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Mihai Eminescu

Le lac

Les nénuphars jaunes emplissent
Le lac des forêts comme argent
Il fait se balancer la barque
Et tressaille en cercles blancs.

Je passe tout au long des rives
Je m'attends à chaque pas
Qu`elle surgisse des roseaux
Et qu'elle tombe dans mes bras.

Nous sauterons dans notre barque
Par la voix des eaux enivrés,
J'abandonnerai le timon.
Laissant les rames m'échapper;

Nous flotterons saisis du charme
Sous cette lune rayonnante -
Le vent bercera les roseaux
Les eaux chanteront ondoyantes !

Mais elle ne vient pas... Tout seul
Je soupire, je souffre en vain,
Les yeux perdus sur mon lac bleu,
Qui de lourds nénuphars est plein.

poésie de Mihai Eminescu de Poésies (Poesii) (1876), traduction par Veturia Drăgănescu-VericeanuSignalez un problèmeDes citations similaires
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De la même à la même

Le souvenir d’un rêve à chaque instant m’arrive
Comme un remords subtil à la fois âcre et cher,
Et pour me soulager il faut que je t’écrive
Le redoutable aveu qui fait frémir ma chair :

Sur les bords d’un lac pur où se baignaient des Anges,
Dans un paradis vert plein d’arbres qui chantaient
Des airs mystérieux sur des rythmes étranges,
Je regardais le ciel où mes soupirs montaient.

Les arômes des fleurs s’exhalant par bouffées,
Le mutisme du lac et les voix étouffées
Des sylphides nageant prés des séraphins nus,

Tout me criait : « L’amour à la fin t’a conquise ! »
Soudain, mon cœur sentit des frissons inconnus,
Et tout mon corps s’emplit d’une douleur exquise !

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
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De la même à la même

Le souvenir d'un rêve à chaque instant m'arrive
Comme un remords subtil à la fois âcre et cher,
Et pour me soulager il faut que je t'écrive
Le redoutable aveu qui fait frémir ma chair :

Sur les bords d'un lac pur où se baignaient des Anges,
Dans un paradis vert plein d'arbres qui chantaient
Des airs mystérieux sur des rythmes étranges,
Je regardais le ciel où mes soupirs montaient.

Les aromes des fleurs s'exhalant par bouffées,
Le mutisme du lac et les voix étouffées
Des sylphides nageant prés des séraphins nus,

Tout me criait : 'L'amour à la fin t'a conquise !'
Soudain, mon coeur sentit des frissons inconnus,
Et tout mon corps s'emplit d'une douleur exquise !

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La Lune

La lune a de lointains regards
Pour les maisons et les hangars
Qui tordent sous les vents hagards
Leurs girouettes ;
Mais sa lueur fait des plongeons
Dans les marais peuplés d’ajoncs
Et flotte sur les vieux donjons
Pleins de chouettes !

Elle fait miroiter les socs
Dans les champs, et nacre les rocs
Qui hérissent les monts, par blocs
Infranchissables ;
Et ses chatoiements délicats
Près des gaves aux sourds fracas
Font luire de petits micas
Parmi les sables !

Avec ses lumineux frissons
Elle a de si douces façons
De se pencher sur les buissons
Et les clairières !
Son rayon blême et vaporeux
Tremblote au fond des chemins creux
Et rôde sur les flancs ocreux
Des fondrières.

Elle promène son falot
Sur la forêt et sur le flot
Que pétrit parfois le galop
Des vents funèbres ;
Elle éclaire aussi les taillis
Où, cachés sous les verts fouillis,
Les ruisseaux font des gazouillis
Dans les ténèbres.

Elle argente sur les talus
Les vieux troncs d’arbres vermoulus
Et rend les saules chevelus
Si fantastiques,
Qu’à ses rayons ensorceleurs,
Ils ont l’air de femmes en pleurs
Qui penchent au vent des douleurs
Leurs fronts mystiques.

En doux reflets elle se fond
Parmi les nénuphars qui font
Sur l’étang sinistre et profond
De vertes plaques ;
Sur la côte elle donne aux buis
Des baisers d’émeraude, et puis
Elle se mire dans les puits
Et dans les flaques !

Et, comme sur les vieux manoirs,
Les ravins et les entonnoirs,
Comme sur les champs de blés noirs
Où dort la caille,
Elle s’éparpille ou s’épand,
Onduleuse comme un serpent,
Sur le sentier qui va grimpant
Dans la rocaille !

Oh ! quand, tout baigné de sueur,
Je fuis le cauchemar tueur,
Tu blanchis avec ta lueur
Mon âme brune ;
Si donc, la nuit, comme un hibou,
Je vais rôdant je ne sais où,
C’est que je t’aime comme un fou ;
O bonne Lune !

Car, l’été, sur l’herbe, tu rends
Les amoureux plus soupirants,
Et tu guides les pas errants
Des vieux bohèmes ;
Et c’est encore ta clarté,
O reine de l’obscurité,
Qui fait fleurir l’étrangeté
Dans mes poèmes !

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Iulia Hașdeu

Au bord de la mer

Bonsoir, amis, bonsoir, au pâle clair de lune,
Aux cris plaintifs du vent parmi la forêt brune,
Aux soupirs de la brise inclinant les roseaux,
Aux sourds mugissements du flot qui bat la grève,
Bonsoir! Le voyageur qui s’arrête et qui rêve
En écoutant la voix des eaux,

Seul, nocturne pêcheur, debout sur le roc sombre,
Regarde vers le ciel plein d’étoiles sans nombre;
Et tandis que ses yeux plongent au firmament,
Il peut se demander quelle est cette romance
Que la mer chante au ciel, achève et recommence,
Recommence éternellement!

Avez-vous entendu, quand la nuit est sans voiles,
La vaste mer chanter sa chanson aux étoiles?
Quelle musique, amis! Dieu parle en cette voix.
Sublime créateur de l’infini – son monde –
Dieu prête à l’océan cette basse profonde
Et l’océan chante ses lois.

Bonsoir, amis! Ce Dieu, par qui le flot murmure,
Par qui tout prend naissance et vit dans la nature,
Qui fit ce qu’on ne peut ni comprendre, ni voir,
Comme les flots des mers, comme les choeurs des anges,
Bénissez-le sans cesse et chantez ses louanges.
Au clair de lune, amis, bonsoir!

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La Forme noire

C’est le grand silence des nuits
Auquel, seul, le vent s’amalgame.
Pleurant ses amoureux ennuis,
Pas une chouette qui clame !
Rien ! pas même un crapaud n’entame
Ce figement de tous les bruits.
Une forme d’homme ou de femme,
Tout le corps et les traits enfouis
Dans du noir, suit au long des buis
La rivière qui sent le drame.
Ses pas fiévreusement conduits
Disent assez ce qu’elle trame.
Sous les frissons d’ombre et de flamme,
Coulant des cieux épanouis,
Au milieu des joncs éblouis
Une barque est là qui se pâme.
L’inconnu saisit une rame,
Sonde un endroit creux comme un puits,
Se précipite... flac ! — Pauvre âme !
L’eau se referme — plate — et puis
C’est le grand silence des nuits.

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Sully Prudhomme

Le Cygne

Sans bruit, sous le miroir des lacs profonds et calmes,
Le cygne chasse l’onde avec ses larges palmes,
Et glisse. Le duvet de ses flancs est pareil
A des neiges d’avril qui croulent au soleil ;
Mais, ferme et d’un blanc mat, vibrant sous le zéphire,
Sa grande aile l’entraîne ainsi qu’un lent navire.
Il dresse son beau col au-dessus des roseaux,
Le plonge, le promène allongé sur les eaux,
Le courbe gracieux comme un profil d’acanthe,
Et cache son bec noir dans sa gorge éclatante.
Tantôt le long des pins, séjour d’ombre et de paix,
Il serpente, et laissant les herbages épais
Traîner derrière lui comme une chevelure,
Il va d’une tardive et languissante allure ;
La grotte où le poète écoute ce qu’il sent,
Et la source qui pleure un éternel absent,
Lui plaisent : il y rôde ; une feuille de saule
En silence tombée effleure son épaule ;
Tantôt il pousse au large, et, loin du bois obscur,
Superbe, gouvernant du côté de l’azur,
Il choisit, pour fêter sa blancheur qu’il admire,
La place éblouissante où le soleil se mire.
Puis, quand les bords de l’eau ne se distinguent plus,
A l’heure où toute forme est un spectre confus,
Où l’horizon brunit, rayé d’un long trait rouge,
Alors que pas un jonc, pas un glaïeul ne bouge,
Que les rainettes font dans l’air serein leur bruit
Et que la luciole au clair de lune luit,
L’oiseau, dans le lac sombre, où sous lui se reflète
La splendeur d’une nuit lactée et violette,
Comme un vase d’argent parmi des diamants,
Dort, la tête sous l’aile, entre deux firmaments.

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La Chanson des amoureuses

Nos soupirs s’en vont dans la tombe
Comme des souffles dans la nuit,
Et nos plaintes sont un vain bruit
Comme celles de la colombe.

Tout prend son vol et tout retombe,
Tout s’enracine et tout s’enfuit !
Nos soupirs s’en vont dans la tombe
Comme des souffles dans la nuit.

C’est toujours la mort qui surplombe
Le nouvel amour qui séduit,
Et pas à pas, elle nous suit
Dans la volupté qui nous plombe.
Nos soupirs s’en vont dans la tombe.

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La Belle Fromagère

Par la rue enfiévrante où mes pas inquiets
Se traînent au soleil comme au gaz, je voyais
Derrière une affreuse vitrine
Où s’étalaient du beurre et des fromages gras,
Une superbe enfant dont j’admirais les bras
Et la plantureuse poitrine.

Le fait est que jamais fille ne m’empoigna
Comme elle, et que jamais mon Å“il fou ne lorgna
De beauté plus affriolante !
Un nimbe de jeunesse ardente et de santé
Auréolait ce corps frais où la puberté
Était encore somnolente.

Elle allait portant haut dans l’étroit magasin
Son casque de cheveux plus noirs que le fusain
Et, douce trotteuse en galoches,
Furetait d’un air gai dans les coins et recoins,
Tandis que les bondons jaunes comme des coings
Se liquéfiaient sous les cloches.

Armés d’un petit fil de laiton, ses doigts vifs
Détaillaient prestement des beurres maladifs
À des acheteuses blafardes ;
Des beurres, qu’on savait d’un rance capiteux,
Et qui suaient l’horreur dans leurs linges piteux,
Comme un affamé dans ses hardes.

Quand sa lame entamait Gruyère ou Roquefort,
Je la voyais peser sur elle avec effort,
Son petit nez frôlant les croûtes,
Et rien n’était mignon comme ses jolis doigts
Découpant le Marolle infect où, par endroits,
La vermine creusait des routes.

Près de l’humble comptoir où dormaient les gros sous
Les Géromés vautrés comme des hommes saouls
Coulaient sur leur clayon de paille,
Mais si nauséabonds, si pourris, si hideux,
Que les mouches battaient des ailes autour d’eux,
Sans jamais y faire ripaille.

Or, elle respirait à son aise, au milieu
De cette âcre atmosphère où le Roquefort bleu
Suintait près du Chester exsangue ;
Dans cet ignoble amas de caillés purulents,
Ravie, elle enfonçait ses beaux petits doigts blancs,
Qu’elle essuyait d’un coup de langue.

Oh ! sa langue ! bijou vivant et purpurin
Se pavanant avec un frisson vipérin
Tout plein de charme et de hantise !
Miraculeux corail humide et velouté
Dont le bout si pointu trouait de volupté
Ma chair, folle de convoitise !

Donc, cette fromagère exquise, je l’aimais
Je l’aimais au point d’en rêver le viol ! mais,
Je me disais que ces miasmes,
À la longue, devaient imprégner ce beau corps
Et le dégoût, comme un mystérieux recors,
Traquait tous mes enthousiasmes.

Et pourtant, chaque jour, rivés à ses carreaux,
Mes deux yeux la buvaient ! en vain les Livarots
Soufflaient une odeur pestilente,
J’étais là, me grisant de sa vue, et si fou,
Qu’en la voyant les mains dans le fromage mou
Je la trouvais ensorcelante !

À la fin, son aveu fleurit dans ses rougeurs ;
Pour me dire : « je t’aime » avec ses yeux songeurs,
Elle eut tout un petit manège ;
Puis elle me sourit ; ses jupons moins tombants
Découvrirent un jour des souliers à rubans
Et des bas blancs comme la neige.

Elle aussi me voulait de tout son être ! À moi,
Elle osait envoyer des baisers pleins d’émoi,
L’emparadisante ingénue,
Si bien, qu’après avoir longuement babillé,
Par un soir de printemps, je la déshabillai
Et vis sa beauté toute nue !

Sa chevelure alors flotta comme un drapeau,
Et c’est avec des yeux qui me léchaient la peau
Que la belle me fit l’hommage
De sa chair de seize ans, mûre pour le plaisir !
Ô saveur ! elle était flambante de désir
Et ne sentait pas le fromage !

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Le Martin-pêcheur

Le miroitement des eaux vives
Attire le Martin-Pêcheur
Qui fend la brume et la blancheur
Mieux que les merles et les grives.

Entre les grands saules des rives,
Au bord du ruisseau rabâcheur,
Le miroitement des eaux vives
Attire le Martin-Pêcheur,

Et sous les ramures plaintives,
Dans le soleil, dans la fraîcheur,
Il file, ce joli chercheur,
Rasant de ses lueurs furtives
Le miroitement des eaux vives.

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La Rivière dormante

Au plus creux du ravin où l’ombre et le soleil
Alternent leurs baisers sur la roche et sur l’arbre,
La rivière immobile et nette comme un marbre
S’enivre de stupeur, de rêve et de sommeil.

Plus d’un oiseau, dardant l’éclair de son plumage,
La brûle dans son vol, ami des nénuphars ;
Et le monde muet des papillons blafards
Y vient mirer sa frêle et vacillante image.

Descendu des sentiers tout sablés de mica,
Le lézard inquiet cherche la paix qu’il goûte
Sur ses rocs fendillés d’où filtrent goutte à goutte
Des filets d’eau qui font un bruit d’harmonica.

La lumière est partout si bien distribuée
Qu’on distingue aisément les plus petits objets ;
Des mouches de saphir, d’émeraude et de jais
Au milieu d’un rayon vibrent dans la buée.

Sa mousse qui ressemble aux grands varechs des mers
Éponge tendrement les larmes de ses saules,
Et ses longs coudriers, souples comme des gaules,
Se penchent pour la voir avec les buis amers.

Ni courant limoneux, ni coup de vent profane :
Rien n’altère son calme et sa limpidité ;
Elle dort, exhalant sa tiède humidité,
Comme un grand velours vert qui serait diaphane.

Pourtant cette liquide et vitreuse torpeur
Qui n’a pas un frisson de remous ni de vague,
Murmure un son lointain, triste, infiniment vague,
Qui flotte et se dissipe ainsi qu’une vapeur.

Du fond de ce grand puits qui la tient sous sa garde,
Avec ses blocs de pierre et ses fouillis de joncs,
Elle écoute chanter les hiboux des donjons
Et réfléchit l’azur étroit qui la regarde.

Des galets mordorés et d’un aspect changeant
Font à la sommeilleuse un lit de mosaïque
Où, dans un va-et-vient béat et mécanique.
Glissent des poissons bleus lamés d’or et d’argent.

Leurs nageoires qui sont rouges et dentelées
Dodelinent avec leur queue en éventail :
Si transparente est l’eau, qu’on peut voir en détail
Tout ce fourmillement d’ombres bariolées.

Comme dans les ruisseaux clairs et torrentueux
Qui battent les vieux ponts aux arches mal construites,
L’écrevisse boiteuse y chemine, et les truites
Aiment l’escarpement de ses bords tortueux.

L’âme du paysage à toute heure voltige
Sur ce lac engourdi par un sommeil fatal,
Dallé de cailloux plats et dont le fin cristal
A les miroitements du songe et du vertige.

Et, sans qu’elle ait besoin des plissements furtifs
Que les doigts du zéphyr forment sur les eaux mates,
Pour prix de leur ombrage et de leurs aromates
La rivière sourit aux végétaux plaintifs ;

Et quand tombe la nuit spectrale et chuchoteuse,
Elle sourit encore aux parois du ravin :
Car la lune, au milieu d’un silence divin,
Y baigne les reflets de sa lueur laiteuse.

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La Laveuse

Voici l’heure où les ménagères
Guettent le retour des bergères.
Avec des souffles froids et saccadés, le vent
Fait moutonner au loin les épaisses fougères
Dans le jour qui va s’achevant.

Là-bas sur un grand monticule
Un moulin à vent gesticule.
Les feuilles d’arbre ont des claquements de drapeaux,
Et l’hymne monotone et doux du crépuscule
Est entonné par les crapauds.

Des silhouettes désolées
Se convulsent dans les vallées,
Et, sur les bords herbeux des routes sans maisons,
Les mètres de cailloux semblent des mausolées
Qui donnent parmi les gazons.

Déjà plus d’un hibou miaule,
Et le pâtre, armé d’une gaule,
Par des chemins boueux, profonds comme des trous,
S’en va passer la nuit sur l’herbe, au pied d’un saule,
Avec ses taureaux bruns et roux.

Dans la solitude profonde
Les vieux chênes à tête ronde,
Fantastiques, ont l’air de vouloir s’en aller
Au fond de l’horizon, que le brouillard inonde,
Et qui paraît se reculer.

Mais les choses dans la pénombre
Se distinguent : figure, nombre
Et couleur des objets inertes ou bougeurs,
Tout cela reste encor visible, quoique sombre,
Sous les nuages voyageurs.

Or, à cette heure un peu hagarde,
Je longe une brande blafarde,
Et pour me rassurer je chante à demi-voix,
Lorsque soudain j’entends un bruit sec. — Je regarde,
Pâle, et voici ce que je vois :

Au bord d’un étang qui clapote,
Une vieille femme en capote,
A genoux, les sabots piqués dans le sol gras,
Lave du linge blanc et bleu qu’elle tapote
Et retapote à tour de bras.
— « Par où donc est-elle venue,
« Cette sépulcrale inconnue ? »
Et je m’arrête alors, pensif et répétant,
Au milieu du brouillard qui tombe de la nue.
Ce soliloque inquiétant.

Å’il creux, nez crochu, bouche plate,
Sec et mince comme une latte,
Ce fantôme laveur d’un âge surhumain,
Horriblement coiffé d’un mouchoir écarlate,
Est là, presque sur mon chemin.

Et la centenaire aux yeux jaunes,
Accroupie au pied des grands aunes,
Sorcière de la brande où je m’en vais tout seul,
Frappe à coups redoublés un drap, long de trois aunes,
Qui pourrait bien être un linceul.

Alors, tout à l’horreur des choses
Si fatidiques dans leurs poses,
Je sens la peur venir et la sueur couler,
Car la hideuse vieille en lavant fait des pauses
Et me regarde sans parler.

Et le battoir tombe et retombe
Sur cette nappe de la tombe,
Mêlant son diabolique et formidable bruit
Aux sifflements aigus du vent qui devient trombe ;
Et tout s’efface dans la nuit.

— « Si loin ! pourvu que je me rende ! »
Et je me sauve par la brande
Comme si je sentais la poursuite d’un pas ;
Et dans l’obscurité ma terreur est si grande
Que je ne me retourne pas.

Ici, là, fondrière ou flaque,
Complices de la nuit opaque !
Et la rafale beugle ainsi qu’un taureau noir,
Et voici que sur moi vient s’acharner la claque
De l’abominable battoir.

Enfin, ayant fui de la sorte
A travers la campagne morte,
J’arrive si livide, et si fou de stupeur
Que lorsque j’apparais brusquement à la porte
Mon apparition fait peur !

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Le Rossignol

Quand le soleil rit dans les coins,
Quand le vent joue avec les foins,
À l’époque où l’on a le moins
D’inquiétudes ;
Avec Mai, le mois enchanteur
Qui donne à l’air bonne senteur,
Il nous revient, l’oiseau chanteur
Des solitudes.

Il habite les endroits frais,
Pleins de parfums et de secrets,
Sur les lisières des forêts
Et des prairies ;
Sur les bords d’un lac ombragé,
Auprès d’un manoir très âgé
Ou d’un cimetière chargé
De rêveries.

Le doux ignorant des hivers
Hante les fouillis d’arbres verts,
Et voit le soleil à travers
L’écran des feuilles ;
C’est là que tu passes tes jours,
Roi des oiselets troubadours,
Et que pour chanter tes amours
Tu te recueilles.

Tandis que l’horizon blêmit,
Que la berge se raffermit,
Et que sur les ajoncs frémit
La libellule ;
Tandis qu’avec des vols ronfleurs,
Parfois obliques et frôleurs,
L’abeille rentre ivre de fleurs
Dans sa cellule ;

Lui, le bohème du printemps,
Il chante la couleur du temps ;
Et saules pleureurs des étangs,
Vieilles églises
Ayant du lierre à plus d’un mur,
Toute la plaine et tout l’azur
Écoutent vibrer dans l’air pur
Ses vocalises.

Quand il pousse dans sa langueur
Des soupirs filés en longueur,
C’est qu’il souffre avec tout son cœur,
Toute son âme !
Sa voix pleurant de chers hymens
A des sons tellement humains,
Que l’on dirait par les chemins
Des cris de femme !

Alors elle rend tout pensifs
Les petits chênes, les grands ifs ;
Et mêlée aux ruisseaux furtifs,
Aux bons visages
De la vache et de la jument,
Cette voix est assurément
La plainte et le gémissement
Des paysages.

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La Musique

À l’heure où l’ombre noire
Brouille et confond
La lumière et la gloire
Du ciel profond,
Sur le clavier d’ivoire
Mes doigts s’en vont.

Quand tes regrets et les alarmes
Battent mon sein comme des flots,
La musique traduit mes larmes
Et répercute mes sanglots.

Elle me verse tous les baumes
Et me souffle tous les parfums ;
Elle évoque tous mes fantômes
Et tous mes souvenirs défunts.

Elle m’apaise quand je souffre,
Elle délecte ma langueur,
Et c’est en elle que j’engouffre
L’inexprimable de mon cœur.

Elle mouille comme la pluie,
Elle brûle comme le feu ;
C’est un rire, une brume enfuie
Qui s’éparpille dans le bleu.

Dans ses fouillis d’accords étranges
Tumultueux et bourdonnants,
J’entends claquer des ailes d’anges
Et des linceuls de revenants ;

Les rythmes ont avec les gammes
De mystérieux unissons ;
Toutes les notes sont des âmes,
Des paroles et des frissons.

Ô Musique, torrent du rêve,
Nectar aimé, philtre béni,
Cours, écume, bondit sans trêve
Et roule-moi dans l’infini.

À l’heure où l’ombre noire
Brouille et confond
La lumière et la gloire
Du ciel profond,
Sur le clavier d’ivoire
Mes doigts s’en vont.

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Les Petits Souliers

Tes petits souliers noirs grillés comme une cage
Emprisonnent tes pieds plus vifs que des oiseaux,
Laissant voir à travers leurs délicats réseaux
Tes bas coloriés fleuris comme un langage.

Ils ont le glissement du vent dans le bocage,
La grâce tournoyeuse et grêle des fuseaux,
L’air mutin de l’abeille aux pointes des roseaux
Ou de la sauterelle au milieu d’un pacage.

En vain, ils sont partout mes suiveurs familiers,
Par l’aspect et le bruit de tes petits souliers
J’ai toujours les yeux pris et l’oreille conquise ;

Et quand les mauvais jours me séparent de toi,
Ton souvenir les fait sonner derrière moi
Et brode sur mon cœur leur silhouette exquise.

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Nativité

D'aucuns ont un pleur charitable
Pour Jésus né dans une étable.
Je sais un sort plus lamentable

Je sais un enfant ramassé,
Un jour de décembre glacé,
Nu comme un ver, dans un fossé.

Il est nuit. Pas une voisine
N'offre à sa grange ou sa cuisine
A la pauvre mère en gésine.

Malgré sa mine et son danger,
Qui donc voudrait se déranger?
Elle est en pays étranger.

Donc, depuis l'étape dernière
Se traînant d'ornière en ornière,
Elle va, bête sans tanière,

Bête hagarde qui s'enfuit
Et cherche à tâtons un réduit,
Les yeux grands ouverts dans la nuit.

Ses reins lui pèsent. Ses mamelles
Que gonflent des cuissons jumelles
Sont pleines comme des gamelles.

Son ventre, où flambent des chardons,
Sent l'enfant, fils des vagabonds,
Qui veut sortir et fait des bonds.

Elle va quand même, plus lente,
Tirant ses pieds lourds dont la plante
Saigne. Elle va, folle, hurlante,

Soûle, et, boule, roule au fossé,
Et maudit le mâle exaucé
Par qui son flanc fût engrossé.

La face au ciel, comme en extase,
Elle se tord. Son cou s'écrase
Sur les cailloux et dans la vase.

Elle accouche enfin, en crevant;
Et le gueux nouvel arrivant
Grelotte et vagit en plein vent.

Le vent est dur, sa chair est nue.
Aucune étoile dans la nue
Ne vient saluer sa venue.

Pas de mages, pas de cadeaux,
De crèches, de bergers badauds!
Il est seul, couché sur le dos,

Comme un supplicié qui claime,
Tout noir près du cadavre blême,
Sans personne au monde qui l'aime;

Et, par sa mère au ventre ouvert
Je jure, le front découvert,
Que l'autre n'a pas tant souffert!

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La Pluie

Lorsque la pluie, ainsi qu’un immense écheveau
Brouillant à l’infini ses longs fils d’eau glacée,
Tombe d’un ciel funèbre et noir comme un caveau
Sur Paris, la Babel hurlante et convulsée,

J’abandonne mon gîte, et sur les ponts de fer,
Sur le macadam, sur les pavés, sur l’asphalte,
Laissant mouiller mon crâne où crépite un enfer,
Je marche à pas fiévreux sans jamais faire halte.

La pluie infiltre en moi des rêves obsédants
Qui me font patauger lentement dans les boues,
Et je m’en vais, rôdeur morne, la pipe aux dents,
Sans cesse éclaboussé par des milliers de roues.

Cette pluie est pour moi le spleen de l’inconnu :
Voilà pourquoi j’ai soif de ces larmes fluettes
Qui sur Paris, le monstre au sanglot continu,
Tombent obliquement lugubres, et muettes.

L’éternel coudoiement des piétons effarés
Ne me révolte plus, tant mes pensers fermentent :
À peine si j’entends les amis rencontrés
Bourdonner d’un air vrai leurs paroles qui mentent.

Mes yeux sont si perdus, si morts et si glacés,
Que dans le va-et-vient des ombres libertines,
Je ne regarde pas sous les jupons troussés
Le gai sautillement des fringantes bottines.

En ruminant tout haut des poèmes de fiel,
J’affronte sans les voir la flaque et la gouttière ;
Et mêlant ma tristesse à la douleur du ciel,
Je marche dans Paris comme en un cimetière.

Et parmi la cohue impure des démons,
Dans le grand labyrinthe, au hasard et sans guide,
Je m’enfonce, et j’aspire alors à pleins poumons
L’affreuse humidité de ce brouillard liquide.

Je suis tout à la pluie ! À son charme assassin,
Les vers dans mon cerveau ruissellent comme une onde :
Car pour moi, le sondeur du triste et du malsain,
C’est de la poésie atroce qui m’inonde.

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La pluie

Lorsque la pluie, ainsi qu'un immense écheveau
Brouillant à l'infini ses longs fils d'eau glacée,
Tombe d'un ciel funèbre et noir comme un caveau
Sur Paris, la Babel hurlante et convulsée,

J'abandonne mon gîte, et sur les ponts de fer,
Sur le macadam, sur les pavés, sur l'asphalte,
Laissant mouiller mon crâne où crépite un enfer,
Je marche à pas fiévreux sans jamais faire halte.

La pluie infiltre en moi des rêves obsédants
Qui me font patauger lentement dans les boues,
Et je m'en vais, rôdeur morne, la pipe aux dents,
Sans cesse éclaboussé par des milliers de roues.

Cette pluie est pour moi le spleen de l'inconnu :
Voilà pourquoi j'ai soif de ces larmes fluettes
Qui sur Paris, le monstre au sanglot continu,
Tombent obliquement lugubres, et muettes.

L'éternel coudoîment des piétons effarés
Ne me révolte plus, tant mes pensers fermentent :
À peine si j'entends les amis rencontrés
Bourdonner d'un air vrai leurs paroles qui mentent.

Mes yeux sont si perdus, si morts et si glacés,
Que dans le va-et-vient des ombres libertines,
Je ne regarde pas sous les jupons troussés
Le gai sautillement des fringantes bottines.

En ruminant tout haut des poèmes de fiel,
J'affronte sans les voir la flaque et la gouttière ;
Et mêlant ma tristesse à la douleur du ciel,
Je marche dans Paris comme en un cimetière.

Et parmi la cohue impure des démons,
Dans le grand labyrinthe, au hasard et sans guide,
Je m'enfonce, et j'aspire alors à pleins poumons
L'affreuse humidité de ce brouillard liquide.

Je suis tout à la pluie ! À son charme assassin,
Les vers dans mon cerveau ruissellent comme une onde :
Car pour moi, le sondeur du triste et du malsain,
C'est de la poésie atroce qui m'inonde.

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Où vais-je?

Sur les petits chênes trapus
Voici qu’enfin las et repus
Les piverts sont interrompus
Par les orfraies.
A cette heure, visqueux troupeaux,
Les limaces et les crapauds
Rampent allègres et dispos
Le long des haies !

Enfin l’ombre ! le jour a fui.
Je vais promener mon ennui
Dans la profondeur de la nuit
Veuves d’étoiles !
Un vent noir se met à souffler,
Serpent de l’air, il va siffler,
Et mes poumons vont se gonfler
Comme des voiles.

Au fond des grands chemins herbeux,
Çà et là troués et bourbeux,
J’entends les taureaux et les bœufs
Qui se lamentent,
Et je vais, savourant l’horreur
De ces beuglements de terreur,
Sous les rafales en fureur
Qui me tourmentent !

Sur des sols mobiles et mous,
Espèces de fangueux remous,
Je marche avec les gestes fous
Des maniaques !
Où sont les arbres ? je ne vois
Que les yeux rouges des convois
Dont les sifflements sont des voix
Démoniaques.

Hélas ! mon pas de forcené
Aura sans doute assassiné
Plus d’un crapaud pelotonné
Sur sa femelle !
Oh ! oui, j’ai dû marcher sur eux,
Car dans ce marais ténébreux
J’ai sentis des frissons affreux
Sous ma semelle.

Et je marche ! Or, sans qu’il ait plu,
Tout ce terrain n’est qu’une glu ;
Mais le vertige a toujours plu
Au cœur qui souffre !
Et je m’empêtre dans les joncs.
Me cramponnant aux sauvageons
Et labourant de mes plongeons
L’ignoble gouffre !

Sous le ciel noir comme un cachot,
Crinière humide et crâne chaud,
Je m’avance en parlant si haut
Que je m’enroue.
Suis-je entré dans un cul-de-sac ?
Mais non ! après de longs flic-flac
Je finis par franchir ce lac
D’herbe et de boue

Les chiens ont comme les taureaux
Des ululements gutturaux !
Pas une lueur aux carreaux
Des maisons proches !
N’importe ! je vais m’enfournant
Dans la nuit d’un chemin tournant
Et je clopine maintenant
Parmi des roches.

Où vais-je ? comment le savoir ?
Car c’est en vain que pour y voir
Je ferme et j’ouvre dans le noir
Mes deux paupières !
Terre et Cieux, coteau, plaine et bois
Sont ensevelis dans la poix,
Et je heurte de tout mon poids
De grandes pierres !

Les buissons sont si rapprochés
Qu’à chaque pas sur les rochers
Mes vêtements sont accrochés
Par une ronce.
Derrière, devant, de travers,
Le vent me cravache ! oh ! quels vers
J’ébauche dans ces trous pervers,
Où je m’enfonce !

La rocaille devient verglas,
Tenaille, scie, et coutelas !
Je glisse, et le mince échalas
Que j’ai pour canne
Craque et va se casser en deux…
Mais toujours mon pied hasardeux
Rampe, et je dois être hideux
Tant je ricane !

Et je tombe, et je retombe ! oh !
Ce chemin sera mon tombeau !
Un abominable corbeau
Me le croasse !
Sur mon épaule, ce coup sec
Vient-il d’une branche ou d’un bec ?
Et dois-je aussi lutter avec
L’oiseau vorace ?

Bah ! je marche toujours ! bravant
Les pierres, la nuit et le vent !
J’affrontais bien auparavant
La vase infecte !
Où que j’aventure mon pied
Je trébuche à m’estropier…
Mais dans ce rocailleux guêpier
Je me délecte !

Rafales, ruez-vous sans mors !
Ronce, égratigne ; caillou, mords !
Nuit noire comme un drap des morts,
Sois plus épaisse !
Je ris de votre acharnement,
Car l’horreur est un aliment
Dont il faut qu’effroyablement
Je me repaisse !…

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Le Petit Fantôme

J’habite l’Océan,
Les joncs des marécages,
Les étranges pacages
Et le gouffre béant.

Je plonge sous les flots,
Je danse sur la vague,
Et ma voix est si vague
Qu’elle échappe aux échos.

Je sonde les remous
Et, sur le bord des mares,
Je fais des tintamarres
Avec les crapauds mous.

Je suis dans les gazons
Les énormes vipères,
Et dans leurs chauds repaires
J’apporte des poisons.

Je sème dans les bois
Les champignons perfides ;
Quand je vois des sylphides,
Je les mets aux abois.

J’attire le corbeau
Vers l’infecte charogne,
J’aime que son bec rogne
Ce putride lambeau.

Je ris quand le follet
Séduit avec son leurre
L’enfant perdu qui pleure
De se voir si seulet.

Je vais dans les manoirs
Où le hibou m’accueille ;
J’erre de feuille en feuille
Au fond des halliers noirs.

Mais, malgré mon humour
Satanique et morose,
Je vais baiser la rose
Tout palpitant d’amour.

Les nocturnes parfums
Me jettent leurs bouffées ;
Je hais les vieilles fées
Et les mauvais défunts.

La forêt me chérit,
Je jase avec la lune ;
Je folâtre dans l’une
Et l’autre me sourit.

La rosée est mon vin.
Avec les violettes
Je bois ses gouttelettes
Dans le fond du ravin.

Quelquefois j’ose aller
Au fond des grottes sourdes ;
Et sur les brumes lourdes
Je flotte sans voler.

A moi le loup rôdant
Et les muets cloportes !
Les choses qu’on dit mortes
M’ont pris pour confident.

Quand les spectres blafards
Rasent les étangs mornes,
J’écoute les viornes
Parler aux nénuphars.

Invisible aux humains,
Je suis les penseurs chauves
Et les poètes fauves
Vaguant par les chemins.

Quand arrive minuit,
Je dévore l’espace,
Dans l’endroit où je passe
On n’entend pas de bruit.

Mais lorsque le soleil
Vient éclairer la terre,
Dans les bras du mystère
Je retourne au sommeil.

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Le Chemin aux merles

Voici que la rosée éparpille ses perles
Qui tremblent sous la brise aux feuilles des buissons.
— Vague du spleen, en vain contre moi tu déferles !
Car, dans les chemins creux où sifflotent les merles,
Et le long des ruisseaux qui baignent les cressons,
La fraîcheur du matin m’emplit de gais frissons.

Mystérieuse, avec de tout petits frissons,
La rainette aux yeux noirs et ronds comme des perles,
S’éveille dans la flaque, et franchit les cressons,
Pour aller se blottir aux creux des verts buissons,
Et mêler son chant rauque au sifflement des merles.
— Vague du spleen, en vain contre moi tu déferles !

— Vague du spleen, en vain contre moi tu déferles
Sous l’arceau de verdure où passent des frissons,
J’ai pour me divertir le bruit que font les merles,
Avec leur voix aiguë égreneuse de perles !
Et de même qu’ils sont les rires des buissons,
La petite grenouille est l’âme des cressons.

La libellule vibre aux pointes des cressons.
— Vague du spleen, en vain contre moi tu déferles !
Le soleil par degrés attiédit les buissons,
Déjà sur les talus l’herbe a de chauds frissons,
Et les petits cailloux luisent comme des perles ;
La feuillée est alors toute noire de merles !

C’est à qui sifflera le plus parmi les merles !
L’un d’eux, s’aventurant au milieu des cressons,
Bat de l’aile sur l’eau qui s’en égoutte en perles ;
— Vague du spleen, en vain contre moi tu déferles !
Et le petit baigneur fait courir des frissons
Dans la flaque endormie à l’ombre des buissons.

Mais un lent crépuscule embrume les buissons ;
Avec le soir qui vient, le sifflement des merles
Agonise dans l’air plein d’étranges frissons ;
Un souffle humide sort de la mare aux cressons :
O spleen, voici qu’à flots dans mon cœur tu déferles !
Toi, nuit ! tu n’ouvres pas ton vaste écrin de perles !

Pas de perles au ciel ! le long des hauts buissons,
Tu déferles, noyant d’obscurité les merles
Et les cressons ! — Je rentre avec de noirs frissons !

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