’angélique,
Dans un grignotement de souris famélique.
En tout lieu, raffinant le meurtre et le dégât
Elles martyrisaient longuement le nougat,
Massacraient les gâteaux, et lentes et câlines
Se délectaient au goût vanillé des pralines.
Ces quenottes alors prenaient un air mutin
Et s’épanouissaient dans un rire enfantin.
Quand elles miroitaient sans montrer leurs gencives,
Elles étaient toujours funèbres et pensives,
Semblant me dire : « Avance ! » ou me dire : « Va-t’en ! »
Ou bien, dignes d’orner la bouche de Satan,
Comme en arrêt devant une pâture humaine,
Mon pauvre cœur peut-être ! Une couche de haine,
De sarcasme et d’horreur y venait adhérer
Quand elles se mettaient à me considérer,
Ces infernales dents, ces adorable niques
Qui se faisaient un jeu de paraître ironiques,
Dont le regard était morsure, et qui le soir
Avaient le froid sinistre et coupant du rasoir.
poésie de Maurice Rollinat
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La poésie est chanson de dauphin: toutes les oreilles ne peuvent la percevoir.
aphorisme de Valeriu Butulescu, traduction par Genevieve Gomez
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Longtemps, je me suis couché de bonne heure. Parfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je n’avais pas le temps de me dire: "Je m’endors." Et, une demi-heure après, la pensée qu’il était temps de chercher le sommeil m’éveillait; je voulais poser le volume que je croyais avoir encore dans les mains et souffler ma lumière; je n’avais pas cessé en dormant de faire des réflexions sur ce que je venais de lire, mais ces réflexions avaient pris un tour un peu particulier; il me semblait que j’étais moi-même ce dont parlait l’ouvrage: une église, un quatuor, la rivalité de François Ier et de Charles Quint. Cette croyance survivait pendant quelques secondes à mon réveil; elle ne choquait pas ma raison mais pesait comme des écailles sur mes yeux et les empêchait de se rendre compte que le bougeoir n’était plus allumé.
Marcel Proust dans À la recherche du temps perdu, Du côté de chez Swann (1913)
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La Dame en cire
Je regardais tourner le mannequin,
Et j’admirais sa taille, sa poitrine,
Ses cheveux d’or et son minois taquin,
Lorsque j’ai vu palpiter sa narine
Et son cou mince à forme vipérine.
— « Elle vit donc ! » me dis-je, épouvanté :
Et depuis lors, à toute heure hanté
Par un amour que rien ne peut occire,
J’ai la peur et la curiosité
De voir entrer chez moi la dame en cire.
Par tous les temps, sous un ciel africain,
Et sous la nue inquiète ou chagrine,
Comme un nageur que poursuit un requin,
Sans pouvoir fuir je reste à sa vitrine,
Et là j’entends mon cœur qui tambourine.
J’ai beau me dire : « Horreur ! Insanité ! »
Il est des nuits d’affreuse obscurité,
— Tant je l’évoque et tant je la désire !
Où je conçois la possibilité
De voir entrer chez moi la dame en cire !
Telle qu’elle est en robe de nankin,
Avec ses yeux couleur d’aigue-marine
Et son sourire attirant et coquin,
La pivoteuse à bouche purpurine
Dans mon cerveau s’installe et se burine
Je m’hallucine avec avidité,
Et je m’enfonce, ivre d’étrangeté,
Dans un brouillard que ma raison déchire,
Car c’est mon rêve ardemment souhaité
De voir entrer chez moi la dame en cire.
ENVOI
Ô toi qui m’as si souvent visité,
Satan ! vieux roi de la perversité,
Fais-moi la grâce, ô sulfureux Messire,
Par un minuit lugubrement tinté,
De voir entrer chez moi la dame en cire !
poésie de Maurice Rollinat
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Les Cheveux
J’aimais ses cheveux noirs comme des fils de jais
Et toujours parfumés d’une exquise pommade,
Et dans ces lacs d’ébène où parfois je plongeais
S’assoupissait toujours ma luxure nomade.
Une âme, un souffle, un cœur, vivaient dans ces cheveux,
Puisqu’ils étaient songeurs, animés et sensibles.
Moi, le voyant, j’ai lu de bizarres aveux
Dans le miroitement de leurs yeux invisibles.
La voix morte du spectre à travers son linceul,
Le verbe du silence au fond de l’air nocturne,
Ils l’avaient ! voix unique au monde, que moi seul
J’entendais résonner dans mon cœur taciturne.
Avec la clarté blanche et rose de sa peau
Ils contrastaient ainsi que l’aurore avec l’ombre ;
Quand ils flottaient, c’était le funèbre drapeau
Que son spleen arborait à sa figure sombre.
Coupés, en torsions exquises se dressant,
Sorte de végétal ayant l’humaine gloire,
Avec leur aspect fauve étrange et saisissant
Il figuraient à l’œil une mousse très-noire.
Épars, sur les reins nus, aux pieds qu’ils côtoyaient
Ils faisaient vaguement des caresses musquées,
Aux lueurs de la lampe, ardents, ils chatoyaient,
Comme en un clair-obscur l’œil des filles masquées.
Quelquefois, ils avaient de gentils mouvements
Comme ceux des lézards aux flancs d’une rocaille ;
Ils aimaient les rubis, l’or, et les diamants,
Les épingles d’ivoire et les peignes d’écaille.
Dans l’alcôve où brûlé de désirs éternels
J’aiguillonnais en vain ma chair exténuée,
Je les enveloppais de baisers solennels,
Étreignant l’idéal dans leur sombre nuée !…
Des résilles de soie, où leurs anneaux mêlés
S’enroulaient pour dormir ainsi que des vipères,
Ils tombaient d’un seul bond, touffus et crespelés,
Dans les plis des jupons, leurs chuchotants repaires.
Aucun homme avant moi ne les ayant humés,
Ils ne connaissaient pas les débauches sordides ;
Virginalement noirs sous mes regards pâmés
Ils noyaient l’oreiller avec des airs candides.
Quand les brumes d’hiver rendaient les cieux blafards,
Ils s’entassaient grisés par le parfum des fioles,
Mais ils flottaient, l’été, sur les blancs nénuphars,
Au glissement berceur et langoureux des yoles.
Alors, ils préféraient les bluets aux saphirs,
Les roses au corail, et les lys aux opales.
Ils frémissaient au souffle embaumé des zéphyrs,
Simplement couronnés de marguerites pâles !…
Quand parfois ils quittaient le lit, brûlants et las,
Pour venir aspirer la fraîcheur des aurores,
Ils s’épanouissaient au parfum des lilas
Dans un cadre chantant d’oiseaux multicolores.
Et la nuit, s’endormant dans la tiédeur de l’air
Si calme qu’il n’eût pas fait palpiter des toiles,
Il recevaient ravis — du haut du grand ciel clair —
La bénédiction muette des étoiles.
Mais elle pâlissait ; de jour en jour sa chair
Quittait son ossature atome par atome,
Et navré, je voyais son pauvre corps si cher
Prendre insensiblement l’allure d’un fantôme.
Puis, à mesure, hélas ! que mes regards plongeaient
Dans ses yeux qu’éteignait la mort insatiable,
De moments en moments, ses cheveux s’allongeaient,
Entraînant par leur poids sa tête inoubliable.
Et quand elle mourut au fond du vieux manoir,
Ils avaient tant poussé pendant son agonie,
Que j’en enveloppai comme d’un linceul noir
Celle qui m’abreuvait de tendresse infinie !…
Ainsi donc, tes cheveux furent tes assassins.
Leur longueur anormale à la fin t’a tuée ;
Mais, comme aux jours bénis où fleurissaient tes seins,
Dans le fond de mon cœur, je t’ai perpétuée !…
poésie de Maurice Rollinat
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Les Cheveux
J’aimais ses cheveux noirs comme des fils de jais
Et toujours parfumés d’une exquise pommade,
Et dans ces lacs d’ébène où parfois je plongeais
S’assoupissait toujours ma luxure nomade.
Une âme, un souffle, un cœur vivaient dans ces cheveux
Puisqu’ils étaient songeurs, animés et sensibles,
Moi, le voyant, j’ai lu de bizarres aveux
Dans le miroitement de leurs yeux invisibles.
La voix morte du spectre à travers son linceul,
Le verbe du silence au fond de l’air nocturne,
Ils l’avaient : voix unique au monde que moi seul
J’entendais résonner dans mon cœur taciturne.
Avec la clarté blanche et rose de sa peau
Ils contrastaient ainsi que l’aurore avec l’ombre ;
Quand ils flottaient, c’était le funèbre drapeau
Que son spleen arborait à sa figure sombre.
Coupés, en torsions exquises se dressant,
Sorte de végétal, ayant l’humaine gloire,
Avec leur aspect fauve, étrange et saisissant,
Ils figuraient à l’œil une mousse très noire.
Épars, sur les reins nus, aux pieds qu’ils côtoyaient
Ils faisaient vaguement des caresses musquées ;
Aux lueurs de la lampe ardents ils chatoyaient
Comme en un clair-obscur l’œil des filles masquées.
Quelquefois ils avaient de gentils mouvements
Comme ceux des lézards au flanc d’une rocaille,
Ils aimaient les rubis, l’or et les diamants,
Les épingles d’ivoire et les peignes d’écaille.
Dans l’alcôve où brûlé de désirs éternels
J’aiguillonnais en vain ma chair exténuée,
Je les enveloppais de baisers solennels
Étreignant l’idéal dans leur sombre nuée.
Des résilles de soie où leurs anneaux mêlés
S’enroulaient pour dormir ainsi que des vipères,
Ils tombaient d’un seul bond touffus et crespelés
Dans les plis des jupons, leurs chuchotants repaires.
Aucun homme avant moi ne les ayant humés,
Ils ne connaissaient pas les débauches sordides ;
Virginalement noirs, sous mes regards pâmés
Ils noyaient l’oreiller avec des airs candides.
Quand les brumes d’hiver rendaient les cieux blafards,
Ils s’entassaient, grisés par le parfum des fioles,
Mais ils flottaient l’été sur les blancs nénuphars
Au glissement berceur et langoureux des yoles.
Alors, ils préféraient les bluets aux saphirs,
Les roses au corail et les lys aux opales ;
Ils frémissaient au souffle embaumé des zéphirs
Simplement couronnés de marguerites pâles.
Quand parfois ils quittaient le lit, brûlants et las,
Pour venir aspirer la fraîcheur des aurores,
Ils s’épanouissaient aux parfums des lilas
Dans un cadre chantant d’oiseaux multicolores.
Et la nuit, s’endormant dans la tiédeur de l’air
Si calme, qu’il n’eût pas fait palpiter des toiles,
Ils recevaient ravis, du haut du grand ciel clair,
La bénédiction muette des étoiles.
Mais elle blêmissait de jour en jour ; sa chair
Quittait son ossature, atome par atome,
Et navré, je voyais son pauvre corps si cher
Prendre insensiblement l’allure d’un fantôme.
Puis à mesure, hélas ! que mes regards plongeaient
Dans ses yeux qu’éteignait la mort insatiable,
De moments en moments, ses cheveux s’allongeaient
Entraînant par leur poids sa tête inoubliable.
Et quand elle mourut au fond du vieux manoir,
Ils avaient tant poussé pendant son agonie,
Que j’en enveloppai comme d’un linceul noir
Celle qui m’abreuvait de tendresse infinie.
Ainsi donc, tes cheveux furent tes assassins.
Leur perfide longueur à la fin t’a tuée,
Mais, comme aux jours bénis où fleurissaient tes seins,
Dans le fond de mon cœur je t’ai perpétuée.
poésie de Maurice Rollinat
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La Vie antérieure
J'ai longtemps habité sous de vastes portiques
Que les soleils marins teignaient de mille feux,
Et que leurs grands piliers, droits et majestueux,
Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques.
Les houles, en roulant les images des cieux,
Mêlaient d'une façon solennelle et mystique
Les tout-puissants accords de leur riche musique
Aux couleurs du couchant reflété par mes yeux.
C'est là que j'ai vécu dans les voluptés calmes,
Au milieu de l'azur, des vagues, des splendeurs
Et des esclaves nus, tout imprégnés d'odeurs,
Qui me rafraîchissaient le front avec des palmes,
Et dont l'unique soin était d'approfondir
Le secret douloureux qui me faisait languir.
poésie de Charles Baudelaire de Les Fleurs du mal (1857)
Ajouté par anonyme
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La vie est un musée aux hommes en cire qui s’enfuient effrayés par les ombres, en fondant.
aphorisme de Ionuţ Caragea de Aphorismes jaillis de l’écume des flots, Éditions Stellamaris, Brest, France (2018)
Ajouté par Ionuţ Caragea
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Beaucoup de politiciens deviennent authentiques seulement au Musée de cire!
aphorisme de Octav Bibere (2011)
Ajouté par Octav Bibere
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