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Comme on passe en été le torrent sans danger,

Comme on passe en été le torrent sans danger,
Qui soulait en hiver être roi de la plaine,
Et ravir par les champs d'une fuite hautaine
L'espoir du laboureur et l'espoir du berger :

Comme on voit les couards animaux outrager
Le courageux lion gisant dessus l'arène,
Ensanglanter leurs dents, et d'une audace vaine
Provoquer l'ennemi qui ne se peut venger :

Et comme devant Troie on vit des Grecs encor
Braver les moins vaillants autour du corps d'Hector :
Ainsi ceux qui jadis soulaient, à tête basse,

Du triomphe romain la gloire accompagner,
Sur ces poudreux tombeaux exercent leur audace,
Et osent les vaincus les vainqueurs dédaigner.

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Je ne veux feuilleter les exemplaires Grecs

Je ne veux feuilleter les exemplaires Grecs,
Je ne veux retracer les beaux traits d'un Horace,
Et moins veux-je imiter d'un Pétrarque la grâce,
Ou la voix d'un Ronsard, pour chanter mes Regrets.

Ceux qui sont de Phoebus vrais poètes sacrés
Animeront leurs vers d'une plus grande audace :
Moi, qui suis agité d'une fureur plus basse,
Je n'entre si avant en si profonds secrets.

Je me contenterai de simplement écrire
Ce que la passion seulement me fait dire,
Sans rechercher ailleurs plus graves arguments.

Aussi n'ai-je entrepris d'imiter en ce livre
Ceux qui par leurs écrits se vantent de revivre
Et se tirer tout vifs dehors des monuments.

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Tels que l'on vit jadis les enfants de la Terre

Tels que l'on vit jadis les enfants de la Terre
Plantés dessus les monts pour écheller les cieux,
Combattre main à main la puissance des dieux,
Et Jupiter contre eux, qui ses foudres desserre :

Puis tout soudainement renversés du tonnerre
Tomber deçà delà ces squadrons furieux,
La Terre gémissante, et le Ciel glorieux
D'avoir à son honneur achevé cette guerre :

Tel encore on a vu par-dessus les humains
Le front audacieux des sept coteaux romains
Lever contre le ciel son orgueilleuse face :

Et tels ores on voit ces champs déshonorés
Regretter leur ruine, et les dieux assurés
Ne craindre plus là-haut si effroyable audace.

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Ceux qui sont amoureux, leurs amours chanteront,

Ceux qui sont amoureux, leurs amours chanteront,
Ceux qui aiment l'honneur, chanteront de la gloire,
Ceux qui sont près du roi, publieront sa victoire,
Ceux qui sont courtisans, leurs faveurs vanteront,

Ceux qui aiment les arts, les sciences diront,
Ceux qui sont vertueux, pour tels se feront croire,
Ceux qui aiment le vin, deviseront de boire,
Ceux qui sont de loisir, de fables écriront,

Ceux qui sont médisants, se plairont à médire,
Ceux qui sont moins fâcheux, diront des mots pour rire,
Ceux qui sont plus vaillants, vanteront leur valeur,

Ceux qui se plaisent trop, chanteront leur louange,
Ceux qui veulent flatter, feront d'un diable un ange :
Moi, qui suis malheureux, je plaindrai mon malheur.

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Cependant que tu dis ta Cassandre divine,

Cependant que tu dis ta Cassandre divine,
Les louanges du roi, et l'héritier d'Hector,
Et ce Montmorency, notre français Nestor,
Et que de sa faveur Henri t'estime digne :

Je me promène seul sur la rive latine,
La France regrettant, et regrettant encor
Mes antiques amis, mon plus riche trésor,
Et le plaisant séjour de ma terre angevine.

Je regrette les bois, et les champs blondissants,
Les vignes, les jardins, et les prés verdissants
Que mon fleuve traverse : ici pour récompense

Ne voyant que l'orgueil de ces monceaux pierreux,
Où me tient attaché d'un espoir malheureux
Ce que possède moins celui qui plus y pense.

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Charles Baudelaire

Élévation

u-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,

Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde,
Tu sillonnes gaiement l'immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.

Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides ;
Va te purifier dans l'air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.

Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lumineux et sereins ;

Celui dont les pensers, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
- Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes !

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Si onques de pitié ton âme fut atteinte

Si onques de pitié ton âme fut atteinte,
Voyant indignement ton ami tourmenté,
Et si onques tes yeux ont expérimenté
Les poignants aiguillons d'une douleur non feinte,

Vois la mienne en ces vers sans artifice peinte,
Comme sans artifice est ma simplicité :
Et si pour moi tu n'es à pleurer incité,
Ne te ris pour le moins des soupirs de ma plainte.

Ainsi, mon cher Vineus, jamais ne puisses-tu
Eprouver les regrets qu'éprouve une vertu
Qui se voit défrauder du loyer de sa peine :

Ainsi l'oeil de ton roi favorable te soit,
Et ce qui des plus fins l'espérance déçoit,
N'abuse ta bonté d'une promesse vaine.

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Plus qu'aux bords Aetëans le brave fils d'Eson

Plus qu'aux bords Aetëans le brave fils d'Eson,
Qui par enchantement conquit la riche laine,
Des dents d'un vieux serpent ensemençant la plaine
N'engendra de soldats au champ de la toison,

Cette ville, qui fut en sa jeune saison
Un hydre de guerriers, se vit bravement pleine
De braves nourrissons, dont la gloire hautaine
A rempli du Soleil l'une et l'autre maison :

Mais qui finalement, ne se trouvant au monde
Hercule qui domptât semence tant féconde,
D'une horrible fureur l'un contre l'autre armés,

Se moissonnèrent tous par un soudain orage,
Renouvelant entre eux la fraternelle rage
Qui aveugla jadis les fiers soldats semés.

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Les Dents

Je les revois à des époques reculées
Ces merveilleuses dents, froides, immaculées,
Et qui se conservaient sans toilette ni fard
Dans la virginité blanche du nénufar.
Le fait est que ces dents étaient surnaturelles
À force de blancheur et de clarté cruelles,
Et que dans les recoins les plus fuligineux
Elles avaient encore un reflet lumineux
Comme un éclair lointain, la nuit, dans une plaine ;
Et puis, au frôlement continu d’une haleine
Qui musquait le soupir, la phrase et le baiser,
Elles passaient leur vie à s’aromatiser !
Joignant le plus souvent leurs mignonnes arcades,
Elles rendaient la voix grinçante par saccades
Avec je ne sais quoi d’humide et de siffleur.
Comme dans le calice embaumé de la fleur
On voit luire au matin des perles de rosée,
Ainsi dans cette bouche indolente et rosée
Elles m’apparaissaient, opale et diamant,
Dont mon œil emportait un éblouissement.
Oh ! quand, jolis bijoux des gencives si pures,
Ces petits os carrés, habiles aux coupures,
Plutôt faits pour trancher que pour mâcher, brillaient
Dans l’entre-bâillement des lèvres qui riaient,
Que de fois une envie inquiète et farouche
M’a pris de les humer aussi comme la bouche,
Et d’y faire dormir le chagrin qui me mord !
Ainsi que sur les dents d’une tête de mort,
J’imaginais déjà la rouille de la terre
Sur la mate pâleur de cet émail dentaire ;
Je voyais la mâchoire horrible ricanant
Dans une bière, et puis à la fin s’égrenant.
Elles perdaient parfois leur attitude étrange
Quand elles s’amusaient d’une écorce d’orange,
D’un brin d’herbe ou de fil, d’une paille, d’un fruit,
Ou quand elles faisaient craquer à petit bruit
Les amandes, les noix, les marrons, l’angélique,
Dans un grignotement de souris famélique.
En tout lieu, raffinant le meurtre et le dégât
Elles martyrisaient longuement le nougat,
Massacraient les gâteaux, et lentes et câlines
Se délectaient au goût vanillé des pralines.
Ces quenottes alors prenaient un air mutin
Et s’épanouissaient dans un rire enfantin.
Quand elles miroitaient sans montrer leurs gencives,
Elles étaient toujours funèbres et pensives,
Semblant me dire : « Avance ! » ou me dire : « Va-t’en ! »
Ou bien, dignes d’orner la bouche de Satan,
Comme en arrêt devant une pâture humaine,
Mon pauvre cœur peut-être ! Une couche de haine,
De sarcasme et d’horreur y venait adhérer
Quand elles se mettaient à me considérer,
Ces infernales dents, ces adorable niques
Qui se faisaient un jeu de paraître ironiques,
Dont le regard était morsure, et qui le soir
Avaient le froid sinistre et coupant du rasoir.

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Quiconque, mon Bailleul, fait longuement séjour

Quiconque, mon Bailleul, fait longuement séjour
Sous un ciel inconnu, et quiconques endure
D'aller de port en port cherchant son aventure,
Et peut vivre étranger dessous un autre jour :

Qui peut mettre en oubli de ses parents l'amour,
L'amour de sa maîtresse, et l'amour que nature
Nous fait porter au lieu de notre nourriture,
Et voyage toujours sans penser au retour :

Il est fils d'un rocher ou d'une ourse cruelle,
Et digne qui jadis ait sucé la mamelle
D'une tigre inhumaine : encor ne voit-on point

Que les fiers animaux en leurs forts ne retournent,
Et ceux qui parmi nous domestiques séjournent,
Toujours de la maison le doux désir les point.

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Ballade des nuages

Tantôt plats et stagnants comme des étangs morts,
On les voit s'étaler en flocons immobiles
Ou ramper dans l’azur ainsi que des remords ;
Tantôt comme un troupeau fuyard de bêtes viles,
Ils courent sur les bois, les ravins et les villes ;
Et l’arbre extasié tout près de s’assoupir,
Et les toits exhalant leur vaporeux soupir
Qui les rejoint dans une ascension ravie,
Regardent tour à tour voyager et croupir
Les nuages qui sont l’emblème de la vie.

Plafonds chers aux corbeaux diseurs de mauvais sorts,
Ils blessent l’œil de l’homme et des oiseaux serviles,
Mais les aigles hautains prennent de longs essors
Vers eux, les maëlstroms, les écueils et les îles
D’océans suspendus dans les hauteurs tranquilles.
Après que la rafale a cessé de glapir,
Ils reviennent, ayant pour berger le zéphyr
Qui les laisse rôder comme ils en ont envie,
Et l’aube ou le couchant se met à recrépir
Les nuages qui sont l’emblème de la vie.

Avec leurs gris, leurs bleus, leurs vermillons, leurs ors,
Ils figurent des sphinx, des monceaux de fossiles,
Des navires perdus, de magiques décors,
Et de grands moutons noirs et blancs, fiers et dociles,
Qui vaguent en broutant par des chemins faciles ;
Gros des orages sourds qui viennent s’y tapir,
Ils marchent lentement ou bien vont s’accroupir
Sur quelque montagne âpre et qu’on n’a pas gravie ;
Mais tout à coup le vent passe et fait déguerpir
Les nuages qui sont l’emblème de la vie.

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Si fruits, raisins et blés, et autres telles choses

Si fruits, raisins et blés, et autres telles choses,
Ont leur tronc, et leur cep, et leur semence aussi,
Et s'on voit au retour du printemps adouci
Naître de toutes parts violettes et roses :

Ni fruits, raisins, ni blés, ni fleurettes décloses
Sortiront, viateur, du corps qui gît ici :
Aulx, oignons, et porreaux, et ce qui fleure ainsi,
Auront ici dessous leurs semences encloses.

Toi donc, qui de l'encens et du baume n'as point,
Si du grand Jules tiers quelque regret te point,
Parfume son tombeau de telle odeur choisie :

Puisque son corps, qui fut jadis égal aux dieux,
Se soulait* paître ici de tels mets précieux,
Comme au ciel Jupiter se paît de l'ambroisie.

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Ô trois et quatre fois malheureuse la terre

Ô trois et quatre fois malheureuse la terre
Dont le prince ne voit que par les yeux d'autrui,
N'entend que par ceux-là qui répondent pour lui,
Aveugle, sourd et muet plus que n'est une pierre !

Tels sont ceux-là, Seigneur, qu'aujourd'hui l'on resserre
Oisifs dedans leur chambre, ainsi qu'en un étui,
Pour durer plus longtemps, et ne sentir l'ennui
Que sent leur pauvre peuple accablé de la guerre.

Ils se paissent enfants de trompes et canons,
De fifres, de tambours, d'enseignes, gonfanons,
Et de voir leur province aux ennemis en proie.

Tel était celui-là, qui du haut d'une tour,
Regardant ondoyer la flamme tout autour,
Pour se donner plaisir chantait le feu de Troie.

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La Mare aux grenouilles

Cette mare, l’hiver, devient inquiétante,
Elle s’étale au loin sous le ciel bas et gris,
Sorte de poix aqueuse, horrible et clapotante,
Où trempent les cheveux des saules rabougris.

La lande tout autour fourmille de crevasses,
L’herbe rare y languit dans des terrains mouvants,
D’étranges végétaux s’y convulsent, vivaces,
Sous le fouet invisible et féroce des vents ;

Les animaux transis, que la rafale assiège,
Y râlent sur des lits de fange et de verglas,
Et les corbeaux — milliers de points noirs sur la neige
Les effleurent du bec en croassant leur glas.

Mais la lande, l’été, comme une tôle ardente,
Rutile en ondoyant sous un tel brasier bleu,
Que l’arbre, la bergère et la bête rôdante
Aspirent dans l’air lourd des effluves de feu.

Pourtant, jamais la mare aux ajoncs fantastiques
Ne tarit. Vert miroir tout encadré de fleurs
Et d’un fourmillement de plantes aquatiques,
Elle est rasée alors par les merles siffleurs.

Aux saules, aux gazons que la chaleur tourmente,
Elle offre l’éventail de son humidité,
Et, riant à l’azur, — limpidité dormante,
Elle s’épanouit comme un lac enchanté.

Or, plus que les brebis, vaguant toutes fluettes
Dans la profondeur chaude et claire du lointain,
Plus que les papillons, fleurs aux ailes muettes,
Qui s’envolent dans l’air au lever du matin,

Plus que l’Eve des champs, fileuse de quenouilles,
Ce qui m’attire alors sur le vallon joyeux,
C’est que la grande mare est pleine de grenouilles,
— Bon petit peuple vert qui réjouit mes yeux.

Les unes : père, mère, enfant mâle et femelle,
Lasses de l’eau vaseuse à force de plongeons,
Par sauts précipités, grouillantes, pêle-mêle,
Friandes de soleil, s’élancent hors des joncs ;

Elles s’en vont au loin s’accroupir sur les pierres,
Sur les champignons plats, sur les bosses des troncs,
Et clignotent bientôt leurs petites paupières
Dans un nimbe endormeur et bleu de moucherons.

Émeraude vivante au sein des herbes rousses,
Chacune luit en paix sous le midi brûlant ;
Leur respiration a des lenteurs si douces
Qu’à peine on voit bouger leur petit goitre blanc.

Elles sont là, sans bruit rêvassant par centaines,
S’enivrant au soleil de leur sécurité ;
Un scarabée errant du bout de ses antennes
Fait tressaillir parfois leur immobilité.

La vipère et l’enfant — deux venins ! — sont pour elles
Un plus mortel danger que le pied lourd des bœufs :
A leur approche, avec des bonds de sauterelles,
Je les vois se ruer à leurs gîtes bourbeux ;

Les autres que sur l’herbe un bruit laisse éperdues,
Ou qui préfèrent l’onde au sol poudreux et dur,
A la surface, aux bords, les pattes étendues,
Inertes hument l’air, le soleil et l’azur.

Ces reptiles mignons qui sont, malgré leur forme,
Poissons dans les marais, et sur la terre oiseaux,
Sautillent à mes pieds, que j’erre ou que je dorme,
Sur le bord de l’étang troué par leurs museaux.

Je suis le familier de ces bêtes peureuses
A ce point que, sur l’herbe et dans l’eau, sans émoi,
Dans la saison du frai qui les rend langoureuses,
Elles viennent s’unir et s’aimer devant moi.

Et près d’elles, toujours, le mal qui me torture,
L’ennui, — sombre veilleur, — dans la mare s’endort ;
Et, ravi, je savoure une ode à la nature
Dans l’humble fixité de leurs yeux cerclés d’or.

Et tout rit : ce n’est plus le corbeau qui croasse
Son hymne sépulcral aux charognes d’hiver :
Sur la lande aujourd’hui la grenouille coasse,
— Bruit monotone et gai claquant sous le ciel clair.

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Le Solitaire

Le vieux qui, vert encore, approchait des cent ans,
Me dit : « Malgré l’soin d’mes enfants
Et les bontés d’mon voisinage,
J’suis seul, ayant perdu tous ceux qui s’raient d’mon âge.

Vous ? vot’ génération ? Ça s’balanc’ ! mais d’la mienne
Ya plus q’moi qui rest’ dans l’pays.
Ceux que j’croyais qui f’raient des anciens m’ont trahi :
I’ sont morts tout jeun’ à la peine.

Chaq’ maison qui n’boug pas, ell’ ! sous l’temps qui s’écoule,
M’rappelle un q’j’ai connu, laboureur ou berger,
À qui j’parl’ sans répons’, que je r’gard’ sans l’toucher ;
Au cimtièr’, j’les vois tous a la fois, comme un’ foule !

C’est pourquoi, quand j’y fais mon p’tit tour solitaire,
Souvent, j’pense, où que j’pos’ le pied,
Q’les morts sont là, tous à m’épier...

Et j’m’imagine, des instants,
Qu’i m’tir’ par les jamb’ ! mécontents
Que j’les ai pas encor rejoindus sous la terre.

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Les cieux extérieurs sont un poème que répète le ciel intérieur ; mais cette voix silencieuse ne peut être entendue que par ceux qui ont l'audace, le courage et la persévérance de marcher pas à pas sur la route illuminée.

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Je vis sourdre d'un roc une vive fontaine

Je vis sourdre d'un roc une vive fontaine,
Claire comme cristal aux rayons du soleil,
Et jaunissant au fond d'un sablon tout pareil
A celui que Pactol roule parmi la plaine.

Là semblait que nature et l'art eussent pris peine
D'assembler en un lieu tous les plaisirs de l'oeil :
Et là s'oyait un bruit incitant au sommeil,
De cent accords plus doux que ceux d'une sirène.

Les sièges et relais luisaient d'ivoire blanc,
Et cent nymphes autour se tenaient flanc à flanc,
Quand des monts plus prochains de faunes une suite

En effroyables cris sur le lieu s'assembla,
Qui de ses vilains pieds la belle onde troubla,
Mit les sièges par terre et les nymphes en fuite.

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Au fleuve de Loire

Ô de qui la vive course
Prend sa bienheureuse source,
D'une argentine fontaine,
Qui d'une fuite lointaine,
Te rends au sein fluctueux
De l'Océan monstrueux,
Loire, hausse ton chef ores
Bien haut, et bien haut encores,
Et jette ton oeil divin
Sur ce pays Angevin,
Le plus heureux et fertile,
Qu'autre où ton onde distille.
Bien d'autres Dieux que toi, Père,
Daignent aimer ce repaire,
A qui le Ciel fut donneur
De toute grâce et bonheur.
Cérès, lorsque vagabonde
Allait quérant par le monde
Sa fille, dont possesseur
Fut l'infernal ravisseur,
De ses pas sacrés toucha
Cette terre, et se coucha
Lasse sur ton vert rivage,
Qui lui donna doux breuvage.
Et celui-là, qui pour mère
Eut la cuisse de son père,
Le Dieu des Indes vainqueur
Arrosa de sa liqueur
Les monts, les vaux et campaignes
De ce terroir que tu baignes.
Regarde, mon Fleuve, aussi
Dedans ces forêts ici,
Qui leurs chevelures vives
Haussent autour de tes rives,
Les faunes aux pieds soudains,
Qui après biches et daims,
Et cerfs aux têtes ramées
Ont leurs forces animées.
Regarde tes Nymphes belles
A ces Demi-dieux rebelles,
Qui à grand'course les suivent,
Et si près d'elles arrivent,
Qu'elles sentent bien souvent
De leurs haleines le vent.
Je vois déjà hors d'haleine
Les pauvrettes, qui à peine
Pourront atteindre ton cours,
Si tu ne leur fais secours.
Combien (pour les secourir)
De fois t'a-t-on vu courir
Tout furieux en la plaine?
Trompant l'espoir et la peine
De l'avare laboureur,
Hélas! qui n'eut point d'horreur
Blesser du soc sacrilège
De tes Nymphes le collège,
Collège qui se récrée
Dessus ta rive sacrée.
Qui voudra donc loue et chante
Tout ce dont l'Inde se vante,
Sicile la fabuleuse,
Ou bien l'Arabie Heureuse.
Quant à moi, tant que ma Lyre
Voudra les chansons élire
Que je lui commanderai,
Mon Anjou je chanterai.
Ô mon Fleuve paternel,
Quand le dormir éternel
Fera tomber à l'envers
Celui qui chante ces vers,
Et que par les bras amis
Mon corps bien près sera mis
De quelque fontaine vive,
Non guère loin de ta rive,
Au moins sur ma froide cendre
Fais quelques larmes descendre,
Et sonne mon bruit fameux
A ton rivage écumeux.
N'oublie le nom de celle
Qui toutes beautés excelle,
Et ce qu'ai pour elle aussi
Chanté sur ce bord ici.

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Le départ

Traînant leurs pas après leurs pas
Le front pesant et le coeur las,
S'en vont, le soir, par la grand'route,
Les gens d'ici, buveurs de pluie,
Lécheurs de vent, fumeurs de brume.

Les gens d'ici n'ont rien de rien,
Rien devant eux
Que l'infini de la grand'route.

Chacun porte au bout d'une gaule,
Dans un mouchoir à carreaux bleus,
Chacun porte dans un mouchoir,
Changeant de main, changeant d'épaule,
Chacun porte
Le linge usé de son espoir.

Les gens s'en vont, les gens d'ici,
Par la grand'route à l'infini.

L'auberge est là, près du bois nu,
L'auberge est là de l'inconnu ;
Sur ses dalles, les rats trimballent
Et les souris.

L'auberge, au coin des bois moisis,
Grelotte, avec ses murs mangés,
Avec son toit comme une teigne,
Avec le bras de son enseigne
Qui tend au vent un os rongé.

Les gens d'ici sont gens de peur :
Ils font des croix sur leur malheur
Et tremblent ;
Les gens d'ici ont dans leur âme
Deux tisons noirs, mais point de flamme,
Deux tisons noirs en croix.

Les gens d'ici sont gens de peur ;
Et leurs autels n'ont plus de cierges
Et leur encens n'a plus d'odeur :
Seules, en des niches désertes,
Quelques roses tombent inertes
Autour d'un Christ en plâtre peint.

Les gens d'ici ont peur de l'ombre sur leurs champs,
De la lune sur leurs étangs,
D'un oiseau mort contre une porte ;
Les gens d'ici ont peur des gens.

Les gens d'ici sont malhabiles
La tête lente et les cerveaux débiles
Quoique tannés d'entêtement ;
Ils sont ladres, ils sont minimes
Et s'ils comptent c'est par centimes,
Péniblement, leur dénuement.

Avec leur chat, avec leur chien,
Avec l'oiseau dans une cage,
Avec, pour vivre, un seul moyen :
Boire son mal, taire sa rage ;
Les pieds usés, le coeur moisi,
Les gens d'ici,
Quittant leur gîte et leur pays,
S'en vont, ce soir, vers l'infini.

Les mères traînent à leurs jupes
Leur trousseau long d'enfants bêlants,
Trinqueballés, trinqueballants ;
Les yeux clignants des vieux s'occupent
A refixer, une dernière fois,
Leur coin de terre morne et grise,
Où mord l'averse, où mord la bise,
Où mord le froid.
Suivent les gars des bordes,
Les bras maigres comme des cordes,
Sans plus d'orgueil, sans même plus
Le moindre élan vers les temps révolus
Et le bonheur des autrefois,
Sans plus la force en leurs dix doigts
De se serrer en poings contre le sort
Et la colère de la mort.

Les gens des champs, les gens d'ici
Ont du malheur à l'infini.

Leurs brouettes et leurs charrettes
Trinqueballent aussi,
Cassant, depuis le jour levé,
Les os pointus du vieux pavé :
Quelques-unes, plus grêles que squelettes,
Entrechoquent des amulettes
A leurs brancards,
D'autres grincent, les ais criards,
Comme les seaux dans les citernes ;
D'autres portent de vieillottes lanternes.

Les chevaux las
Secouent, à chaque pas,
Le vieux lattis de leur carcasse ;
Le conducteur s'agite et se tracasse,
Comme quelqu'un qui serait fou,
Lançant parfois vers n'importe où,
Dans les espaces,
Une pierre lasse
Aux corbeaux noirs du sort qui passe.

Les gens d'ici
Ont du malheur - et sont soumis.

Et les troupeaux rêches et maigres,
Par les chemins râpés et par les sablons aigres,
Egalement sont les chassés,
Aux coups de fouet inépuisés
Des famines qui exterminent :
Moutons dont la fatigue à tout caillou ricoche,
Boeufs qui meuglent vers la mort proche,
Vaches lentes et lourdes
Aux pis vides comme des gourdes.

Ainsi s'en vont bêtes et gens d'ici,
Par le chemin de ronde
Qui fait dans la détresse et dans la nuit,
Immensément, le tour du monde,
Venant, dites, de quels lointains,
Par à travers les vieux destins,
Passant les bourgs et les bruyères,
Avec, pour seul repos, l'herbe des cimetières,
Allant, roulant, faisant des noeuds
De chemins noirs et tortueux,
Hiver, automne, été, printemps,
Toujours lassés, toujours partant
De l'infini pour l'infini.

Tandis qu'au loin, là-bas,
Sous les cieux lourds, fuligineux et gras,
Avec son front comme un Thabor,
Avec ses suçoirs noirs et ses rouges haleines
Hallucinant et attirant les gens des plaines,
C'est la ville que la nuit formidable éclaire,
La ville en plâtre, en stuc, en bois, en fer, en or,
- Tentaculaire.

poésie de Emile VerhaerenSignalez un problèmeDes citations similaires
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Les Vieilles Haies

Fauves, couvrant l’horreur, le mystère et l’ennui,
Tantôt pleines de jour, tantôt pleines de nuit,
De murmures et de silences ;
Hostiles au toucher comme des hérissons,
Elles sont là, mêlant à d’éternels frissons
D’interminables somnolences.

Elles ont l’attitude et la couleur des bois :
Aubépines, genêts, fougères, et parfois
Un panache de chèvrefeuille
Leur donnent une odeur suave à respirer ;
Leurs fruits ? c’est le hasard qui les fait prospérer,
Et c’est le merle qui les cueille.

Elles sont un écran pour le sentier poudreux,
Un abri pour le pâtre, et pour les amoureux
Le lieu des rendez-vous fidèles ;
Et quand l’ombre noircit la plaine et le ravin,
La nonne lavandière et le mauvais devin
Dialoguent à côté d’elles.

Tous les anciens buissons poussent dru, haut et droit,
Comme aussi, bien souvent, ils penchent, et l’on voit
Sous l’azur clair ou qui se fronce,
Au-dessus du ruisseau chuchoteur ou dormant,
La courbure agressive et l’échevèlement
Épouvantable de la ronce.

Rarement effleurés par les beaux papillons,
Ils sont le labyrinthe aimé des vieux grillons ;
Plus d’une cigale en tristesse
Y hasarde un son maigre et que l’âge a faussé ;
Grenouilles et crapauds visitent leur fossé,
Et la couleuvre est leur hôtesse.

Hélas ! dans ces fouillis qu’elle connaît si bien
Cette sournoise ourdit son muet va-et-vient
Que maint sifflement entrecoupe ;
Malheur au nid d’oiseau ! L’ogresse à pas tordus
Se hisse pour biber les œufs tout frais pondus
Dans la pauvre petite coupe.

À la longue, parfois, ces grands buissons affreux
Ont bu tous les venins que vont baver sur eux
L’aspic et la vipère noire :
Aussi, lorsque l’été réchauffeur des déserts
Promène au fond des trous, sur l’onde et dans les airs
Son invisible bassinoire,

La haie empoisonnée, après son long sommeil,
Étire ses rameaux qui s’enflent au soleil
Comme autant de bêtes squammeuses ;
Et contre les troupeaux sveltes et capricants
Elle se dresse, armée, avec tous ses piquants,
D’innombrables dents venimeuses.

Dans la pourpre de l’aube ou des soleils couchants,
Au bord des bois, des lacs, des vignes et des champs,
Des prés ou des châtaigneraies,
L’habitant du ravin, du val et des plateaux
Vénère à son insu ces sombres végétaux :
Car, à la fin, les vieilles haies,

À force d’avoir vu tant de piétons bourbeux,
D’ânes et de moutons, de vaches et de bœufs,
Ont, comme les très vieux visages,
Pris un air fantomal, prophétique, assoupi,
Qui sur le chemin neuf et le mur recrépi
Jette un reflet des anciens âges.

poésie de Maurice RollinatSignalez un problèmeDes citations similaires
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Tant que l'oiseau de Jupiter vola,

Tant que l'oiseau de Jupiter vola,
Portant le feu dont le ciel nous menace,
Le ciel n'eut peur de l'effroyable audace
Qui des Géants le courage affola :

Mais aussitôt que le Soleil brûla
L'aile qui trop se fit la terre basse,
La terre mit hors de sa lourde masse
L'antique horreur qui le droit viola.

Alors on vit la corneille germaine
Se déguisant feindre l'aigle romaine,
Et vers le ciel s'élever derechef

Ces braves monts autrefois mis en poudre,
Ne voyant plus voler dessus leur chef
Ce grand oiseau ministre de la foudre.

poésie de Joachim du BellaySignalez un problèmeDes citations similaires
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