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La Ressusciteuse

Je dis à la bergère : « Où donc est ta bessonne !
Oh ! mais, comme tu lui ressembles ! »
La fille soupira : « Ma sœur est mort’ ! personne
N’nous verra plus jamais ensemble.

C’est vrai que j’suis son doub’, son r’venant q’l’on dirait,
Celui-là qui me r’gard’ la voit.
De visag’, de parler, d’taill’, j’suis tout son portrait :
J’suis elle, comme elle était moi.

Je m’la ressuscit’ ben souvent.
J’prends tout c’quell’ portait d’son vivant,
À sa façon, j’m’en habill’ telle,

Et puis, d’vant un’ glac’, pour tout d’bon,
J’y cause… et, lorsque j’y réponds,
Je me figure que c’est elle !

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La Réprouvée

Quelle était donc, ainsi, tout de noir recouverte,
Cette femme, là-bas, d’un si lugubre effet,
En me croisant, m’ayant laissé voir qu’elle avait
Le crâne dans du linge et la figure verte ?...

Mais, verte ! de ce vert végétal, cru, blanc jaune,
Comme un gros masque d’herbe et de feuilles de chou !
Elle avait passé là, d’un pied de caoutchouc,
Sans bruit, avec un air de chercheuse d’aumône.

Je la suivais des yeux, je la suivis des pas ;
Et, quand je fus près d’elle, en tremblant, presque bas,
Dans le son de ma voix mettant toute mon âme ;
« Mais qui donc êtes-vous, lui dis-je, pauvre femme ? »

Alors, parlant de dos, elle me répondit :
« C’que j’suis ? Vous n’savez pas ? eh ben ! j’suis l’êtr’ maudit !
Oh ! l’plus misérable et l’plus triste
Comm’ le plus inr’gardab’ q’existe !
N’ayant rien qu’à s’montrer pour fair’ le désert ;
J’suis la femm’ dont, au moins depuis vingt ans, l’cancer
A mangé p’tit à p’tit la fac’, comme un’ lent’ bête ;
Celle qui traîne après ell’ du dégoût et d’l’effroi,
À qui, s’renfermant vit’, les gens de son endroit
Donn’ du pain en r’tournant la tête !

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Gordes, que Du Bellay aime plus que ses yeux,

Gordes, que Du Bellay aime plus que ses yeux,
Vois comme la nature, ainsi que du visage,
Nous a faits différents de moeurs et de courage,
Et ce qui plaît à l'un, à l'autre est odieux.

Tu dis : je ne puis voir un sot audacieux
Qui un moindre que lui brave à son avantage,
Qui s'écoute parler, qui farde son langage,
Et fait croire de lui qu'il est mignon des dieux.

Je suis tout au contraire, et ma raison est telle :
Celui dont la douleur courtoisement m'appelle,
Me fait outre mon gré courtisan devenir :

Mais de tel entretien le brave me dispense :
Car n'étant obligé vers lui de récompense,
Je le laisse tout seul lui-même entretenir.

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La baigneuse

Le temps chauffe, ardent, radieux ;
Le sol brûle comme une tôle
Dans un four. Nul oiseau ne piaule,
Tout l'air vibre silencieux...
Si bien que la bergère a confié son rôle
A son chien noir aussi bon qu'il est vieux.

Posant son tricot et sa gaule,
Elle ôte, à mouvements frileux,
Robe, chemise, et longs bas bleus :
Sa nudité sort de sa geôle.
Tout d'abord, devant l'onde aux chatoiements vitreux
Elle garde un maintien peureux,
Mais enfin, la chaleur l'enjôle,
Elle fait un pas et puis deux...
Mais si l'endroit est hasardeux ?
Si l'eau verte que son pied frôle
Allait soudainement lui dépasser l'épaule ?
Mieux vaut se rhabiller ! mais avant, sous un saule,
D'un air confus et curieux,
Elle se regarde à pleins yeux
Dans ce miroir mouvant et drôle.

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L'Aveugle

L’humble vieille qui se désole
Dit, gémissant chaque parole :
« Contr’ le sort j’ n’ai plus d’ résistance.
Que l’ bon Dieu m’appell’ donc à lui !
La tomb’ s’ra jamais que d’ la nuit
Ni plus ni moins q’ mon existence.

Mais la fille s’écrie, essuyant une larme :
Parlez pas d’ ça ! J’ vas dire un’ bell’ complaint’ d’aut’fois, »
Et, quenouille à la taille, un fuseau dans les doigts,
Exhale de son cœur la musique du charme.

La vieille aveugle, assise au seuil de sa chaumière,
Écoute avidement la bergère chanter,
Au son de cette voix semblant les enchanter
On dirait que ses yeux retrouvent la lumière.

Tour à tour elle rit, parle, soupire et pleure,
Étend ses maigres doigts d’un geste de désir
Vers quelque objet pensé qu’elle ne peut saisir,
Ou, comme extasiée, immobile demeure.

Et, lorsque la bergère a fini sa chanson,
Elle lui dit : « Merci ! tu m’as rendu l’ frisson,
La couleur, et l’ bruit du feuillage,

Tu m’as fait r’voir l’eau claire et l’ beau soleil luisant,
Mon enfanc’, ma jeuness’, mes amours ! À présent
J’ peux ben faire le grand voyage.

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La Buveuse d'absinthe

Elle était toujours enceinte,
Et puis elle avait un air...
Pauvre buveuse d’absinthe !

Elle vivait dans la crainte
De son ignoble partner :
Elle était toujours enceinte.

Par les nuits où le ciel suinte,
Elle couchait en plein air.
Pauvre buveuse d’absinthe !

Ceux que la débauche éreinte
La lorgnaient d’un œil amer :
Elle était toujours enceinte !

Dans Paris, ce labyrinthe
Immense comme la mer,
Pauvre buveuse d’absinthe,

Elle allait, prunelle éteinte,
Rampant aux murs comme un ver...
Elle était toujours enceinte !

Oh ! cette jupe déteinte
Qui se bombait chaque hiver !
Pauvre buveuse d’absinthe !

Sa voix n’était qu’une plainte,
Son estomac qu’un cancer :
Elle était toujours enceinte !

Quelle farouche complainte
Dira son hideux spencer !
Pauvre buveuse d’absinthe !

Je la revois, pauvre Aminte,
Comme si c’était hier :
Elle était toujours enceinte !

Elle effrayait maint et mainte
Rien qu’en tournant sa cuiller ;
Pauvre buveuse d’absinthe !

Quand elle avait une quinte
De toux, — oh ! qu’elle a souffert,
Elle était toujours enceinte ! —

Elle râlait : « Ça m’esquinte !
Je suis déjà dans l’enfer. »
Pauvre buveuse d’absinthe !

Or elle but une pinte
De l’affreux liquide vert :
Elle était toujours enceinte !

Et l’agonie était peinte
Sur son œil à peine ouvert ;
Pauvre buveuse d’absinthe !

Quand son amant dit sans feinte :
« D’débarras, c’en est un fier !
« Elle était toujours enceinte. »
— Pauvre buveuse d’absinthe !

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Sur une croix

Dans ce pays lugubre et si loin de la foule,
Un cimetière d’autrefois,
Bien souvent m’attirait avec sa grande croix
Dont la tête et les bras se terminaient en boule.

Or, fin d’automne, un soir que tout était plongé
Dans une mourante lumière,
Je m’arrêtai pour voir la croix du cimetière...
Qu’avait-elle donc de changé ?

De façon peu sensible et pourtant singulière,
Son sommet s’était allongé.
Et, curieusement, saisi, le sang figé,
Immobile comme une pierre,
Vers elle je tenais tendus l’œil et le cou,
Lorsqu’un chat-huant tout à coup
Vint à s’envoler de sa cime !
Et, j’en eus le frisson intime :
Cette bête incarnait l’âme d’un mauvais mort
Sur le haut de la croix méditant son remord.

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Ballade de la grosse Margot

Se j'aime et sers la belle de bon hait.
M'en devez-vous tenir ne vil ne sot?
Elle a en soi des biens à fin souhait.
Pour son amour ceins bouclier et passot;
Quand viennent gens, je cours et happe un pot,
Au vin m'en vois, sans démener grand bruit;
Je leur tends eau, fromage, pain et fruit.
S'ils payent bien, je leur dis que "bien stat;
Retournez ci, quand vous serez en ruit,
En ce bordeau où tenons notre état."

Mais adoncques il y a grand déhait
Quand sans argent s'en vient coucher Margot;
Voir ne la puis, mon coeur à mort la hait.
Sa robe prends, demi-ceint et surcot,
Si lui jure qu'il tendra pour l'écot.
Par les côtés se prend cet Antéchrist,
Crie et jure par la mort Jésus-Christ
Que non fera. Lors empoigne un éclat;
Dessus son nez lui en fais un écrit,
En ce bordeau où tenons notre état.

Puis paix se fait et me fait un gros pet,
Plus enflé qu'un velimeux escarbot.
Riant, m'assied son poing sur mon sommet,
"Go! go!" me dit, et me fiert le jambot.
Tous deux ivres, dormons comme un sabot.
Et au réveil, quand le ventre lui bruit,
Monte sur moi que ne gâte son fruit.
Sous elle geins, plus qu'un ais me fais plat,
De paillarder tout elle me détruit,
En ce bordeau où tenons notre état.

Vente, grêle, gèle, j'ai mon pain cuit.
Ie suis paillard, la paillarde me suit.
Lequel vaut mieux? Chacun bien s'entresuit.
L'un l'autre vaut; c'est à mau rat mau chat.
Ordure aimons, ordure nous assuit;
Nous défuyons honneur, il nous défuit,
En ce bordeau où tenons notre état.

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La Belle Dame

Dans le chaland moussu, la petiote ignorant
Sa figure comme son âme,
Pour la première fois, près de sa sœur qui rame,
Va sur l’étang vert transparent.

« Oh ! fait-elle, soudain, vois donc la belle dame
Là, dans l’eau, l’œil bien grand... bien grand ! »
Et, le cœur gros, les yeux déjà mouillés, reprend :
« Moi ! j’voudrais ben l’embrasser, dame ! »

La sœur répond : « Pleur’ pas ! c’te personn’là, ma foi !
Est ni plus ni moins bell’ que toi. »
Puis, elle ajoute, goguenarde :

« Au surplus, ton envie est commode à passer !
Tu n’as toi-mêm’ qu’à t’embrasser
Puisque c’est toi-mêm’ que tu r’gardes.

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La Femme stérile

Ses jupons troussés court comme sa devantière,
Sous ses gros bas bleus bien tirés
Laissant voir ses mollets cambrés
À mi-chemin des jarretières,
S’en vient près du vieux cantonnier
La femme rousse du meunier :
Cheveux frisés sur des yeux mièvres,
Blanche de peau, rouge de lèvres,
Le corsage si bien rempli
Qu’il bombe aux deux endroits, sans pli,
Cotillon clair moulant énormes
Le callipyge de ses formes.
Voilà ce qu’elle dit alors au père Pierre
En train de casser de la pierre :

« Voyez ! si l’on n’a pas d’malheur,
Et si n’faut pas que l’diab’ s’en mêle !
J’suis pourtant un’ solid’ femelle,
En plein’ force et dans tout’ sa fleur,


Eh ben ! yaura six ans à Pâques
Que j’somm’ mariés, et q’tels qu’avant,
Nous pouvons pas avoir d’enfant !
Ça s’ra pour c’te fois, disait Jacques,

Mais toujou sans p’tit le temps passa…
Et qu’on en voudrait tant un ! Dame !
C’est pas d’not’ faut’ ! l’homme et la femme
On fait ben tout c’qui faut pour ça.

J’ai fait dir’ des mess’ de pèl’rins,
Brûler des cierg’ aux saints, aux saintes,
Dans des églis’ en souterrains,
Mais ouah ! j’suis pas d’venue enceinte.

Les prièr’ ? les r’mèd’ de tout’ sorte ?
Méd’cins ? Curés ? n’m’ont servi d’rin.
J’suis tell’ comme un mauvais terrain
Qu’on ens’menc’ ben sans qu’i’ rapporte.

Et vrai ! C’est pourtant pas qu’on triche !
Mais, des fois, vous q’êt’s’ un ancien.
Si vous connaissiez un moyen ?
Faut me l’donner ! mon pèr’ Pierriche.

Alors, le vieux lâchant sa masse,
À genoux sur son tas, voûté,
Lui répond avec la grimace
Du satyre qu’il est resté,

La couvant de son œil vert brun
Qui lèche, tâte, enlace, vrille :
« Sais-tu c’que t’as à fair’, ma fille ?
Eh ben ! faut aller à l’emprunt.

Et la meunière aux yeux follets,
Qui sait ce que parler veut dire,
S’écrie en éclatant de rire :
« Vous seriez l’prêteur, si j’voulais.

Hein ? fiez-vous donc à c’bon apôtre !
Mais j’veux pas d’vous, vieux scélérat !
Et lui : « T’as ma r’cett’ qui pourra
P’t’êt’ ben t’servir avec un autre.

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Elizabeth Barrett Browning

Chant I

Écrire de nombreux livres est sans fin;
Et moi qui en ai tant écrit en prose et en vers
Pour autrui, je veux maintenant écrire pour moi-même —
Écrire mon histoire pour le meilleur de moi
Comme lorsque l'on peint son portrait pour un ami,
Qui le garde dans un tiroir et le contemple
Longtemps après qu'il a cessé de vous aimer,
Pour rassembler ce qu'il fut et ce qu'il est.

Moi, qui ainsi écris, suis encore ce qu'on appelle jeune:
Pas encore assez éloignée des rivages de la vie
Dans le voyage intérieur pour ne plus entendre
Ce murmure venu de l'Infini alentour,
Auquel sourient les nourrissons dans le sommeil
Et qu'on s'émerveille de leur sourire; non, pas si loin,
Mais je revois ma mère à son poste, doigt levé
Près de la porte de la chambre d'enfant,
Chut, chut — trop de bruit! Et ses doux yeux
De se projeter pour démentir son propos
Dans la turbulence enfantine. Elle nous a quittés,
Et assise, je sens la main de mon père,
Lentement caresser mes boucles sur son genou;
Et j'entends Assunta disant sa plaisanterie
(Elle sait qu'il la préfère à tout autre),
Combien de scudi d'or avait-il fallu pour faire
Ces bouclettes blondes? O, main paternelle,
Caresse, appuie lourdement les pauvres cheveux,
Tire, pousse la petite tête plus près de ton genou!
Je suis trop jeune, oui, pour rester seule assise.

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Tu dis que Du Bellay tient réputation

Tu dis que Du Bellay tient réputation,
Et que de ses amis à ne tient plus de compte :
Si ne suis-je seigneur, prince, marquis ou comte,
Et n'ai changé d'état ni de condition.

Jusqu'ici je ne sais que c'est d'ambition,
Et pour ne me voir grand ne rougis point de honte :
Aussi ma qualité ne baisse ni ne monte,
Car je ne suis sujet qu'à ma complexion.

Je ne sais comme il faut entretenir son maître,
Comme il faut courtiser, et moins quel il faut être
Pour vivre entre les grands, comme on vit aujourd'hui.

J'honore tout le monde et ne fâche personne :
Qui me donne un salut, quatre je lui en donne :
Qui ne fait cas de moi, je ne fais cas de lui.

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Le Grand-Père

La fille au père Pierre, avec ses airs de sainte,
A si bien surveillé son corps fallacieux
Que sa grossesse a pu mentir à tous les yeux ;
Mais son heure a sonné de n’être plus enceinte.

Dans la grand' chambre on dort comme l’eau dans les trous.
Tout à coup, elle geint, crie et se désespère.
On se lève, on apprend la chose. Le grand-père
Continue à ronfler sous son baldaquin roux.

Mais le bruit à la fin l’éveille, et le voilà
Clamant du lit profond d’où sa maigreur s’arrache :
« Pierr’, quoiq’ya ? – Pèr, ya rin ! – Si ! s’passe un’ chos’ qu’on m’cache ;
Et ma p’tit’ fill’ se plaint, j’ l’entends ben ! quoi qu’elle a ? »

— Elle a qu’elle va faire un champi ! — Le bonhomme
Prend son bâton ferré qu’il brandit en disant :
« Dans not’ famill’ yaura l’déshonneur à présent !
La gueus’ ! vous voyez ben tous qu’i’ faut que j’l’assomme ! »

Et, solennel, tragique, il marche d’un pas lourd
Jusqu’à la pâle enfant... mais, pendant qu’il tempête,
Tendre, il lève et rabat le gourdin sur sa tête,
Bien doux, frôleusement, d’un geste plein d’amour.

« R’commenc’ras-tu ? fait-il, ou là, comme un’ vipère,
J’te coupe en deux ! j’t’écras’ la cervell’ sur ton drap ! »
Elle gémit : « Jamais, grand-père ! »

Alors, le jeune frère égrillard qui ricane,
Glapit : « Oh ! q’si fait ben, grand-père, a r’commenc’ra
Puisqu’elle est chaude comme un’ cane !

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L'Enjôleur

Loin des oreilles importunes,
Le gars mangeant avec le vieux,
D’un ton fier et malicieux
Lui conte ses bonnes fortunes,
De quelle sorte il fait sa cour,
Et ce qu’il pense de l’amour.

« Oui ! j’ai tout’ les fill’, mon pèr’ Jacques !
N’import’ laquell’, quand j’ la veux bien !
L’ignorant’, l’instruit’, cell’ qui s’ tient,
Comm’ la dévot’ qui fuit ses pâques.

Q’ ça soit l’ cœur ou l’ Diab’ qui s’en mêle,
L’amour comm’ la mort prend chacun.
Si deux corps d’vaient pas en fair’ qu’un
Yaurait pas des mâl’ et des f’melles !

Cont’ le sang, s’i’ veut qu’on s’unisse,
Tout’ les plus bonn’ raisons val’ rin :
I mèn’ le gars comme un taurin
Et la pucell’ comme un’ génisse.

Yen n’a pas un’ qui n’ rêv’ d’un homme,
D’un qu’ell’ connaît pas, mais qu’ell’ sent ;
Pas un’ qui n’ s’endorme y pensant,
Et qui n’y r’pense après son somme !

Les difficil’ sont cell’ qui s’parent,
Dans’ entre ell’, s’ distraient des garçons,
Les accueill’ avec des chansons,
Comme avec des rir’ s’en séparent.

Oui ! mais aux sons d’ la cornemuse,
J’ batifole à leur volonté...
Et j’ mets tant leur mine en gaieté
Que j’ finis par la rend’ confuse.

En fait d’ pucell’, viv’ l’eau dormante
La courant’ n’a pas l’ temps d’ songer,
Tandis que l’aut’, sans s’ défiger,
Ça n’ pens’ qu’au mal qui la tourmente.

L’ désir amoureux s’y mijote,
Quoiqu’ell’ n’en desserr’ pas les dents...
On verrait d’sus c’ qu’ell’ pense en d’dans :
C’est pour ça q’ si ben ça s’ cachotte.

C’est s’lon, c’est moins ou davantage,
Mais tout’ fill’, son sexe la tient.
L’amour y dort : un garçon vient...
Qui l’éveille à son avantage.

C’est c’que j’ fais ! Ell’s ont beau s’ défendre,
Moi, j’ai la natur’ dans mon jeu,
J’ gratt’ la cendre et j’ découv’ le feu ;
Seul’ment i’ faut savoir s’y prendre.

Faut choisir son jour et son heure,
La saison, l’endroit, pas s’ presser.
Ça dépend ! yen a q’ faut forcer !
Ces fois-là sont p’têt’ les meilleures.

À la façon d’ trousser sa jupe,
D’arranger ses ch’veux sous l’ bonnet,
À la march’, surtout, on r’connaît
L’ temps qu’on mettra pour faire un’ dupe.

Avec les joyeus’ je sais rire,
Avec les trist’ je sais pleurer,
Tout en m’ taisant, j’ sais soupirer
Avec cell’ qui n’ont rien à dire.

J’ not’ leur air franc ou saint’ nitouche,
Leur genre de silence ou d’ caquet,
L’ sec ou l’ mouillé d’ leurs deux quinquets,
Comm’ l’ouvert ou l’ pincé d’ leur bouche.

J’examin’ cell’ qui sont heureuses
D’ porter, au cou, des p’tits enfants.
L’instinct d’êt’ mèr’ suffit souvent
Pour qu’un’ fill’ devienne amoureuse.

J’ suis timide avec la pimbêche,
Rapide avec cell’ qu’a du sang,
Et, toujours, les contrefaisant,
Ya pas d’ danger q’ j’évent’ la mèche !

J’ prends leur humeur, j’ flatt’ leur manie,
Ell’ chang’ d’avis, moi pareill’ment.
Je n’ leur donn’, sans jamais d’ gên’ment,
Q’ du plaisir dans ma compagnie.

Au fond, je m’ dis et ça m’amuse :
Que j’ suis pas plus menteur, vraiment !
Qu’ell’s autr’ qui m’ voudraient pour amant
Et qui font cell’-là qui me r’fusent.

C’est mes r’gards seuls qui leur demandent
C’ que j’ désir’ d’ell’. Ma bouch’, ma main,
Seul’ment commenc’ à s’ mettre en ch’min,
Quand leurs yeux m’dis’ qu’ell’ les attendent.

Dans ma prunell’ qui leur tend l’ piège
R’culant d’abord ell’ veul’ pas s’ voir,
Et puis, ell’ s’y mir’, sans pouvoir
S’ désengluer du sortilège.

La bergèr’ sag’, la moins follette,
J’ l’endors ! qu’elle en lâch’ son fuseau...
Comm’ l’aspic magnétis’ l’oiseau,
Comme un crapaud charme un’ belette.

C’est pourquoi, la pauvress’, la riche,
Tout’ fille, à mon gré, m’ donn’ son cœur !
Ma foi ! j’ me fie à ma vigueur,
J’en ai ben trop pour en êtr’ chiche !

D’autant plus que j’peux pas leur nuire...
Personn’ sait q’ moi q’ j’ai leur honneur
Et j’ai la chanc’, pour leur bonheur,
De libertiner sans r’produire ! »

Et le bon vieux dit : « Tu caus’ ben...
Quoiqu’ ça peut êtr’ de la vant’rie.
Moi non plus, pour la galant’rie,
À ton âg’ j’étais pas lambin.
Aussi vrai q’ tous deux on déjeune
Tu t’amus’ras jamais plus jeune !
Ta folie est c’ que fut la mienne.
Tu brûl’, mais glaçon tu d’viendras.
Crois-moi : prends-en l’ plus q’ tu pourras !
Ça t’ pass’ra avant q’ ça m’ revienne !

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La Baigneuse

Au fond d’une baignoire elle admire ses hanches
Dans le miroir mouvant d’un cristal enchanté,
Et les mollets croisés, elle étend ses mains blanches
Sur les bords du bassin qui hume sa beauté.

Les robinets de cuivre à figure de cygne
Ont l’air de lui sourire et de se pavaner,
Et leurs gouttes parfois semblent lui faire un signe
Comme pour la prier de les faire tourner.

Sur un siège, ses bas près de ses jarretières
Conservent la rondeur de leur vivant trésor ;
Ses bottines de soie aux cambrures altières
N’attendent que son pied pour frétiller encor.

Sa robe de satin pendue à la patère
A les reflets furtifs d’une peau de serpent
Et semble avoir gardé la grâce et le mystère
De celle dont l’arôme en ses plis se répand.

Sur la table où l'on voit bouffer sa collerette,
Telle qu’on la portait au temps de Henri Trois,
Ses gants paille, malgré leur allure distraite,
Obéissent encore au moule de ses doigts.

Sa toque est provocante avec son long panache,
Et son corset qui bâille achève d’énerver.
Colliers et bracelets, tout ce qui la harnache
Luit dans l’ombre et paraît magiquement rêver.

Et tandis qu’un éclair dans ses yeux étincelle
En voyant que son corps fait un si beau dessin,
Le liège qui vacille au bout de la ficelle
Chatouille en tapinois la fraise de son sein.

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Emil Cioran

L’adieu était le signe et la loi de sa nature, l’éclat de sa prédestination, la marque de son passage sur terre; aussi le portait-elle comme un nimbe, non point par indiscretion, mais par solidarité avec l’invisible.

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Le Distrait

Le bon père Sylvain, ayant bu sa chopine,
Des bras et du bonnet opine
Pour le patron du cabaret
Qui vient de l’appeler en riant : « Vieux distrait !
« C’est ben vrai ! Je l’dis sans mystère,
Si j’suis l’plus fin buveur de vin
J’suis aussi l’plus distrait d’la terre,
Fait, goguenardement, le vieux père Sylvain.
En vill’, cheux nous, où que j’me mouve,
Quoi que j’dise ou que j’fasse’, ya pas !
Mêm’ dans les affair’ du trépas,
J’suis toujours distrait, et j’le prouve :
Il faut dir’ que c’jour-là, ma foi !
Les gens fur’ coupab’ autant q’moi.
L’nouveau-né d’ma voisine étant donc mort-défunt,
J’fus à l’enterr’ment comm’ chacun.
Asseyez-vous ! qu’on m’dit, pèr’ Sylvain ! J’prends une chaise,
J’étais pas mal, sans être à l’aise...
C’était par un ch’ti temps d’décembre
Qui brouillait l’jour gris dans la chambre ;
Les uns étaient en réflexion,
D’aut’ pleuraient, sans faire attention.
V’là q’celui qui port’ les p’tits morts
Arrive et dit : « Où donc q’ya l’corps ? »
On cherch’ partout, à gauche, à droite,
Tant qu’enfin l’pèr’, v’nant à trouver,
M’fait signe en colèr’ de m’lever :
J’m’étais ben assis d’sus la boîte !

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Sire, celui qui est a formé toute essence

Sire, celui qui est a formé toute essence
De ce qui n'était rien. C'est l'oeuvre du Seigneur :
Aussi tout honneur doit fléchir à son honneur,
Et tout autre pouvoir céder à sa puissance.

On voit beaucoup de rois, qui sont grands d'apparence :
Mais nul, tant soit-il grand, n'aura jamais tant d'heur
De pouvoir à la vôtre égaler sa grandeur :
Car rien n'est après Dieu si grand qu'un roi de France.

Puis donc que Dieu peut tout, et ne se trouve lieu
Lequel ne soit enclos sous le pouvoir de Dieu,
Vous, de qui la grandeur de Dieu seul est enclose,

Elargissez encor sur moi votre pouvoir,
Sur moi, qui ne suis rien : afin de faire voir
Que de rien un grand roi peut faire quelque chose.

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La Voix

Voix de surnaturelle amante ventriloque
Qui toujours me pénètre en voulant m’effleurer ;
Timbre mouillé qui charme autant qu’il interloque,
Son bizarre d’un triste à vous faire pleurer ;
Voix de surnaturelle amante ventriloque !

Dit par elle, mon nom devient une musique :
C’est comme un tendre appel fait par un séraphin
Qui m’aimerait d’amour et qui serait phtisique.
Ô voix dont mon oreille intérieure a faim !
Dit par elle, mon nom devient une musique.

Très basse par instants, mais jamais enrouée ;
Venant de dessous terre ou bien de l’horizon,
Et quelquefois perçante à faire une trouée
Dans le mur de la plus implacable prison ;
Très basse par instants, mais jamais enrouée ;

Oh ! comme elle obéit à l’âme qui la guide !
Sourde, molle, éclatante et rauque, tour à tour ;
Elle emprunte au ruisseau son murmure liquide
Quand elle veut parler la langue de l’amour :
Oh ! comme elle obéit à l’âme qui la guide !

Et puis elle a des sons de métal et de verre :
Elle est violoncelle, alto, harpe, hautbois ;
Elle semble sortir, fatidique ou sévère,
D’une bouche de marbre ou d’un gosier de bois
Et puis elle a des sons de métal et de verre.

Tu n’as jamais été l’instrument du mensonge ;
Ô la reine des voix, tu ne m’as jamais nui ;
Câline escarpolette où se berce le songe,
Philtre mélodieux dont s’abreuve l’ennui,
Tu n’as jamais été l’instrument du mensonge.

Tout mon être se met à vibrer, quand tu vibres,
Et tes chuchotements les plus mystérieux
Sont d’invisibles doigts qui chatouillent mes fibres ;
Ô voix qui me rends chaste et si luxurieux,
Tout mon être se met à vibrer, quand tu vibres !

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Le Boucher

Tiens ? t’es donc plus boucher ? dit la vieille au gros homme
Qui venait de vendre son fonds,
Et lui répondit grave, avec un air profond :
« Non ! et j’vas vous raconter comme :

Ah ! l’ métier était bon ! Mes viandes ?
Vous savez si ça s’débitait !
Tell’ment partout on m’réputait
Que j’pouvais pas fournir aux d’mandes.

C’est moi-mêm’ qu’abattais les bêtes
Promis’ aux crochets d’mon étal,
Et j’vous crevais comme un brutal
Les cous, les poitrails et les têtes.

Si j’suis si gros, q’ça m’gên’ quand j’bouge,
Si j’ai l’teint si frais, l’corps si gras,
C’est q’par le nez, la bouch’, les bras,
Tout l’temps j’pompais vif du sang rouge.

L’animal ? c’est pas un’ personne...
Que j’me disais ! Pour moi, l’bestiau
C’était qu’un’ chos’, j’trouvais idiot
D’croir’ que ça rêv’ ou q’ça raisonne.

Si ça qui grogn’, qui bêl’, qui beugle,
À l’abattoir s’tenait pas bien,
J’cognais d’sus, ça n’me faisait rien :
J’leur étais aussi sourd qu’aveugle.

D’un coup d’maillet bien à ma pogne
J’défonçais l’crâne d’un vieux bœuf
Comme on cass’ la coquill’ d’un œuf,
Et j’fredonnais pendant ma b’sogne.

À ceux qui, lorsque l’couteau rentre,
S’lamentaient sur l’ouaill’ ou l’cochon,
J’criais : « Ça s’rait plus folichon
D’en avoir un morceau dans l’ventre ! »

Et dans l’trou plein d’sanglante écume
Se r’tournait, creusait mon surin,
Tel qu’un piquet dans un terrain
Où q’l’on veut planter d’la légume.

J’étais ben boucher par nature !
Dam’ ! Le coup d’mass’ ? ça m’connaissait ;
Et quand mon vieux couteau dép’çait
I’ savait trouver la jointure.

Oui ! j’avais la main réussie
Pour mettre un bœuf en quatr’ morceaux ;
Vit’ se rompaient les plus gros os
Ousque j’faisais grincer ma scie.

Pour détailler d’la viand’ qui caille
J’aurais pas craint les plus adroits :
Tous mes coups d’coup’ret, toujours droits,
R’tombaient dans la première entaille.

Jusqu’à c’beau jour d’ensorcell’rie
Où v’allez savoir c’qui m’advint,
Je m’saoulais d’sang tout comm’ de vin
Et j’m’acharnais à la tuerie.

Donc, un’ fois, on m’amène un’ vache
Ben qu’âgée encor forte en lait,
Noire et blanche, et voilà qu’em’ plaît,
Que j’la conserve et que j m’yattache.

J’la soignais si tell’ment la vieille
Que m’voir la faisait s’déranger
D’ses song’ et mêm’ de son manger,
Qu’elle en dod’linait des oreilles ;

Quand em’rencontrait, tout’ follette,
Ben vite, elle obliquait d’son ch’min
Pour venir me râper la main
Avec sa lang’ bleue et violette ;

Mes aut’ vach’ en étaient jalouses
Lorsque mes ongl’ y grattaient l’flanc
Ou qu’ent’ ses corn’ noir’ au bout blanc
J’y chatouillais l’front sur les p’louses.

Mais un jour, un’ mauvaise affaire
Veut qu’ell’ tombe, y voyant pas fin,
À pic, sus l’talus d’un ravin,
Et qu’es’ casse un’ patt’ ! Quoi en faire ?...

Ell’ pouvait ben marcher sur quatre
Mais sur trois... yavait plus moyen !
Mêm’ pour elle, il le fallait ben ;
Ell’ souffrait : valait mieux l’abattre !

Pour vous en finir, je l’emmène...
J’avais renvoyé ceux d’chez nous.
Mais, v’là qu’ell’ tomb’ sur les deux g’noux,
Avec des yeux d’figure humaine.

Bon Dieu ! j’prends mon maillet sur l’heure,
J’vis’ mon coup, et j’allais l’lâcher...
Quand j’vois la vach’ qui vient m’lécher
En mêm’ temps q’ses deux gros yeux pleurent.

L’maillet fut bentôt sur la table,
J’app’lai tous mes gens et j’leur dis :
Faut pas la tuer ! j’serions maudits !
Et j’fus la r’conduire à l’étable.

La vache ? un r’bou’teux l’a guérie.
À la maison j’yai fait un sort,
Elle y mourra de sa bonn’ mort,
Et, moi, j’f’rai plus jamais d’bouch’rie. »

— La vieille dit : « Vlà c’que ça prouve :
C’est q’chez l’âm’ des plus cruell’ gens,
Dans les métiers les plus méchants,
Tôt ou tard la pitié se r’trouve.

Crois-moi ! c’te chos’ ? tu n’l’as pas vue,
Quand mêm’ que tu peux l’certifier.
C’est ton bon cœur qui fut l’sorcier,
C’est lui qui t’donna la berlue.

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Emile Zola

Quand on enferme la vérité sous terre, elle s’y amasse, elle y prend une force telle d’explosion, que, le jour où elle éclate, elle fait tout sauter avec elle. On verra bien si l’on ne vient pas de préparer, pour plus tard, le plus retentissant des désastres.

Emile Zola dans J'accuse… ! (1898)Signalez un problèmeDes citations similaires
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